Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 23 août 2022, point 2.9 de l'ordre du jour

Texte déposé

Il est dans l’intérêt de l’ensemble de la société de permettre aux personnes relevant du domaine de l’asile (permis B, F et N) et en besoin de protection (permis S) d’accéder à des voies de formation adaptées. Ouvrir l’accès à la formation facilite grandement leur intégration et leur permet de devenir plus rapidement autonomes financièrement, pour contribuer pleinement au fonctionnement de l’économie.

 

Le canton de Vaud a ainsi développé durant ces dernières années un accompagnement toujours plus étoffé dans l’accès aux apprentissages pour les personnes relevant de l’asile, ce qui est à saluer car cette voie de formation représente, en termes de nombre de personnes concernées, la plus utilisée. Des résultats concrets sont perceptibles sur le terrain du côté des associations actives dans le domaine de l’asile. Parmi les prestations plébiscitées, on peut citer le suivi par des coachs OSEO (programme Coaching+ Migration), la prolongation d’apprentissage pour l’intégration (PAI +), le centre de formation de l’EVAM, etc.

 

La situation n’est pas la même pour ce qui concerne l’accès aux études tertiaires. De nombreuses personnes disposeraient des compétences et connaissances nécessaires pour démarrer ou terminer des études tertiaires (hautes écoles, université ou école polytechnique) dans notre canton, mais ne se lancent pas en raison d’obstacles administratifs trop importants, comme le relevait le postulat Julien Eggenberger et consorts « Faciliter la poursuite des études pour les étudiant-e-s avec statut de réfugié et leur accès aux Hautes écoles » en 2017 (17_POS_240). Des parcours se voient interrompus ou rendus impossibles et c’est tout un potentiel de compétence qui est laissé de côté par et pour la société.

 

Dans sa réponse au postulat mentionné, le Conseil d’État développe un « état des lieux des mesures pour faciliter l’accès et la poursuite des études à l’UNIL ou dans une haute école vaudoise ». Ces efforts sont nécessaires mais restent trop segmentés par institutions et souffrent d’un manque de coordination et de vision d’ensemble. Le Conseil d’État s’est ainsi engagé à initier des rencontres avec les organes concernés « en vue de systématiser la coordination et de favoriser les échanges d’informations, d’expériences et de bonnes pratiques », jugeant toutefois que la mise en place d’un programme cible tel que « Horizon Académique » (canton de Genève) ne pourrait pas nécessairement faire la différence par rapport à l’offre existante.

 

Aujourd’hui, force est de constater que la situation observée sur le terrain par plusieurs associations en contact direct avec des personnes du domaine de l’asile est bien plus enviable au bout du lac, si bien que plusieurs requérant·e·s d’asile et réfugié·e·s vaudois·es bénéficient du programme genevois « Horizon Académique ». Ce programme, qui rencontre un succès grandissant, offre une prise en charge complète, dont les intérêts sont notamment :

  • Coordination et orientation : Un guichet unique et spécifique oriente vers les différentes possibilités existantes (hautes écoles et université) en dirigeant également vers les cours de français avant et pendant les études. Une personne spécialisée dans les études tertiaires est à même de proposer des mesures adaptées à la situation (par ex. des cours en tant qu’auditeur/auditrice libre en parallèle à des cours de français spécifiques avant d’intégrer un cursus standard). Permettre d’avoir une personne de référence tout au long de la démarche est un avantage important.

  • Accompagnement dans les démarches administratives : Les conditions d’immatriculation et les processus d’admission sont variables pour chaque école et un accompagnement au cas par cas permet d'inciter à une dynamique de recherche de solutions. À terme, une telle position d’interlocuteur/interlocutrice privilégié·e des services d’immatriculation permet de mieux identifier les barrières administratives fréquentes en vue d’adaptations et d’harmonisations en discussion avec les acteurs concernés.

 

Dans le canton de Vaud, les démarches sont plus complexes. Quelques-uns des nombreux obstacles sont listés ci-dessous :

  • Les personnes relevant du domaine de l’asile et désireuses d’entamer ou de poursuivre un cursus d’études supérieures ne savent généralement pas à qui s’adresser. La situation n’est pas forcément plus claire pour les professionnel·le·s, qui n’orientent finalement que très rarement vers des voies de formation tertiaires, par manque de connaissance des possibilités et par découragement. De plus, peu de personnes sont dirigées vers les Hautes Écoles, alors que celles-ci répondent bien au désir fréquent d’entrée plus rapide sur le marché du travail.

  • Les cours de langue de l’École Français Langue Étrangère (EFLE) tels que l'année élémentaire, l'année préparatoire et le diplôme de FLE sont souvent trop coûteux pour les personnes relevant du domaine de l’asile. Ils ne sont pas toujours reconnus comme mesure d'intégration et donc parfois pas pris en charge par le CSIR ou l'EVAM. Quant aux cours de l'EFLE pour des personnes déjà admises dans un cursus ordinaire, ils ne sont pris en charge que par certaines des hautes écoles. Ces lacunes limitent la propension des professionnel·le·s à diriger vers l'EFLE, pourtant bien adaptée aux besoins.

  • Lors de l’inscription à l’UNIL, des diplômes contresignés par l’université d’origine sont fréquemment demandés. Cette exigence est impossible à respecter pour des personnes requérantes d’asile ou réfugiées, qui ont dû quitter leur pays extrêmement rapidement et traverser un parcours migratoire compliqué. Il existe la possibilité de procédure d’immatriculation fondée sur une déclaration sur l’honneur, mais cette démarche, méconnue, est rendue extrêmement difficile à l’UNIL et n’est a priori ouverte qu’aux Permis F réfugié et B (contrairement à ce qui se fait à Genève). La rigidité administrative et la complexité rencontrées au service des immatriculations de l’UNIL entre en contraste avec l’attitude proactive et ouverte observée à Genève.

  • Les exigences en matière de niveaux de langues pour entrer à la HEP sont élevées. Il ne semble pas indispensable d’exiger un B2 en allemand pour des personnes qui ne se destinent pas à l’enseignement de l’allemand, ni d’exiger un C2 en français pour des personnes qui ne se destinent pas à l’enseignement du français.

  • L’EPFL n’accepte pas des personnes qui ont déjà̀ un diplôme, ce qui rend les choses compliquées pour des personnes pour qui leur diplôme n’est pas du tout reconnu en Suisse, ou peu reconnu (et pour qui l’entrée directe sur le marché du travail est donc très difficile).

 

Actuellement, la crise Ukrainienne rend le besoin de coordination et d’accompagnement des personnes réfugiées dans l’initiation ou la poursuite d’études tertiaires encore plus urgent, au vu du très grand nombre de personnes concernées. De plus, un changement a été observé dans l’origine des requérant·e·s d’asile et réfugié·e·s ces dernières années, avec actuellement beaucoup d’arrivées depuis la Turquie de personnes formées ou ayant interrompu une formation universitaire. C’est donc plus que jamais l’occasion de développer dans le canton de Vaud une solution s’inspirant du succès de « Horizon Académique ».

 

Des réflexions sont en cours à l’UNIL en vue du développement d’un programme d’accès aux études pour les personnes en exil. Il serait regrettable que ces réflexions restent cantonnées à l’UNIL, alors qu’un besoin existe également pour les Hautes Écoles et l’EPFL. Souhaitant connaître l’opinion du Conseil d’État à ce sujet, les signataires de l’interpellation souhaitent donc formuler les questions suivantes :

  1. Le Conseil d’État est-il aujourd’hui ouvert à la mise en place d’un programme d’accès aux études supérieures pour les personnes relevant du domaine de l’asile (permis B, F réfugié, F admission provisoire et N) et en besoin de protection (permis S) impliquant la création d’un guichet unique à ce sujet, en s’inspirant notamment du modèle genevois ?

  2. Le Conseil d’État compte-t-il entreprendre des démarches pour que les coûts des cours de langues et de préparation aux examens d’entrée (par ex. EFLE ou école préparatoire ECUS) soient systématiquement pris en charge comme mesure d’intégration pour les personnes relevant du domaine de l’asile et en besoin de protection qui n’en ont pas les moyens ?

  3. Le Conseil d’État peut-il favoriser une utilisation plus large et flexible des procédures d’immatriculation fondées sur une déclaration sur l’honneur (tant du point de vue des permis concernés, des écoles concernées et de la fréquence d’utilisation) ?

  4. Dans un contexte de risque de pénurie de médecins, le Conseil d’État peut-il envisager une modification du règlement cantonal du 16 novembre 2016 sur l’admission des candidats étrangers aux études de médecine pour en donner l’accès aux requérant·e·s d’asile et aux personnes admises à titre provisoire ?

  5. Le Conseil d’État est-il favorable à inviter la HEP à réétudier ses exigences en matière de niveaux de langues pour permettre un meilleur accès aux personnes réfugiées et requérantes d’asile ?

  6. Le Conseil d’État peut-il user d’une quelconque influence pour inviter l’EPFL à prévoir une exception à son règlement pour les personnes requérantes d’asile et réfugiées, au vu de la spécificité de leur statut ?

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Mathilde MarendazEP
Sabine Glauser KrugVER
Hadrien BuclinEP
Rebecca JolyVER
Didier LohriVER
Alberto MocchiVER
Géraldine DubuisVER
Sébastien CalaSOC
Nathalie VezVER
Céline MisiegoEP
David RaedlerVER
Vincent BonvinVER
Yolanda Müller ChablozVER
Kilian DugganVER
Cédric RotenSOC
Valérie ZoncaVER
Pierre WahlenVER
Joëlle MinacciEP
Anna PerretVER
Martine GerberVER
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