Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 23 mars 2021, point 2.4 de l'ordre du jour

Texte déposé

Il y a quelques jours, nous apprenions par les médias que l'Université de Lausanne avait entamé des réflexions au sujet de la prise de parole publique de ces membres. Cette information nous a largement surprise et interrogée, tant sur la forme, que sur le fond.

 

En effet, en pleine pandémie mondiale, à l'heure où la parole scientifique est remise en cause de manière virulente par plusieurs cercles plus ou moins adeptes de théorie du complot et à l'heure de fausses nouvelles inondant la Toile, une décision invitant les chercheur·euse·s de différentes sciences de l'Université à modérer leur prise de position publique semble, à tout le moins, inopportune, au pire inadéquate, ce d’autant plus que le groupe de recherche qui travaille sur la question n’a rendu aucune conclusions et travaille en toute indépendance de la Direction. Même si les propos de la Rectrice dans les médias se voulaient rassurant, en précisant que le but visé n'était pas de limiter la prise de parole publique des chercheur·euse·s, nos craintes n'ont pas été diminuées. Les membres du groupe de recherche eux-mêmes ont réagis auprès de la communauté universitaire, interpellés que la Rectrice ne respecte pas leur indépendance et ne démente pas que la Direction n’a aucune prise sur l’orientation de leurs travaux (qui concernent au sens large : la définition des différents rôles joués par les chercheur·euse·s dans le débat public ; l’articulation entre la liberté académique et la responsabilité sociétale des chercheur·euse·s ; la relation entre engagement et enseignement ; le rôle de l’université dans le débat public, en tant qu’institution, et dans le soutien de ses chercheur·euse·s engagé·e·)

 

En effet, au-delà de la question de la parole scientifique, les collaborateurs et collaboratrices de l'Université de Lausanne sont des citoyens et citoyennes de ce canton et ont le droit, à ce titre, de s'engager pour les combats qui leur semblent justes. Souvent, comme tout un chacun-e, l’engagement  des membres de l’UNIL découle de leurs expériences personnelles, et donc, parfois, de leur recherche. En effet, même si le sujet n'est pas au cœur de ses propres recherches, le travail interdisciplinaire au sein de l'Université et la richesse des débats fait acquérir, aux chercheurs et chercheuses de l'Université des connaissances dans d'autres domaines et peut faire naître des engagements. Le rôle de la recherche est toujours lié à l’activité de la Cité, la crise COVID l’a bien illustré.

 

Ainsi, des chercheur·euse·s en philosophie ou en droit pourront être alerté·e·s sur la situation en matière de changement climatique, sans être des climatologues pour autant, mais en ayant eu accès aux recherches de ces derniers dans le cadre de leurs propres travaux. De la même manière qu’un·e chercheur·euse en médecine ou en biologie peut s'engager dans la lutte contre les discriminations, qui ne sont pourtant pas son champ de recherche.

 

Enfin, en ces temps de renouvellement des autorités communales, où le Conseil d'Etat lui-même a appelé les citoyens et citoyennes à s'engager pour leurs communes, est-ce que de telles réflexions empêcherait un collaborateur ou une collaboratrice de l'UNIL de se présenter sur la liste d'un quelconque parti politique en indiquant son métier ou son employeur comme n'importe quelle personne ? De telles questions sont pour le moins inquiétante. Le débat qui a cours en France à ce sujet ne laisse par ailleurs pas présager du bon et la perte de confiance qui en découle au sein, tant des milieux de la recherche, des citoyennes et citoyens que des personnes engagées en leur institution est dramatique et doit être restaurée.

 

Il est évident que les employé-e-s de l'Université ont, comme tous et toutes les employé-e-s de l'Etat un devoir de fidélité envers son employeur. Les employé-e-s de l'UNIL sont d'ailleurs toutes et tous soumis-e-s à la LPers. Aujourd'hui, de plus en plus de membres de la communauté universitaire craignent un manque de soutien de l'institution à leur égard.
 

Dans le cadre de sa réponse à l'interpellation Denis Rubattel 20_INT_452, le Conseil d'Etat avait d'ailleurs déjà dessiné les contours de la liberté d'expression pour les collaborateurs et collaboratrices de l'Etat.

 

Le Conseil d'Etat étant l'autorité de surveillance de l'Université, notamment quant au respect de la loi sur l'Université qui assure la liberté académique à son article 15, j'ai l'honneur de lui poser les questions suivantes :

 

  1. Quelle est la position du Conseil d'Etat quant à la rédaction d'une hypothétique "charte de prise de parole" et à son contenu ?
  2. Quel serait l'organe qui pourrait adopter des documents sur les limitations à la liberté d'expression ?
  3. Comment le Conseil d'Etat va-t-il assurer le respect de la liberté académique et d'expression des membres de la communauté universitaire ?
  4. Si une telle charte est adoptée, quel type d'engagements les chercheurs et chercheuses peuvent-ils encore assurer au service de la collectivité ?
  5. Enfin, quelle valeur contraignante pourrait avoir une telle charte sur la communauté universitaire ?
  6. Le Conseil d'Etat peut-il confirmer sa position donnée dans la réponse à l'interpellation Denis Rubattel quant à la liberté d'expression des collaborateurs et collaboratrices de l'Etat ?

Conclusion

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