Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 6 juin 2023, point 12 de l'ordre du jour

Texte déposé

En 2021, un total de 1477 infractions liées à la violation de l’intégrité sexuelle (agressions sexuelles et

viols) a été enregistré par la police en Suisse (OFSP, 2021). Cependant, le nombre de consultations des centres d’aide aux victimes en cas de violation de l’intégrité sexuelle est nettement plus élevé, soit 5579 consultations pour la seule année 2021 (OFSP, 2021). Cela signifie donc que de nombreux cas n’ont pas été signalés à la police. Il s'agit là du chiffre noir, à savoir le nombre de victimes qui ne portent pas plainte.

 

Les causes sont multiples : lenteur du système judiciaire, lois obsolètes, honte à dévoiler des expériences intimes, peur des représailles, peur d'être jugée... Mais il y a lieu d'examiner aussi si le parcours de la victime lors du dépôt de plainte et du recueil des preuves médico-légal est le plus adéquat et simple possible. Quel environnement est mis en place pour mettre cette personne à l'aise dans un moment d'extrême vulnérabilité ? Car malheureusement on nous rapporte encore des mauvaises expériences lors du dépôt de plainte tel que le questionnement de l'habillement de la victime aux moments des faits, l'incrédulité lorsque une femme veut dénoncer un viol de son conjoint, entre autres exemples...

 

Lorsqu'une personne subit une agression sexuelle, le parcours qu'elle doit effectuer est plus que pénible. Se rendre à la police, puis à l’hôpital ou dans l'autre sens. Multiplier les personnes interlocutrices, donc multiplier le récit des faits. Ne pas avoir de personnel formé disponible immédiatement. Que des embuches à une prise en charge appropriée à la victime, pour qu'elle puisse se sentir en confiance et favoriser le plus possible le dépôt de plainte.

 

Pour prendre un exemple qui semble répondre à ces problèmes, prenons l'exemple de la Belgique, qui a mit en place des Centre pour les victimes de violences sexuelles, les CPVS. Toute personne qui a été confrontée à une agression sexuelle ou à un viol peut se rendre dans un de ces centres 24/24 et 7 jours sur 7. Elle y recevra les soins nécessaires, un examen médico-légal sera pratiqué, un suivi psychologique sera mis en place et la victime pourra même porter plainte. Tout ça à un seul endroit. Imaginez la simplicité de ce processus par rapport à la situation actuelle. Il s'agit d'une réelle plus-value pour le confort de la victime. En effet, comme évoqué plus haut, la multiplication des lieux de prise en charge et des personnes intervenantes rendent ce processus pénible et compliqué, ce qui constitue certainement un frein pour les victimes et un découragement de mener le processus à jusqu'au bout, c'est à dire au dépôt de plainte.

 

Ce type de centre existe depuis 2017 en Belgique et le bilan est plus que positif, le nombre moyen de prise en charge des victimes ne cessant d'augmenter. Mais le chiffre le plus emblématique est que 2/3 des victimes passant par un CPVS portent plainte, 6 fois plus que par le schéma classique. De quoi réduire fortement ce fameux chiffre noir expliqué plus haut.

 

Nous pouvons agir ! Pour permettre aux victimes d'avoir le courage de dénoncer ces agressions horribles et se rapprocher ainsi un peu plus de la fin de l'impunité pour les auteur de viols.

 

Dès lors ce postulat demande de mettre en place de centre de prise en charge pour les victimes de violences sexuelles, comprenant une prise en charge médicale, psychologique et policière dans un lieu unique.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Sébastien CalaSOC
Julien EggenbergerSOC
Delphine ProbstSOC
Stéphane BaletSOC
Philippe VuilleminPLR
Taraneh AminianEP
Blaise VionnetV'L
Jérôme ChristenLIBRE
Claude Nicole GrinVER
Jean-Louis RadiceV'L
Cloé PointetV'L
Pierre-André RomanensPLR
Cendrine CachemailleSOC
Carine CarvalhoSOC
Alexandre DémétriadèsSOC
Vincent KellerEP
Yves PaccaudSOC
Isabelle FreymondSOC
Léonard Studer
Cédric EchenardSOC
Didier LohriVER
Elodie LopezEP
Marc VuilleumierEP
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Yannick MauryVER
Claire Attinger DoepperSOC
Muriel ThalmannSOC
Philippe CornamusazPLR

Documents

RC - 22_POS_34

22_POS_34-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) — Rapporteur-trice

La commission s’est réunie le 7 novembre 2022, en présence de Mme la conseillère d’Etat, Rebecca Ruiz, et de Mme Joëlle de Claparède, cheffe de projet-Coordinatrice LAVI - Pôle Prévention et solidarités Département de la santé et de l’action sociale. Mme Sophie Métraux a tenu les notes de séance. Qu’elle soit ici remerciée pour la qualité et la rapidité de la remise des notes de séances.

Le postulat demande la mise en place d’un centre pluridisciplinaire de prise en charge des victimes de violences sexuelles comprenant une prise en charge médicale, psychologique et policière, dans un lieu unique. Le nombre d’infractions liées à la violation de l’intégrité sexuelle enregistré par la police en Suisse est de 1477. Cependant, le nombre de consultations des centres d’aide aux victimes s’élève à 5579 pour l’année 2021. Cela signifie que de nombreux cas ne sont pas dénoncés à la police. C’est ce qui s’appelle le « chiffre noir ». En Suisse, ce dernier est donc de 4102 agresseuses et agresseurs non identifiés ou n’apparaissant pas dans des dossiers criminels. Il est important de les identifier afin qu’ils répondent de leurs actes et pour éviter que de potentiels multi récidivistes restent en liberté.

Le type de centre pluridisciplinaire que souhaite le postulat existe en Belgique sous forme de Centre pour les victimes de violences sexuelles. Lorsqu’une personne est confrontée à une agression sexuelle, elle peut se rendre dans un centre ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et y recevoir les soins nécessaires, un examen médico-légal et un suivi psychologique. Il y a également la possibilité de porter plainte sur place. Un accompagnement pour ramener la victime à son domicile est aussi disponible. Un des chiffres les plus emblématiques de la mise en place de ces centres est que les deux tiers des victimes qui y passent portent plainte ; c’est six fois plus qu’avant l’entrée en vigueur de ces centres. Ce type de centre aide donc à réduire le chiffre noir.

Dans le canton de Vaud, le dispositif d’aide médicale d’urgence a été revu dans la foulée d’un postulat déposé par Mme Sonya Butera. Actuellement, ce dispositif est présent dans tous les hôpitaux de soins aigus du canton.

Le dispositif belge est de 7 centres pour 1,6 million d’habitants. Mis en place en 2017, les centres en Belgique ont permis de réduire le chiffre noir. Le dispositif vaudois compte 1 centre pour 140’000 personnes, ce qui répond aux chiffres minimaux inscrits dans la Convention d’Istanbul qui prévoit 1 centre pour 200’000 personnes.

Concernant le dépôt de plainte, il importe de souligner qu’il s’agit d’une question éminemment individuelle et très délicate. De nombreux facteurs entrent en jeu dans la réflexion sur le dépôt d’une plainte. Les centres LAVI indiquent que face à des violences intrafamiliales, le plus souvent, il n’y a malheureusement pas de dépôt de plainte. La plainte doit être faite auprès de la police. La police de Lausanne est dotée depuis peu d’une unité spécialisée pour améliorer la prise en charge des victimes de violences sexuelles. La Police cantonale s’y intéresse et évaluera ce dispositif.

A une question sur l’opportunité d’intégrer le Ministère public (MP) dans la prise en charge multidisciplinaire actuelle, la conseillère d’Etat estime qu’une avocate ou un avocat signifie un processus souvent éprouvant. Pour une victime, le temps de la réflexion sur la suite à donner, afin de bien savoir dans quoi elle se lance, est nécessaire.

La commission recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat à l’unanimité des membres présents et de le renvoyer au Conseil d’Etat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Céline Misiego (EP) —

Notre collègue Byrne Garelli nous a parlé du chiffre noir, il s’agit du nombre de victimes qui ne portent pas plainte. Pour l’année 2021, il s’agit de plus de 4000 cas. Il y a beaucoup de raisons à ne pas porter plainte, mais si on s’intéresse au parcours d’une victime lors d’un dépôt de plainte, il y en a une qui saute aux yeux : lorsqu’une personne subit une agression sexuelle, le parcours qu’elle doit effectuer est plus que pénible. Imaginez, dans l’état dans lequel vous êtes après vous être fait agresser sexuellement, devoir faire tout cela : se rendre à la police, puis à l’hôpital – ou dans l’autre sens – multiplier les personnes à qui vous avez à faire, donc multiplier le récit des faits, ne pas avoir de personnel formé disponible immédiatement… Cela paraît être un enfer vu d’ici, et c’est bien ce que nous décrivent les personnes qui ont dû faire tout cela.

Il paraît donc opportun de proposer une prise en charge appropriée à la victime pour qu’elle puisse se sentir en confiance et favoriser, le plus possible, le dépôt de plainte. C’est la raison pour laquelle ce postulat propose de prendre exemple sur la Belgique qui a mis en place des centres pour les victimes de violences sexuelles (CPVS). Toute personne qui a été confrontée à une agression sexuelle ou un viol peut se rendre dans un de ces centres – 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 – elle y recevra les soins nécessaires, un examen médicolégal sera pratiqué, un suivi psychologique sera mis en place et la victime pourra même porter plainte, tout cela dans un seul endroit. Imaginez la simplicité de ce processus par rapport à celui que j’ai décrit plus haut. Ce type de centre existe depuis 2017 en Belgique, et le bilan est plus que positif, le nombre moyen de prises en charge des victimes ne cessant d’augmenter. Le chiffre le plus emblématique est que les deux tiers des victimes passant par un CPVS portent plainte, c’est-à-dire six fois plus que dans le schéma classique et cela devrait permettre de réduire fortement ce fameux chiffre noir expliqué auparavant. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne d’ailleurs la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire la plus rapide possible et recommande des centres identiques à ceux mis en place en Belgique. Les chances de guérison des victimes de violences sexuelles ayant bénéficié rapidement d’une prise en charge multidisciplinaire sont meilleures, selon l’OMS. Elles récupèrent plus vite et le risque de nouvelles infractions diminue. Il s’agit donc d’une réelle amélioration pour le confort des victimes qui leur permettra de se reconstruire plus vite et peut-être d’avoir la force de dénoncer ces agressions horribles et de se rapprocher ainsi un peu plus de la fin de l’impunité pour les auteurs de viol.

Mettre en place des CPVS démontrera l’engagement de notre société à lutter contre les violences sexuelles, à promouvoir la justice et à garantir un soutien adéquat aux victimes. En investissant dans ces centres, nous faisons un pas important vers une société plus sûre, équitable et respectueuse de la dignité de chaque individu.

Mme Thanh-My Tran-Nhu (SOC) —

Le groupe socialiste soutiendra le renvoi au Conseil d’Etat du postulat déposé par la députée Céline Misiego. Je remercie vivement cette dernière pour son texte. Dans ma pratique d’avocate, je rencontre malheureusement trop souvent des femmes sous l’emprise de leur conjoint et qui n’osent pas le dénoncer ou déposer plainte pour les violences qu’elles subissent. Une fois qu’elles ont pris leur courage à deux mains, on pourrait être dans l’espoir que la situation s’améliore pour elles. Or, c’est sans compter sur le système actuel de prise en charge. Si l’on peut saluer les avancées réalisées dans le canton, notamment avec le dispositif d’aide médicale d’urgence, la coordination entre les divers intervenants – la police, la LAVI, le Ministère public et les avocates et avocats – doit être améliorée. Ainsi, la prise en considération de ce postulat permettra d’élaborer des pistes allant dans ce sens.

Même si je comprends une certaine volonté de vouloir encourager les dépôts de plaintes pénales des victimes, je reste tout de même convaincue que l’accent doit être mis sur la prise en charge de celles-ci. Entre le moment où une personne est victime de violences sexuelles et le moment où l’auteur est condamné – pour autant qu’il le soit – la victime a un très long chemin à parcourir et doit réciter plusieurs fois son vécu, ce qui est très lourd et difficile à surmonter. Le dépôt d’une plainte ne signifie pas forcément que la victime se sentira mieux – quand on connaît notre système judiciaire – et si, en fin de compte, elle n’obtient pas gain de cause, les conséquences peuvent être désastreuses. La procédure pénale n’est pas le centre névralgique de la prise en charge des victimes, c’est bien dans l’encadrement, l’accompagnement, l’écoute et le conseil que notre société a le plus à amener pour atténuer les souffrances endurées. Il s’agit donc également de protéger et d’aider les victimes qui ne souhaitent pas porter plainte et de garder à l’esprit que tous les auteurs ne sont pas condamnés. Le soutien doit intervenir, peu importe l’existence ou non d’une procédure pénale ou l’issue de celle-ci. Je vous invite à soutenir ce postulat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.
Le Grand Conseil prend le postulat en considération à l’unanimité.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :