Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 24 novembre 2020, point 11 de l'ordre du jour

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Texte adopté par CE

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M. Vassilis Venizelos —

Cette interpellation a été déposée en 2018. Depuis, différentes actions ont été entreprises par le Conseil d’Etat, notamment la publication d’un Plan d’action sur la biodiversité. Cependant, la situation est toujours aussi catastrophique et alarmante, malgré les efforts menés par le Conseil d’Etat et par les différents acteurs concernés, notamment la profession agricole. Nous devons faire face à une extinction de masse des espèces. En effet, la pression sur la biodiversité et sur l'avifaune est malheureusement de plus en plus forte Les causes en sont multiples : l’urbanisation du territoire, son mitage, l’utilisation intensive des sols et des eaux, mais aussi l’apport de pesticides et d’azote dans l’agriculture, accompagnée par le dérèglement climatique ; cela représente un cocktail douloureux pour la biodiversité.

Les efforts importants menés notamment par le secteur agricole doivent être reconnus, mais ils demeurent malheureusement insuffisants pour freiner la dynamique. Tout cela a un coût. Nous ne pouvons pas demander aux familles paysannes de porter l’ensemble des erreurs du passé — dont nous sommes toutes et tous responsables — de la politique agricole qui a amené la production agricole du pays et du canton à maintenir un très fort lien de dépendance avec les phytosanitaires. Il retourne par conséquent d’une responsabilité partagée face aux erreurs du passé, et des efforts importants devront être consentis.

Nous devons soutenir les familles paysannes pour qu’elles trouvent des solutions, et les accompagner dans cette transition. Dernièrement, le débat sur le Gaucho nous a occupés, il reviendra sur la table du Grand Conseil par une motion que notre groupe va déposer. En effet, nous ne pouvons pas simplement appeler les agriculteurs à abandonner certains produits phytosanitaires. Dans un premier temps, il faut trouver des solutions concrètes et financières pour leur permettre de passer ce cap et parvenir à mener cette transition. Nous déposerons tout à l’heure une motion pour soutenir le secteur betteravier.

Plutôt qu’opposer la politique agricole et la politique environnementale, comme certains souhaitent encore le faire, des solutions conjointes doivent clairement être trouvées. Il faut davantage soutenir les familles paysannes, à tout prix et par le biais de différents efforts financiers ; il faut « mettre le paquet », car nous n’en faisons clairement pas assez. Le Plan d’action biodiversité propose des intentions et des mesures intéressantes, mais nous n’y arriverons pas sans un soutien financier plus important de la part de la Confédération et du canton.

Ainsi, le groupe des Verts présentera prochainement plusieurs propositions pour soutenir le secteur agricole, qui souffre et qui est à un tournant de son existence. Nous devons toutes et tous, notamment le Conseil des Etat, nous efforcer de venir en aide et en soutien aux familles paysannes. Je remercie le Conseil d’Etat pour sa réponse, qui date certes un peu, puisque le Plan d’action biodiversité a vu le jour entretemps et promet de belles mesures, mais qui ne pourront s’accomplir sans moyens financiers.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. José Durussel (UDC) —

Cher collègue Venizelos, vous exagérez en utilisant les termes « situation catastrophique » ! Ces vingt-cinq dernières années, notre profession a beaucoup œuvré en faveur de la biodiversité. Cela a commencé dans les années nonante ; et, sans vouloir énumérer toute la liste, cela a débuté par des surfaces de projets écologiques et la Production écologique reconnue ; par énormément de surfaces occupées par les jachères, florales, entre autres, ou les prairies écologiques par bandes pour lutter contre l’érosion ; l’obligation de placer des prairies extensibles aux abords des forêt ; des réseaux écologiques contrôlés par les bureaux spécialisés — et qui coûtent déjà passablement à l’agriculture et à la population. En d’autres termes, l'agriculture biologique occupe maintenant une place importante sur notre territoire. En sus, du point de vue mécanique, les filtres à particules ont été introduits sur tous les nouveaux véhicules agricoles. Monsieur Venizelos, toutes ces mesures représentent de gros efforts effectués par notre profession. Souhaitez-vous un Ballenberg helvétique total ?

Bien entendu, on peut toujours en faire plus… mais ne perdons pas de vue qu’il faut nourrir la population grandissante… sans aucune importation supplémentaire, quelle est donc votre recette?

M. Jean-Luc Bezençon (PLR) —

Monsieur Venizelos, vos propos sur la question agricole sont similaires à la politique des Verts. Vous détruisez… puis, la seule possibilité ou seule solution envisagée réside dans les compensations financières. Or, quand on prend le risque de démanteler toute une filière — celle du sucre, par exemple — une fois que le savoir-faire et les usines de production de Frauenfeld ou d’Aarberg auront disparu, la filière du sucre aura suivi le même chemin.

Ainsi, ce que vous proposez, c’est-à-dire la course à l’obligation de se séparer immédiatement des produits phytosanitaires — je ne les appellerai pas pesticides comme vous le faites — ou des produits antiparasitaires, qui sont uniquement utilisés pour traiter les maladies de nos cultures, je le rappelle, est absolument inadmissible. En effet, on ne répand pas des produits sur les champs lorsque cela n’est pas nécessaire, tout comme on ne prend pas de médicaments lorsqu’on n’est pas malade…

Des analyses des eaux ont répertorié plusieurs milliers de molécules chimiques différentes dans nos lacs et nos rivières — environ 4000 molécules différentes — alors que l’agriculture en utilise 450. Et le reste ? Il provient des médicaments ! Aujourd’hui, nous équipons nos stations d’épuration pour capter les micropolluants, mais on s’en donne le temps, parce que tout ne peut pas être fait dans l’immédiat. Alors, nous vous demandons un peu de compréhension, car à force de vouloir les choses tout de suite et de se montrer à ce point intransigeant, vous mettez gravement en péril l’agriculture suisse et les familles paysannes, mais surtout l’approvisionnement du pays, nous rendant de plus en plus dépendants de l’étranger, soit le pire qui puisse arriver.

M. Vassilis Venizelos —

A entendre notre collègue Bezençon, nous avons le sentiment que les Verts ont pris le pouvoir partout en Suisse, dans tous les parlements ! Replaçons l’église au milieu du village en rappelant — puisque vous y référez — que l’interdiction du Gaucho a été prise par un conseiller fédéral UDC, dans un Conseil fédéral à majorité de droite. Il ne s’agit donc pas d’une attaque écologiste, mais d’une décision prise par des autorités qui se situent plutôt à droite de l’échiquier.

Je regrette qu’on continue à nous faire un procès d’intention et à considérer que nous en voulons à la profession agricole, car ce n’est pas du tout le cas. Je considère qu’il est compliqué de demander à cette dernière d’arrêter du jour ou lendemain d’utiliser des produits phytosanitaires et, monsieur Durussel, je suis complètement d’accord avec vous ; il faut, d’une part, des soutiens forts et, de l’autre, laisser à la profession le temps de s’adapter à ce nouveau contexte. Je ne blâme pas la profession agricole pour qui il est extrêmement difficile à la fois de joindre les deux bouts, et de trouver des solutions techniques et financières pour relever le défi qui les attend. Par conséquent, les autorités politiques, celles du Conseil d’Etat et du Grand Conseil, ont pour rôle de venir avec proposer des solutions concrètes pour que les familles paysannes puissent avoir encore un revenu décent.

Mme Béatrice Métraux —

Pour le Conseil d’Etat vaudois, la paysannerie et tout le milieu agricole revêtent une importance capitale. Le Conseil d’Etat prend des décisions qui soutiennent formellement les paysans, et mon collègue, Philippe Leuba, qui est en charge de ces questions, a le plein soutien du Conseil d’Etat. En effet, on ne peut avoir une société sans paysans — et je sais de quoi je parle, monsieur Durussel, car mon fils est directement impliqué ; la question paysanne m’est donc particulièrement proche.

La question posée par M. Venizelos concernait les oiseaux. Depuis septembre 2019, le canton dispose d’un Plan d’action en faveur de la biodiversité qui a été formellement validé par le Conseil d’Etat. Ainsi, pour maintenir et renforcer les effectifs d’espèces menacées, le plan prévoit un panel de mesures à promouvoir, non seulement dans l’espace agricole, mais aussi dans l’espace bâti et dans les zones naturelles ou la forêt. Dans l’espace agricole, le Conseil d’Etat entend renforcer le conseil et l’information des exploitants sur les besoins des espèces menacées et sur les mesures à prendre à plus long terme. Nous sommes en discussion avec les associations agricoles.

A ceux qui s’opposent au soutien financier, il faut préciser qu’il ne s’agit que d’une mesure de soutien permettant aux exploitants qui prennent de façon volontaire — et ce dernier adjectif est important — des mesures allant au-delà des exigences fédérales. Nous voulons également promouvoir une agriculture respectueuse des ressources naturelles, résistante, et résiliente face aux changements climatiques — ce dernier point étant essentiel. Les mesures destinées à favoriser l'avifaune en zone agricole ont aujourd’hui comme cadre principal les réseaux agro-écologiques. Lors de la discussion relative à la politique agricole 2022, qui doit être entamée en 2021, ces mesures seront probablement promues dans le cadre des stratégies agricoles régionales — une musique d’avenir. Ces mesures reposent sur un conseil aux exploitants pour évaluer les améliorations possibles pour des soutiens d’accompagnement. Mon département collabore très étroitement avec la Direction générale de l’agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires (DGAV) et avec les structures de conseil de Prométerre, pour définir comment et par qui l’information sera donnée aux différents acteurs. En 2019, de nouveaux cours ont eu lieu visant à améliorer la qualité et l’attractivité des haies en zone agricole pour la faune et des mesures innovantes pour les oiseaux migrateurs limicoles ont par exemple été testées dans la plaine de l’Orbe, y compris sur les établissements pénitentiaires, en intégrant des surfaces temporairement inondées dans la rotation des cultures. Enfin, les mesures sont prises avec les acteurs concernés ; elles revêtent un caractère volontaire, il n’existe ni coercition ni taxe, contrairement à ce qu’on peut entendre.

Dans le cadre du projet-pilote de stratégie agricole qui est en cours dans la Broye, des adaptations de certaines mesures ont été proposées aux exploitants volontaires, en collaboration avec la station ornithologique de Sempach, pour améliorer l’habitat de plusieurs espèces prioritaires. Toutes ces mesures s’accompagnent d’un suivi cantonal renforcé de la biodiversité mené par mon département pour pouvoir évaluer à l’échelle cantonale l’évolution de la vie faune et répondre aux préoccupations de M. Venizelos. En conclusion, le Conseil d’Etat se montre vraiment préoccupé par tous les volets de la question agricole ; au fur et à mesure de vos interventions parlementaires il vous propose des mesures ou des soutiens particuliers.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

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