Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 29 mars 2022, point 16 de l'ordre du jour

Texte déposé

Initiative législative cantonale demandant au Conseil d’Etat d’intervenir auprès des autorités fédérales.                                                                                                                                                    L’augmentation rapide de la population de loups dans les zones de montagne accentue une fois de plus la pression sur l’agriculture, l’exploitation des alpages et le tourisme alpin. Dans les Alpes, la situation est déjà tellement précaire et tendue que des alpages doivent être abandonnés prématurément ou ne pas être utilisés du tout. Le rejet de la loi révisée sur la chasse lors du référendum de septembre 2020 permet l’aggravation de la situation. Des loups individuels ou des meutes seront de plus en plus trouvés dans et autour des zones habitées. La peur naturelle du loup envers les humains n’existe plus. Sans mesure, il y a un risque de dépérissement de nombreux territoires dans toutes les zones de montagne en raison de l’augmentation des dangers liés au risques naturels. La pression doit être mise sur le Gouvernement Fédéral pour qu’il agisse au niveau des ordonnances afin de mettre en place des solutions permettant une régulation simplifiée des loups dans le but de ralentir la propagation incontrôlée dans les zones habitées. En outre les finances fédérales destinées à compenser les mesures de protection des troupeaux doivent être massivement augmentées sans que les finances cantonales ou les paiements directs soient touchés.

Au vu des dispositions très restrictives de la confédération concernant la régulation et devant le constat d’une augmentation rapide du nombre de loups en Suisse, des exigences croissantes en matière de protection des troupeaux, des tâches de gestion associées aux zones de pâturage, de la propagation et de la présence croissante de loups dans les zones habitées sans qu’il n’existe des dispositions légales pour assurer des prélévements rapides et efficaces.

Au vu des futures populations de loups dans le canton et pour garantir la sécurité des troupeaux et dans l’intérêt de la population, le Grand Conseil demande au gouvernement vaudois de déposer une initiative auprès du Conseil Fédéral afin qu'il adapte en conséquence la législation sur la chasse.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Dylan KarlenUDC
Jean-Bernard ChevalleyUDC
Yvan PahudUDC
Jean-François ThuillardUDC
Pierre-André PernoudUDC
Denis RubattelUDC
Sacha SoldiniUDC
Werner RiesenUDC
Aliette Rey-MarionUDC
Daniel RuchPLR
Carole SchelkerPLR
Bernard NicodPLR
Claude MatterPLR
Jean-Rémy ChevalleyPLR
Nicolas BolayUDC
Sylvain FreymondUDC
Philippe GermainPLR
Céline BauxUDC
Josephine Byrne GarelliPLR
Philippe DucommunUDC
Maurice TrebouxUDC
Jean-Marc SordetUDC
Aurélien ClercPLR
Carole DuboisPLR
Philippe JobinUDC
Florence GrossPLR
Philippe LinigerUDC
Anne-Lise RimePLR
Julien CuérelUDC
Yann GlayreUDC

Documents

Rapport de commission - Accroissement populations loups (RC-21_INI_3)

21_INI_3-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Alexandre Berthoud (PLR) — Rapporteur-trice

La commission s’est réunie en visioconférence, via le logiciel Webex, le vendredi 25 juin 2021 dans le but de traiter l’initiative de notre collègue José Durussel et ses consorts. L’initiant a déposé son texte afin que les autorités fédérales adaptent la législation sur la chasse face à une augmentation graduelle des populations de loups dans les zones de montagne. Selon lui, des ordonnances doivent être édictées afin d’autoriser la régulation des loups, mais également d’augmenter les ressources financières pour la surveillance et la protection des troupeaux d’ovins et de bovins. La conseillère d’Etat est consciente de la problématique de l’accroissement des populations de loups et de ses conséquences. Cela nécessite des mesures d’accompagnement des éleveurs et, si cela se justifie, une régulation des effectifs. La Confédération est responsable du cadre légal y relatif. Une consultation a été ouverte auprès des gouvernements cantonaux le 31 mars 2021, soit quelques semaines après le dépôt de la présente initiative. Le projet répond aux attentes de l’initiative, car il propose par exemple la facilitation de la régulation des effectifs de loups en abaissant d’un tiers le seuil des dommages correspondants. Il y a également le renforcement de la protection des troupeaux en introduisant des mesures supplémentaires et en prévoyant des aides financières fédérales plus élevées. Ce projet d’ordonnance devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2021 et, selon la conseillère d’Etat, cela affaiblit les chances de succès de l’initiative.

Des solutions concrètes d’appui aux éleveurs doivent toutefois être trouvées. La Direction générale de l’environnement (DGE), en collaboration avec Prométerre, établit un plan de dix mesures pour les accompagner. Le Conseil d’Etat, en particulier le Département de l’environnement et de la sécurité, est conscient de la problématique et va tout mettre en œuvre pour une cohabitation appropriée avec le loup.

Au vu de la position du Conseil d’Etat et de l’ordonnance en cours d’établissement, certains commissaires invitent l’initiant à retirer son texte. D’autres l’encouragent à le maintenir jusqu’au plénum afin qu’une discussion ait lieu. Selon ces derniers, des décisions drastiques doivent être prises, dès aujourd’hui, au niveau fédéral. Toutefois, la conseillère fédérale tient à préciser les dix mesures prévues et il me semble important de les citer ce matin :

  • renforcement du mandat de la Fondation Jean-Marc Landry pour l’accompagnement des éleveurs et du suivi du comportement des loups vis-à-vis du bétail et des mesures de protection ;
  • analyse de la vulnérabilité des alpages du Jura vis-à-vis du loup, en collaboration avec Proconseil ;
  • engagement de personnel auxiliaire – aides-bergers – pour des travaux supplémentaires tels que pose de parcs sécurisés pour les veaux, etc. ;
  • engagement de civilistes encadrés par Agridea pour les troupeaux d’ovins ;
  • concertation avec l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) pour la prise en charge financière de matériel de clôture et la possibilité de poursuivre la pratique du vêlage des bovins en plein air notamment pour les vaches allaitantes ;
  • concertation avec la Direction générale de l’agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires (DGAV) pour régler l’acceptation de l’usage de chiens de protection dans les alpages ;
  • transmettre le retour des Vaudois au groupe de travail du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) Bovins – grands prédateurs. L’accent est porté sur la responsabilité des éleveurs vis-à-vis des comportements agressifs éventuels des vaches mères envers les randonneurs ;
  • poursuite du monitoring de la population des loups ;
  • mandat du KORA pour documenter les mesures à prendre dans le cas particulier des bovins.

Le problème est donc pris au sérieux et maintenant traité au niveau fédéral. Il concerne évidemment les éleveurs, mais d’autres corps de métier tels que les forestiers qui selon certains commissaires devraient également être intégrés dans le processus.

A l’issue des débats, la commission recommande au Grand Conseil la prise en considération de l’initiative par 4 voix contre 3 sans abstention. Elle vous recommande de renvoyer ce texte au Conseil d’Etat pour préavis.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. José Durussel (UDC) —

Cette initiative a été déposée en mars 2021. La séance de commission a eu lieu en juin de la même année, soit quelques jours avant l’annonce de confirmation ADN des attaques de loup dans des alpages du Jura vaudois. Comme nous avons tous pu le constater, les attaques se sont multipliées durant l’été et l’automne 2021 et ont même perduré après la fin de l’hiver dans une région de plaine : la Broye fribourgeoise. Aujourd’hui, notre canton fait effectivement partie des trois régions les plus impactées par ce prédateur, avec le Valais et les Grisons.

Je ne reviendrai pas sur les aspects techniques qui concernent les loups et les mesures à prendre sur le terrain, car ce n’est pas ce qui est demandé dans l’initiative. Mais au vu des événements vécus en 2021, il faut bien s’attendre à ce que le phénomène s’étende à toutes les régions rurales de montagne du canton et du pays. Cela va générer des coûts bien plus importants que prévus par nos autorités, pour couvrir tous les frais y relatifs. J’ai déjà relevé cet aspect dans d’autres interventions, il y a quelques mois. L’animal qui pose problème appartient effectivement à la Confédération. Et tous les dégâts, y compris les dégâts collatéraux qui sont très nombreux, doivent être assurés par la Confédération et non les cantons.

Je rappelle le titre de mon initiative : les intérêts des zones de montagne sont-ils suffisamment pris en compte ? Cette initiative doit être envoyée aux autorités fédérales après un préavis du Conseil d’Etat, ainsi que le mentionne le rapport de commission.

Mme Sylvie Pittet Blanchette (SOC) —

Ce texte demande au gouvernement vaudois de déposer une initiative auprès du Conseil fédéral afin qu’il adapte la législation sur la chasse au regard de l’augmentation de la population de loups. La commission a siégé le 25 juin 2021 et le Conseil fédéral a adopté cinq jours plus tard une révision de son Ordonnance sur la chasse, entrée en vigueur le 15 juillet 2021. La révision va dans le sens de l’initiant, puisque les cantons peuvent désormais intervenir plus rapidement sur les effectifs des loups et que la Confédération renforce la protection des troupeaux, entre autres mesures.

Il faut ici rappeler la volonté du peuple suisse qui a refusé en votation, en septembre 2020, la révision de cette même loi. La Confédération l’a donc adaptée dans les limites du possible, afin de rendre plus facile la cohabitation de l’homme, des grands prédateurs et des animaux de rente. C’est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je vous propose de refuser cette initiative qui n’a plus de sens ni lieu d’être, et de la classer.

M. Claude-Alain Gebhard (V'L) —

Dès le mois de mai, les troupeaux rejoindront les estives du Jura vaudois. Mon troupeau de 35 vaches allaitantes sera sur l’alpage de la Capitaine à l’orée du Grand Risoux, à proximité de la nouvelle meute du même nom, dès le 15 mai prochain et je dois vous avouer que je me fais du souci. A ce jour, aucune mesure efficace n’est proposée aux éleveurs. Et on peut réalistement s’attendre à un regain d’agressivité des meutes qui auront augmenté en effectifs, en organisation et qui devront nourrir de nouvelles portées. Les loups font ce qu’ils doivent faire ; ils chassent pour manger et on ne peut pas le leur reprocher. Dans ces conditions, pour limiter les risques de prédation, il est fort probable que moins d’animaux seront estivés – j’y songe – voire que certaines zones seront abandonnées, car trop exposées et il est même possible que la saison d’alpage soit écourtée dans certaines situations. De fait, cela va causer une diminution de l’activité d’alpagisme dans notre région, et l’abandon de certaines zones trop exposées aura pour première conséquence une perte de biodiversité, car les pâturages boisés semi-ouverts sont un milieu qui favorise une richesse exceptionnelle en espèces autant végétales qu’animales. Une autre conséquence sera certainement une diminution de notre souveraineté alimentaire, déjà assez fragile. En effet, seuls les ruminants – les bovins, les chèvres et les moutons aussi, en altitude – sont capables de transformer notre abondante ressource herbagère. Or je rappelle qu’elle représente les trois quarts de notre territoire, car les trois quarts de la Suisse sont de l’herbage obligatoire. Et seuls les ruminants – bovins, chèvres et moutons – sont capables de transformer cette ressource en protéines de haute valeur que sont le lait et les produits laitiers ainsi que la viande de pâturage. De ce point de vue, si les populations de loups ne sont pas régulées, elles représentent une concurrence alimentaire directe pour l’homme. Pour garantir une cohabitation possible entre l’humain et ce grand prédateur, par ailleurs magnifique et admiré, nous devons tout mettre en œuvre immédiatement pour avoir des mesures efficaces et cela de manière conséquente, ce qui n’est pas du tout le cas actuellement, à ce que je crois.

M. Olivier Epars —

J’ai bien entendu le discours de mon préopinant Claude-Alain Gebhard et sur un certain nombre de points, je le partage. Nous allons discuter un moment du loup, puisqu’il y aura plus tard le rappel à mon interpellation déposée en août. Pour en rester strictement à l’initiative Durussel, comme vous l’a déjà dit ma collègue socialiste tout à l’heure, je vous invite clairement à ne pas l’envoyer à Berne. Par rapport aux demandes de l’initiant, des choses ont été faites et cela a été très bien expliqué dans le rapport de commission. Il ne servirait à rien de renvoyer cette initiative actuellement. En revanche, nous pouvons effectivement discuter des mesures. Je peux décliner mon intérêt, puisque je suis propriétaire amodiateur d’un alpage qui se trouve en plein territoire de la meute du Risoux. Malheureusement, comme il se situe du côté français, je ne bénéficie d’aucune aide, mais comme l’a proposé le Conseil d’Etat dans sa réponse à mon interpellation – j’anticipe, mais le débat a débuté – un panel de mesures est proposé. Dans mon alpage cette année, je prendrai par exemple moins de veaux, soit 25 au lieu de 40 ; le berger les rentrera le soir plutôt que la journée, et ils resteront 100 jours plutôt que 120. Nous aurons un troupeau mixte de génisses et de vaches à cornes, avec de gros veaux et trois ânes au milieu pour limiter les risques d’attaque. Ce n’est pas le risque zéro, qui n’existe pas ni pour personne, dans n’importe quelle situation. J’espère qu’ainsi, les risques pour le troupeau de bêtes que je prends en location seront grandement limités et que l’économie fonctionnera malgré tout. Je vous invite à refuser le renvoi au Conseil d’Etat. Notre collègue Durussel pourrait très bien retirer son initiative et nous débattrons tout de même encore un moment du loup.

M. Philippe Cornamusaz (PLR) —

Tout d’abord je déclare mes intérêts : je suis toujours agriculteur dans la Broye, propriétaire d’alpagas qui pâturent et j’étais membre de la commission. Je voudrais saluer et rejoindre les propos de notre collègue Gebhard qui a tout à fait dépeint la situation. Je pense que les éleveurs sont inquiets pour la montée à l’alpage ou même en plaine, comme l’a dit l’initiant. Un loup rôde dans la Broye et avec le vêlage des animaux dans les champs, les éleveurs sont inquiets. Je tiens à remercier la conseillère d’Etat pour toutes les mesures qu’elle a prises, qui sont nécessaires, mais pas encore suffisantes. Au nom du groupe PLR, je vous invite à renvoyer l’initiative au Conseil d’Etat pour envoi à Berne.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Mon groupe Ensemble à gauche et POP vous invite à classer cette initiative. Indépendamment de ce qui a déjà été décidé au Parlement fédéral, sur le fond, nous sommes défavorables à cette proposition. Nous estimons en effet que la priorité doit être donnée à des mesures d’accompagnement aux éleveuses et éleveurs, visant à mieux protéger les troupeaux, plutôt qu’à faciliter le tir du loup. Selon nous, en effet, le loup fait pleinement partie de la biodiversité régionale et, à ce titre, doit être protégé. Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors d’une question orale, nous estimons que les moyens dévolus aujourd’hui aux mesures d’accompagnement en faveur des éleveurs et éleveuses sont insuffisants. La fondation Landry, notamment, manque de moyens pour développer de nouvelles techniques d’effarouchement non létales, visant à éloigner le loup des troupeaux et aussi à mieux comprendre le comportement des loups, avec des analyses ADN, pour savoir quels individus attaquent des troupeaux. Aujourd’hui, cela est fait de manière trop lacunaire et des tirs du loup ne sont pas forcément ciblés de la manière la plus adéquate possible.

Je profite également de ce débat pour souligner que l’on insiste beaucoup sur le loup qui est une charge et un danger, mais des études récentes montrent aussi leur apport sur un territoire et ce que l’arrivée du loup représente au travers d’une meilleure régulation de la faune. Aux Etats-Unis notamment, une étude intéressante montre qu’il amène une réduction très significative des accidents de circulation : moins de véhicules percutent des animaux sauvages lorsque le loup arrive, du fait d’une meilleure régulation de la faune. L’arrivée du loup apporte donc aussi des opportunités sur un territoire. La question des accidents peut faire sourire, mais il peut s’agir d’accidents graves, provoquant parfois la mort ou des blessures chez les automobilistes. Il ne faut pas seulement voir le loup sous ses aspects négatifs.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Permettez-moi de me centrer sur un mot : le stress. Comme paysans et éleveurs, nous sommes bien placés pour savoir à quel point tous ceux qui ont affaire avec des animaux de rente sont tenus, dans toute la mesure du possible et par des prescriptions qui s’apparentent parfois à des mesures tracassières, à éviter à leurs animaux toute forme de stress. Les limitations d’effectif, les conditions de transport, la suppression des dresses-vaches et bien d’autres mesures encore visent – et c’est heureux – à supprimer le stress dans toute la mesure du possible. Et là, avec des théories dont les bovins n’ont guère conscience, vous allez laisser pendant quatre mois d’estivage et 24 heures sur 24 des animaux en état de stress permanent, total, absolu et durable ! Ce n’est pas la période de la chasse où pendant un mois, en octobre, tout le gibier est en état de stress, mais il a ensuite 11 mois pour se refaire une santé psychique ! Là, il s’agit de quatre mois jour et nuit – et vous venez nous chercher des poux dans la tonsure si nous avons de temps un temps un mouvement d’humeur à propos de nos bêtes ! Excusez-moi, mais là, je décroche.

M. José Durussel (UDC) —

Après avoir entendu plusieurs personnes s’exprimer sur le sujet, je relève les préoccupations de mes collègues Gebhard et Chollet. Je n’ai pas voulu en parler, mais c’est bien : ils l’ont fait. Nous pourrons encore discuter lors du débat suivant. Dans le présent texte, je reviens surtout sur l’aspect financier, et dans ce Parlement, passablement de personnes sont bien placées pour savoir que lorsque l’on demande quelque chose à la Confédération, ou que celle-ci promet quelque chose, cela met du temps et c’est bien souvent en dessous de ce qui est nécessaire. Je ne veux pas revenir sur les problématiques des transports et des routes, par exemple, mais on peut rejoindre ce thème. J’étais satisfait d’entendre mon collègue Epars employer le conditionnel pour que je retire : « pourrait la retirer » ; c’est nouveau.

Sinon, dans le rapport de commission au sujet de la position du Conseil d’Etat, Mme la conseillère d’Etat dit bien que la Confédération « prévoit » des aides financières. Vous voyez donc bien que cela rejoint mes préoccupations, car « prévoir » n’est pas acquis et de loin ! A nous donc de continuer à marteler la Berne fédérale. Je l’ai déjà dit : le canton de Vaud est suffisamment touché par le problème pour intervenir à Berne.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d’Etat

Permettez-moi de prendre quelques minutes pour rappeler les faits qui marquent ce débat émotionnel, voire passionnel, et de vous présenter la position du Conseil d’Etat dans ce dossier depuis le début. Il y a tout d’abord, un principe cardinal : la cohabitation. Le Conseil d’Etat, mes services et moi-même sommes déterminés à tout mettre en œuvre pour permettre une cohabitation entre ce grand prédateur et les activités pastorales. Nous devons faire évoluer les cadres légaux fédéraux et cantonaux – j’y reviendrai. Effectivement, M. Durussel a raison : on doit financer davantage les mesures de prévention et on doit mieux conseiller les éleveurs pour faire face à cette nouvelle donne. Mais 1049 alpages sont répartis dans le Jura vaudois et il faut donc prioriser l’action de l’Etat.

Le deuxième principe est celui des échanges et du dialogue serein entre toutes les parties prenantes : fédérations d’éleveurs, Prométerre, associations de randonneurs, ONG environnementales. Ces derniers mois, nous avons multiplié les séances, pour définir les contours d’un plan d’action en vue des prochaines saisons d’estivage. Mes services ont également effectué une minutieuse analyse de vulnérabilité des alpages en fonction de divers critères : présence ou non de jeunes bovins, de vaches mères en suffisance, présence d’un exploitant ou d’un berger dans le chalet, capacité de loger le bétail dans des étables, etc. L’analyse est sans appel : un quart des alpages de la zone sud du Jura – c’est-à-dire là où se trouve la meute du Marchairuz – sont très vulnérables face au loup. Il est donc primordial que l’Etat puisse proposer aux éleveurs de ces alpages, en priorité, des mesures concrètes et pragmatiques pour prévenir de futures attaques.

Comme il n’y a pas une seule mesure qui sera efficace, il faudra envisager une panoplie de solutions. C’est ce que j’avais indiqué à la commission l’été dernier. Ces solutions peuvent être le mélange des troupeaux, des parcs de nuit, l’effarouchement, le renforcement de la présence humaine. Des mesures appropriées, en partie soutenues financièrement par le canton et par la Confédération, seront donc prises, à la carte, alpage par alpage, en étroite collaboration avec les exploitants concernés. Grâce à la fondation Esprit, il y aura aussi un apport de main-d’œuvre. Et finalement, le conseil aux éleveurs au travers des préposés à la protection des troupeaux doit aussi être renforcé. Nous allons donc continuer à déployer l’action de l’Etat sur ces alpages, comme nous l’avons déjà fait, avec un soutien et des conseils sur des mesures priorisées pour les 250 exploitants de pâturages vulnérables, pour ceux qui le souhaitent.

En effet, pour répondre à certains détracteurs : aucune de ces mesures ne sera obligatoire, le cadre fédéral étant assez minimal, en la matière. J’arrive au deuxième volet de notre action : faire bouger le cadre légal fédéral. Les lois doivent en effet évoluer, la situation actuelle ne satisfaisant véritablement personne. La Berne fédérale doit mieux prendre en compte la réalité des alpages vaudois. Le loup ne s’attaque plus seulement aux ovins et aux caprins, comme c’est le cas dans les Grisons et en Valais, mais il a dorénavant pour proie de jeunes bovins. Voilà pourquoi nous sommes intervenus à plusieurs reprises auprès des autorités fédérales et tout d’abord auprès de l’OFEV par rapport aux procédures, trop lentes, d’autorisation de régulation de meute. Dans le cadre de la révision de l’Ordonnance sur la chasse, le canton a soutenu les mesures proposées, soit une facilitation de la régulation des effectifs ou encore le renforcement de la protection des troupeaux via de nouvelles aides financières. Les Chambres fédérales viennent d’adopter un crédit additionnel de 5,7 millions de francs pour la protection des troupeaux face aux grands prédateurs et nous sommes en train de travailler pour savoir comment le canton pourrait bénéficier d’une grande partie de cette nouvelle manne.

Les élus fédéraux se sont largement emparés du dossier et ont multiplié les interventions parlementaires, dont j’en souligne deux. Une première initiative adoptée par le Conseil national sera prochainement traitée par le Conseil des Etats ; elle est intitulée « Une gestion du loup portée vers l’avenir pour une cohabitation des grands prédateurs, des alpages exploités, du milieu bâti et du tourisme ». La deuxième, qui a été adoptée par les deux Chambres, est dans la même veine : « L’augmentation des populations de loups devient incontrôlable. Sans possibilité de régulation, elle menace l’agriculture ». Ces deux initiatives suivent le même chemin de crête que le canton a choisi d’emprunter : faciliter la régulation tout en renforçant les mesures de prévention. Vous voyez donc que les Chambres se sont saisies du dossier. L’initiative dont vous débattez pourrait ainsi atterrir dans l’ordre du jour d’une session parlementaire, mais après les débats fédéraux et ce sera un peu tard. De plus, l’heure n’est plus aux constats ni aux grandes déclarations générales. Il est temps de passer à la mise en œuvre et de voir quel visage concret prendra le compromis fédéral, avec à la clé la modification de bases légales et de nouvelles enveloppes financières. Mes services et moi-même suivons ce dossier fédéral de très près et nous nous assurerons que les intérêts vaudois seront bien pris en compte, tant au niveau des différentes conférences intercantonales qu’avec notre députation aux Chambres.

Le dossier est émotionnel, nous l’avons encore vu ce matin devant les portes du Parlement. Je souhaite vivement voir le débat se dépassionner, d’un côté comme de l’autre. Le loup est durablement installé dans ce canton ; il fait partie du patrimoine naturel de notre territoire. A l’heure où tous les scientifiques ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur l’érosion dramatique de la biodiversité, la réponse apportée au retour du loup ne peut être simpliste, populiste, « courte-termiste » ! Je ne sais si le mot existe, mais il me convient bien. L’éradication d’une espèce indigène ne peut être la solution. La poudre aux yeux n’est pas vraiment ma manière de gouverner et vous le savez bien. J’ai choisi la voie médiane, la voie du milieu de Jean-Marc Landry et de la cohabitation, et je m’y tiendrai jusqu’au 30 juin. Nous devons cohabiter en régulant les populations de loups – peut-être davantage, peut-être moins – mais nous devons aussi mieux protéger nos alpages. Il en va finalement de l’acceptation et de la compréhension de cet équilibre délicat par la population.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend l’initiative en considération par 70 voix contre 55 et 2 abstentions.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :