Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 24 novembre 2020, point 12 de l'ordre du jour

Document

Texte adopté par CE

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Yvan Pahud (UDC) —

Je remercie Mme la conseillère d’Etat et ses services pour la réponse à mon interpellation, mais je regrette une certaine idéologie qui semble aller à l’encontre du bon sens. En effet, nous parlons de consommer local et de produits de proximité, mais force est de constater que nous faisons exactement le contraire, car pour consommer local, il faut produire local.

Tout à l’heure, nous avons évoqué le Gaucho. Précisons que son interdiction favorise directement l’importation de sucre venant presque de l’autre côté de la planète, car les mesures financières incitent l’agriculteur à ne pas produire ou à moins produire, favorisant ainsi l’importation. Quelques exemples : nous voulons construire avec des matériaux locaux, du gravier local pour nos routes — je vous rappelle le postulat voté à ce sujet — construire des bâtiments avec du gravier et du béton local, mais on ne veut pas ouvrir de carrières, et plutôt les fermer. Pour le bois, c’est identique. Nous voulons construire avec du bois suisse, mais simultanément mettre les forêts sous cloche. A ce sujet, un article paru dans la presse de la semaine passée vantait le premier immeuble en bois romand, qui serait même vaudois, puisque situé à Malley ; sa construction en nécessitera 2000m3. Or, le parc périurbain du Jorat prévoit une mise sous cloche de 1900m3 de bois de service. Par conséquent, pour un bâtiment, nous ne parviendrions même pas à fournir ce qui est mis sous cloche dans ce projet de parc périurbain. Ainsi, si nous voulons nous donner les moyens de construire avec des matériaux locaux, il faut garder des matériaux à disposition, car sinon nous nous tirons une balle dans le pied. Si nous ne parvenons pas à fournir le bois local, comment la population va-t-elle percevoir cette action ?

Enfin, j’aimerais encore citer un élément du dossier de candidature : les initiants reconnaissent que la sylviculture moderne a permis, ces 25 dernières années, un rajeunissement et une diversification des milieux et des paysages de la forêt joratoise. L’exploitation forestière telle qu’actuellement menée dans le massif favorise sa multifonctionnalité et garantit des pratiques respectueuses de l’environnement.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Hélas, une fois de plus — nous en avons vu un exemple au sujet précédent — le dogme prend le pas sur une certaine rationalité, au détriment d’observations neutres et désintéressées. Il s’agit de 444 hectares de forêt privée de soins. Cette forêt ne se trouve pas au fin fond de nulle part, puisqu’elle est à la porte d’une grande ville, sur un terrain majoritairement plat, à une altitude idéale d’environ 800 mètres et pourvue de bonnes dévestitures. Nous nous privons de bois de construction, mais également d’énergie à l’heure où la solution de construction, du tout béton, est de plus en plus remise en cause.

L’argument incantatoire de la biodiversité est spécieux, corroboré par aucune étude sérieuse. Au contraire, une forêt gérée selon les principes de la forêt jardinée n’est aucunement antinomique de l’épanouissement des espèces tant végétales qu'animales et d’un rapport harmonieux entre elles. Seule une forêt saine et en pleine croissance est capable de capter un maximum de gaz carbonique, de le stocker sous forme d’accroissement ligneux et d’en rejeter l’oxygène sur le principe de la photosynthèse ; cela n’a pas varié au cours des siècles. Au contraire, une forêt livrée à elle-même qui pourrit sur pied et sur le sol dégage du CO2. Où est donc la logique ?

Je suis personnellement désolé que pour des raisons de dogmatisme — dont je m’étais déjà aperçu lors de débats au Conseil communal de Lausanne — on se gargarise de théories totalement hors sol dont les effets ne se manifesteront qu’après deux générations humaines. La correction de ces effets pervers sera longue, coûteuse et douloureuse, et nous ne serons plus — en tout cas moi — là pour en payer les effets.

M. Jean-François Thuillard (UDC) —

Je vais tenter de relater ce qui se passe dans le Jorat sans entrer dans un débat en faveur ou défaveur d’un parc naturel. Incompréhension au sein de la population locale ? Oui. Ma commune, dont j’ai l’honneur d’être syndic, par son législatif et son exécutif, s’est opposée à la création d’une zone forestière de 440 hectares laissée à sa libre évolution sur son territoire communal.

*première image.

Il s’agit d’une parcelle forestière, dont la commune territoriale est Froideville mais qui est propriété de l’Etat de Vaud. Le périmètre étudié du parc naturel périurbain se trouve entièrement sur la commune de Lausanne. Comme le montre l’image c’est 1,7 hectare de coupe rase — au nom du climat et de la recherche — rendu inaccessible au gibier, qu’il soit à deux ou quatre pattes, et ce sans concertation avec les autorités territoriales. Comment, ensuite, expliquer à la population, aux propriétaires, que chaque arbre de plus de 30 centimètres de diamètre en zone habitée doit faire l’objet d’un affichage de vingt jours afin d’obtenir l’autorisation d’abattage, lorsqu’on voit le résultat en zone forestière cantonale ? D’où l’incompréhension… Elle était belle ma forêt…

*deuxième image

M. Olivier Epars —

Je vais tenter de relater ce qui se passe dans le Jorat sans entrer dans un débat en faveur ou défaveur d’un parc naturel. Incompréhension au sein de la population locale ? Oui. Ma commune, dont j’ai l’honneur d’être syndic, par son législatif et son exécutif, s’est opposée à la création d’une zone forestière de 440 hectares laissée à sa libre évolution sur son territoire communal.

*première image.

Il s’agit d’une parcelle forestière, dont la commune territoriale est Froideville mais qui est propriété de l’Etat de Vaud. Le périmètre étudié du parc naturel périurbain se trouve entièrement sur la commune de Lausanne. Comme le montre l’image c’est 1,7 hectare de coupe rase — au nom du climat et de la recherche — rendu inaccessible au gibier, qu’il soit à deux ou quatre pattes, et ce sans concertation avec les autorités territoriales. Comment, ensuite, expliquer à la population, aux propriétaires, que chaque arbre de plus de 30 centimètres de diamètre en zone habitée doit faire l’objet d’un affichage de vingt jours afin d’obtenir l’autorisation d’abattage, lorsqu’on voit le résultat en zone forestière cantonale ? D’où l’incompréhension… Elle était belle ma forêt…

*deuxième image

M. Daniel Ruch (PLR) —

Même si tout a été dit d’un côté ou de l’autre, j’aimerais ajouter que nous sommes tous décidés à construire en bois dans ce canton. Toutefois, si chaque fois que les communes coupent un morceau de bois, elles perdent de l’argent, au bout d’un moment, elles en auront assez, et il faudra aussi trouver des solutions pour financer les exploitations.

Je déclare mes intérêts comme entrepreneur forestier et syndic d’une grosse commune forestière. Les parcelles d’essai, comme il y en a aussi une à Château-d’Œx, ce sont des essais prévus par la Confédération. Cela fait peut-être mal au cœur, mais cela sert à observer l’évolution de la forêt sans gibier pendant une trentaine d’années.

M. Yves Ferrari (VER) —

Je déclare mes intérêts très indirects puisque je donne quelques heures de cours dans une école de forestiers-bûcherons au Mont-sur-Lausanne et bien que ce ne soit pas moi qui récolte le bois, je laisse cela à ceux qui s’y connaissent mieux !

Par rapport à ce qui pourrait être perçu par certains comme de l’idéologie, je commence à m’inquiéter, et ce, pour deux raisons. Pour ceux qui ont étudié l’épistémologie, Karl Popper mettait en avant le principe de falsification de l’hypothèse. Or, aujourd’hui, relativement à l’argument idéologique cela est ardu.

Aujourd’hui, dans notre canton, des forêts de ce style n’existent plus ou insuffisamment. Il faut par conséquent recréer des zones qui nous permettront de mener des études sur ce type de forêts. Ensuite, peut-être qu’en effet, comme l’a dit M. Chollet, ce n’est pas nécessairement le lieu le plus idéal pour s’y employer — à 800 mètres d’altitude et à proximité immédiate de la ville. Toutefois, il ne faut pas ignorer qu’il s’agit aussi d’un lieu de détente et de ressourcement pour les personnes qui habitent en milieu urbain.

Enfin, sur la question de remettre en cause un certain nombre d’éléments scientifiques, je ne peux que vous inviter à regarder un film disponible actuellement sur la RTS : La Fabrique de l’ignorance. Le propos est intéressant, car il met en avant tous les procédés pour ne pas admettre des faits. Et nous y participons tous d’une manière ou d’une autre. Lorsque nous découvrons une chose nouvelle, nous peinons à accepter que ce que nous avions appris précédemment était peut-être faux, ou pire que ça, que tout ce que nous avons affirmé ou enseigné pendant nombre d’années n’est plus tout à fait pertinent. Ainsi, pour éviter de se remettre en question, nous nions des faits scientifiques, pourtant totalement établis ; tout et son contraire est alors bon pour essayer de justifier cela, une sorte de résistance du paradigme dans lequel nous sommes inscrits depuis nombre d’années.

Fort de ces différents éléments, je vous suggère malgré tout de tenter l'expérience que nous propose le canton avec cette forêt.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Cher collègue Ferrari, quel que soit le statut de la forêt du Jorat, nous pourrons toujours nous y promener…par contre, la question des VTT et des cavaliers n’est pas réglée. Nous n’avons aucune garantie que l’encre à peine sèche, Berne n’imprimera pas une volonté non négociable de retirer les VTT et les cavaliers.

A l’intention de mon collègue Epars, je ne peux tout de même pas laisser passer que vous disiez que la Suisse arrive en queue de peloton au niveau de la biodiversité, selon les normes de l’OCDE. En effet, le maïs cultivé en Bavière et dans le nord de l’Allemagne, dont les surfaces augmentent de façon exponentielle, n’est plus destiné à entrer dans la bouche d’un seul bovin : il est destiné à produire de l’énergie. Et, la seule chose qui augmente également de manière exponentielle… c'est les populations de sangliers ! La Beauce, la Picardie, l’Ile de France… des céréales à perte de vue et du plastique à perte de vue dans le sud l’Espagne. Or, ici, 75 % de la surface agricole est en nature d’herbe, chaque paysan a l’obligation de faire au minimum quatre cultures ; et il ne s’agit ni d’un conseil ni d’un souhait mais d’une obligation. Par conséquent, permettez que votre appréciation et votre lecture des normes ne soit pas la mienne.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d'État

Recentrons le problème sur la réponse à l’interpellation de M. Yvan Pahud. L’année 2020 a montré l’importance des espaces naturels pour se ressourcer. Toutes et tous, vous êtes allés vous promener dans les forêts, celles du Jorat ou du Gros-de-Vaud, car il me semble que j’ai croisé la moitié du canton sur ce territoire ! Si l’homme a besoin de nature, alors cette dernière a aussi besoin d’espace pour la libre évolution des processus naturels, la conservation de la flore et de la faune et pour le maintien des prestations éco-systémiques à long terme ; exploitation et protection des ressources doivent pouvoir coexister, ce dernier terme me paraissant important.

Si la gestion multifonctionnelle des ressources naturelles constitue le prérequis du maintien de la biodiversité, des mesures supplémentaires sont nécessaires dans toutes les régions du canton, plateau y compris. Et pour ce faire, les politiques fédérales et cantonales proposent différents instruments qui, combinés, permettent de répondre aux enjeux actuels et futurs. Le Conseil d’Etat entend poursuivre la promotion de ces différents instruments sur son territoire, dans les parcs d’importance nationale et la réserve forestière. Certaines collectivités publiques y adhèrent, d’autres pas. Des propriétaires privés y sont aussi intéressés, cela sur une base volontaire.

La ville de Lausanne, qui est propriétaire des parcelles concernées, sur son territoire, a choisi plusieurs démarches et instruments. Et elle a agi ainsi, parce que notre constitution prévoit la liberté pour un propriétaire de décider de la gestion de ses biens-fonds. Ainsi, la ville de Lausanne a décidé d’avancer, entre autres, sur un projet de parc naturel combiné à la création d’une réserve forestière de 4,4 kilomètres carré sur son territoire.

En date du 11 février dernier, le Conseil communal de Lausanne, par une très large majorité, a décidé d’adopter la charte du parc naturel « le Jorat », le contrat et le plan de gestion qui lui sont liés. Il s’agit donc bien d’une décision du Conseil communal de Lausanne qui concerne son territoire. Cette décision a été suivie par une demande au canton d’assurer une garantie territoriale, requise par la Confédération, pour une labellisation future du parc. Le canton, qui s’est doté en 2008 d’une loi pour promouvoir les parcs sur son territoire, a donc administrativement pris le relais du dossier par la mise à l’enquête publique et la décision de classement de la zone centrale du parc naturel, et la mise à jour du périmètre dans la fiche E12 du Plan directeur cantonal. La mise à l’enquête de la décision de classement est aujourd’hui terminée. 27Vingt-sept oppositions ont été déposées, dont deux seulement émanent de communes voisines, Cugy et Froideville. Les quelques neuf autres communes, membres de l’Association Jorat, une terre à vivre, n’ont, quant à elles, pas fait opposition. Quant à la question de l’absence de concertation, permettez-moi de m’inscrire en faux, puisque des discussions et des rencontres ont eu lieu. Preuve en est la commune de Froideville, comme d’autres communes, s’est retirée du projet.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

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