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Point séance

Séance du Grand Conseil mercredi 16 décembre 2020, point 15 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le Grand Conseil tient à exprimer solennellement sa plus vive reconnaissance à l’égard de toutes les personnes actives dans la réponse sanitaire à la seconde vague de covid-19 dans le canton.

 

Le Grand Conseil invite le Conseil d’Etat à témoigner cette reconnaissance du canton de Vaud par une amélioration des conditions de travail et par une “prime covid-19” à toutes les personnes fortement impliquées dans cette réponse sanitaire, dans le secteur public et parapublic. Le Conseil d’Etat est également prié d’user de toute sa marge de manoeuvre pour soutenir les établissements de droit privé qui prendraient les mêmes dispositions, que le Grand Conseil appelle également de ses voeux.

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Isabelle FreymondSOC
Felix StürnerVER
Maurice Mischler
Cédric EchenardSOC
Muriel ThalmannSOC
Salvatore GuarnaSOC
Blaise VionnetV'L
Graziella SchallerV'L
Jean-Louis RadiceV'L
Léonard Studer
Nathalie JaccardVER
Claire RichardV'L
Rebecca JolyVER
Valérie InduniSOC
Sabine Glauser KrugVER
David RaedlerVER
Julien EggenbergerSOC
Hadrien BuclinEP
Monique RyfSOC
Jean-Marc Nicolet
Anne Baehler Bech
Jean TschoppSOC
Andreas WüthrichV'L
Carine CarvalhoSOC
Vincent JaquesSOC
Jérôme ChristenLIBRE
Didier LohriVER
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Pierre ZwahlenVER
Jean-Christophe BirchlerV'L
Claude-Alain GebhardV'L
Delphine ProbstSOC
Cendrine CachemailleSOC
Alice GenoudVER
Sébastien CalaSOC
Séverine EvéquozVER
Eliane DesarzensSOC
Alexandre RydloSOC
Taraneh AminianEP
Sylvie PodioVER
Arnaud BouveratSOC
Philippe VuilleminPLR
Cloé PointetV'L
Serge MellyLIBRE
Guy GaudardPLR

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La résolution étant accompagnée de 45 signatures, la présidente ne demande pas l’appui de 20 députés.

M. Raphaël Mahaim (VER) —

J’ai le plaisir de développer cette résolution qui a été déposée au nom des groupes socialiste, Ensemble à Gauche et POP, Les Libres, Vert’libéraux et Verts et signée par des députés d’autres groupes. Ces derniers jours et dernières semaines, nous avons déployé — le Conseil d’Etat en première ligne, mais nous également — une énergie folle pour nous inquiéter, à juste titre, des conséquences économiques de la crise sans précédent que nous traversons. Il ne faudrait pas que ces inquiétudes légitimes nous fassent oublier des inquiétudes peut-être encore plus grandes et qui sont celles tournant autour de la santé de nos concitoyens et concitoyennes, santé durement frappée pour certaines et certains d’entre eux au point d’aboutir à des décès, dans cette tragédie que nous traversons depuis le début du printemps de cette année. Le but de cette résolution est de prendre un peu de recul et quelques instants de pause par rapport à tous ces débats de politique politicienne et de techniques que nous avons menées pour soutenir les secteurs touchés, pour adapter notre société à la crise afin de témoigner solennellement la reconnaissance du premier pouvoir envers les personnes qui sont au front. Cette résolution se situe dans la droite transition de ce qui a été dit par certains collègues — je pense notamment aux interventions d’Aliette Rey Marion, Jean-Luc Chollet, Philippe Vuillemin et d’autres encore.

En tant que premier pouvoir et Grand Conseil — le Conseil d’Etat l’a déjà fait à diverses reprises — nous avons le devoir et la responsabilité de témoigner notre reconnaissance et notre gratitude envers les personnes qui font preuve d’une abnégation absolument exceptionnelle pour se mettre au service des autres, au service de celles et ceux qui souffrent et dont la vie est parfois en danger. Et ce, au prix d’immenses sacrifices au quotidien. Je suis d’ailleurs convaincu que l’histoire avec un grand H leur rendra un hommage appuyé pour tout ce qu’ils ont accompli et accomplissent encore dans cette crise qui n’est malheureusement pas terminée. Concrètement, la résolution vise, dans un premier paragraphe, à exprimer solennellement — j’insiste encore une fois sur ce terme — cette reconnaissance du premier pouvoir. Nous ne pouvons toutefois pas nous contenter de paroles, nous devons également joindre les actes à la parole et c’est le but du deuxième paragraphe de la résolution qui sera projeté dans un moment, étant précisé qu’une résolution n’est pas contraignante, mais qu’elle exprime un souhait, un vœu du Parlement. Il reviendra ensuite au gouvernement ou aux autres acteurs et institutions concernés de mettre ce vœu en œuvre.

Le Grand Conseil invite donc le Conseil d’Etat, dans la mesure de ses compétences, à témoigner de cette reconnaissance par — c’est la première idée évoquée — la fameuse prime COVID. Il n’y a pas là une volonté de rémunérer de quelque façon que ce soit et uniquement par des espèces sonnantes et trébuchantes un service à la collectivité de cette ampleur. Ce serait en effet insuffisant de l’envisager de cette manière, voire même mesquin. Il s’agit bien de la volonté de témoigner la reconnaissance dont j’ai parlé par un acte qui va au-delà des mots. A noter que certains établissements l’ont déjà fait, je pense notamment — je suis concerné, puisque cela s’est passé dans le district d’où je viens — à ce qu’a fait l’Etablissement hospitalier de la Côte (EHC), dont le président — certains d’entre nous s’en souviennent — est notre ancien et estimé collègue Jean-Marie Surer. La Côte a donc déjà fait le pas en communiquant il y a quelques jours une prime COVID significative offerte à ceux qui sont au front.

Ce texte développe en outre une deuxième idée. On ne peut évidemment pas en rester à une réflexion à court terme et la discussion que nous venons d’avoir sur les conditions de travail du personnel soignant est éloquente. Il faut réfléchir où cette revalorisation des conditions de travail est nécessaire pour tous ces corps de métier dont nous avons si souvent besoin et dont nous oublions l’impérieuse nécessité dans notre société. J’ai une dernière précision sur le texte. Etant donné qu’il s’agit d’une résolution, elle est formulée de façon non contraignante, mais aussi de manière assez large. Il ne faut rater personne, mais il est important de cibler les personnes — c’est l’expression utilisée — fortement impliquées dans la réponse sanitaire. On ne peut donc pas se contenter de mentionner le CHUV, il faut englober les secteurs public et parapublic, avec un ajout pour les établissements de droit privé. Le Conseil d’Etat n’a rien à faire directement, mais c’est un vœu que nous exprimons à cette tribune.

Je conclurai en mentionnant que cette résolution, développée au nom des groupes que j’ai précédemment cités et signée par de nombreux députés, s’inscrit dans une logique d’union sacrée, comme nous avons pu le vivre pendant certains moments de cette pandémie. J’espère vivement que c’est dans cet esprit que vous l’accueillerez. Je vous remercie d’ores et déjà de votre soutien.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Cette crise n’épargne personne, elle nous rappelle combien notre santé est à la fois fragile et indispensable. Les aléas de l’existence ont parfois tendance à nous le faire oublier. Dans ce combat contre le virus, des femmes et des hommes au sein du personnel soignant, infirmier et médical, sont en prise directe avec le virus depuis près d’un an déjà. Les sollicitations incessantes pèsent sur les nerfs des équipes, à bout de souffle et puisant dans leurs dernières ressources. Rien ne remplacera la victoire contre ce virus ; la vaccination offrira bientôt enfin des perspectives, mais il faudra de la patience, car elle se fera progressivement. Dans les hôpitaux, les EMS, les CMS, le personnel soignant, exténué, s’apprête certainement à faire face à une troisième vague ou à un rebond de la deuxième vague. Depuis plusieurs mois, les applaudissements qui jalonnaient nos soirées de printemps ont cessé. Dans l’ensemble du secteur public et parapublic, le personnel soignant a besoin de reconnaissance tangible et pas uniquement d’applaudissements. C’est ce que vous propose cette résolution, fruit d’une large adhésion des groupes Vert’libéraux, Les Libres, des Verts, du groupe socialiste, d’Ensemble à Gauche et POP et bénéficiant aussi du soutien de députés PLR et UDC.

Cette résolution demande une prime et non un salaire qui renforcerait les inégalités. Il s’agit d’une prime pour le personnel soignant des secteurs public et parapublic et c’est un vœu, comme l’a mentionné M. Mahaim, pour le personnel impliqué dans cette crise sanitaire. Elle demande aussi une amélioration des conditions de travail pour ce même personnel. Nous observons que le Conseil d’Etat du canton de Fribourg a décidé d’octroyer au personnel de son hôpital une prime de 500 francs, également destinée au personnel soignant des homes. Cette prime COVID-19 est prévue sous forme de bons à faire valoir dans 1800 commerces du canton pour saluer l’engagement remarquable du personnel soignant. Parallèlement, ce dernier s’est vu accorder une plage de récupération de trois jours de congé payé supplémentaires. Plus proche de nous, M. Mahaim a cité le cas de l’Hôpital de Morges, le conseil d’administration pilote aussi les EMS qui bénéficieront d’une prime COVID-19. Il n’appartient pas à ce Grand Conseil de se substituer aux négociations entre le Conseil d’Etat et le personnel soignant ou de faire de la cogestion. Il n’en demeure pas moins que, en tout état de cause, un accord qui s’approcherait de celui conclu dans le canton de Fribourg — étendu au secteur parapublic, afin d’intégrer les EMS et CMS — exaucerait pleinement les vœux des partisans de cette résolution. Mais laissons le génie cantonal s’exprimer, trouvons un chemin pour reconnaître concrètement le travail incommensurable du personnel soignant pour la préservation de notre santé depuis près d’une année déjà, en commençant par adopter cette résolution. Là où il y a une volonté, il y a un chemin.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Depuis des semaines et hier encore, des voix se sont fait entendre pour soutenir la culture, les restaurants et les commerces. Ce soutien est important pour éviter des faillites et des drames humains. Toutefois, nous avons un peu moins parlé des professionnels de la santé et pourtant ce sont eux qui sont en première ligne. Nous devons aussi leur apporter des messages de soutien pour leur permettre de garder leurs forces et pour les aider à tenir le coup. Nous devons leur montrer que nous aussi nous nous mobilisons pour eux. On parle de plus en plus des atteintes à la santé psychique de la population, mais c’est aussi à la santé mentale des soignants qu’il faut penser. C’est en leur exprimant notre soutien qu’on peut les aider à tenir le coup.

Ce printemps, les gens ont applaudi depuis leur balcon, mais aujourd’hui le personnel soignant a besoin de bien plus que cela. En effet, il a besoin de reconnaissance et d’un soutien financier. Je pense que nous pouvons aussi lui montrer que nous le soutenons en étant nous-mêmes responsables — nous la population et nous les députés — et en lui montrant que nous entendons ses messages nous exhortant à prendre soin de nous,  à être exemplaires dans nos comportements, à respecter les mesures sanitaires et à renforcer nos défenses immunitaires pour mieux résister à la maladie. C’est aussi en amont que nous pouvons lui apporter ce message de reconnaissance en prenant soin de nous et en montrant notre responsabilité. Nous remercions également le député Mahaim d’avoir inclus dans cette résolution les établissements de droit privé et le secteur parapublic, car ce message de soutien doit aller à tous ceux qui sont au front dans le secteur médical. Les Vert’libéraux soutiendront donc cette résolution qu’ils ont cosignée en demandant un geste fort de reconnaissance pour le personnel soignant.

Mme Circé Barbezat-Fuchs (V'L) —

Nous avons beaucoup de choses à dire et à faire à propos de cette seconde vague et, malheureusement, je pense que nous n’en avons pas fini avec elle. Comme nous l’avons dit entre ces murs à de nombreuses reprises, cette seconde vague touche l’ensemble de notre société : les milieux fermés pour cause sanitaire, les nombreuses entreprises et indépendants qui subissent encore les répercussions de la première vague, le monde culturel et des arts, toutes les personnes touchées mentalement par l’impact de cette crise et celles touchées émotionnellement par le départ de proches. Mais il ne faut surtout pas oublier les personnes actives dans le domaine de la santé. En effet, ce sont les mêmes personnes qui n’ont pas compté leurs heures lors de la première vague et durant l’été, qui continuent à le faire depuis fin octobre. Ces personnes sont lasses, fatiguées, mais toujours sur le front. Lorsque nous parlons de conditions de travail, nous pensons aux horaires, aux heures supplémentaires qu’elles réalisent depuis mars et qu’elles ne peuvent toujours pas récupérer pour réduire leur stress et les tensions qu’elles vivent au quotidien. Ces personnes ont besoin de reconnaissance et cette reconnaissance passe aussi par un soutien financier se traduisant ici par une prime COVID. C’est pour toutes ces raisons et pour exprimer notre gratitude à l’ensemble de ces personnes actives et sur le front depuis mars que le groupe Les Libres vous encourage à accepter cette résolution. Je remercie toutes ces personnes actives.

M. Marc Vuilleumier (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutiendra cette résolution visant à améliorer les conditions de travail du personnel des institutions sanitaires et aussi, dans ces temps troublés, à mieux reconnaître leur travail par le versement d’une prime COVID. Notre groupe est tellement en phase avec cette résolution qu’il ne s’est pas contenté d’un vœu. En effet, dans le cadre du budget, il a fait des propositions concrètes allant dans le sens de la résolution pour le personnel du CHUV, des hôpitaux, des EMS et du personnel pour le maintien à domicile. Cela a été dit, cette résolution est soutenue par les groupes socialistes, les Verts, les Vert’libéraux, Les Libres et Ensemble à Gauche et POP, soit une majorité de ce Grand Conseil. Nous nous étonnons beaucoup qu’avec cette majorité, nos amendements visant à améliorer cette situation aient reçu un succès d’estime, mais n’aient pas trouvé une majorité dans ce Grand Conseil, alors qu’ils allaient dans le même sens que cette résolution. Nous sommes d’autant plus étonnés, je dirais même un peu irrités, lorsque nous entendons tous ces compliments mérités pour ces métiers de la santé, de constater le peu de convergence entre les paroles et les actes qui ont été possibles afin de doter le Conseil d’Etat des moyens nécessaires pour verser une prime et améliorer les conditions de travail de ce personnel. Le budget est désormais adopté et ce vœu doit être transmis au Conseil d’Etat, en espérant que ce dernier fera diligence pour mieux reconnaître le travail, l’utilité et les compétences de tout le personnel de la santé. Je rappelle que cette résolution ne doit pas viser que les infirmières — elles méritent toutefois toute notre reconnaissance — elle doit aussi tenir compte du gros des troupes, notamment dans les EMS et le maintien à domicile. Les aides-soignants sont également beaucoup sur le front et méritent notre reconnaissance.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Il est indispensable que nous manifestions clairement notre reconnaissance au personnel soignant affecté aux soins liés au COVID-19, et ce autrement que par des applaudissements, certes très sympathiques et appréciés, mais insuffisants. En effet, il semble qu’une prime à définir, tant pour le personnel médical public que parapublic affecté aux soins liés au COVID-19, doive être envisagée, car la charge émotionnelle, physique et psychique est énorme. Une reconnaissance financière doit donc leur être manifestée. En conclusion, j’exprime à ce personnel soignant ma reconnaissance ainsi que mes remerciements sincères pour leur engagement et je vous invite à soutenir cette résolution. Je porte à votre connaissance le fait que j’ai perdu deux oncles et une tante en raison du COVID et cela peut toucher chacun d’entre nous dans son cadre familial, raison pour laquelle j’insiste afin que chacun réfléchisse à la résolution de notre collègue Mahaim et la soutienne.

Mme Aliette Rey-Marion (UDC) —

Je déclare à nouveau mes intérêts : je suis présidente des soins à domicile et membre du Conseil d’administration de l’Association vaudoise d’aide et de soins à domicile (AVASAD). Depuis ce printemps, plus particulièrement depuis mars 2020, le personnel travaillant dans les soins, c’est-à-dire le domaine sanitaire, est mis à très rude épreuve et les termes choisis ne sont pas exagérés. Dans les hôpitaux, les EMS ou les soins à domicile, ces femmes et ces hommes ont fait preuve d’une immense disponibilité, de bienveillance et de compréhension. Pour la plupart, ils ont dû faire l’impasse sur leurs vacances de printemps, ce qui a été fait avec compréhension. Le problème est qu’une fatigue autant physique que psychique se fait sentir et le risque d’un clash est bien réel. D’autres corps de métier ont également souffert et souffrent encore de cette pandémie. Toutefois, le monde de la santé est au premier plan et ceci depuis le début de la pandémie. Il est clair que ce n’est pas une prime, donc un montant financier, qui va régler ce souci de fatigue. Par contre, l’effet d’une prime constituerait un signe fort de reconnaissance et serait le bienvenu pour reconnaître tout le travail accompli. En mon nom personnel, je vous remercie de soutenir cette résolution Mahaim en reconnaissance pour le travail effectué par le personnel des soins.

M. Nicolas Suter (PLR) —

Quelle belle unanimité ! Je vais venir avec une petite dissonance, mais nous sommes aussi là pour débattre. Le député Mahaim a appelé à l’union sacrée autour de son texte. Si on prend son premier paragraphe, il est évident qu’il y a une union sacrée — on a aussi pu l’entendre dans la discussion autour du postulat Pahud — face à la reconnaissance de l’énorme travail qui a été fait, qui est fait et qui va encore être fait ces prochains mois par le personnel soignant. Je remercie aussi le député Mahaim d’avoir bien clarifié le périmètre de sa résolution qui vise à témoigner cette reconnaissance et non pas à améliorer les conditions de travail. En effet, améliorer les conditions de travail du personnel soignant est une tache de longue haleine, mais aussi un travail en cours avec les partenaires sociaux et qui doit être fait, comme l’a indiqué mon collègue Vuillemin, pour valoriser le travail de ce personnel soignant.

Quand il s’agit de témoigner cette reconnaissance, la vision de la majorité du groupe PLR est différente. Notre collègue Tschopp en appelle au génie cantonal ; or, nous pensons justement que ce génie cantonal est à l’œuvre et qu’il n’a pas attendu cette résolution pour se déployer. Nous avons parlé de l’Hôpital de Morges et il y a beaucoup d’autres établissements qui ont mis l’ouvrage sur le métier, qui ont commencé à réfléchir à la reconnaissance de leur personnel, et ce de différentes manières. Nous pensons qu’il faut favoriser un travail décentralisé. Si on travaille de manière ciblée et cantonale, on prend le risque d’oublier des gens. Il n’y a en effet pas que le personnel soignant qui est en première ligne, il y a aussi tous ceux qui rendent leur travail possible. En outre, travailler de manière très large, à la manière d’un arrosoir, va à l’encontre de la volonté de témoigner cette reconnaissance. Pour ces raisons, une majorité du groupe PLR refusera cette résolution.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Je déclare mes intérêts : à ce jour, ni mon épouse ni moi-même ne sommes tombés dans les griffes de ce virus. Toutefois, nous avons le sentiment désagréable et désécurisant de constater que l’étau se resserre en attaquant des personnes de plus en plus proches de nous. Il nous est arrivé, nous l’avons identifié après coup, de ne pas être au top en termes de mesures de prudence. Or, il serait plus judicieux que nous soyons prudents plutôt avant qu’après. Ceci dit, étant donné que j’ai été cité nommément, cela me force à réfléchir rapidement et à préciser plutôt un ensemble de réflexions que des vérités, sachant que personne n’a la vérité infuse dans ce domaine. Je ne souhaite pas que nous créions une injustice en voulant laisser parler notre cœur ; je dis bien le cœur et non la peur, car celle-ci est mauvaise conseillère.

On peut toutefois reconnaître que l’on peut avoir peur de ne pas être au bénéfice des meilleurs soins ou même des soins de base, si d’aventure il nous arrivait d’être malades. Toute forme de remerciement porte en elle des germes d’injustice, et ce pour deux raisons. Soit elle arrose l’ensemble du secteur, donc y compris les personnes qui n’ont pas été particulièrement au front, mais c’est le système arrosoir qui prévaut — dans ce cas, c’est profondément injuste — soit elle s’arrête à un moment donné, mais où ? La délimitation du périmètre de cette forme de reconnaissance créera forcément des sentiments d’injustice pour ceux qui sont juste de l’autre côté. De plus, une chose est certaine : nous continuons de mourir du cancer, de maladies cardio-vasculaires et de vieillesse. Par contre, un lit en soin intensif — Mme la conseillère d’Etat nous l’avait dit — représente huit personnes à plein temps. Créer un lit n’est donc pas le plus compliqué, ce qui l’est, c’est bien d’avoir le personnel et la disponibilité pour être autour du patient. On repousse donc des opérations, des interventions, des espoirs également, en faisant prendre à certains patients de gros risques. Je ne parle pas des sports d’hiver, qui en plus des accidents habituels avec des membres cassés, créeront des foyers de contamination potentiels. Il ne faut pas rêver et le risque dans ce domaine est énorme.

Je suis donc partagé entre une insouciance, parfois une légèreté que l’on entend, et une peur face à l’avenir immédiat et s’agissant des capacités du monde médical à tenir sur la durée. On entend trop souvent : « Non, ça ira, même s’ils disent qu’ils sont à la limite. » Non, pour moi, le risque est énorme et les impératifs économiques auxquels nous sommes également sensibles doivent aussi être pris en compte dans une pesée d’intérêts épouvantablement difficile. Toutefois, la résolution ne nous demande pas de trancher entre le monde de l’économie et celui de la santé. Elle nous demande juste de faire un geste concret — et à définir quant à la forme — à l’endroit du personnel hospitalier. Quand on parle de personnel hospitalier, il y a évidemment le parahospitalier, les institutions et les EMS. Nous n’avons pas à trancher entre deux mondes qui sont nullement antagonistes et qu’il ne faudrait pas opposer. On nous demande, sous une forme laissée à la latitude du Conseil d’Etat quant au mode opératoire, de décider et d’avoir ce petit geste, mais qui est en réalité un gros geste. Après vous avoir exposé ces états d’âme — si on n’en a pas en politique, où est-ce qu’on en aurait ? — je soutiendrai en mon nom personnel la résolution telle que proposée.

M. Gérard Mojon (PLR) —

La résolution qui nous est proposée aujourd’hui n’est pas simple. Donner un signal oui, la question est de savoir quel signal. Mon collègue Mahaim a indiqué qu’il était important de prendre du recul et je peux le rejoindre sur ce point. Mes préopinants ont mentionné qu’un certain nombre de personnes étaient aujourd’hui méritantes pour tout ce qu’elles font et ont fait. Pour ma part, j’irai encore plus loin : actuellement, tout le monde est méritant. J’en veux pour preuve que la période est difficile pour l’ensemble de la population, elle met tout le monde sous pression, elle met les nerfs à fleur de peau. On le ressent même au sein de cette assemblée. Personne n’est épargné.

Ce constat appelle de ma part trois questions, remarques ou réflexions. Tout d’abord, j’ai indiqué que tout le monde était touché et la situation est encore amplifiée et compliquée par le fait que l’on est totalement dans le domaine du ressenti. Or, le propre du ressenti est qu’il est différent pour chaque personne. Ce n’est pas mesurable en soi. Vous n’arriverez donc jamais à compenser un ressenti à sa juste valeur. Certains recevront une récompense et seront très contents, alors que d’autres considéreront que l’on se moque d’eux. La situation est donc très compliquée à ce niveau. Ensuite, avant de donner plus, j’aimerais savoir ce qui a déjà été fait. Il est évident que beaucoup d’institutions, de directions, de ressources humaines n’ont pas attendu les 150 experts du Grand Conseil pour agir. Des primes ont été versées, de même que des congés, des vacances et des cadeaux. Des mesures organisationnelles ont été prises afin de réduire la pression sur le personnel ainsi que sur les heures supplémentaires. Avant de donner une prime, il est important que l’on nous renseigne sur ce qui a déjà été fait. Quelques cas ont été cités, mais je ne sais pas ce qui a été fait dans les institutions directement en relation avec l’Etat. Ma dernière réflexion vise à vous encourager à lire la Feuille des avis officiels (FAO). Quand on lit ce journal — certains doivent le lire à titre professionnel — plus particulièrement la section du Registre du commerce, on peut constater depuis quelques semaines un grand nombre d’avis de mise en faillite. Une faillite n’est pas seulement un acte juridique ou administratif. Une faillite représente des pertes d’emploi dans beaucoup de cas, ainsi que des pertes financières pour des personnes et des entreprises. On oublie trop souvent qu’en cas de faillite, il y a des personnes qui ne sont pas payées et qui automatiquement en souffrent.

En conséquence, vouloir récompenser quelques personnes méritantes pourrait amener d’autres à mal ressentir ces récompenses. Cela demande une grande réflexion et je demande au Conseil d’Etat de prendre en considération ces réflexions. Je fais partie des 150 experts que je citais il y a quelques minutes et je demande à chacun d’entre vous de prendre également en considération ces remarques lors du vote sur cette résolution. Pour ma part, avec tous les risques que comporte cette résolution, dont celui de créer d’autres inégalités que celles qui existent actuellement, j’aurais plutôt tendance à m’abstenir, si ce n’est à la refuser.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Comme vous le savez, je suis le président du Syndicat des services publics (SSP) région Vaud, qui est la principale organisation représentative du personnel de la santé publique et parapublique. Vous imaginez sans problème combien notre organisation est concernée par cette crise. Depuis le début de la crise sanitaire, le monde entier a compris combien le travail dans les soins implique professionnalisme, flexibilité, disponibilité jour et nuit, courage et une formation continue suffisante. Aides-soignantes et aides-soignants, techniciens en radiologie médicale (TRM), infirmières et infirmiers, sages-femmes, transporteurs et transportrices, assistants en soins et santé communautaire (ASSC), employées et employés de ménage et de cuisine, réceptionnistes, physiothérapeutes, ergothérapeutes, toutes et tous travaillent sans relâche avec des horaires qui changent sans cesse, toutes et tous ont dû se former à toute vitesse, parfois sans le matériel nécessaire pour se protéger. Ils accompagnent, soignent, nettoient, transportent les patientes et patients à l’hôpital, dans les EMS ou à domicile. Ils prennent des risques pour leur santé et celle de leurs proches. Ils mettent leur vie familiale entre parenthèses. Ils veulent désormais que les employeurs et les autorités reconnaissent concrètement leur travail.

Ce personnel est là pour nous. Ils représentent ce qu’est le service public, soit une prestation pour toutes et tous, tout le temps, de qualité et avec engagement. Jamais nous n’avons autant réalisé combien leur rôle est essentiel. Il faut tout d’abord une corona-prime, comme demandé dans la résolution dont nous traitons aujourd’hui. Cette manière de remercier concrètement le personnel est déjà une réalité dans de nombreux secteurs privés — La Poste, Coop, etc. — mais aussi dans la santé, comme dans le canton de Fribourg, pour le personnel de l'Ensemble hospitalier de la Côte ou encore pour celui du Groupement hospitalier de l'Ouest lémanique. Un effort important doit aussi être réalisé concernant les effectifs et les conditions de travail. La pression grandissante, la logique du chiffre, la mise en concurrence des acteurs de la santé sont des tendances qui pressurisent le personnel, sans que cela n’améliore la qualité des soins, bien au contraire. Après la première vague, les institutions de soins n’ont pas pris la mesure des renforcements nécessaires. Plusieurs d’entre elles ont bloqué les embauches suite aux difficultés financières, une décision rationnelle financièrement, mais incompréhensible du point de vue sanitaire. Le système de financement a mis en péril le secteur, alors même qu’il avait besoin de soins renforcés. Il faut un financement extraordinaire du secteur de la santé pour faire face à la pandémie et la fin du financement hospitalier selon le principe des forfaits par cas.

Finalement, cette résolution reste bien en deçà de ce qui est nécessaire. Une revalorisation immédiate de toutes les fonctions du secteur de la santé est urgente. Les applaudissements du soir, jour après jour, constituaient un encouragement. Maintenant, il faut entendre les revendications du personnel, raison pour laquelle je vous invite à soutenir cette résolution comme un signal et une direction. J’insiste toutefois sur le fait qu’il faudra aller plus loin, qu’il faudra s’engager sur la durée et surtout qu’il faudra allouer des moyens. Loin d’un symbole ou d’un ressenti, c’est une démarche concrète, sonnante et trébuchante qui est nécessaire.

A celles et ceux qui opposent chômeurs, chômeuses, indépendantes et indépendants, salariées et salariés en RHT au personnel de la santé, je répondrai que la pirouette est facile et franchement indécente. Je conclurai par le slogan lu sur une banderole brandie par un groupe de soignants lors de la manifestation organisée par le SSP cet automne : « Les applaudissements et les mercis, c’est fini, maintenant il faut payer ! ».

Mme Catherine Labouchère (PLR) —

En préambule, je déclare mes intérêts : je préside la Fédération des hôpitaux vaudois (FHV). Au sein de cette faîtière, la question de la reconnaissance à témoigner au personnel impliqué dans la crise sanitaire a été discutée dans chaque établissement, dès la première vague et de façon accrue au cours de cette deuxième vague. Par personnel, on entend bien sûr le personnel soignant, mais aussi celui de toute la logistique, car un hôpital ne fonctionne pas sans toute la chaine, des rouages qui contribuent à ce que les soignants puissent faire un travail de qualité auprès des patients. Il s’agit donc d’une équipe et celle-ci mérite notre reconnaissance, en n’oubliant aucun secteur. Les hôpitaux de la FHV, qui ont des statuts juridiques et des possibilités financières très différentes, ont décidé, chacun dans leurs possibilités locales, de manifester cette reconnaissance de différentes manières. A part ce qui a déjà été cité pour l’EHC et le versement d’une prime en espèce, des reconnaissances ont été exprimées de diverses manières, à la fois par des bons, par des jours de congé, par des provisionnements en produits locaux et la démarche a été appuyée par des associations ou des fondations de soutien. Chaque hôpital a fait ce qui lui semblait bon en fonction de ses possibilités. J’entends ici que l’on veut apporter une prime financière. Comme vous le savez, les hôpitaux ont été fortement impactés par les décisions du mois de mars du Conseil fédéral de supprimer les opérations électives et ambulatoires au cours de la première vague. Au cours de la deuxième vague, il a fallu supprimer partiellement l’électif pendant quelques semaines. L’ambulatoire a pu rester ouvert, mais cela a créé des situations financières extrêmement lourdes avec des pertes importantes.

Je remercie l’Etat de Vaud d’avoir donné un appui certain pour combler ces pertes financières afin de payer les salaires. Il est extrêmement important de ne pas employer cet argent destiné aux salaires des employés pour une prime COVID. C’est en effet quelque chose de différent. Je préfère utiliser le terme de reconnaissance que prime, parce que prime implique forcément une manifestation financière. La question des bons et des heures de congé a aussi des conséquences financières, mais elles ont été données sous différentes manières. Je souhaitais vous expliquer factuellement ce qui a été fait : nous ne sommes pas restés sans agir au sein des hôpitaux et cela répondait aussi à la question de M. Mojon. Tout ce personnel mérite une reconnaissance, cela a été fait dans la mesure des moyens disponibles et avec le génie local au sein des hôpitaux de la FHV.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Cette résolution n’est effectivement pas contraignante, mais je crains qu’elle ne laisse pas forcément le choix à toutes et tous de pouvoir voter en son âme et conscience, surtout de dire non en particulier. En effet, dire non voudrait simplement dire que l’on ne soutient pas le personnel soignant ; or, ce n’est pas forcément le cas. C’est plutôt la méthodologie ou alors les termes entre reconnaissance et soutien financier qui pourraient déranger. Dans notre groupe, nous avons retenu deux éléments — preuve en est qu’il s’agit d’une résolution délicate. Le premier est lié à une question qui vous a été posée, madame la conseillère d’Etat : combien d’hôpitaux ont fait le pas de récompenser leur personnel ? Si je ne me trompe pas et que mes informations sont bonnes, il me semble que le CHUV a déjà fait un pas dans cette direction, en particulier avec des produits locaux, ce que je pourrais également encourager. La deuxième discussion que nous avons eue était liée au fait d’utiliser l’économie circulaire du canton de Vaud pour pouvoir récompenser le travail effectué. Il est vrai que le secteur de la santé reste le plus exposé à l’heure actuelle. Je rappelle aussi que la Protection civile (PCi) fait un énorme travail. Il faut aussi le rappeler, car le personnel soignant n’est pas le seul à agir dans le cadre de cette crise.

Madame la conseillère d’Etat, pourriez-vous nous donner une idée générale afin que nous puissions voter en notre âme et conscience ? Personnellement, je remercie les soignantes et les soignants. Ma belle-fille en fait partie. Je suis conscient que c’est compliqué et dur psychologiquement, physiquement, et il y a beaucoup de fatigue. Dans les EMS en particulier, l’ambiance commence sérieusement à se tendre. Je les encourage à continuer et je rappelle à toutes et tous que l’on est sur le même bateau, que l’on peut tous être touchés par la COVID. Nous sommes tous personnellement touchés — en tout cas en tant que députés — et nous pouvons encourager notre personnel en lui écrivant de temps en temps « merci beaucoup ». Madame la conseillère d’Etat, si vous pouviez éventuellement avoir un chiffre ou .... (Mmela conseillère d’Etat secoue négativement la tête, n.d.l.r) Non, pas du tout ? Merci beaucoup.

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis propriétaire et exploitant d’une exploitation agricole, viticole et maraîchère qui pratique la vente directe au travers d’un magasin sur site et dans les marchés. Depuis le mois de mars dernier, je donne une prime mensuelle aux collaborateurs qui sont au front, comme vous le dites, donc qui sont au contact avec la clientèle et qui ont des contingences supplémentaires en raison de cette pandémie. Sur le fond, je suis tout à fait en accord avec la résolution de M. Mahaim, ce n’est toutefois pas le cas sur la forme. Cette demande est faite uniquement pour le personnel soignant, mais lequel ? Celui qui a été mis aux RHT parce que son service n’était plus opérationnel ? Et pour tous les autres ? Le personnel logistique, les gendarmes, le personnel pénitentiaire, les travailleurs de la Direction générale de la mobilité et des routes (DGMR), etc., ils n’y auraient pas droit ?

Ces demandes doivent venir de l’intérieur des services de l’Etat. C’est une évaluation qui doit être faite par les responsables de service et de secteur pour désigner les personnes méritantes qui devraient être mises au bénéfice d’une prime. Ce n’est pas à l’Etat d’intervenir dans le parapublic. J’approuve le fait que le Conseil d’Etat soit rendu attentif à la nécessité de faire un geste envers les personnes méritantes et qui doivent être gratifiées d’une manière ou d’une autre, mais la résolution n’est pas nécessaire. Je vous invite donc à la refuser.

M. Stéphane Balet (SOC) —

Je déclare également mes intérêts : je suis le mari d’une infirmière et ma fille est ergothérapeute. A noter que mon fils a choisi, comme son père, le domaine de la technique. Dans certaines discussions que nous avons eues autour de la table à midi, j’ai pu découvrir les conditions de travail de mon épouse et de ma fille. Celles-ci sont relativement dures du point de vue psychologique. Accompagner des personnes en fin de vie qui n’auraient pas forcément dû mourir à cet âge sans le COVID est très lourd au niveau de la charge émotionnelle. En outre, en termes de quantité de travail, les heures supplémentaires s’alignent et cela devient parfois très difficile pour le personnel de comprendre certaines décisions politiques auxquelles j’ai participé ; par exemple lorsque nous proposons une résolution pour que les restaurants puissent être ouverts plus longtemps, sachant très bien que ce type de décision aura forcément un impact sur les contaminations et donc sur le nombre de cas à traiter, ce qui occasionnera immanquablement une surcharge de travail pour le personnel soignant.

Tout est affaire de compromis. Il est vrai que perdre son emploi est difficile. Il est aussi vrai que les faillites d’entreprise sont difficiles et lourdes, on le comprend bien. Toutefois, il ne faut pas opposer les situations malheureuses, ce n’est pas une façon de faire. Le moins que l’on puisse faire aujourd’hui est de reconnaître le mérite de tout ce personnel. Il s’agit de le reconnaître de manière tangible, au moins en acceptant cette résolution. Le moins que l’on puisse faire est de le montrer de manière concrète et pas seulement par des déclarations d’intention ou en allant applaudir le soir sur les terrasses, car c’est insuffisant. Dans ce débat, nous avons entendu plusieurs choses : par exemple, que pour éviter l’injustice, il faudrait ne donner à personne... C’est ça la solution qu’on propose ? C’est juste incroyable ! On se pose la question de quel signal donner. Pour le ressenti, comment pourrait-on ressentir autrement qu’avec bienveillance le fait que l’on nous manifeste de la reconnaissance ? C’est juste incroyable et on ne peut pas dire de telles choses. La situation est suffisamment claire : il faut soutenir cette résolution.

M. Pierre Volet (PLR) —

Je m’aligne sur certains propos de mes collègues. Dans certains secteurs, il y a du personnel soignant, hommes et femmes, qui n’a pas été impacté de la même manière. Il faut laisser les directeurs des établissements — ce sont eux qui sont au front et qui connaissent les personnes qui méritent de recevoir des primes, des ponts comme l’a indiqué Mme Labouchère, ou encore des congés et compensations — prendre cette décision. Il n’y a que le génie local, par établissement et par EMS, qui peut assurer une répartition la plus juste possible. Cela n’a pas encore été dit dans les interventions précédentes.

Comme cela a été dit par Mme Labouchère, qu’allons-nous faire des établissements tels que les EMS ? J’annonce mes intérêts : je fais partie du Conseil de fondation d’un EMS. Chacun a déjà donné quelque chose. Faut-il encore ajouter quelque chose à ce qui a été donné ? Certains ont fait de sacrés efforts. Chez nous, plus de 200’000 francs ont été débloqués en faveur des EMS, afin de compenser, aider, faire des bons et donner des congés. Ce n’est pas rien. Devra-t-on encore doubler cette aide ? Je suis d’avis que non. Il faut laisser le génie local, ainsi que les chefs d’établissement, agir. Il y a des personnes qui ne sont pas impactées. En outre, il y a aussi les gestionnaires d’intendance, les assistants sociaux et éducatifs et les agents d’exploitation qui sont au front. Il y a aussi ceux qui nettoient les toilettes. On fait comment ? Ils encourent autant de risque qu’une infirmière ou un docteur, lesquels ont eu la formation adéquate sur le port du masque et les mesures d’hygiène à respecter. Il n’y a pas plus de risques. Il y a évidemment plus de décès, mais c’est le métier... Que voulez-vous que je vous dise. On meurt dans les hôpitaux la plupart du temps. Cela fait partie du métier, même si cela ne doit pas être facile pour eux — je le comprends. Toutes ces raisons militent en faveur du refus de cette résolution telle que présentée. Laissez le génie local faire. J’aimerais enfin rappeler à toute cette assemblée qu’il y a eu une revalorisation des salaires (CCT-RHC) en 2019. Celle-ci n’a pas été une réussite, car on a ciblé et arrosé et cela a engendré beaucoup de déçus. La revalorisation mal ciblée n’est pas donc pas idéale. Les apprentis réquisitionnés durant cette crise ont également été soutenus. Je ne soutiendrai donc pas cette résolution.

M. Vassilis Venizelos —

Il est vrai que la situation est difficile pour tout le monde. D’ailleurs, nous avons débattu au sein de ce Parlement des divers soutiens que nous souhaitions apporter aux différents cercles qui ont été directement impactés par cette crise. Aujourd’hui, nous parlons du personnel soignant et je ne vois pas vraiment l’utilité de dresser la liste de l’ensemble des acteurs qui ont été frappés par cette crise. Cela doit faire l’objet d’autres débats. Nous avons d’ailleurs eu une partie de ces débats. Notre Parlement a peut-être oublié certains cercles et j’invite donc ceux qui s’étonnent que l’on parle du personnel soignant aujourd’hui à venir avec des propositions pour être sûrs que nous n’oublions personne. Aujourd’hui, on parle du personnel soignant qui a vécu un traumatisme assez fort, qui a été mis sous pression, qui a été confronté à la mort et à des situations extrêmement fortes et traumatisantes. Il ne s’agit pas de ressenti, mais de quelque chose d’extrêmement concret.

Il est clair que cette résolution ne va pas régler des éléments ou des situations que l’on connaissait déjà avant la crise. La crise sanitaire n’a fait qu’exacerber des problèmes beaucoup plus profonds et qui sont structurels. Ces problèmes devront faire l’objet de débats politiques probablement assez tendus, notamment sur les conditions salariales et la dotation des différents établissements en personnel. Ces éléments ne sont pas directement traités à travers la résolution. Dans cette dernière, il y a eu une prise de conscience que ce genre de débats devait se dérouler dans un autre cadre et pas dans l’urgence. L’objectif de cette résolution est de trouver la majorité la plus forte possible, en venant en complément aux actions qui ont été menées par les différents établissements, cela a été dit. On n’a d’ailleurs pas cité les Etablissements hospitaliers du Nord vaudois (EHNV). Je me permets de parler des EHNV en tant que membre du comité directeur. Ces établissements ont également fait leur part en octroyant un jour de congé supplémentaire ainsi qu’une prime au personnel soignant. C’est une bonne chose, mais c’est aussi la responsabilité du canton d’assurer le fonctionnement du système sanitaire au niveau cantonal et de reconnaître l’effort qui a été fourni par le personnel soignant, raison pour laquelle cette résolution mérite d’être soutenue.

Le geste peut paraître symbolique, nous avons encore du pain sur la planche et d’autres débats qui nous attendent pour parler des conditions de travail du personnel soignant et notamment des conditions salariales. Il s’agit toutefois ici de marquer notre reconnaissance à celles et ceux qui ont fait preuve d’un professionnalisme et d’une humanité absolument remarquables. C’est ce que demande notre résolution et je vous invite à la soutenir activement.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Mon préopinant a parfaitement résumé la situation. Il a ramené le débat à l’essentiel de la question posée. On comprend parfaitement que d’autres secteurs ont besoin de s’exprimer, mais M. Venizelos a recentré le débat sur l’objet de la résolution Mahaim. Je vous propose donc une motion d’ordre afin que nous puissions désormais passer au vote de cette résolution.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La motion d’ordre est appuyée par au moins 20 députés.

La discussion sur la motion d’ordre n’est pas utilisée.

Avant de passer au vote et comme le prévoit la loi, je donne la parole à Mme la conseillère d’Etat.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d'État

Tout d’abord, je tiens ici à relever, comme certains d’entre vous, l’immense engagement de tout le personnel du système sociosanitaire vaudois depuis le début de la pandémie de COVID-19. Le Conseil d’Etat et, j’en suis sûre, l’entier de la population vaudoise, leur adressent toute notre gratitude. Nous les remercions de savoir s’adapter au jour le jour pour garantir que chacun, chacune reçoive dans ce canton les soins dont il ou elle a besoin. Cela est d’autant plus juste et d’autant plus vrai pour cette deuxième vague que nous sommes en train d’expérimenter, une vague bien plus importante que la première, une vague qui, j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire la semaine dernière, amène à un épuisement réel du personnel soignant, d’où la nécessité de pouvoir maitriser la pandémie. Dès la première vague du COVID, le Conseil d’Etat a décidé de témoigner sa reconnaissance au personnel dont il est l’employeur, à savoir le personnel du CHUV, en octroyant jusqu’à deux jours de congé supplémentaires pour le personnel qui a démontré, dans le cadre des mesures COVID-19, un engagement très important et qui a eu un impact fort sur son activité quotidienne. A cela s’ajoutent toutes les mesures que le CHUV a prises en faveur de son personnel : mise à disposition de logement, création d’un fonds social d’entraide avec les dons — beaucoup de dons ont été versés à la Fondation du CHUV. Avec ces dons, un fonds social a été mis à disposition des collaboratrices et des collaborateurs qui rencontreraient des problèmes sociaux, pas parce qu’ils seraient impactés par la crise — leur salaire est garanti — mais pour les situations où un conjoint serait touché par la crise et que le budget du ménage serait fortement impacté, avec des difficultés à payer ponctuellement des factures. Ce fonds social d’entraide peut être sollicité et a aussi permis la prise en charge des frais d’annulation des vacances, ainsi que la mise en place d’une crèche — sur ce point, il y a aussi des études pour la pérennisation d’une crèche avec des horaires étendus. Monsieur Jobin, pour Noël, un panier a été préparé par l’équipe de la logistique pour l’ensemble du personnel du CHUV, avec des produits fabriqués par l’équipe de la cuisine. Ce panier a été offert aux collaboratrices et collaborateurs. Il faut également préciser que la fête de fin d’année a été annulée en raison des mesures sanitaires et que l’on a ainsi pu utiliser une partie de l’argent consacré à cette fête pour ces paniers.

Plus globalement, le Conseil d’Etat rappelle qu’il a octroyé près de 20 millions de francs pour des revalorisations salariales dans le domaine de la santé, cela dès début 2020, soit avant la pandémie, et de manière pérenne. Les plus bas salaires du CHUV ont aussi été revalorisés ainsi que les salaires dans le secteur parapublic, après un accord entre les partenaires sociaux. Cela montre bien la volonté de l’Etat dans ce domaine. A cela s’ajoutent les mesures de soutien du Conseil d’Etat et évidemment du Grand Conseil aux institutions sanitaires du canton, avec notamment 160 millions destinés aux hôpitaux et débloqués dès le mois de juin, Mme Labouchère l’a rappelé. C’est un soutien indispensable, puisque garantir la santé financière des hôpitaux, c’est aussi garantir l’emploi au sein de ces institutions.

Pour revenir plus directement à cette résolution, le Conseil d’Etat a pris connaissance de la pétition qui lui a été adressée, pétition signée d’environ 7000 à 8000 signatures, ainsi que de la mobilisation du personnel qui a eu lieu à l’issue de la première vague et au moment où le frémissement de la deuxième vague commençait. Comme cela a été dit, le canton de Fribourg a décidé d’octroyer une prime de 500 francs pour le personnel du HFR ainsi que de financer 45% d’une prime pour les collaborateurs des EMS. Sur ce point, M. Mojon a parlé de ressenti. Or, il faut savoir que, suite à cette décision qui a été prise par le Conseil d’Etat lors d’un débat au Grand Conseil pendant la première vague — c’est le Grand Conseil fribourgeois qui avait voté une résolution du type de celle dont vous débattez aujourd’hui — l’exécutif a fait le choix d’une prime de 500 francs pour le personnel du HFR. Quelques jours après l’annonce du HFR, j’ai reçu un email d’une infirmière de l’hôpital de Payerne, soit de l’Hôpital intercantonal de la Broye (HIB). A cette occasion, elle m’a demandé : « Pourquoi avez-vous — elle a pensé que c’était nous, car il y a parfois des confusions territoriales — décidé d’octroyer une prime de 500 francs pour mes collègues du HFR et pas pour nous qui sommes des collègues et qui prenons en charge des patientes et des patients fribourgeois dans notre hôpital du HIB ? Pourquoi sommes-nous mis à l’écart de cette prime qu’on mérite tout autant que les collaboratrices et collaborateurs du HFR ? » Le ressenti est bien évidemment important et cette résolution indiquant qu’il ne faut pas faire de différences entre institutions publiques et parapubliques trouve tout son sens avec le mail de cette infirmière dépitée et qui ne comprenait pas le choix qui avait été fait par les autorités fribourgeoises, soit d’octroyer une prime pour l’HFR, mais pas pour le HIB, et ce, alors même que des patients fribourgeois sont pris en charge des deux côtés. Par ailleurs, cette prime a été réellement bien perçue par le salarié du HFR et ceux de l’HIB souhaiteraient également pouvoir en profiter, puisque le travail effectué dans les deux hôpitaux est évidemment le même.

Nous avons un autre élément d’information en notre possession. Le personnel de l’un des très grands hôpitaux zurichois, le Triemli Hospital, devrait également recevoir une prime après une augmentation de budget de 5 millions qui a été décidée la semaine dernière par le Conseil communal de la ville de Zurich, puisque — M. Vuillemin le sait, car il le rappelle souvent — le Triemli Hospital est un établissement communal.

Dans notre canton, l’EHC a communiqué, en date du 8 décembre, le versement d’une prime de 1000 francs à son personnel soumis à la CCT-San ainsi qu’aux médecins-assistants — les médecins-cadres ont été écartés du versement de cette prime. L’EHC a également décidé du versement d’un montant de 250 francs octroyés aux apprentis et stagiaires. Messieurs Mojon et Jobin, pour le reste des hôpitaux, je ne suis malheureusement pas en mesure de vous donner d’autres informations. Au sein de mes services, nous n’avons pas d’informations. Dans le cadre du débat, je viens de découvrir que les EHNV avaient versé une prime de 100 francs au personnel. Il y a donc certainement toute une série d’initiatives du type de celle du panier offert à Noël qui ont été prises au sein des hôpitaux et Mme Labouchère nous a aussi donné quelques éléments. Je ne suis toutefois pas en mesure de vous indiquer quelles mesures ont été prises dans les 150 EMS du canton. Pour l’AVASAD, je peux vous dire qu’il n’y a pas de mesures qui ont été prises — je le sais, car j’ai encore vérifié pendant le débat. Pour les primes ou encore les mesures de reconnaissance financières fortes, nous n’avons pas de vision d’ensemble. La seule dont j’ai connaissance est celle de l’EHC, à Morges.

Le Conseil d’Etat restera extrêmement attentif au développement dans ces domaines, puisqu’il y aura sans doute encore quelques annonces ces prochains jours et semaines. Je peux également vous informer que j’ai rencontré les organisations du personnel du CHUV au début du mois. Lors de cette rencontre, je me suis engagée à examiner la faisabilité d’une prime qui couvrirait l’entier du secteur sanitaire parapublic et pas seulement le CHUV — pour les raisons qui ont été évoquées par des députés et que je viens de vous relater à travers cette expérience personnelle — puisqu’il me semble important de garantir une égalité de traitement la plus large possible. Le travail effectué dans les hôpitaux est très visible et symbolique. Il y a eu beaucoup de reportages et on en parle énormément. Toutefois, je peux vous assurer que le travail effectué dans les EMS est tout aussi colossal et il en va de même pour les CMS et l’aide à domicile — nombre d’entre vous le savent, puisqu’ils ont des engagements dans ces secteurs. Lors de cette rencontre avec les organisations du personnel, j’ai aussi eu l’occasion de rappeler que le Conseil d’Etat, et finalement le Grand Conseil, était compétent pour décider de l’octroi d’une prime ou d’une mesure de reconnaissance pour le travail fourni.

Pour en revenir maintenant à la question des conditions de travail qui est également soulevée dans le cadre de cette résolution, lors de la séance à laquelle je faisais référence avec les organisations du personnel du CHUV, j’ai annoncé qu’un diagnostic RH allait être réalisé. Cette proposition a rencontré l’adhésion des organisations du personnel, puisque parmi les témoignages de ressentis, d’expériences, voire de réalités qui sont très différentes, qui nous remontent, nous avons pu constater qu’une telle démarche serait utile pour mieux cerner les attentes et répondre aux problèmes de manière ciblée. Certaines revendications sont en effet le témoignage d’un mal-être dans un secteur que le COVID ne fait finalement qu’accentuer. Je suis par ailleurs convaincue que nous devons aller vers une responsabilisation et une autonomisation plus importante des métiers des soins. Dans le cadre du rapport du Conseil d’Etat au postulat Pahud, toute une série d’éléments ont pu être mis en avant. Nous avons parlé de tout ce que le canton de Vaud faisait dans cette direction. Nous avons commencé une démarche en partenariat avec l’Association vaudoise des infirmières et des infirmiers (ASI). Des séances ont d’ores et déjà été annoncées et agendées au tout début du mois de janvier pour parler très précisément des conditions de travail que Mme Byrne Garelli évoquait, en particulier à la fin du débat précédent.

En conclusion, le Conseil d’Etat est pleinement conscient des efforts colossaux qui sont demandés en ce moment même au personnel du système de santé vaudois et il suivra avec bienveillance les demandes exprimées dans ce plénum. Nous nous engageons à continuer les discussions avec les partenaires sociaux.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Avec cette prise de parole, nous avons rempli toutes les conditions de l’alinéa 5 de l’article 91 de la Loi sur le Grand Conseil (LGC) qui détaille la manière de procéder pour une motion d’ordre. Nous allons donc pouvoir nous prononcer sur la motion d’ordre qui nous a été proposée par Mme Schaller, soit de passer directement au vote sur cette résolution.

La motion d’ordre Graziella Schaller est acceptée par 101 voix contre 5 et 26 abstentions.

La résolution est adoptée par 77 voix contre 36 et 18 abstentions.

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