Préparatifs en vue d’une évolution de la maturité gymnasiale

L’École de maturité conduisant à la maturité gymnasiale accueille, à la rentrée 2019, quelque 8900 jeunes Vaudois·e·s. Au plan national, un jeune sur cinq âgé de 25 ans (21,2%) a décroché une maturité gymnasiale (chiffres de 2016) 1. Le taux vaudois s’établit à 29,7%. Après Genève, Bâle-Ville et le Tessin, Vaud figure au 4e rang des cantons présentant les taux de maturité gymnasiale les plus élevés. Cet indicateur n’inclut pas les maturités professionnelles ou spécialisées, que toujours davantage de jeunes (de 13% à 25% selon les cantons, 15% pour Vaud) obtiennent après avoir décroché, respectivement, un CFC ou un Certificat de l’École de culture générale à l’issue d’une formation initiale.

Le cadre réglementaire de la maturité gymnasiale est national. La première ordonnance fédérale sur la reconnaissance de la maturité date de 1906. Sa dernière grande révision remonte à 1995. Le Plan d’études cadre, qui date de 1994, a perdu de sa pertinence et sa portée est limitée. Depuis 2006, la majorité des cantons ont ainsi déjà procédé à une révision de leurs propres plans d’études qui déclinent ce cadre général. Depuis une vingtaine d’années, la question se pose régulièrement: la maturité gymnasiale répond-elle encore aux enjeux contemporains de formation ainsi qu’aux attentes du niveau tertiaire universitaire? L’évolution du contexte scolaire et de la société – la part des 30-34 ans titulaires d’un diplôme tertiaire augmente vite (41,6% en 2016) – pousse à ce questionnement.

L’enjeu est crucial dès lors que les deux textes de référence de la maturité gymnasiale – l’Ordonnance et le Règlement sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale (ORM et RRM) – font de ce titre le sésame pour entrer à l’université. En 2011, puis en 2015 et encore cette année, les autorités nationales compétentes ont souligné, dans des déclarations communes, que leurs politiques visant un espace national de formation poursuit précisément cet objectif : garantir à long terme l’accès, sans examen, à l’université à tou·te·s les détenteur·trice·s d’une maturité gymnasiale.

Bilan des forces et des faiblesses de la maturité gymnasiale

En 2018, le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) et la Conférence suisse des directeurs de l’instruction publique (CDIP) ont donc chargé un groupe de pilotage d’établir le bilan des forces et des faiblesses des textes de la maturité gymnasiale. Son rapport (avril 2019) ouvre la voie à une deuxième étape. Une première consultation restreinte a eu lieu juste avant l’été ; elle donnera des indications sur l'acceptabilité de ces recommandations. En automne 2019, les cantons seront saisis de propositions concrètes pour faire évoluer la maturité gymnasiale. Le débat public gagnera alors en visibilité et en intensité. 

Le groupe de pilotage dresse un tableau positif de la maturité gymnasiale. Toutefois, il préconise quelques changements rendus nécessaires par l’évolution rapide de la société. Ses recommandations portent sur cinq domaines d’action : 

1. Réécrire les textes réglementaires (ORM et RRM). Plusieurs objectifs sont jugés souhaitables : alléger le panel des branches proposées, mieux pondérer les domaines d’études, faire évoluer la structure du cursus en distinguant deux phases d’apprentissage (fondamentale et approfondissement), fixer des critères de réussite adaptés. L’autre changement structurel préconisé est l’harmonisation de la durée de la filière gymnasiale. Le modèle dominant est de quatre années organisées selon des modalités variables. Seuls quatre cantons – Vaud, Neuchâtel, Jura et Berne pour ses élèves francophones – organisent encore le gymnase en trois ans, la dernière année de l’école obligatoire en voie prégymnasiale étant considérée comme une préparation à l’École de maturité.

2. Refondre le Plan d’études cadre. L’objectif à viser serait d’évoluer vers des exigences comparables pour toutes les branches. Et de renforcer les compétences transversales et l’apprentissage interdisciplinaire, mais aussi l’éducation au développement durable, l’éducation à la citoyenneté, la maîtrise de la numérisation ainsi que les échanges linguistiques et la mobilité.

3. Mettre en œuvre une assurance qualité. Cela supposerait, notamment, la clarification souhaitable des responsabilités des divers intervenants.

4. Promouvoir une nouvelle culture de l’apprentissage et de l’évaluation. Un développement de la formation initiale et continue du corps enseignant serait nécessaire, avec un effort sur la transmission des compétences transversales et l’apprentissage interdisciplinaire, ainsi que sur l’usage judicieux des possibilités de la numérisation. Le groupe de pilotage souligne aussi la nécessité d’instaurer une culture de l’évaluation des résultats des élèves entre cantons.

5. Apporter des réponses à l’enjeu de l’égalité des chances. S’appuyant sur le rapport 2018 « L’éducation en Suisse », le groupe de pilotage relève que la probabilité d’entrer au gymnase dépend encore fortement du milieu socio-économique : « Les jeunes très talentueux, mais d’origine modeste, ont environ deux fois moins de chances d’entrer au gymnase que des jeunes doués de talents équivalents, mais issus d’un milieu privilégié. » Il rappelle que la décision de s’orienter vers une formation gymnasiale doit être prise tôt, en Suisse, par rapport aux autres pays européens (c’est le cas dans notre canton). Or, souligne le groupe de pilotage, une sélection précoce dans le parcours scolaire du secondaire I ne fait que renforcer les inégalités sociales en termes de réussite et d’opportunités éducatives.

Enjeux pour le canton de Vaud

La tendance vers davantage d’interdisciplinarité et de transversalité dans les enseignements, et vers la comparaison des résultats est un enjeu de taille. Si les recommandations du groupe de pilotage trouvaient des validations au niveau national, leur mise en œuvre imposerait un grand effort d’adaptation dans notre canton, à tous les niveaux. Une période de transition importante serait nécessaire. 

Les résultats de la consultation menée par la CDIP seront connus à la fin de l'été, puis les priorités nationales seront fixées. Si cette consultation devait mener à une révision des textes de référence de la maturité gymnasiale introduisant des changements structurels du cursus, l’enjeu primordial pour Vaud résiderait sans doute dans l’harmonisation de la durée de l’École de maturité à quatre ans.

Depuis quelques années, le régime du gymnase en trois ans est l’objet de critiques régulières de la part de certains acteurs nationaux de la formation. Le rapport EVAMAR II, qui a comparé les résultats des gymnasiens suisses, a établi déjà en 2008 que les élèves ayant suivi un cursus de quatre ans dans un gymnase obtenaient, en général, de meilleurs résultats que les élèves ayant suivi un enseignement prégymnasial la dernière année de l’école obligatoire. Imposer le gymnase en quatre ans pour tous a déjà fait l’objet en 2012 d'un projet de la CDIP, mais la démarche était restée lettre morte. Aujourd’hui, la pression nationale dans ce sens augmente. 

Le Conseil d’État est informé des conclusions du groupe de pilotage. Le DFJC a ouvert une réflexion approfondie sur les différentes formes que pourrait prendre l’évolution du cadre national de la maturité gymnasiale. Une attention particulière est portée à l’éventualité de devoir passer à un gymnase en quatre ans. L’enjeu n’est pas seulement financier ou logistique. Il s’agit bien de définir quel gymnase nous voulons, pour quels élèves et avec quels enseignants.

L’École de culture générale et l'École de commerce évoluent

Les autres filières du gymnase, l’École de culture générale et l'École de commerce font aussi leur mue. 

Pour l'École de culture générale, un nouveau règlement sur la reconnaissance des certificats délivrés par les ECG et un Plan d’études cadre toiletté sont entrés en vigueur le 1er août 2019. Les cantons ont jusqu’au 1er août 2021 pour adapter leurs réglementations à ces textes de référence. Ils introduisent, notamment, les nouveautés suivantes :

• Le règlement fixe désormais la répartition de l’enseignement entre la formation générale (minimum 50%) et les éléments des domaines professionnels (minimum 20%). Les cantons sont libres de répartir le solde des 30% entre l’enseignement des disciplines fondamentales et celui des options. 

• Le Plan d’études cadre laisse toute latitude aux cantons pour définir les contenus retenus pour chaque discipline ou pour établir les grilles horaires.

Les changements qui se préparent dans le canton de Vaud seront l’occasion de poursuivre une démarche collaborative d’ores et déjà initiée avec les files cantonales des ECG et les HES concernées.

La mue de l'École de Commerce n'est pas encore clairement définie, mais les premiers éléments du projet « Employé·e·s de commerce 2022 » développé au niveau fédéral laissent imaginer une évolution importante de cette voie de formation.

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