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Le chantier de la nouvelle maturité, un calendrier et des consultations

Pourquoi changer ?

Le projet Évolution de la maturité gymnasiale entend préserver la qualité de la maturité gymnasiale et garantir à long terme l’accès sans examen aux universités. Pour y parvenir, la réforme emprunte deux chemins : concilier la diversité des pratiques avec le respect d’exigences minimales et favoriser les innovations pertinentes en regard du contexte éducatif et sociétal qui a beaucoup évolué depuis 1995, année de la dernière révision des textes de référence.

L’école de maturité a un mandat incontesté : elle doit rester la filière qui forme des jeunes gens aptes aux études universitaires par l’acquisition d’une culture générale exigeante et d’une « profonde maturité sociale ». Cette finalité est fixée à l’article 5, alinéa 1 du règlement sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale (RRM, 1995).

En comparaison internationale, le certificat suisse de maturité se distingue par le fait qu’il donne libre-accès à toutes les filières d’études dans les hautes écoles helvétiques — si l’on excepte le numerus clausus en médecine en vigueur dans certaines universités. Le nombre élevé de disciplines obligatoires au programme en est le corollaire. Autre singularité du modèle helvétique : contrairement à presque tous les autres pays, la Suisse n’organise pas de manière centralisée ses examens de maturité et ne les a pas standardisés. Le degré élevé d’autonomie laissé aux cantons et aux gymnases est généralement perçu comme un acquis.

Une fois mise en œuvre selon les sensibilités et traditions cantonales, la réglementation nationale de la maturité relève actuellement une grande hétérogénéité des études gymnasiales. Les différences portent sur la durée de la formation, la palette des disciplines proposées, l’organisation des cursus et des examens ainsi que sur leur évaluation. Cette hétérogénéité a suscité des critiques grandissantes notamment quant à la garantie de l’aptitude générale aux études. Le vaste état des lieux sur le gymnase suisse publié par le professeur Franz Eberle de l’Institut des sciences de l’éducation à l’Université de Zurich (L’éducation au gymnase, CDIP, 2013) a renforcé les doutes. Il a pointé « la nécessité de réduire les effets négatifs de l’hétérogénéité des études gymnasiales en Suisse » pour que la maturité reste le sésame ouvrant les portes de l’université. Son analyse a posé les jalons pour une réforme.

Le besoin d’agir a été reconnu en janvier 2020 par les deux autorités coresponsables de la formation gymnasiale, à savoir les cantons réunis au sein de la Conférence des directrices et directeurs de l’instruction publique (CDIP) et la Confédération représentée par le Département de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR). Ils ont alors fixé les contours de l’actuelle réforme.

Un chantier complexe et un nouveau calendrier

Les travaux en cours se concentrent sur la révision des deux textes de référence pour la maturité gymnasiale, soit le règlement sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale (RRM) de la CDIP et l’ordonnance sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale (ORM) du Conseil fédéral. L’autre volet est la refonte du plan d’études cadre, le PEC.

Le nouveau calendrier prévoit des décisions politiques sur les textes réglementaires vers fin 2022, suivies d’une entrée en vigueur en été 2023. Les cantons auront alors plusieurs années pour s’adapter. La révision du PEC, elle, se prolongera logiquement jusqu’en 2023 puisque le Plan d'études cadre devra interpréter le nouveau cadre réglementaire et y adapter les contenus de l’enseignement.

Où en est-on ?

L’année 2020-2021 a été une période de travail importante dans les quatre groupes de projet : le groupe « Harmonisation de la durée minimale de la maturité gymnasiale » ; le groupe « Vérification de l’adéquation des autres dispositions du RRM/ORM » ; le groupe « Clarification des responsabilités et des compétences dans le domaine de la qualité de la formation gymnasiale (gouvernance) » ; et le groupe « Actualisation du Plan d’études cadre de 1994 ». Chaque groupe a déposé son rapport final, avec des recommandations. Le site du projet, www.matu2023.ch, donne un aperçu complet de tous ces travaux. Il permet de consulter tous les documents de base aujourd’hui en discussion.

Les conclusions provisoires des quatre groupes de projet ont été mises en consultation « interne ». Deux procédures distinctes sont ouvertes pour faire remonter des réactions à ce stade des travaux.

La première consultation restreinte, achevée à mi-juillet 2021, a porté sur la réécriture du RRM/ORM, la durée des études gymnasiales et la gouvernance, ces trois volets constituant un ensemble cohérent. Les commentaires récoltés permettront aux instances pilotant la réforme de préparer la synthèse des ajustements identifiés à la fois comme les plus pertinents et les plus susceptibles de réunir un consensus. Cette synthèse sera présentée d’ici la fin de l’année 2021. Cette étape ouvrira la phase politique du processus. Une large consultation de tous les milieux intéressés sera alors organisée au printemps 2022. Puis les décisions sur la révision des textes réglementaires pourront être prises vers la fin de 2022.

L’autre consultation lancée porte sur les résultats intermédiaires des travaux de révision du PEC. Elle court jusqu’à fin septembre. Dans ce cas, les cantons consultent leurs établissements, et donc le corps enseignant. Le recueil des réactions se fait via les files de discipline et les directions d’établissement.

Quels grands changements se dessinent ?

L’issue de la réforme est encore incertaine. Car les attentes des multiples acteurs concernés par les études gymnasiales varient beaucoup. Plusieurs tensions se sont exprimées lors des travaux. Par exemple entre, d’une part, le besoin d’une régulation centrale accrue et, d’autre part, la confiance placée dans les cantons, leurs gymnases et le corps enseignant pour atteindre les objectifs assignés aux études gymnasiales. Ou encore à propos de l’équilibre à trouver entre la garantie d’une culture générale exigeante et la possibilité donnée d’acquérir des compétences plus pointues dans certaines disciplines. Certaines décisions sont prises au plan national, mais ce sont surtout des tendances visant à plus d’harmonisation et une comparabilité accrue qui apparaissent dans les rapports finaux présentés par les quatre groupes de travail.

Durée minimale de la formation gymnasiale — En lançant le chantier « Evolution de la maturité gymnasiale » le 24 octobre 2019, la CDIP a décidé d’emblée de fixer à quatre ans la durée minimale des études gymnasiales. Cette mesure concerne tout particulièrement le Canton de Vaud. Avec Neuchâtel, le Jura et la partie francophone de Berne, le cursus conduisant à la maturité gymnasiale y est toujours organisé en trois ans. Or, cette situation ne permet plus d’atteindre les objectifs fixés aux études gymnasiales. Le groupe de projet a conclu au fait que les cantons conserveraient une réelle marge de manœuvre pour organiser le cursus en quatre ans. Le délai a été discuté. En raison des importants enjeux financiers et d’infrastructures qu'il implique, il est admis que ce délai sera important. La première volée vaudoise certifiée en quatre ans devrait achever son cursus au plus tôt en 2033, plus probablement en 2035. La décision finale sur ce délai reviendra à la CDIP.

Révision du RRM/ORM— C’est le volet phare de la réforme. À partir de deux rapports déposés, celui du groupe de travail et celui d’un groupe d’expertes et experts, c’est aussi le volet pour lequel les futurs arbitrages politiques seront les plus difficiles. La liste des disciplines requises pour atteindre les objectifs assignés à la maturité est questionnée, de même que la pondération des différents domaines d’études et les parcours possibles pour les gymnasiennes et gymnasiens. Les disciplines sujettes à examen et les conditions de réussite sont rediscutées. Une piste évoquée consiste à rendre obligatoires la philosophie, les arts visuels et la musique pour tous les élèves. Parallèlement, les parts respectives des domaines d’études Langues et MINT devraient s’équilibrer. Une autre tendance structurelle discutée est l’organisation des études gymnasiales en deux cycles : un premier cycle de deux ans en tronc commun, axé sur les compétences de base garantissant une vaste culture générale, et un second cycle de deux ans permettant l’approfondissement de certaines disciplines selon des choix individuels. L’option complémentaire pourrait ainsi être renforcée en lui attribuant la qualité de seconde option spécifique. D’une façon générale, la marge de manœuvre des cantons sur la répartition des domaines d’études serait réduite à 10 % et la comparabilité intercantonale des certificats de maturité délivrés s’en trouverait accrue.

Gouvernance et Qualité — Le groupe de projet a déposé un rapport qui clarifie les responsabilités entre les acteurs de la formation gymnasiale. Il traite de l’application des nouvelles règles, en veillant à la qualité et plus encore à une certaine comparabilité des résultats atteints par les candidates et les candidats à la maturité gymnasiale.

Actualisation du PEC — Le groupe de projet a pu compter sur des spécialistes délégués par les cantons, à savoir des enseignantes et enseignants et des chef·fe·s de file dans leur discipline, ou des didacticiennes et didacticiens issus des HEP. La composition des groupes par discipline devait garantir la représentation de genre, des régions linguistiques et des réseaux de discipline. Le Canton de Vaud a mis à disposition une quinzaine d’expertes et experts. Chaque discipline a été analysée pour sa contribution aux objectifs fixés à la maturité gymnasiale. Ce travail d’actualisation des contenus définit, par discipline, des exigences comparables pour tous les gymnases suisses. Il participe du souci de garantir une certaine harmonisation des objectifs d’apprentissage.

« Dans nos routines d’enseignantes et d’enseignants, nous n’avons probablement pas toujours en tête les objectifs assignés à la maturité dans les règlements. Ces buts sont lointains, or nous sommes dans l’opérationnel avec nos activités pédagogiques quotidiennes et nos évaluations. La révision du PEC est donc un défi et une chance : elle impose de se référer au corpus d’objectifs fixés dans les textes de référence pour reformuler les contenus et les compétences associés à une discipline. Pour l’italien comme discipline fondamentale ou branche à option, cette systématique nous a beaucoup aidés. Les échanges avec les groupes d’expertise dédiés aux autres langues ont été un exercice de concertation utile pour formuler les compétences transversales associées à l’enseignement des langues. Un enjeu de la réforme sera d’éviter le saupoudrage avec un nombre de disciplines de base obligatoires qui restera élevé ou même augmentera. L’attachement à une culture générale exigeante est à saluer, mais le risque existe de surcharger le programme en heures d’enseignement ou en devoirs imposés aux élèves. À cet égard, le passage à un gymnase vaudois en quatre ans est une excellente nouvelle. On le voit sur le terrain, on atteint vraiment les limites de notre cursus en trois ans. Ce n’est plus défendable. »

Toni Cetta
Enseignant d’italien au Gymnase de la Cité, a présidé cet été la Conférence cantonale des chefs de file d’italien. Il est un des experts vaudois engagés dans la révision du PEC. Il témoigne de son expérience dans le groupe Italien.

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