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Opérer un retour gagnant à l’école à 35 ans

Paulo Oliveira (ici sur un chantier) est sur le point d’obtenir son CFC d’installateur-électricien au terme d’une formation scolaire qu’il a choisi de suivre pour mettre toutes les chances de son côté. Chantal Dervey

Au bénéfice de plusieurs années d’expérience, un adulte peut obtenir une qualification professionnelle. En témoigne Paulo Oliveira, installateur-électricien.

Né à Paris, Paulo Oliveira y a vécu jusqu’à l’âge de 19 ans avant de déménager dans son pays d’origine. «Mon père était employé dans une entreprise de construction française qui a inauguré un chantier autoroutier au Portugal. J’avais le choix entre rester en France et me débrouiller tout seul ou partir avec mes parents. » Le jeune homme n’avait pas terminé sa formation en comptabilité-gestion. «Ce n’était pas un choix personnel et je manquais d’assiduité. Je n’ai pas obtenu mon bac pro. À cet âge, on ne se rend pas compte des enjeux», confie-t-il. Au Portugal, le jeune homme obtient un emploi d’aide-électricien dans l’entreprise où travaille son père, et y reste cinq ans en acquérant ses compétences sur le terrain, en observant ses collègues. Le chantier autoroutier achevé, Paulo Oliveira rentre en France avec sa jeune épouse. Il décroche un poste d’électro-mécanicien qui l’amène à déménager d’un bout à l’autre de l’Hexagone, au gré des chantiers où il installe les machines pour les maçons. «J’avais un bon salaire et des indemnités de déplacement mais tous ces déménagements ont fini par me peser. Nous n’avions pas de vie sociale, pas d’amis et je souhaitais offrir de la stabilité à notre fils qui venait de commencer l’école.»

Tout reprendre de zéro
Paulo Oliveira réfléchit néanmoins à un nouveau départ, cette fois dans notre pays où son beau-frère est installé. «J’ai rapidement trouvé du travail comme installateur-électricien en Suisse. Les méthodes de travail, les normes, tout est différent ici. Malgré mon expérience dans le domaine, j’ai dû tout reprendre de zéro.»
Employé dans une petite entreprise d’une dizaine de personnes, il occupe un poste temporaire: «Je devais me qualifier pour obtenir un emploi fixe, mais je ne pouvais pas me permettre de suivre un apprentissage ordinaire et de perdre mon salaire.» Il s’intéresse alors à l’article 32 de la loi sur la formation professionnelle qui réglemente la certification des adultes, et envisage de se lancer dans la démarche afin d’obtenir un diplôme valorisé sur le marché du travail suisse. «Le métier d’installateur-électricien est très exigeant, et la théorie me manquait. J’ai décidé de suivre les cours pour mettre toutes les chances de mon côté.» Son patron est prêt à lui accorder son plein salaire pour une activité à 80%, afin qu’il puisse suivre les cours professionnels un jour par semaine. «Grâce à mon parcours, raconte Paulo Oliveira, j’ai pu commencer directement en deuxième année et suivre trois ans de cours au lieu des quatre réglementaires. Son quotidien se complique très vite: «Les frais de crèche étant trop lourds à assumer, mon épouse est restée à la maison pour s’occuper des enfants. Nous avons trouvé de la stabilité en Suisse, mais nous avons perdu en aisance.» Si l’appui des proches est un facteur essentiel de réussite, les candidats au CFC par l’article 32 doivent être prêts à faire des sacrifices financiers, même si certains cantons, à l’instar du canton de Vaud, participent au financement partiel de la formation.

Sur tous les fronts
Il faut aussi trouver de la disponibilité pour réviser. Après sa journée de travail et les moments consacrés à sa famille, Paulo Oliveira peut enfin se mettre à ses cours: «Quand je rentre à la maison, il y a toujours quelque chose à faire. Avec deux enfants de 11 ans et 2 ans, ça oblige à trouver des solutions. Je peux difficilement commencer à étudier avant 21 heures.» Autre contrainte: absent de son lieu de travail un jour par semaine pour les cours, Paulo Oliveira doit mettre les bouchées doubles les autres jours. «Il faut être sur tous les fronts. Le plus difficile est de concilier vies personnelle, professionnelle, scolaire et sociale», relate le futur installateur-électricien qualifié. «Le jeu en vaut néanmoins la chandelle», se réjouit-il, car l’obtention d’un diplôme procure à son titulaire une reconnaissance professionnelle et personnelle, ainsi que la sécurité sur le marché de l’emploi.

Corinne Giroud
Office cantonal d’orientation scolaire et professionnelle - Vaud

Publié dans le 24 heures du 13 mai 2021

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