Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 16 février 2021, point 4 de l'ordre du jour

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Rapport de la commission - RC 19_POS_171

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M. Vassilis Venizelos — Rapporteur-trice

La commission s’est réunie au début 2020 pour traiter ce postulat. Selon certaines estimations rappelées par le postulant, la dépendance aux jeux de hasard et d’argent touche environ 16'000 Vaudois, sans compter les proches et les familles impactées par des situations souvent catastrophiques et dramatiques. De 550 à 648 millions de francs sont à charge de la collectivité, chaque année, en lien avec les conséquences des jeux de hasard et d’argent. On parle des conséquences aux niveaux professionnel et financier, avec un endettement souvent important et les problèmes familiaux ou d’isolation sociale que cela peut générer. La nouvelle Loi sur les jeux de hasard, entrée en vigueur en 2018, remplace la loi sur les casinos et la loi sur les loteries. Cette loi suit un développement déjà engagé au niveau international et permettra des concessions pour les casinos en ligne.

Le postulant souhaite qu’un dispositif soit mis en place, dans le canton de Vaud, pour accompagner la mise en œuvre de la nouvelle loi. Il demande une estimation du nombre de personnes touchées directement ou indirectement par la dépendance aux jeux de hasard, une évaluation des offres de jeux et de leur potentiel addictif, une analyse de l’impact des nouvelles dispositions de la loi et l’élaboration d’un plan ambitieux contre la dépendance aux jeux, en particulier chez les jeunes.

En commission, il a été rappelé que la dépendance aux jeux d’argent est un problème de santé publique. Jusqu’à 8 % de la population serait concernée par des pratiques de jeux problématiques, au cours de sa vie. Mais les indicateurs relatifs aux proches, à l’endettement et même à la personne concernée font encore défaut. Pour cette raison, la conseillère d’Etat estime que ce postulat offrirait une occasion intéressante de renseigner cette thématique. Une convention intercantonale sur les loteries et paris a été signée en 2007, pour répondre à ces enjeux et prévoit que 0,5 % des recettes issues des loteries et paris serve au financement de la prévention du jeu excessif. Le programme porté par la convention couvre quatre axes : la prévention, la formation, la recherche et la prise en charge spécialisée.

Dans le canton de Vaud, le Centre du jeu excessif est un centre universitaire spécialisé dans le domaine de l’addiction aux jeux de hasard et d’argent. Il est rattaché au service de médecine des addictions du département psychiatrie du CHUV, et travaille depuis plusieurs années sur la question. Il répond aux besoins de santé publique en matière de prévention et de traitement du jeu pathologique, pour le canton de Vaud ainsi qu’aux niveaux romand et suisse. Les premières données scientifiques indiquent une augmentation des problèmes d’addiction avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale. Il semble donc adéquat de se pencher sur cette problématique et d’avoir une analyse plus fine sur les effets de l’entrée en vigueur du nouveau dispositif fédéral. La prévention est aujourd’hui à la charge des cantons, sans nouveau financement prévu par la loi. Le financement de la prévention est prévu par la convention intercantonale déjà citée, à hauteur de 0,5 % des recettes issues des loteries. Concernant les jeux vidéo, les mêmes ressorts sont déployés par les créateurs pour rendre l’écran le plus addictif possible. La commission souhaite donc que le Conseil d’Etat se penche aussi spécifiquement sur la question des jeux vidéo, qui présente les mêmes ressorts problématiques et les mêmes conséquences que la loterie. Une réflexion spécifique sur les addictions liées aux jeux vidéo sera également menée, si le Grand Conseil décide de renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat, avec un ciblage spécifique sur les jeunes.

Dans le cadre de l’élaboration du concordat romand découlant de la nouvelle loi fédérale, il est rappelé que l’accord intercantonal prévoit spécifiquement la protection des mineurs et de la population, notamment par les mesures de prévention contre le jeu excessif. La problématique liée aux jeux vidéo et concerne une population relativement jeune a été identifiée clairement par le concordat romand. Les éventuelles mesures qui pourraient être prises par le canton de Vaud iraient dans ce sens.

De façon plus générale, la commission a débattu de l’équilibre entre les bénéfices et les coûts occasionnés par le jeu. Comme je l’ai dit, la dépendance au jeu coûte entre 500 et 650 millions à la collectivité. Dans le même temps, en 2019, la Loterie romande a redistribué 38 millions dans les domaines du social, de la culture, du patrimoine et de la recherche. La commission reconnait donc que les jeux d’argent ne représentent pas un moyen efficace de production d’argent public et de soutien de différentes politiques publiques. Les coûts directs et indirects du jeu pathologique – le dérèglement de la vie familiale, les incidences sur les proches, le surendettement – sont importants et contrebalancent très nettement les recettes générées par les jeux d’argent, sans compter la difficulté de quantifier les effets dévastateurs de ce type d’addiction sur les familles et les proches, ainsi que les drames occasionnés.

La commission estime que la réponse du Conseil d’Etat permettra d’apprécier l’évolution historique des différents jeux, les pathologies associées, ainsi que les mesures de prévention et de prise en charge de mise en œuvre. Dans le même temps, cela permettra une évaluation de l’apport représenté par le Centre de jeu excessif. Pour toutes ces raisons, la Commission de la santé publique vous recommande à l’unanimité de renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Stéphane Montangero (SOC) —

La dépendance aux jeux d’argent est un problème de santé reconnu dans la recherche scientifique, depuis de nombreuses années. Plus récemment, on a également pris conscience du potentiel addictif des jeux vidéo, notamment en ligne. L’organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment inclus dans sa 11e édition de la classification internationale des maladies la dépendance au jeu, y compris aux jeux vidéo, notamment en ligne. Les jeux d’argent, tout comme les jeux vidéo, peuvent évidemment faire l’objet d’un usage modéré, responsable, et sans aucune conséquence néfaste. Par contre, lorsque la dépendance s’installe, elle déploie des effets qui dépassent nettement les individus. L’argent et le temps utilisés pour jouer manquent ensuite pour le travail, pour les activités sociales ou pour les tâches liées aux autres membres du ménage, en premier lieu les conjoints et les enfants. Ce constat vaut aussi pour les joueurs qui ne correspondent pas à la définition stricte de la pathologie du jeu excessif, mais qui ont un comportement de jeu manifestement problématique en dépensant trop d’argent ou consacrant trop de temps à cette activité. Par ailleurs, l’utilisation des développements technologiques par l’industrie des jeux estompe progressivement les frontières traditionnelles entre jeux d’argent et jeux vidéo. Ainsi, les techniques d’ingénierie psychologique sont utilisées pour renforcer le potentiel addictif des jeux, ainsi que l’a exposé le rapporteur de la Commission thématique de santé publique. On peut penser d’abord aux jeux vidéo dans lesquels il est obligatoire de payer pour progresser plus vite ou pour gagner. Dans d’autres jeux vidéo, les joueurs sont invités à acheter, pour des sommes modiques mais d’argent réel, des boîtes dont le contenu est aléatoire, sur le modèle d’une loterie, ce qui leur permet de progresser dans les niveaux du jeu.

La Loi fédérale sur les jeux d’argent, adoptée en 2018, a eu pour effet une augmentation de l’offre de jeux, notamment avec la législation sur les jeux en ligne. De tels jeux sont aussi offerts par les casinos suisses depuis mi-2019 et les publicités alléchantes, notamment à la télévision, sont légion, avec tous les bonus gagnés d’avance, avant même d’avoir commencé à jouer et dépensé son argent. Or, la loi fait obligation au canton de mettre en place un dispositif de prévention et de traitement. C’est dans ce sens que ce postulat a été déposé, pour demander un rapport abordant notamment les points suivants : une estimation du nombre de personnes touchées directement ou indirectement par le jeu problématique et par la dépendance au jeu dans notre canton ; une évaluation des offres de jeux présentes et disponibles dans le canton et de leur potentiel addictif pour la population vaudoise ; une analyse de l’impact des principales nouvelles dispositions de la loi sur les jeux d’argent dans notre canton ; un plan d’action ambitieux contre la dépendance au jeu, en particulier pour les jeunes et les personnes vulnérables, coordonné avec les ressources déjà existantes, cela également au niveau intercantonal, pour gagner en synergie.

Les jeux sont également problématiques par rapport aux dettes. Selon le rapport social du canton de Vaud, le jeu est la sixième cause principale de surendettement. Les conclusions de l’étude fribourgeoise, parlant des jeunes, indiquent que « à cet âge, les jeux d’argent ne semblent pas mener à l’endettement, mais c’est plutôt l’endettement qui mène au jeu. » En effet, le jeu apparaît comme une manière facile de gagner de l’argent et de rembourser ses dettes et ainsi, une spirale infernale est entamée. Par ailleurs, je suis pleinement d’accord avec l’intérêt de traiter la problématique des dépendances croisées et des jeux supportés par les nouvelles technologies. Ainsi, le renvoi du postulat au Conseil d’Etat permettrait d’obtenir les informations pertinentes du point de vue de la santé publique et des aspects sociaux, afin d’être plus efficace. Je vous invite donc à suivre l’avis unanime de la commission. 

Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) —

Le dépôt de ce postulat fait suite à l’introduction de la Loi fédérale sur les jeux d’argent adoptée en 2018. Il est question d’évoquer les problèmes d’addiction aux jeux d’argent ou aux jeux vidéo chez les jeunes. Le postulant cite les conclusions d’une étude réalisée par le canton de Fribourg auprès de 2'000 jeunes. Dans la population en général, les jeux d’argent et de hasard ne sont pas considérés comme un comportement à risque chez ces jeunes. Dès lors, le postulant estime que la problématique est fortement sous-estimée par l’ensemble de la population et il demande au Conseil d’Etat un rapport, dont le point 4 concerne en particulier les jeunes. Le Conseil d’Etat annonce que la dépendance aux jeux d’argent relève d’un problème de santé publique, dont il se préoccupe. L’ampleur de cette problématique justifie d’ailleurs la présence dans le canton du Centre du jeu excessif. Un membre de la direction de ce centre indique que toutes les données scientifiques suggèrent une augmentation des problèmes. D’ailleurs, si le jeu excessif concerne entre 5 et 10 % des joueurs, ces derniers contribuent pour 50 % ou plus aux recettes issues des jeux. Pour le Conseil d’Etat, un plan d’actions pourrait effectivement aider à positionner au mieux les ressources et les synergies. Un développement ciblé sur la dépendance aux jeux chez les jeunes pourrait être examiné.

Il y a deux ans, le Parlement des jeunes avait également demandé spécifiquement une action en relation avec les causes de l’endettement précoce. De plus, tous les députés de tous les cantons romands faisant partie de la Conférence interparlementaire relative aux concordats — un concordat fédéral et un concordat romand — découlant de la nouvelle Loi fédérale sur les jeux d’argent ont plaidé en faveur du renforcement du champ de la prévention. En ce sens, la commission encourage le Conseil d’Etat à entamer une réflexion incluant les jeunes et les représentants du milieu informatique, en vue de concevoir une prévention adaptée, à destination de la jeunesse. Les messages de prévention doivent aussi toucher les parents, souvent mal informés en la matière.

La commission estime que la réponse du Conseil d’Etat permettra en particulier d’apprécier l’évolution historique des différents jeux, des pathologies associées, ainsi que des mesures de prévention de prise en charge mises en œuvre. De même, elle permettrait une évaluation de l’apport représenté par la création du Centre du jeu excessif. Avant de passer au vote, le postulant rappelle que le Rapport social du canton de Vaud cite le jeu comme sixième cause du surendettement. La commission recommande au Grand Conseil de prendre ce postulat en considération, à l’unanimité des membres présents, et de le renvoyer au Conseil d’Etat. Le groupe PLR vous invite à en faire de même.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération à l'unanimité.

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