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Un ancien élève en difficulté devient formateur d’adultes en reconversion

Engagé dans le domaine socioprofessionnel, Ratheepan Pulendirarajah accompagne des adultes devant changer de métier pour des raisons de santé. CHANTAL DERVEY

Portrait d’un futur maître socioprofessionnel dont le parcours illustre la diversité du système de formation.

Enfant de la vallée de Joux, Ratheepan Pulendirarajah y a suivi toute sa scolarité et son apprentissage d’horloger. Aujourd’hui arrivé aux deux tiers de la formation de maître socioprofessionnel (MSP) et employé dans une institution de formation et d’intégration spécialisée, il veille avec trois collègues à la formation de futurs opérateurs ou opératrices en horlogerie.
Les bénéficiaires de l’Orif (Organisation romande pour l’intégration et la formation professionnelle) sont pour la majorité des adultes en reconversion professionnelle après un problème de santé. Ce sont également, dans une moindre mesure, des personnes souffrant de difficultés psychiques, de troubles de l’apprentissage ou de la personnalité. L’objectif de l’institution est de leur donner les moyens d’acquérir une formation certifiante dans un métier adapté aux difficultés spécifiques rencontrées. «L’encadrement social les aide à reprendre confiance, souligne Ratheepan Pulendirarajah. Les bénéficiaires ont besoin d’encouragement et d’accompagnement pour faire le deuil de leur ancien métier.»

Parcours par étapes
Les jeunes présentent parfois des troubles du comportement qu’il faut savoir gérer au quotidien. «Il y a moins de pression chez nous qu’en entreprise, mais l’objectif de l’institution est bien de donner aux bénéficiaires une formation reconnue leur permettant d’accéder au marché du travail. Notre atelier a récemment accueilli une boulangère passionnée par son métier qui a malheureusement développé une allergie à la farine. Elle avait connu un parcours scolaire difficile et envisageait avec appréhension de devoir suivre une nouvelle formation.» Ce sont des situations fréquentes qui ne laissent pas indifférent Ratheepan Pulendirarajah, ancien élève en difficulté: «J’ai moi-même un parcours dont je parle volontiers à nos bénéficiaires quand cela peut leur redonner confiance. Arrivé de l’étranger tout petit avec ma famille, j’ai dû faire ma place avec mon drôle de nom et ma couleur de peau différente.»
Il se remémore ses années d’enfance où l’école ne lui a pas laissé que des bons souvenirs. «J’ai dû m’accrocher. De la voie secondaire à options (aujourd’hui VG, voie générale, niveau 1), je suis passé par l’Opti (aujourd’hui École de la transition) avant de trouver ma voie et reprendre confiance en moi.»
Son insertion professionnelle s’est déroulée par étapes, tirant parti de la souplesse du système de formation suisse. C’est une évaluation d’un stage en mécanique qui a été un premier pas vers le succès. «Mon maître de stage m’a trouvé si minutieux et précis qu’il m’a conseillé de me former plutôt dans l’horlogerie, ce que j’ai fait en commençant par l’apprentissage en deux ans d’opérateur en horlogerie, pour assurer les bases.»
Boosté par ses excellents résultats, il a ensuite enchaîné avec le certificat fédéral de capacité d’horloger de production, complété par une formation d’un an dans les méthodes industrielles, en parallèle à un emploi dans une entreprise combière.

Savoir rebondir
Un accident de sport a réorienté le parcours professionnel de Ratheepan Pulendirarajah. Gravement blessé à une épaule lors d’un match de handball, le jeune horloger a dû envisager une reconversion qui l’a conduit, via la Suva et l’AI, à l’Orif pour effectuer un stage en dessin industriel. «La position typique de l’horloger pendant des heures à l’établi ne m’était plus possible. Je ne pouvais plus répondre aux exigences de la production en entreprise.»
C’est au cours de ce stage qu’il a appris l’existence, dans l’institution, d’un atelier consacré à la formation horlogère. «Côtoyer des personnes en difficulté m’a donné le goût du social, raconte Ratheepan Pulendirarajah. J’ai eu la chance de commencer à l’Orif, comme formateur. J’ai suivi depuis le cours de formateur en entreprise, puis la formation d’expert aux examens, et maintenant la formation de maître socioprofessionnel.»
Au quotidien, Ratheepan Pulendirarajah suit les bénéficiaires dans leur apprentissage pratique du métier d’horloger, explique les attentes, effectue les gestes, montre les détails, donne des cours d’appui sur la théorie professionnelle de son métier. «En première année de ma formation de MSP, j’étais plus jeune que les bénéficiaires que je suivais! J’ai dû apprendre à négocier. Je les écoute d’abord, mais ensuite on travaille.» Une fois son diplôme en poche, le jeune formateur succédera à l’un de ses collègues sur le point de partir à la retraite. «J’ai plusieurs projets en tête, notamment mettre en place de nouveaux outils de travail et proposer d’autres formations horlogères.»

Corinne Giroud

Office cantonal d’orientation scolaire et professionnelle - Vaud

Publié dans le 24Heures du 27 août 2020

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