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Des effets indirects durables sur le système éducatif et de formation en Suisse

Directeur de la publication du rapport quadriennal « L’éducation en Suisse », le Prof. Stefan Wolter, du Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation (CSRE) à l’Université de Berne, a procédé à une première évaluation des effets à attendre de la pandémie Covid-19 sur le système de formation suisse. Il a présenté ses réflexions en juin devant la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP). Il attire l’attention sur le fait que la crise sanitaire aura sans doute des effets indirects plus marqués et plus durables que les effets directs du semi-confinement sur les performances des élèves. Ces derniers pourraient rester « relativement faibles ».

Le Prof. Wolter classe les effets indirects auxquels il s’attend dans deux catégories : le financement du système de formation et les comportements des acteurs. Revue de ses premiers constats :

  • La crise des recettes fiscales, à laquelle il faut s’attendre dès 2020, affectera la capacité des Etats à financer les écoles et les lieux de formation. Son hypothèse est que la Suisse sera moins affectée que d’autres pays étrangers plus durement touchés. La pression pour venir en Suisse et y bénéficier de bonnes conditions d’études pourrait, à terme, augmenter. En moyenne 11% des néo-étudiant·e·s inscrit·e·s à l’université pour l’année académique qui démarre proviennent déjà des pays voisins de la Suisse.
  • Les vives craintes surgies spontanément ce printemps dans les grands cantons à propos de l’avenir de la formation professionnelle étaient justifiées. La menace que font planer les conséquences économiques de la crise sanitaire sur l’offre de places d’apprentissage est réelle. L’étendue des dommages n’est toutefois pas encore établie. La suppression de places d’apprenti·e·s dans des entreprises menacées de faillite restera un point de vigilance après la rentrée d’août et sans doute pour plusieurs mois. Avec un peu de recul, l’impact sur la signature de nouveaux contrats se révèle très variable par région (Vaud fait partie des cantons les plus touchés, lire infra, Deuxième partie, page 12). Les tissus économiques ont en effet été très diversement touchés par la crise sanitaire et le ralentissement conjoncturel n’affecte pas le pays de manière uniforme. Il n’est pas exclu que, dans des régions et des secteurs précis, s’enclenche une dynamique de pénurie de main d’œuvre qualifiée issue de la formation professionnelle. Selon le Prof. Wolter, ces effets n’entraîneront toutefois pas de crise existentielle pour la formation professionnelle (le « collapse » initialement redouté).
  • La crise sanitaire devrait accélérer l’entrée dans la formation tertiaire du groupe des jeunes s’y destinant. En temps normal, seulement 50% d’une volée de maturité entreprend immédiatement des études, l’autre moitié privilégie une année sabbatique. Ces décisions sont sensibles à la conjoncture. Faute de pouvoir voyager et en raison d’un certain marasme économique qui limite les occasions de travail rémunérateur et de stages, beaucoup de jeunes devraient donner la priorité à leur inscription immédiate dans une filière tertiaire, académique ou HES. Cela dit, des études ont montré par le passé que les étudiant·e·s dont l’entrée à l’université a été retardée ont eu plus de succès que les étudiant·e·s démarrant immédiatement. D’autres enquêtes montrent aussi qu’en période de récession marquée, la durée des études tend à augmenter.
  • Des effets sont prévisibles sur la décision de devenir enseignant·e. Sur la base d’enquêtes menées par le passé, on peut pronostiquer que, vu la récession qui s’installe, et surtout si elle dure, un plus grand nombre de diplômé·e·s postuleront pour un emploi dans une école, surtout du degré secondaire II. On peut aussi s’attendre à ce que moins d’enseignant·e·s quittent la profession prématurément. Ce seraient deux bonnes nouvelles au moment où des cantons sont, depuis quelques années, confrontés à une pénurie de professionnel·le·s en particulier au sein de l’école obligatoire.

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