Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 13 septembre 2022, point 18 de l'ordre du jour

Texte déposé

 

L’Union suisse des paysans (USP) et le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) ont initié ensemble en 2015 déjà, un projet visant à intégrer des migrants dans l’agriculture en collaboration avec la Haute école spécialisée bernoise (BFH). Les résultats de cette étude ont démontré la faisabilité de cette démarche dans la pratique, au profit de toutes les parties concernées : 1).

 

Le canton du Jura a aussi instauré dès 2016 un partenariat entre la Chambre d’agriculture jurassienne et l’EJAM, l’Association Jurassienne d’Accueil des Migrants : 2).

Cette expérience jurassienne a été couronnée de succès car elle a permis à des jeunes migrants de se former et de s’intégrer dans le tissu économique du canton, tout en amenant un soutien bienvenu aux agriculteurs, en agriculture bio notamment. En effet pour respecter le cahier des charges de Bio Suisse, des humains sont nécessaires dans les champs et sur la ferme pour remplacer la chimie.

 

Dans le canton de Vaud, c’est quelques 3580 fermes familiales qui sont recensées en 2020, avec une moyenne d’âge supérieure à 50 ans pour plus de 49 % des chefs d’exploitation 3).

Une forte proportion, de l’ordre de 30 %, de ces fermes ont de la peine à trouver un repreneur au sein de la famille et qui plus est des collaborateurs à l’extérieur de la famille. En effet nos exploitations agricoles, dans le contexte de notre politique agricole de ces 30 dernières années, sont devenues trop lourdes, trop compliquées avec d’innombrables heures de travail pour un revenu souvent modeste en regard des autres branches de l’économie.

 

Parallèlement à ce phénomène structurel, on voit aussi émerger une demande de la société pour une agriculture toujours plus écologique. Pour rappel, 40 % de la population suisse a plébiscité une agriculture sans pesticides en juin 2021. Une agriculture se passant de plus en plus de chimie et allant en direction de l’agriculture biologique, que je pratique au quotidien, nécessite assurément plus de main d’œuvre.

 

D’autre part, la cohabitation avec des grands prédateurs comme le lynx et le loup, parle clairement en faveur d’un renforcement de la présence humaine sur nos alpages, et dans les fermes qui seule est à même de limiter les attaques dans les élevages de bovins, de moutons et de chèvres qui occupent le 75 % de notre territoire suisse.

 

Les besoins de travail sont aussi énormes dans nos forêts vaudoises, mises à mal par le changement climatique. Il s’agira en effet, dans le cadre des mesures prévues par le Plan Climat Vaudois, de procéder à des nettoyages et des replantations de jeunes plants d’essences adaptées à des températures plus élevées et à la modification de la pluviométrie. Il ne suffira pas de nettoyer et de replanter mais il faudra aussi et surtout assurer les soins culturaux permettant à ces nouvelles plantations de se développer.

 

A l’instar du projet vaudois ProLOG-Emploi, 4), qui concerne particulièrement les métiers de la santé, il semble tout à fait possible de s’inspirer dans notre canton des exemples alémaniques et jurassiens pour créer des conditions cadres permettant à de jeunes migrants et autres bénéficiaires de l’aide sociale, désireux de se former et de s’intégrer dans le tissu économique pour venir soutenir les besoins avérés dans l’agriculture et dans la sylviculture.

 

Soucieux de répondre pragmatiquement à cette double problématique qui est d’une part la facilitation de l’insertion économique des migrants et autres bénéficiaires de l’aide sociale et d’autre part le renforcement du soutien à une agriculture et une sylviculture en pleine mutation, les Députés soussignés demandent instamment au Conseil d’État d’étudier, en consultation avec tous les milieux concernés comme par exemple le Centre Social d’Intégration des Réfugiés (CSIR), l’EVAM, la Fondation « Mode d’emploi « et AGRILOGIE, la possibilité de créer rapidement des conditions cadres pour :

 

  • Former des jeunes migrants et autres bénéficiaires de l’aide sociale aux métiers de la terre et de la forêt

 

  • Faciliter leur insertion/réinsertion dans la vie économique afin de pallier aux manques chronique de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs économiques y compris dans le secteur primaire

 

 

 

  1. https://www.rts.ch/info/suisse/9763608-le-projet-dintegration-de-migrants-dans-lagriculture-est-un-succes.html
  2. https://www.agrijura.ch/application/files/1815/7121/6090/20191015_CP_Palier_2.pdf
  3. https://www.vd.ch/themes/etat-droit-finances/statistique/statistiques-par-domaine/07-agriculture-et-sylviculture/agriculture/
  4. https://www.google.ch/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwj18_Oggv31AhWk57sIHcJiDPIQFnoECAUQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.prolog-emploi.ch%2F&usg=AOvVaw2LfKEN3IJuTiiYun9jJh-j

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Daniel RuchPLR
Jean-Christophe BirchlerV'L
Blaise VionnetV'L
Graziella SchallerV'L
Cendrine CachemailleSOC
Isabelle FreymondSOC
Jean-Marc Nicolet
Alain BovayPLR
Pierre FonjallazVER
Felix StürnerVER
Jérôme ChristenLIBRE
Yannick MauryVER
Vincent KellerEP
Didier LohriVER
Céline MisiegoEP
Hadrien BuclinEP
Pierre ZwahlenVER
Léonard Studer
Taraneh AminianEP
Rebecca JolyVER
Philippe GermainPLR
Cloé PointetV'L
Josephine Byrne GarelliPLR
Jean-Rémy ChevalleyPLR
Jean-Louis RadiceV'L
Claire RichardV'L

Documents

RC 22_POS_15 POS Gebhard et POS Thalmann intégration

22_POS_15-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Alice Genoud (VER) — Rapporteur-trice

Notre ancien collègue Gebhard part du constat que les secteurs forestiers et agricoles ont des besoins croissants de main-d’œuvre, alors que peu de gens adoptent ces métiers. Il part du fait que beaucoup de personnes issues de la migration ont des compétences dans le domaine agricole et que le Conseil d’Etat pourrait les soutenir dans leur volonté de travailler dans ces domaines. Lors des travaux de la commission, le Conseil d’Etat a pu préciser que tous les emplois sont finalement présentés aux personnes migrantes, mais que le potentiel d’engagement est aujourd’hui faible, car ce secteur demande des compétences spécifiques.

La commission a aussi permis de dresser un état des lieux des différents programmes qui sont aujourd’hui en cours pour aider à l’intégration des personnes migrantes, programmes qui se trouvent dans le rapport. Sur le sujet, la commission fut partagée entre celles et ceux qui voulaient aller plus loin sur cette problématique et renvoyer le postulat au Conseil d’Etat, quand d’autres ont pris note des arguments du Conseil d’Etat sur le fait qu’il est aujourd’hui difficile de demander aux personnes migrantes de ne travailler que dans l’agriculture, qu’il était nécessaire d’avoir de bonnes compétences et que les personnes migrantes ne les avaient pas forcément ni d’ailleurs l’envie d’y travailler ; un élément qu’il s’agissait de respecter.

Ainsi, le vote de la commission a été relativement serré : par 2 voix contre 3 et 4 abstentions, la commission a décidé de ne pas renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

(remplaçant M. Claude-Alain Gebhard, ancien député) Je m’exprime au nom de notre ancien collègue qui m’a demandé de reprendre ce dossier. J’aimerais d’abord vous communiquer sa déception face au sort réservé à sa proposition. Comme expliqué dans le postulat, les expériences telles que proposées ont été menées dans le canton du Jura, et la Haute école spécialisée de Berne a initié une étude qui montre la faisabilité d’un programme comme celui proposé. Ainsi, mon collègue considère qu’il y a tout à fait matière à offrir des opportunités à ces migrants, position sur laquelle je le rejoins.

Malheureusement, on constate à la lecture du rapport que la commission s’est surtout attelée à relever les difficultés auxquelles ferait face une telle proposition sans identifier les opportunités de participer à des collaborations dans les métiers de la terre offertes à des migrants. Récemment, j’ai aussi reçu des informations concernant des demandes émanant de viticulteurs pour obtenir des autorisations afin de proposer à des personnes ukrainiennes de participer à des vendanges et à qui il a été répondu que la demande de permis pour ces personnes allait durer beaucoup plus longtemps que les vendanges elles-mêmes… ! Or, il s’agit d’expériences magnifiques qui pourraient être offertes à ces personnes, même si elles n’en font pas leur travail. Travailler dans des terres ou dans des vignes, créer des contacts et se faire un réseau constituent des aspects qui n’ont pas du tout été relevés par le rapport, car ce dernier est plutôt axé sur le fait de trouver un emploi qui, si cela est certes important, cela l’est aussi de pouvoir les intégrer, qu’ils puissent créer des liens.

Le rapport indique également que la volonté ne consiste pas à forcer tout le monde à travailler dans l’agriculture, ce n’est pas du tout le but de ce postulat. Mon collègue m’a également fait remarquer qu’il y a beaucoup de ces migrants qui viennent de pays aux petites exploitations familiales, qui ont probablement envie de travailler. Sans doute pas pour toute leur vie, mais faire des expériences, créer des liens et des contacts est important.

Enfin, je me joins à mon ancien collègue pour regretter le sort réservé à ce postulat. En outre, le vote de la commission a été très serré. Cela nous montre probablement que les membres de la commission n’étaient pas forcément à l’aise avec la façon dont cette proposition a été faite. Un postulat peut s’éloigner de la demande formelle de créer des conditions-cadres, mais pourrait proposer d’autres possibilités afin de permettre à ces migrants de s’intégrer. Je vous propose, au nom de mon collègue, de ne pas suivre la recommandation de la commission et de prendre en considération ce postulat.

M. Fabrice Tanner (UDC) —

Je déclare mes intérêts comme agriculteur, mais n’ayant pas fait partie de la commission ; je remplace mes collègues de parti, Jean-Luc Chollet et Werner Riesen, anciens députés. Notre groupe estime que les personnes réfugiées sont rarement issues du milieu agricole ou forestier, que le niveau de formation en agriculture ou sylviculture est toujours plus important et que la sécurité au travail, surtout dans le secteur forestier, est compliquée à transmettre aux personnes qui ne sont pas du milieu. De plus, le rapport mentionne la prise en charge de personnes néophytes dans le secteur agricole ou forestier, ce qui peut être une contrainte plutôt qu’une aide selon le niveau de formation à fournir. Au vu des manques de main-d’œuvre dans bon nombre de secteurs économiques, il nous semblerait plus judicieux d’orienter les migrants dans les domaines professionnels pour lesquels ils ont déjà des compétences ou une formation. Fort de ces considérations, le groupe UDC vous recommande de suivre l’avis de la commission et de ne pas prendre en considération ce postulat.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Le groupe Ensemble à gauche et POP est assez ambivalent face à ce postulat, raison pour laquelle la plupart d’entre nous s’abstiendra lors du vote. D’un côté, nous sommes bien sûr favorables à la perspective de favoriser l’accès des personnes migrantes à l’emploi, en particulier les personnes qui attendent une décision quant à une demande d’asile, mais, de l’autre, il nous paraît un peu gênant de mettre l’accent uniquement sur certains secteurs professionnels bien particuliers qui, comme par hasard, sont ceux parmi lesquels les conditions de travail sont les plus dures et les moins bien rémunérées. Lorsqu’on voit la faiblesse des salaires – 3400 francs mensuels brut – des employés agricoles pour des semaines de travail très longues, on se rend bien compte qu’il y a aussi une partie de l’explication de la pénurie de main-d’œuvre : des conditions de travail très peu attractives. Lutter contre la pénurie passe aussi par une revalorisation des conditions de travail et des salaires dans ces secteurs, plutôt qu’uniquement par le fait d’aiguiller de manière très incitative des personnes migrantes vers ces professions. Nous inviterions plutôt le postulant ou son groupe à revenir peut-être avec une proposition un peu plus ouverte qui ne se limite pas à ces secteurs professionnels. En attendant, la plupart d’entre nous s’abstiendra.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Ce postulat n’a pas rencontré le soutien du groupe socialiste, et il vous invite à l’imiter. Si, par certains aspects, la possibilité d’effectuer des tâches par des migrants est à conserver, l’expérience de nombreuses mesures mises en place, dont celles menées par la cohésion sociale, n’a pas rencontré un succès fulgurant. En effet, ces mesures ne profitaient ni aux migrants, puisqu’au bout du compte elles ne débouchaient sur nul emploi, ni à l’encadrant, à savoir l’agriculteur, pour qui l’investissement consistant à accueillir des personnes ne connaissant pas le métier était important. En conclusion, le parti socialiste ne soutiendra pas ce postulat.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Bien que très sensible aux problèmes de la migration et de l’occupation des migrants, le PLR va soutenir les déclarations du parti socialiste, des Verts et de l’UDC. Comme tout a été dit, je ne fais pas le perroquet, et ne répète pas les raisons qui motivent le vote de la commission que je vous invite à suivre.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

J’aimerais simplement ajouter une information. Comme cela a été indiqué, le Jura a mené un tel programme pendant cinq ans avant d’en faire l’évaluation. Un interview a été réalisé des deux fondateurs de ce programme. Ils proposent après réévaluation plutôt des emplois temporaires. Cela peut par conséquent très bien évoluer. L’idée consistait à pouvoir offrir aux migrants une activité temporaire dans les métiers de la terre.

Vous me voyez assez surprise par les propos tenus par mes collègues. Je respecte absolument les formations, mais n’en considère pas moins que certains métiers liés à la terre peuvent être exercés sans grande formation. Nous rêvons tous d’un jardin potager ou de faire les vendanges ; ce genre d’occupations ne requiert pas une formation spécifique ni ne présente de caractère dangereux.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 94 voix contre 17 et 18 abstentions.

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