Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 2 mai 2023, point 44 de l'ordre du jour

Texte déposé

En Suisse, il est autorisé de chasser des animaux menacés qui figurent sur liste rouge ou sur la liste des espèces prioritaires pour une conservation ciblée. Pourtant, l’art.5 al. 6 de la LChP parle de protéger les « espèces menacées » de la chasse. Le Conseil fédéral, dans sa réponse à la question 21.8208 laisse la responsabilité de l'interdiction aux autorités cantonales !

C'est pour le moins surprenant. En effet, le territoire suisse n'est pas grand et il est difficile de comprendre qu'il soit possible de chasser dans un canton une espèce qui serait menacée de disparition dans un autre.

Nonobstant, c'est au canton d'effectuer un arbitrage entre une atteinte à une liberté et un intérêt public. L’interdiction de chasser les espèces menacées sur liste rouge toucherait une centaine de chasseurs qui seraient privés non pas d’un revenu déterminant pour leur famille, non pas d’une nourriture indispensable à leur survie, non pas d’une activité économique, mais d’un plaisir sportif.

Dans le Canton de Vaud, cela concerne notamment la bécasse des bois qui, pourtant sur la liste rouge des oiseaux nicheurs[1], peut être chassée.

Sur le site de l’OFEV, sous la rubrique « État de la diversité des espèces en Suisse », il est écrit : « Les résultats montrent que les efforts consentis jusqu’à présent sont insuffisants pour préserver durablement la diversité des espèces en Suisse. Des espèces disparaissent à l’échelle locale, régionale et nationale. » Cette observation appuie l’idée qu’autoriser la chasse d’une espèce sur liste rouge, même si la chasse n’est pas la raison principale du déclin de la population, ajoute une menace supplémentaire qui n’est pas souhaitable.

Comment est-il possible de justifier la chasse d’espèces menacées, pour le plaisir face à la perte de notre biodiversité ?

Les motionnaires demandent que le Conseil d'Etat prenne ses responsabilités en modifiant la loi sur la faune (LFaune) du 28 février 1989 et interdise la chasse des espèces menacées qui figurent sur liste rouge et les espèces prioritaires.

 

[1] https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/biodiversite/publications/publications-biodiversite/liste-rouge-oiseaux-nicheurs.html

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Alice GenoudVER
Jean-Christophe BirchlerV'L
Pierre FonjallazVER
Yannick MauryVER
Laurent MiévilleV'L
Andreas WüthrichV'L
Jérôme ChristenLIBRE
Claude-Alain GebhardV'L
Cendrine CachemailleSOC
Claire RichardV'L
Blaise VionnetV'L
Cédric EchenardSOC
Léonard Studer
Sylvie PodioVER
Jean-François ChapuisatV'L
Claude Nicole GrinVER
Julien EggenbergerSOC
Valérie InduniSOC
Graziella SchallerV'L
Muriel ThalmannSOC
Circé Barbezat-FuchsV'L
Stéphane MontangeroSOC
Maurice Mischler

Documents

RC-min 22_MOT_4_def

RC-maj 22_MOT_4_def

22_MOT_4-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Cendrine Cachemaille (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

La commission s’est réunie le 24 mai 2022 afin d’étudier la motion proposée par notre collègue Cloé Pointet, en présence de Mme Béatrice Métraux, conseillère d’Etat, de M. Beuchat de la Direction des ressources et du patrimoine naturels (DIRNA) à la Direction générale de l’environnement (DGE), et de M. Frédéric Hofmann, chef de section « chasse, pêche et surveillance » à la DGE. J’en profite pour remercier chaleureusement Mme Krug, secrétaire de commissions parlementaires, pour la qualité de ses notes de séance.

Lors de sa prise de position, la motionnaire a tenu à préciser que cette motion n’a pas pour but de s’en prendre à la pratique de la chasse mais de protéger les espèces les plus vulnérables, soit les espèces mentionnées dans la liste rouge des espèces en danger établie par la Confédération et d’interdire leur chasse sur le territoire du canton. La motionnaire a reconnu que la chasse n’est pas le seul facteur pouvant expliquer la disparition des individus d’une espèce menacée. En effet, les changements climatiques, la diminution de leur habitat liée à la présence de l’homme et à son exploitation des forêts et des plaines, peuvent être cités. Il faut bien sûr agir sur tous ces facteurs mais interdire la chasse des espèces les plus fragiles permettrait, et de manière très simple, d’enlever une pression, un stress sur les populations des espèces les plus vulnérables de notre territoire.

L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) publie et met à jour une liste rouge des espèces menacées. Le lièvre, la sarcelle ou la bécasse des bois, par exemple, en font partie. La motion ne fixe pas une espèce ou une autre dans la loi, mais bien celles qui sont menacées. Lorsqu’une espèce menacée sort de ce statut, elle pourrait très bien être à nouveau chassée, et de la même façon lorsqu’une espèce devient menacée, elle deviendrait ainsi protégée.

Mme la conseillère d’Etat a expliqué à la commission que la Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et des oiseaux sauvages désigne les espèces pouvant être chassées ou étant protégées mais laisse aux cantons la possibilité de réglementer la chasse. La loi vise à la conservation de la diversité des espèces et celles des biotopes, à la préservation des espèces animales menacées, et à l’exploitation équilibrée par la chasse des populations de gibier. Dans la liste des espèces pouvant être chassées figurent notamment le tétras lyre, la bécasse des bois, le lièvre brun et le lièvre variable. Les cantons peuvent décider de la chasse ou de la protection des espèces. Dans la liste rouge, le degré de menaces est évalué au niveau national, mais les différences régionales ne sont pas prises en considération. En revanche, les directives de chasse peuvent être adaptées à l’état des populations au niveau régional. Aujourd’hui, les principales menaces qui peuvent peser sur une espèce animale sont la perte d’habitat causée par les activités humaines, l’agriculture, et le climat. Deux exemples peuvent être cités. Premièrement, la très forte diminution de la population de lièvres bruns s’explique principalement par l’intensification de l’agriculture, ce qui la rend plus vulnérable à d’autres facteurs, comme celui de la chasse. Deuxièmement, le tétras lyre subit les aménagements d’accès, la pression touristique et tous les autres dérangements, l’intensification ou l’abandon de l’exploitation des alpages, ainsi que la chasse.

Sur le plan cantonal, le Département de l’environnement et de la sécurité a mis en place les outils nécessaires pour assurer une gestion durable de la chasse. Par exemple, en 2020, le Canton a supprimé les droits de chasse des oiseaux d’eau sur les lacs de Neuchâtel et de Morat, à l’exception du canard colvert et du cormoran, tout en réduisant la liste des oiseaux d’eau chassables sur le Léman et le territoire cantonal. A l’échelle romande et en collaboration avec l’OFEV, une harmonisation intercantonale a permis de prendre des mesures pour améliorer l’habitat de la bécasse des bois et gérer la période de chasse la concernant. De même, un plan de gestion cantonal vient d’être lancé pour le lièvre brun. Le but étant d’exclure la chasse dans les secteurs de faune qui abritent des réseaux agroécologiques dont le lièvre brun est l’espèce cible. La gestion de la faune est complexe. Conserver, voire augmenter, les effectifs d’une espèce inscrite sur la liste rouge doit être une priorité. Les efforts doivent se concentrer sur la qualité des habitats naturels, car sans ces derniers, il n’y a pas de faune. Suivre les effectifs des espèces et l’évolution des populations fait partie des mesures mises en place par le Canton.

Lors de la discussion, il a été relevé que les compétences cantonales sont importantes dans le domaine de la chasse en raison des spécificités territoriales liées à l’habitat et, concernant la bécasse, le Canton a déjà pris des mesures. Depuis une dizaine d’années, il existe une mesure de prélèvement maximal annuel par chasseur dans le but d’améliorer sa régulation. Pour la minorité de la commission, il serait donc faux d’accuser la chasse de participer à la diminution des effectifs de cette espèce dans notre canton. La diminution des bécasses, en Suisse, est aussi liée au changement climatique et à la détérioration de son habitat. La minorité a également voulu rappeler le rôle important que les chasseurs jouent dans la protection et la connaissance de notre environnement. Des statistiques sont établies, des espèces sont comptabilisées, et donnent une bonne image de la réalité de l’état des populations animales. Les chasseurs participent à l’entretien de l’habitat de certaines espèces, comme le tétras lyre, puisque le permis de chasse les contraint à consacrer un certain nombre de jours à cette tâche d’entretien et que les chasseurs contribuent à la préservation de son habitat. Si elle ne devait plus être chassée, son habitat ne serait plus entretenu. Il est rappelé qu’à la suite du comptage de 2021, le département a décidé d’interdire la chasse du tétras lyre en 2022, sans toutefois supprimer les journées d’entretien de l’habitat de l’oiseau.

Dans les faits, le Canton utilise déjà les données fournies par le milieu de la chasse pour limiter ou interdire la chasse des espèces menacées. Cette motion, pour la minorité de la commission qui la rejette, constitue une atteinte à la tradition de la chasse, et elle estime que la motionnaire veut réduire peu à peu les espèces chassables, et parvenir in fine à une interdiction totale de la chasse, ce que la motionnaire réfute. Comme elle l’avait précisé dans son introduction, elle ne remet pas en cause la pratique de la chasse et reconnaît son rôle dans la régulation de certaines espèces, comme le sanglier, mais ne comprend pas pourquoi des espèces menacées devraient continuer à être tirées. Elle souhaiterait que la pression exercée par la chasse sur les populations les plus vulnérables ne vienne pas s’ajouter aux autres pressions déjà subies. Toutefois, pour la majorité de la commission, il est important de diminuer cette pression et de travailler à la protection des habitats et espèces menacées. L’effectif de certaines espèces de mammifères ou d’insectes diminue sans cesse depuis des décennies, et la biodiversité doit être une priorité. Cette motion offrirait une protection supplémentaire à des espèces vulnérables ; une proposition assez légère allant dans ce sens. Mme la conseillère d’Etat a précisé que, chaque année, sont publiées les directives de la chasse et une commission consultative de la faune se réunit. Cette commission comprend les représentants des chasseurs, des agriculteurs, des ONG, de la protection des animaux, des forestiers, de la police et du vétérinaire cantonal. Les directives de la chasse résultent d’échanges entre ces milieux et de réflexions sur chaque espèce, qui prennent en considération l’ensemble des éléments importants pour gérer l’espèce. Il existe aussi des échanges intercantonaux afin de permettre d’harmoniser les pratiques de la chasse.

À la suite des différents échanges, une discussion a lieu sur la transformation de la motion en postulat. Un rapport permettrait de présenter les actions et les procédures du département en faveur de la protection des espèces et apportera de nombreuses informations. La motionnaire a accepté de transformer sa motion en postulat et propose la prise en considération partielle en modifiant la conclusion de la manière suivante : « Les motionnaires postulants demandent que le Conseil d’Etat prenne ses responsabilités en modifiant se prononce sur l’opportunité de modifier la Loi sur la faune (LFaune) du 28 février 1989 et interdise pour limiter la chasse des espèces menacées qui figurent sur liste rouge et les espèces prioritaires ». Par 4 voix contre 4, avec la voix prépondérante de la présidente, la majorité de la commission recommande au Grand Conseil de renvoyer au Conseil d’Etat la motion transformée en postulat pris en considération partiellement.

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

Je déclare mes intérêts : je suis candidate au permis de chasse. La minorité, qui compte le même nombre de députés que la majorité avec la voix prépondérante de la présidente, vous recommande de ne pas renvoyer cette motion transformée en postulat pris en considération partiellement. Ma préopinante a d’ores et déjà développé quelques arguments de la minorité, je me permets toutefois de les compléter. La motionnaire se base sur une liste rouge des espèces menacées. Cette liste a un désavantage important qui a été reconnu par de nombreux membres de la commission et les services de l’Etat : cette liste ne prend pas en compte les spécificités régionales et cantonales. Lorsqu’on connaît le Canton de Vaud, on sait que ces diversités sont importantes. Cela explique pourquoi le Canton, et non la Confédération, assume une grande partie des compétences et des responsabilités dans les décisions de régulation. Le Canton de Vaud effectue déjà cette mission de manière réfléchie, et j’y reviendrai. Il faut rappeler que le même texte a été déposé à Berne, au Conseil national. Or, le Conseil fédéral propose de le rejeter, argumentant que la législation actuelle permet déjà de trouver un équilibre dans le devoir de protection des espèces inscrit dans la Constitution fédérale et le droit d’exploitation cynégétique confié aux cantons.

Lors de la commission, il a été rappelé par Mme Béatrice Métraux, alors conseillère d’Etat, que l’Etat de Vaud a déjà mis en place les outils nécessaires pour assurer une gestion durable de la chasse. Les exemples sont nombreux : suppression du droit de chasse des canards, à l’exception du canard colvert et du cormoran ; suspension temporaire d’une année de la chasse du tétras lyre, notamment à la suite des opérations de comptage, mais aussi de la bécasse, preuve en est que, sans ce texte, le Canton prend déjà les mesures souhaitées dans cet exercice de protection. En 2002, le Canton a introduit un prélèvement maximal journalier de deux bécasses par chasseur ; puis, en 2011, un prélèvement annuel de dix oiseaux par chasseur. Rappelons également que la période de chasse à la bécasse est limitée. Des actions sont donc déjà mises en place. Ce texte vise à faire croire que la diminution des effectifs de la bécasse est due à la chasse, alors qu’un récent rapport commandité par l’OFEV et dont je vous recommande la lecture, prouve le contraire. Selon les cantons et les régions, les effectifs sont stables et non en diminution. Il est clairement indiqué dans ce rapport qu’en cas de baisses d’effectifs sur certaines régions, celles-ci sont liées à l’habitat, aux modifications climatiques et aucunement à la chasse. Ce rapport est commandité par l’OFEV et j’en cite juste une phrase : « La pratique de la chasse à la bécasse est compatible avec la conservation des populations nicheuses viables ». Ce rapport existe déjà et, dès lors, rien ne justifie ce postulat demandant également un rapport. En outre, le Canton émet déjà des statistiques et rapports annuels complets et documentés sur les différentes activités cynégétiques.

Comme l’a indiqué ma préopinante, il serait plus judicieux d’améliorer les habitats et de trouver d’autres solutions. Il s’agit donc de travailler sur la protection des habitats et de la faune ; les chasseurs sont totalement partie prenante dans ce partenariat avec le service de la faune. En effet, il existe un grand nombre de journées d’entretien des biotopes et de sauvegarde des habitats qui sont effectuées chaque année tant par les candidats chasseurs que les chasseurs avérés. Ces journées constituent des prérequis pour certains permis. Les comptages et différentes statistiques permettent également une gestion durable de la faune et sont réalisés en coordination avec les chasseurs. Bien que nous ayons largement parlé de la bécasse durant cette commission, ce texte vise l’ensemble des espèces menacées et figurant dans la liste rouge. On parle ici de petits gibiers, lièvres et tétras-lyre sont également concernés. L’Etat a édicté et édicte annuellement des mesures particulières lorsque cela est nécessaire, sans même ce texte.

En cas d’interdiction et de suivi de la liste rouge, la pêche de la truite, de l’omble chevalier ou encore de la féra serait concernée. Les chasseurs ne sont pas les seuls à être concernés par ce type d’interdiction. Tout comme la minorité de la commission, je vous invite à trouver des solutions pour la sauvegarde de l’habitat de la faune ainsi que pour la conservation de la nature et à ne pas renvoyer ce texte ne répondant en rien aux problématiques liées à la bécasse et aux petits gibiers.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Cloé Pointet (V'L) —

Comme cela a été dit, l’objectif premier de cette motion était d’interdire la chasse des espèces menacées. Suite aux discussions en commission et aux éléments apportés par Mme l’ancienne conseillère d’Etat, il semblait plus intéressant de transformer cette motion en postulat qui demande au Conseil d’Etat de se prononcer sur l’opportunité de modifier la Loi sur la faune pour limiter la chasse des espèces menacées sur liste rouge et des espèces prioritaires. Cette forme moins contraignante permettra au Conseil d’Etat d’aborder cette problématique de façon plus souple et pragmatique et de revenir vers nous avec des solutions adaptées à la situation. Ce postulat n’est pas superflu. Le Conseil d’Etat l’a dit il y a une année en commission, l’effet de la chasse sur les espèces menacées est pour l’instant peu documenté.

A mon avis, un élément reste flou : il s’agit de l’équilibre entre les effets positifs de cette chasse, les contraintes qui y sont notamment liées, et les effets négatifs. Par effets négatifs, je pense aux représentants de ces espèces menacées qui sont, comme notre collègue Pahud le disait, « mortellement tués ». Par effets positifs, je peux mentionner les heures d’entretien des habitats naturels. Pour la minorité, il est clair que la balance penche du côté positif et on peut le constater dans le rapport dans lequel il est écrit que « pour protéger cet animal, il faut permettre sa chasse ». Pour les milieux de la protection de la biodiversité, cet équilibre semble plutôt pencher du côté négatif. On peut évidemment citer le rapport fédéral de l’OFEV, mais on perd la notion de spécificités régionales qui était un argument de la minorité. Les différences entre les milieux qui sont fortement liées à des divergences d’intérêt prouvent l’importance d’étudier ce postulat, raison pour laquelle je vous invite à le transmettre au Conseil d’Etat afin de clarifier la situation en prenant en compte des spécificités de notre canton.

M. Pierre Fonjallaz (VER) —

Je prends la parole en tant que commissaire. Le rapport l’indique clairement, le premier facteur de pression exercé sur ces espèces est avant tout lié à la perte d’habitats. Ces espèces fragilisées se retrouvent menacées et finalement inscrites sur ces listes rouges. Il me paraît clair que l’arrêt de la chasse sur ces espèces fragilisées permettrait de supprimer une pression additionnelle et qui semble, dans ce contexte, absurde et inutile. Il est aussi important de rappeler qu’il est essentiel de faire le maximum pour préserver et restaurer ces habitats. On constate d’ailleurs plusieurs projets bien menés en termes de préservation des habitats qui améliorent sensiblement la situation de plusieurs espèces, ce qui peut potentiellement les faire sortir de la liste rouge et donc les rendre accessibles aux chasseurs.

Comme Mme Gross l’a indiqué, on a beaucoup parlé de la bécasse en commission. D’après les chiffres à disposition, son exemple est relativement marquant, puisque l’on constate qu’entre 20 à 50 % des effectifs sont chassés chaque année. Les chiffres manquent un peu de précision, alors même qu’il s’agit d’une espèce inscrite sur la liste des espèces menacées. Cette motion transformée en postulat propose un changement qui me semble logique et cohérent. En mon nom personnel, je vous invite à suivre le rapport de majorité et à renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat afin d’améliorer la situation de ces espèces déjà sous pression par nos modes de vie.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Je déclare mes intérêts : je suis membre du comité cantonal de ProNatura Vaud. En préambule, je souhaite insister sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un vote pour ou contre la chasse, cela a été dit mais il est très important de le mentionner encore une fois, mais bien d’un vote pour la protection de certaines espèces. Dans notre canton, certaines de ces espèces ne vont pas très bien actuellement. Ainsi même si quelques espèces d’animaux reviennent dans notre canton, d’autres, bien plus nombreuses, voient leur effectif diminuer parfois de manière très importante telles que la bécasse mais aussi le tétras-lyre, de nombreux autres oiseaux et quelques mammifères.

Le fait de mieux protéger ces espèces animales passe par une meilleure protection des biotopes et cela est indéniable. Si les effectifs diminuent, cela ne vient pas formellement de la chasse, mais bien du réchauffement climatique et de la pression de plus en plus forte sur les milieux naturels. Il est donc très important de protéger ces espèces, en particulier grâce à des mesures liées à l’agriculture. Toutefois, la chasse a aussi un impact limité ; si nous voulons faire en sorte que ces espèces voient leur effectif arrêter de fondre, voire reprendre des plumes de la bête, il faut mieux les protéger, y compris en matière de chasse.

Pour terminer, au mois de septembre 2020, lorsqu’on a demandé à la population de notre pays si elle voulait alléger certaines mesures en matière de chasse, une majorité de la population a voté non. 60 % des Vaudoises et des Vaudois, dans tous les districts, dans les villes comme dans les campagnes - dans le district du Gros-de-Vaud ? 56 % se sont clairement exprimés contre des mesures visant à alléger les conditions de chasse.

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

A ce stade du débat, je souhaite revenir sur quelques points. J’ai de la peine à entendre tant de la part de la motionnaire que de M. Fonjallaz que les chiffres ne sont pas précis et que la situation est peu documentée. Le rapport de l’OFEV compte 170 pages, et je remercie le Canton de Vaud d’y avoir collaboré et d’avoir fourni tous les chiffres disponibles. Dans un autre canton, j’aurais pu l’entendre mais, pour Vaud, ce n’est pas le cas et le rapport est extrêmement précis sur les statistiques de la présence de la bécasse dans notre canton. Si vous souhaitez plus de chiffres sur des aspects cynégétiques, le Service de la faune vous fournira des statistiques claires et précises. Selon moi, le postulat ne pourrait pas amener beaucoup plus de chiffres que ceux existants.

Lorsqu’on parle de pression, je souhaite citer l’exemple du lièvre brun, M. Fonjallaz en ayant d’ailleurs parlé. On a noté une forte diminution du lièvre il y a une dizaine d’années, dans le canton. Comment a-t-on fait revenir et augmenter la population de lièvres bruns dans notre canton ? On a notamment augmenté la pression de chasse sur son prédateur, le renard. Ce n’est donc pas non plus à nous de régler la nature, il faut aussi laisser cette dernière reprendre ses droits et aller de l’avant. Le rapport est extrêmement précis, il fait 170 pages et mérite lecture. J’ai entendu mes préopinants et nous avons tous envie d’aller en direction de l’amélioration des habitats et dans le travail sur les biotopes pour pouvoir favoriser l’effervescence et le passage - qui n’est pas limité aux bécasses nicheuses en Suisse - de ces différents animaux. Toutefois, ce texte n’y répondra absolument pas.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Je comprends Mme Cloé Pointet. Je ne sais pas si elle a déjà eu l’occasion d’observer une bécasse ou un autre animal de ce type. Pour ma part, j’ai eu la chance d’en voir pas loin de chez moi et c’est effectivement assez intéressant. Si je vais jusqu’au bout de votre texte, y compris avec votre motion transformée en postulat, j’ai une question pour M. le conseiller d’Etat qui pourra peut-être me donner une réponse plus objective que Mme Gross : si les chasseurs se désintéressent du tétras-lyre ou encore de la bécasse dont on a beaucoup parlé, que va-t-il se passer ? Ce sont les chasseurs qui nous procurent en grande partie des statistiques, car il n’y a qu’eux qui vont dans les bois, à l’exception des services de l’Etat, soit les garde-chasses, qui travaillent bien entendu en collaboration avec les premiers. Dès lors, si l’on se désintéresse d’une race quelconque, nous n’aurions probablement plus de statistiques.

En outre, les chasseurs doivent participer à des actions ou à des journées d’entretien de biotopes. Je doute que les 150 députés, à part les chasseurs, le fassent. Les chasseurs font ainsi profiter ces animaux de nouveaux habitats les meilleurs possible. Dans le Canton de Vaud, moins d’une centaine de bêtes a été tirée l’année passée, ce qui est relativement bas. Si je me base sur les chiffres de la documentation reçue, entre 3 et 4 millions de bécasses sont prélevées annuellement, dont 700'000 en France. En Suisse, ce sont un peu plus de 1500 bécasses qui sont prélevées, dont moins de 100 dans le Canton de Vaud.

En revanche, l’OFEV est relativement clair : il indique que la chasse de la bécasse en Suisse est compatible avec la protection de la population nicheuse. Monsieur le conseiller d’Etat, si je ne me trompe pas, vous travaillez de concert avec les chasseurs pour obtenir la vision la plus objective possible de ce qui doit ou non être chassé. Je souhaiterai obtenir une confirmation sur ce point et que vous nous expliquiez de quelle manière les comptages sont réalisés ainsi que dans quelle mesure les tirs sont autorisés. Ces points sont importants ; et il me semble qu’il manque des informations. En fonction de ma lecture et d’après ce que j’ai pu constater, je ne soutiendrai ni la motion ni le postulat et je vous encourage à en faire de même. J’imagine que mon groupe sera unanime sur ce point de vue.

M. Loïc Bardet (PLR) —

Je me permets de rappeler à notre collègue Mocchi qu’il ne faut pas tirer des raccourcis trop rapides. En effet, ce n’est pas parce que la population vaudoise a refusé la révision de la Loi sur la chasse en 2020 qu’elle était forcément en faveur d’un durcissement. Chaque dossier doit être pris séparément. Quant à la motion transformée en postulat, tous les arguments que je souhaiter citer ont été donnés soit par les rapports de commission, soit par les personnes qui se prononcées avant moi. Je me contenterai dès lors de rappeler deux éléments. L’extrait du rapport de l’OFEV cité par notre collègue Gross indique que la pratique de la chasse à l’encontre de la bécasse des bois est compatible avec la conservation de populations nicheuses. En outre, même si cela peut paraître paradoxal d’être une espèce chassable, il ne faut pas oublier que cela peut être profitable à l’espèce en question. En effet, la chasse nécessite une planification cynégétique ainsi qu’un certain nombre d’activités obligatoires de la part des chasseurs qui ont été exposées en détail par notre collègue Jobin. Pour ces différentes raisons, le groupe PLR refusera cette motion transformée en postulat et soutiendra le rapport de minorité.

M. Jean-Daniel Carrard (PLR) —

Cette motion transformée en postulat est une fausse bonne idée. Cela a été dit, les chasseurs travaillent en partenariat avec les services de l’Etat et les interventions sauvages ont ainsi lieu dans un cadre légal. Des quotas sont mis en place, que ce soit dans ce secteur ou pour d’autres espèces animales d’ailleurs. Si on observe ce qui se passe, ces oiseaux, notamment la bécasse, sont des migrateurs de courte distance. En cas de disparition de l’habitat, on pourrait imaginer que ces espèces se détournent des secteurs suisses et qu’elles se retrouvent dans les autres pays avoisinants, notamment la France où elles sont prélevées en grande quantité. Ce n’est donc pas une bonne idée. En revanche, le contrôle de la chasse, en partenariat avec les services de l’Etat, doit pouvoir se faire. Il faut faire confiance tant aux chasseurs qui sont des personnes très respectueuses de l’environnement et des quotas qui leur sont donnés ainsi que les services de l’Etat qui effectuent les analyses d’état de situation de ces différentes populations. Je vous invite dès lors à suivre le rapport de minorité pour poursuivre le travail actuel.

M. Pierre Fonjallaz (VER) —

Ayant été interpellé à deux reprises par Mme Gross sur les chiffres, je me permets de reprendre la parole. Lorsque j’ai parlé de chiffres imprécis, je me suis basé sur ceux concernant la bécasse et qui mentionnaient une population de 1000 à 4000 individus, ce qui n’est pas forcément très précis. Mon calcul constituait une estimation de la proportion chassée, selon les chiffres annoncés. Si vous aimez les chiffres, je vais en citer un autre sur le lièvre brun : en 1950, 60'000 lièvres bruns étaient chassés ; en 1975, 20'000 ; actuellement, ce sont environ 1600 lièvres qui sont chassés alors même qu’ils font partie de la liste des espèces menacées. Ces chiffres sont relativement parlants et plaident en faveur du soutien du rapport de majorité.

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

Je souhaite simplement que l’on parle des mêmes chiffres. Il faut ainsi distinguer les chiffres concernant la Suisse de ceux concernant le Canton de Vaud. Nous sommes actuellement typiquement dans le cadre d’une mesure cantonale, et il faut donc se baser sur des chiffres à cette échelle. Pour rappel, sur le site de l’Etat de Vaud, vous trouverez toutes les statistiques avec des chiffres cantonaux. En moyenne, en 2018, grâce aux mesures introduites par le Canton de Vaud, quatre bécasses ont été prélevées par chasseur. En outre, toutes les personnes ayant un permis de chasse ne chassent pas forcément la bécasse. Le Canton de Vaud a déjà mis en place des mesures concernant la bécasse : un prélèvement maximal journalier de deux spécimens, un prélèvement maximal annuel de 10 et non de 20 comme dans d’autres cantons où l’on s’est rendu compte qu’un tel quota n’avait pas l’effet escompté. En effet, il a été clairement prouvé que le prélèvement maximal de 10 spécimens a les effets escomptés et c’est ce quota qui a été mis en vigueur dans le Canton de Vaud, ce depuis plusieurs années.

Il est évident en outre que la période de chasse à la bécasse est limitée. Tout cela est contrôlé par le Service de gardiennage, notamment par le suivi du fameux carnet de chasse. Ayons des actions sur l’habitat : la bécasse aime les milieux où la surface forestière est importante et peu fragmentée, des habitats humides dans lesquels elle peut trouver facilement de la nourriture. Il est en outre évident qu’une pollution lumineuse ne va pas faire venir des bécasses. Il faut prendre des mesures en parallèle aux actions en cours par rapport à la préservation de l’habitat et l’entretien de biotope et non des actions mal ciblées.

M. Vassilis Venizelos (CE22-27) — Conseiller-ère d’Etat

Je vous remercie pour ce débat intéressant. Cela a été dit, la pression sur la biodiversité est importante, ce non seulement dans le Canton de Vaud, en Suisse, mais bien dans le monde. En Suisse, un tiers de toutes les espèces et la moitié des types de milieux naturels sont menacés. Nous connaissons quelques victoires et succès, mais ils ne parviennent pas à freiner cette importante érosion de la biodiversité. Les chasseurs et chasseresses sont les témoins, sur le terrain, de cette érosion de la biodiversité. Comme évoqué, l’Etat collabore avec les chasseurs pour des actions de régulation que ce soit sur le sanglier qui cause des dommages dans les champs, ou encore sur les corneilles qui inquiètent de nombreux agriculteurs et pour certains cervidés. Cette collaboration sert à assurer la mission de régulation qui est nécessaire pour permettre le rajeunissement des forêts, s’agissant des dégâts causés par le cerf.

L’Etat a également un rôle régulateur. Il existe une directive renouvelée annuellement et qui relève de la compétence du chef de département. Cette directive sera renouvelée après consultation de la Commission consultative de la faune qui est composée de représentants des organisations environnementales mais aussi des chasseresses et des chasseurs. Cette directive annuelle fixe les quotas ainsi que les proies potentielles par chasseur. Elle définit aussi des périmètres dans lesquels des restrictions plus importantes peuvent être envisagées. Elle définit également des périodes durant lesquelles la chasse peut être interdite, en fonction de ces différents périmètres.

L’impact de l’activité humaine sur les habitats et sur la biodiversité est clairement beaucoup plus important que l’activité des chasseurs. La diminution des habitats est la conséquence des activités humaines, raison pour laquelle ce Parlement a voté au tout début de législature - il s’agit d’ailleurs de la première loi qui a été votée par ce Parlement - une Loi sur la protection du patrimoine naturel et paysager. L’Etat s’est également doté d’un plan d’action biodiversité. Nous avons inscrit dans le Programme de législature une ambition forte pour lutter contre l’érosion de la biodiversité, pour récréer et relier des habitats et protéger des biotopes, lutter contre les espèces envahissantes et pour redonner de la place à la nature en ville ou pour mieux protéger les arbres en milieu urbain. Tous ces objectifs et cadres sont fixés dans la Loi sur la protection du patrimoine et paysager. Vous avez également voté des crédits d’investissement qui permettront aux communes et agglomérations de déployer la nature en ville et de renforcer ces différentes mesures. Enfin, le Conseil d’Etat a affiché la volonté de renforcer l’infrastructure écologique et d’atteindre une surface de 15 à 20 % d’ici la fin de la législature pour relier différents habitats.

Par ailleurs, pour les chasseurs, il existe des journées de formation obligatoires et d’autres, facultatives. Sept journées de formation sur les biotopes sont prévues en 2023. Les chasseurs doivent suivre un certain nombre de journées de formation. Durant ces dernières, un travail existe sur la biodiversité et sur la reconstitution des différents habitats. Il est toutefois important de rappeler que la majeure partie de ce travail est effectuée par les gardes forestiers, avec des financements fédéraux liés à des conventions-programmes. Il est évident que la chasse n’est pas la seule responsable de la disparition des différentes espèces évoquées dans le cadre du débat.

Aujourd’hui, vous devez répondre à la question suivante : est-ce paradoxal d’investir d’un côté des moyens pour relier et reconstituer ces différents habitats et, de l’autre côté, d’autoriser la chasse de ces différentes espèces ? Le Canton de Fribourg a répondu à cette question concernant le tétras-lyre, la chasse de ce dernier étant désormais interdite. Le Canton de Neuchâtel va prochainement débattre d’un projet de loi qui vise à interdire la chasse du lièvre et de la bécasse. Vous êtes aujourd’hui saisis de ce postulat qui donnera une orientation dans la perspective de l’adoption des différentes directives relatives à la chasse.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

J’ai encore une question qui m’interpelle. Mme Gross parle de prélèvements, et il s’agit de chiffres officiels. Toutefois, tout n’est pas enregistré et cette problématique n’a pas été couverte dans le cadre de cette discussion. Les chiffres sont peut-être bien supérieurs à ceux enregistrés officiellement et cela pourrait être une raison supplémentaire plaidant en faveur de l’adoption de ce postulat.  

M. Loïc Bardet (PLR) —

Si on commence à se baser sur des chiffres non officiels, on va faire de la sculpture sur nuages. On va peut-être trouver des chiffres d’animaux tués supérieurs à ceux des prélèvements des chasseurs - c’est même sûr, puisqu’il y a la faune sauvage et le trafic provoquant la mort de quelques bécasses sauvages. A l’inverse, les comptages ne nous permettront pas d’avoir tous les chiffres réels. Il faut donc s’en tenir aux chiffres officiels.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération partiellement par 69 voix contre 65.

M. John Desmeules (PLR) —

Je demande un vote nominal.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent la majorité de la commission, à savoir la prise en considération partielle du postulat et son renvoi au Conseil d’Etat votent oui ; celles et ceux qui soutiennent la minorité de la commission, à savoir le classement du postulat, votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil prend le postulat en considération partiellement par 70 voix contre 66.

*introduire vote nominal

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