Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 5 septembre 2023, point 11 de l'ordre du jour

Texte déposé

La Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique est entrée en vigueur le 1er avril 2018. Elle constitue l’accord international visant à combattre ce type de violations des droits humains le plus complet. Il s’étend aux champs d’action prévention de la violence, protection des victimes, poursuite pénale et approche globale et coordonnée (politiques intégrées).

 

La Suisse a signé la convention le 11 septembre 2013. Les Chambres fédérales ont voté l’adhésion le 16 juin 2017. La Suisse a émis quatre réserves dans le cadre de la ratification de la convention, dont une porte sur l’art. 59, statut de résident accordé aux migrantes et migrants victimes de la violence.

 

« Article 59 Statut de résident 

 

1 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour garantir que les victimes, dont le statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire, conformément à leur droit interne, se voient accorder, sur demande, dans l’éventualité de la dissolution du mariage ou de la relation, en cas de situations particulièrement difficiles, un permis de résidence autonome, indépendamment de la durée du mariage ou de la relation. Les conditions relatives à l’octroi et à la durée du permis de résidence autonome sont établies conformément au droit interne. 

 

 2 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes puissent obtenir la suspension des procédures d’expulsion initiées du fait que leur statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire, conformément à leur droit interne, pour leur permettre de demander un permis de résidence autonome.  

 

3 Les Parties délivrent un permis de résidence renouvelable aux victimes, dans l’une ou les deux situations suivantes :

a lorsque l’autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire au regard de leur situation personnelle; 

b lorsque l’autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire aux fins de leur coopération avec les autorités compétentes dans le cadre d’une enquête ou de procédures pénales.

 

 4 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes de mariages forcés amenées dans un autre pays aux fins de ce mariage, et qui perdent en conséquence leur statut de résident dans le pays où elles résident habituellement, puissent récupérer ce statut ».

 

En 2022, le Conseil fédéral a adopté le plan d’action national 2022-2026 pour la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Il n’a pas proposé aux Chambres fédérales de lever la réserve portant sur l’article 59.

 

Pourtant, dans la pratique actuelle, les exigences trop élevées ne permettent pas de garantir la protection des victimes et l’on constate une discrimination en fonction du statut.  Aujourd’hui encore, il est parfois difficile pour les femmes étrangères victimes de violences de conserver leur autorisation de séjour, les exigences érigées dans la pratique pour prouver les violences subies et leur intensité s’avérant souvent trop élevées. Par ailleurs, la réserve émise à l’article 59 de la Convention est regrettable en ce qu’elle ferme la porte à une extension de la protection des victimes prévue par l’art. 50 LEtr aux conjoint-e-s de personnes titulaires d’une autorisation de séjour (permis B), d’une autorisation de courte durée (permis L) ou d’une admission provisoire (permis F) qui n’ont dans le droit actuel qu’une possibilité de renouvellement de leur autorisation de séjour et non un droit et ce en application de l’art. 77 OASA. Il instaure une discrimination entre victimes en fonction de leur statut – ou de celui de leur conjoint –, ce qui semble contraire aux buts poursuivis par la Convention.  

 

En vertu de l’article 160, alinéa 1, de la Constitution fédérale, les cantons peuvent soumettre une initiative à l’Assemblée fédérale. Une telle initiative n’est pas limitée à la Constitution, mais peut porter sur tout objet de la compétence de l’Assemblée fédérale. Le canton peut soumettre à l’Assemblée fédérale soit un projet d’acte législatif, soit proposer l’élaboration d’un projet.

 

Les député-e-s soussigné-e-s demandent au canton de Vaud d’exercer son droit d’initiative cantonale auprès de l’Assemblée fédérale, en application de l’article 109, alinéa 2, de la Constitution vaudoise pour demander aux Chambres fédérales d’élaborer dans les meilleurs délais une proposition visant à la levée de la réserve relative à l’article 59 de la Convention d’Istanbul.


 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Yves PaccaudSOC
Yannick MauryVER
Claire Attinger DoepperSOC
Pierre ZwahlenVER
David RaedlerVER
Martine GerberVER
Théophile SchenkerVER
Géraldine DubuisVER
Laure JatonSOC
Valérie ZoncaVER
Vincent KellerEP
Elodie LopezEP
Yolanda Müller ChablozVER
Cendrine CachemailleSOC
Felix StürnerVER
Céline MisiegoEP
Marc VuilleumierEP
Muriel ThalmannSOC
Alice GenoudVER
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Alberto MocchiVER
Claude Nicole GrinVER
Vincent BonvinVER

Document

23_INI_4-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Joëlle Minacci (EP) —

Cette initiative, déposée au nom du groupe Ensemble à gauche et POP, demande au canton de Vaud d’exercer son droit d’initiative cantonale auprès de l’Assemblée fédérale pour demander aux Chambres fédérales d’élaborer une proposition visant à la levée de la réserve relative à l’article 59 de la Convention d’Istanbul. Cette Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique est entrée en vigueur le 1er avril 2018. Elle constitue l’accord international le plus complet visant à combattre ce type de violation des droits humains. La Suisse a signé la convention le 11 septembre 2013 et les Chambres fédérales ont voté l’adhésion le 16 juin 2017. La Suisse a toutefois émis quatre réserves dans le cadre de la ratification de la convention, dont l’une porte sur l’article 59 et le statut de résident accordé aux migrantes et migrants victimes de violence. Il faut savoir que sur 18 pays ayant ratifié la Convention, trois pays, dont la Suisse, ont émis une réserve concernant cet article.

Dans la pratique actuelle, les exigences trop élevées ne permettent pas de garantir la protection des victimes et l’on constate une discrimination en fonction du statut. Aujourd’hui encore, il est parfois difficile pour les femmes étrangères victimes de violences de conserver leur autorisation de séjour, les exigences érigées dans la pratique pour prouver les violences subies et leur intensité s’avérant souvent trop élevées. Par ailleurs, la réserve émise à l’article 59 de la Convention est regrettable dans la mesure où elle ferme la porte à une extension de la protection des victimes prévue par la Loi sur les étrangers (LEtr) aux conjoints et conjointes de personnes titulaires d’une autorisation de séjour – permis B, d’une autorisation de courte durée – permis L, ou d’une admission provisoire – permis F – qui dans le droit actuel ne disposent que d’une possibilité de renouvellement de leur autorisation de séjour, et non d’un droit. Cela instaure une discrimination entre les victimes en fonction de leur statut, ce qui semble contraire au but poursuivi par la Convention. Le groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), dans son rapport sur la Suisse, relève des inégalités évidentes liées à cette réserve et, de surcroît, des pratiques disparates entre les cantons.

En 2022, le Conseil fédéral a adopté le plan d’action national 2022-2026 pour la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sans proposer aux Chambres fédérales de lever la réserve portant sur l’article 59. Pour nous, cette situation d’inégalité criante envers les personnes étrangères n’est pas acceptable. Toute personne victime de violence doit être protégée, quel que soit son statut de séjour. C’est la raison pour laquelle, au nom du groupe Ensemble à gauche et POP, je me permets de demander au canton d’exercer son droit d’initiative cantonale auprès de l’Assemblée fédérale pour élaborer une proposition visant à la levée de la réserve relative à l’article 59 de la Convention d’Istanbul.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’initiative, cosignée par au moins 20 membres, est renvoyée à l’examen d’une commission.

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