Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 8 novembre 2022, point 19 de l'ordre du jour

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21_LEG_153_RCmaj avec annexes

Texte adopté par CE -EMPD et Préavis - Protection du climat - publié

Transcriptions

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Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Je vous propose de procéder à une discussion générale sur l’ensemble de l’objet, étant donné qu’il n’y a pas de débat d’entrée en matière, puisque nous devrons, quoi qu’il arrive, donner suite au projet de décret en ordonnant la convocation du corps électoral pour qu’il se prononce sur l’initiative populaire.

M. Pierre-François Mottier (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La commission s’est réunie à cinq reprises au Parlement, les 11 et 24 mars, 14 avril, 16 et 24 mai 2022. Etaient également présents : Mme Béatrice Métraux, conseillère d’Etat, cheffe du Département de l’environnement et de la sécurité, MM. Yvan Rytz, délégué cantonal au Plan climat, Jean-Luc Schwaar, directeur général de la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC) et François Vodoz, Secrétaire général du Département de l’économie, de l’innovation et du sport. Le secrétariat de la commission était assuré par Mme Mathilde de Aragao, assistante de commissions parlementaires et, dès le 1er mai, par M. Yvan Corrnuz, M. Frédéric Ischi et Mme Marie Poncet Schmid, secrétaires de commissions ; qu’ils en soient remerciés.

Lors de sa première séance, la commission a décidé de procéder à l’audition des différents acteurs économiques touchés par cette initiative. Le 24 mars, lors de sa deuxième séance, la commission a auditionné M. Philippe Thalmann, professeur d’économie à l’EPFL, MM. Raphaël Mahaim, conseiller national et Alberto Mocchi, président des Verts vaudois, membres du comité d’initiative, Mme Eftychia Fischer, Présidente du Conseil d’administration (CA) de la Banque cantonale vaudoise (BCV), et MM. Pascal Kiener, Président de la Direction générale (PDG) de la BCV, Xavier Meystre, Sous-directeur de la BCV et adjoint du PDG ; M. Philippe Doffey, Directeur général des Retraites Populaires (RP).

Position des initiants

MM. Alberto Mocchi, Président des Vert-e-s vaudois-e-s, et Raphaël Mahaim, conseiller national, tous deux membres du comité d’initiative, expriment la position des initiants, puis répondent aux questions de la commission.

Contenu de l’initiative

L’initiative a été lancée sur la base du constat que, malgré les engagements pris sur le plan international – notamment l’Accord de Paris – et les objectifs climatiques soutenus par la Confédération, la mise en œuvre de stratégies est trop lente à l’échelle du canton de Vaud et de la Suisse.

Le comité d’initiative souhaite inscrire le principe de la protection du climat et de la biodiversité dans la Constitution vaudoise du 14 avril 2003 (Cst-VD) afin que les politiques publiques de l’Etat aient en ligne de mire ces deux biens essentiels. Parce que les communes ont certaines prérogatives, mais pas toujours le financement nécessaire pour mener à bien ces politiques publiques, il importe de les intégrer à l’initiative. En effet, il parait primordial que les communes puissent participer à l’établissement de politiques de réduction des émissions de CO2. Le dernier volet de l’initiative fera probablement davantage l’objet de discussions, puisqu’il concerne les personnes morales dans lesquelles l’Etat a une participation.

Pistes de soutien aux communes

A l’instar de tout texte constitutionnel, il reviendra au législatif – si l’initiative est acceptée – de décliner dans le texte de loi les spécificités relatives au soutien apporté aux communes.

Position du Conseil d’Etat

La conseillère d’Etat énonce les enjeux autour de l’initiative et présente le préavis du Conseil d’Etat.

Rappel du contenu de l’initiative

Cette initiative a formellement abouti le 9 décembre 2019, avec 14’082 signatures valables. Elle porte sur les quatre points suivants :

  1. l’inscription dans l’article 6 de la Cst-VD du principe de la protection du climat et de la biodiversité dans les buts fondamentaux de l’Etat ;
  2. l’inscription d’un nouvel article 52b, ainsi que des dispositions transitoires liées, qui demande à l’Etat et aux communes de prendre des mesures pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, avec des objectifs intermédiaires en 2030 et 2040. Cela doit également passer par une diminution significative des impacts climatiques dans chacune de leurs politiques ;
  3. l’article 52b prévoit également que les caisses de pensions de droit public doivent mettre en place des stratégies de réduction ;
  4. un nouvel alinéa à l’article 162 qui touche les personnes morales dans lesquelles l’Etat et les communes ont des participations, afin que celles-ci prennent des mesures pour décarboner les flux financiers et les activités, et contribuer aux objectifs climatiques de la Suisse.

Impacts pour l’Etat

Selon l’Etat, le Plan climat vaudois (PCV) de première génération répond, en matière d’objectifs généraux, aux ambitions de l’initiative. En effet, il s’agit de viser la neutralité carbone d’ici 2050 et de réduire de 50 à 60 % les émissions d’ici 2030 par rapport à la situation qui prévalait en 1990. L’initiative demande d’élaborer un nouvel objectif intermédiaire en 2040.

Communes

L’automne passé, la rencontre entre la conseillère d’Etat, l’Union des communes vaudoises (UCV) et l’Association de communes vaudoises (AdCV) a été l’occasion de discuter des principes généraux qui s’appliqueraient sur le plan des communes en cas d’acceptation du texte :

  • l’obligation constitutionnelle d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 et de se doter de plans d’actions et d’objectifs intermédiaires en cohérence avec les objectifs internationaux, fédéraux et cantonaux ;
  • l’initiative laisse la liberté quant aux moyens d’atteindre ces objectifs, ce qui garantit l’autonomie communale ;
  • pas d’automatisme d’application entre canton et communes ;
  • accompagnement renforcé de l’Etat ;
  • création d’un groupe de travail commun Etat-communes.

Caisses de pensions

La Caisse de pensions de l’Etat de Vaud (CPEV), la Caisse intercommunale de pensions (CIP) et la Caisse de pensions de la commune de Lausanne (CPCL) constituent les trois institutions de prévoyance de droit public vaudoises concernées par le texte de l’initiative. Si cette dernière devait être acceptée, les stratégies qui en découleraient seraient « indicatives ». Autrement dit, aucun objectif contraignant ne contreviendrait au droit supérieur.

Auditions

Avant d’entamer les débats sur le préavis du Conseil d’Etat, la commission a auditionné les principaux acteurs concernés par l’initiative avec la volonté de garantir un équilibre entre ceux-ci et de les limiter aux plus importants.

Audition de M. Philippe Thalmann, Professeur d’économie à l’EPFL

Convaincu qu’il est nécessaire et relativement urgent de décarboner nos sociétés, le professeur Philippe Thalmann indique que la finance peut et doit jouer un rôle important à cet effet. Toutefois, pour en avoir débattu avec ses collègues au sein de la Caisse PUBLICA, il est conscient des difficultés et des réserves que cela soulève.

Généralement, deux critiques sont invoquées contre le désinvestissement. Premièrement, le fait que le rôle d’une institution de prévoyance n’est pas de contribuer à freiner les changements climatiques en investissant de manière responsable, mais plutôt de maximiser le rendement pour ses assurés tout en surveillant les risques. Deuxièmement, la critique très souvent évoquée contre le désinvestissement repose sur le fait qu’une seule institution de prévoyance ne peut ni changer ni influencer une entreprise irresponsable. Aujourd’hui, il semble tendance à investir dans les énergies renouvelables, il n’y a pourtant pas une multitude de possibilités, ce qui peut induire un risque de surinvestissement.

Audition de la BCV avec M. Kiener, Mme Fischer et M. Meystre

Préoccupations principales : le PDG de la BCV affirme en premier lieu que l’institution partage pleinement les objectifs lancés à la fois par l’initiative et par l’Accord de Paris. Aujourd’hui, nul ne peut nier les problèmes climatiques. Néanmoins, la lecture du texte a fait émerger trois préoccupations principales :

  1. la première concerne la notion de flux financiers qui n’était pas définie par les initiants. Ce faisant, au sens large du terme, cela pouvait aussi bien concerner de grands investissements dans des mines à charbon que de simples paiements par carte de crédit. Par conséquent, l’initiative semblait de prime abord aller beaucoup trop loin ;
  2. tout en rappelant que la BCV verse plus de 250 millions à l’Etat de Vaud, le PDG de la BCV relève un deuxième souci ayant trait à l’interprétation de l’interdiction de certaines activités, qui mettrait à mal la place de la banque dans le paysage concurrentiel. L’initiative visant exclusivement la BCV n’aurait, en définitive, pas ou que peu d’influence sur la protection du climat, puisque d’autres institutions financières, non soumises à de telles restrictions, reprendraient les affaires que la banque ne pourrait plus mener ;
  3. la troisième préoccupation touche à une éventuelle incompatibilité de l’initiative avec la Loi organisant la Banque Cantonale Vaudoise (LBCV). Selon l’interprétation de l’initiative, cette dernière mettrait à mal la mission de l’institution, inscrite à l’article 4 de la LBCV, s’agissant de contribuer à la fourniture d’offres hypothécaires et de soutenir financièrement les PME dans toutes les industries et dans l’ensemble du canton de Vaud.

Finalement, les discussions menées depuis 2020 avec la conseillère d’Etat, les Verts vaudois et le comité d’initiative, ainsi que les clarifications apportées par le préavis du Conseil d’Etat, ont permis de rassurer les représentants de la BCV sur certains points.

Le PDG de la BCV conclut qu’il est possible de vivre avec l’initiative, mais que dans les domaines où la banque n’a pas de pouvoir de décision, ses engagements devraient se limiter à des obligations de moyens. Au vu des discussions passées et du préavis du Conseil d’Etat, il présume que la loi d’application qui suivra l’initiative – si elle est acceptée par le peuple – tiendra compte des éléments relevés par la BCV.

Insécurité juridique et contre-projet :un contre-projet pourrait amener davantage de sécurité juridique en clarifiant en amont les dispositions, dans l’intérêt du canton de Vaud.

M. Philippe Doffey, Directeur général des Retraites Populaires

Les Retraites Populaires ont déjà eu pour objectif la politique climatique dans leur politique d’investissement à partir de 2007 et, dès 2015, l’institution a établi une charte avec des principes en matière d’investissements socialement responsables.

Prise de position : le Directeur général des Retraites Populaires se déclare favorable aux éléments présentés dans l’exposé des motifs, à savoir : tenir des engagements climatiques sur le long terme, établir des attributions inaliénables pour les conseils d’administration en matière de politique de placement et réviser les stratégies mises en place tous les cinq ans.

Examen point par point du préavis du Conseil d’Etat

Les engagements de la Confédération : en juin 2022, le Conseil national a adopté, à une large majorité, le contre-projet indirect à l’initiative pour les glaciers, contre-projet qui reprend des préoccupations majeures de l’initiative. A relevé que le Conseil des Etats a également soutenu ce contre-projet indirect. L’Accord de Paris ayant été approuvé par l’Assemblée fédérale, avant d’entrer en vigueur au sein du droit suisse, les engagements qui en découlent sont déjà inscrits dans la Constitution.

Discussion sur le projet de décret présenté par le Conseil d’Etat

Un commissaire annonce vouloir reprendre les éléments de la proposition de contre-projet transmis par le Conseil d’Etat, à l’article 162 de la Cst-VD « Participation, aux Dispositions transitoires de l’art. 52b et aux Dispositions transitoires de l’art. 162 ». En effet, les auditions ont démontré que, si l’on n’introduit pas ces dispositions, en particulier l’alinéa 1ter de l’article 162, un risque juridique existe qui laisserait penser que certaines activités de la BCV spécifiquement doivent respecter les termes de l’initiative. Aussi, l’alinéa 1ter prévoit que le trafic des paiements, les crédits hypothécaires, etc. ne sont pas soumis à l’initiative. Pour plus de clarté et de sécurité juridique, il s’avère important d’introduire dans la Cst-VD de telles réserves. A l’alinéa 2 des dispositions transitoires de l’article 52b, l’ajout du terme « indicatives » permet de laisser une certaine marge de manœuvre aux caisses de pensions. Ceci permettrait une meilleure lecture avec plus de clarté et moins de risques au niveau de l’interprétation.

En conclusion, la majorité de la commission aimerait soutenir le contre-projet de la minorité du Conseil d’Etat, ceci afin de ne pas péjorer de manière trop restrictive des institutions financières et de donner une plus grande clarté de la mise en œuvre de ce décret, sachant qu’une initiative lors de sa mise en application pose très souvent des contraintes qui n’ont pas été mesurées et qui s’avèrent toujours contraignantes. Nous en avons quelques exemples : je pense à l’initiative Weber et la Loi sur l’aménagement du territoire.

Mme Alice Genoud (VER) — Rapporteur-trice de minorité

En préambule, j’aimerais m’autoriser quelques mots pour souligner mon grand plaisir à pouvoir défendre cette initiative des Vertes et des Verts et des jeunes Vertes et jeunes Verts après un très long processus politique, étant donné qu’elle a été déposée en décembre 2019. Il s’agit d’aligner notre canton avec les objectifs signés à Paris par la Confédération en 2015. Le but de cette initiative, comme rappelé par le président de la commission, est donc d’intégrer les questions climatiques dans la Constitution vaudoise. Nous en sommes désormais toutes et tous conscients, le réchauffement climatique est là ; ses effets se font sentir, ils s’accentuent et font déjà passer le quotidien de notre génération comme une époque révolue. Il n’y a plus de temps à perdre, en sachant que cette initiative n’est qu’une réponse partielle – il faut en convenir – à ce qui est un défi majeur de notre siècle.

Soutenu par le Conseil d’Etat et signé par de nombreuses Vaudoises et de nombreux Vaudois, ce texte incarne les préoccupations de la population et des scientifiques. Il ne saurait être ignoré et ne saurait être vidé de sa substance. Certaines et certains ont peut-être tenté de lui enlever des leviers importants, avec ce contre-projet, je pense notamment aux institutions financières que ce contre-projet aimerait favoriser, comme si les piliers de la société vaudoise ne faisaient pas partie de cette réalité climatique. Je rappelle que, en commission, ces entités auditionnées ont assuré que cette initiative n’impacterait pas leurs activités, car elles se sont déjà dotées de stratégie de désinvestissement fossile, des politiques qui vont dans le sens de l’initiative qui devront bien sûr être accentuées, mais qui peuvent être faites dans le délai donné par cette initiative. Elles ont aussi donné leur soutien aux objectifs de l’initiative. De facto, je pars du fait que cette initiative pourrait tout à fait s’inscrire dans leur politique d’investissement et de financement.

Il est donc clair que cette initiative cantonale est l’outil adéquat pour pouvoir concrétiser des stratégies en actes et faire que toutes les actrices et tous les acteurs dépendants du canton agissent de concert pour une société qui ne nie plus les dangers qu’apporte le dérèglement climatique. Elle laisse une latitude importante pour pouvoir laisser à ces différentes actrices et ces différents acteurs le choix de la meilleure stratégie. Elle ne donne pas forcément de contraintes énormes. Le but est finalement d’arriver à ces objectifs ensemble, selon les meilleurs moyens qui pourront être mis en place, sachant aussi que ces politiques évoluent au jour le jour – de nouvelles technologies et de nouvelles façons de penser notre société aussi. Il faudra donc adapter ces stratégies au fur et à mesure.

Après l’urgence climatique votée par ce Parlement en 2019, presque à l’unanimité, cette initiative permet de faire un pas supplémentaire vers une étape concrète. Nous avons l’occasion de passer des mots aux actes et – je le souligne – sans mettre à mal les activités de l’Etat et de ses piliers. C’est une chance que nous ne pourrons peut-être pas longtemps nous autoriser. Nous avons besoin d’une législation forte sur le sujet et cette initiative le permet. Elle permet aussi au canton de Vaud de se poser comme un exemple à suivre sur les questions climatiques.

Comme la minorité de la commission, je vous enjoins à voter cette initiative et à rejeter le contre-projet. Si le contre-projet devait être ouvert, comme il a été fait en commission, nous nous permettrons de déposer plusieurs amendements présentés en commission pour le renforcer, avec l’idée d’avoir finalement un contre-projet un peu plus ambitieux.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion générale est ouverte.

M. Nicolas Suter (PLR) —

Le groupe PLR tient à remercier le travail de la commission chargée d’étudier le préavis du Conseil d’Etat sur l’initiative cantonale pour la protection du climat. Si l’on s’arrête à la dernière ligne, aussi bien du rapport de majorité que celui de minorité, on pourrait penser qu’il s’est agi d’un énième vote gauche-droite, mais la lecture de ces deux rapports détaillés nous donne une autre image, celle d’une commission qui a pris le temps de se faire un avis, qui a écouté des représentants du monde académique et des acteurs économiques concernés, et ce, sur cinq séances de commission. Merci pour ce travail et pour vos explications.

Le travail de la commission n’est pas uniquement là pour faciliter le travail de ce plénum, il est capital pour guider l’application éventuelle d’un texte qui pourrait être accepté par les Vaudoises et les Vaudois. Les questions qui ont été posées de part et d’autre sur le périmètre du texte de l’initiative, sur son étendue aux activités précises de notre Banque cantonale ou de la Caisse de pensions de l’Etat de Vaud (CPEV) notamment, qu’il s’agisse de trafics de paiement, de prêts hypothécaires ou d’investissements, sont autant de garants d’une application qui pourrait être hasardeuse.

Il est clair que le climat est au cœur de nombreux débats ; il a une place de choix dans le Programme de législature. C’est un enjeu sur lequel notre génération ne peut pas se défiler. Sans compter que la question climatique se conjugue aisément avec la crise énergétique dans laquelle nous venons d’entrer. Aujourd’hui plus qu’hier, la maîtrise d’un approvisionnement local renouvelable est un enjeu primordial. On peut tout de même se demander si l’initiative ne sert pas uniquement à formaliser un état de fait qui est déjà clairement ancré dans les politiques cantonales et communales ainsi que dans les stratégies mises en place par toujours plus d’acteurs économiques. On le voit autour de nous, et les auditions de la commission l’ont clairement montré, les acteurs économiques et les collectivités publiques travaillent déjà à une application des engagements de Paris à leur niveau.

Le groupe PLR salue le contre-projet proposé par la majorité de la commission pour les précisions de réalisme qu’il amène. Certes, le réalisme peut sembler contraire à l’enjeu auquel nous faisons face, mais le réalisme permet aussi d’avancer concrètement. Face aux objectifs ambitieux que nos responsabilités nous commandent, il est primordial d’avancer et de savoir conjuguer objectifs ambitieux et réalisme.

Les rapports de commission présentent clairement le risque qu’un contre-projet présenté au vote populaire en parallèle à l’initiative amènerait, à savoir s’il initiative était préférée au contre-projet, alors une interprétation plus stricte du texte pourrait en résulter. C’est notamment pour cette raison qu’une partie de notre groupe pourrait refuser ou s’abstenir sur la question de l’introduction d’un contre-projet par le Grand Conseil.

Mme Sylvie Pittet Blanchette (SOC) —

Forte de plus de 14’000 signatures, l’initiative pour la protection du climat, si elle est acceptée par le peuple, renforcerait la légitimité de l’action de l’Etat. De plus, la question climatique est suffisamment importante pour justifier une mention dans la Constitution. Cette initiative demande simplement de transposer sur le plan cantonal les objectifs climatiques de l’Accord de Paris. Cela a déjà été rappelé, elle a fait l’objet de nombreuses rencontres, discussions et prises de position, notamment de la part des différentes institutions visées par cette initiative. Cette clarification a finalement permis, notamment à l’occasion d’auditions de la commission, d’entendre ces représentants nous expliquer comment ils sont déjà en train, pour l’un d’entre eux d’épurer graduellement son portefeuille, pour un autre, d’aligner la gestion du portefeuille aux engagements pris par la Confédération ou, un autre encore, de nous rappeler sa charte d’investissements responsables, etc. Même le PDG de la BCV, pourtant l’institution, la plus frileuse, nous a affirmé qu’il était possible de vivre avec cette initiative. Les changements sont en marche ; il s’agit maintenant de proposer au peuple de les ancrer dans notre Constitution.

Faisons aussi montre d’un peu de réalisme. Je vous invite à ne pas soutenir le contre-projet. En effet, si la BCV s’interroge sur les conséquences que certaines positions pourraient avoir sur leur clientèle, le dégât d’image de notre banque cantonale serait catastrophique si on devait opposer l’initiative à un contre-projet. C’est un peu comme si l’on disait : climat versus BCV. Notre population ne comprendrait pas que l’on demande des efforts à tout le monde, mais que l’on soustraie la BCV à certaines contraintes d’engagement pour le climat. Ce serait un fantastique autogoal.

De plus, comme moi, vous avez certainement regardé le Téléjournal de dimanche soir où il est fait état d’un rapport de Public Eye qui dit que 40 % du commerce mondial de charbon est négocié depuis la Suisse et financé par nos banques. Si le Crédit Suisse tient à la palme avec plus de 2 milliards de francs prêtés à des sociétés, la BCV est également mentionnée au cinquième rang. Cela fait un peu tache dans le contexte actuel !

Pour toutes ces raisons, ainsi que pour celles évoquées dans le rapport de minorité, je vous invite au nom du groupe socialiste à soutenir le préavis et le projet de décret du Conseil d’Etat, à laisser le peuple voter cette initiative et donc à ne pas entrer en matière sur le contre-projet.

M. Felix Stürner (VER) —

Deux jours après l’ouverture de la COP 27, en Egypte – au cours de laquelle le Secrétaire général de l’ONU a déclaré « Nous sommes sur une autoroute vers l’enfer climatique avec notre pied toujours sur l’accélérateur. » – la question climatique s’invite également à nouveau dans notre Grand Conseil. Les quatre objets dont le traitement nous est soumis montrent bien combien l’interaction des humains avec leur environnement et les retombées de cette dernière sont diverses et nécessitent une approche qui englobe les nombreux aspects liés à cette question sensible pour notre avenir.

C’est ainsi que l’initiative pour la protection du climat aborde plutôt le volet environnemental, alors que les trois autres objets traitent des perspectives financières et économiques. Derrière cette pluralité d’angles se dessine toutefois une seule et même préoccupation : quelle est la voie à suivre la plus adéquate pour faire en sorte que les investissements de l’Etat de Vaud, notamment au travers d’investisseurs institutionnels tels que les Retraites Populaires, la Romande Energie ou encore la BCV ne nuisent pas à notre environnement et tendent effectivement vers la décarbonation ? Comme l’a indiqué ma préopinante, prendre connaissance du rapport de l’ONG Public Eye montre bien que l’on en est encore relativement éloigné pour un certain nombre de secteurs. C’est donc bien dans cette direction qu’il convient de soutenir les diverses démarches entreprises et proposées, car bon nombre d’exemples déjà mis en actes montrent que les acteurs publics, par exemple au travers de leurs participations à des personnes morales – dont a parlé le rapporteur de majorité avec l’article 162 – peuvent jouer un rôle déterminant en matière de préservation du climat. Au demeurant, le calendrier des mesures préconisées qui procède par étapes, avec des objectifs intermédiaires en 2030 et 2040, se prête idéalement à des réalisations pragmatiques et tenant compte des circonstances, comme il autorise aussi des adaptations utiles. En ce sens, il n’est pas extrême. De plus, il s’articule parfaitement avec les visées de notre réalité carbone à l’orée 2050 déjà évoquée et notamment dans son complément avec l’article 52b de la Constitution vaudoise et entre parfaitement dans les desseins du Plan climat vaudois.

En conclusion, tout en laissant aux spécialistes des placements une marge de liberté, c’est évidemment dans le sens de la responsabilisation que les Vertes et les Verts vous invitent à soutenir l’initiative et non pas le contre-projet. C’est ainsi que nous arriverons à atteindre les objectifs généraux, confédéraux et cantonaux.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Tout d’abord, je déclare mes intérêts : j’étais membre de la commission qui a traité cet objet. Sans surprise, le groupe UDC vous demande de soutenir la majorité de la commission, soit le contre-projet. L’initiative qui nous est soumise et qui veut inscrire la protection du climat dans la Constitution est louable, mais cette initiative, qui s’apparente plutôt à du greenwashing, manque sa cible, menace notre économie et ne résoudra pas les changements climatiques. Mais surtout, elle crée des incertitudes juridiques. En effet, l’initiative impose à l’Etat et aux communes, ainsi qu’à toutes leurs participations, de respecter le texte de l’initiative. Et qui est principalement visé ? C’est bien la BCV et nos caisses de pensions. Et c’est là que l’on constate que cette initiative plonge notre Banque cantonale et nos caisses de pensions dans un flou juridique. Selon le texte de l’initiative, ceux-ci ne pourraient prêter et investir que dans des entreprises, projets ou bâtiments « verts » ou qui respectent le climat. Ainsi, pas de prêt possible à une entreprise pour son fonds de roulement courant, car ses locaux sont chauffés au gaz ou au mazout, donc uniquement des prêts à des entreprises « vertes ». Pas de prêt à un entrepreneur ou un agriculteur pour son parc de véhicules, puisque celui-ci est principalement composé de véhicules roulant au diesel, donc des prêts uniquement pour des véhicules électriques. Cela n’est tout simplement pas envisageable pour notre parti.

L’initiative menace la compétitivité de la banque qui, je le rappelle, est détenue en majorité par notre canton. Sauf erreur, c’est près de 250 millions de versements que la BCV verse à notre canton chaque année. Malgré l’avis des initiants, qui nous disent qu’ils font preuve de compréhension, seul reste le texte de loi. C’est la raison pour laquelle nous soutenons le contre-projet qui reprend quasiment toute l’initiative, mais qui enlève tout flou juridique. En résumé, sur le fond oui, sur la forme non !

Mme Graziella Schaller (V'L) —

La protection du climat est un élément clé pour la survie de l’humanité, comme le sont la protection de la biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique. Malgré les catastrophes climatiques qui se suivent – inondations, vagues de chaleur, fonte des glaciers, de la banquise et du permafrost – malgré la pollution et les problèmes de santé qu’elle génère, les signaux d’alarme qui nous parviennent du monde entier sont sans grand effet sur la mise en œuvre de stratégies pour lutter contre le dérèglement climatique. La pression monte auprès des différents acteurs. Des actions non violentes, mais spectaculaires attirent l’attention des médias et de la population ; toutefois, cette pression morale ne suffit pas : il est nécessaire d’inscrire ses objectifs climatiques dans une législation contraignante afin que les politiques publiques de l’Etat les intègrent. Comme cela a été dit, un rapport publié hier par Public Eye dénonce la grande participation des banques suisses qui financent 40 % de l’industrie mondiale du charbon. Il n’en faut pas beaucoup plus pour s’imaginer que d’autres énergies fossiles sont financées dans les mêmes proportions par des institutions suisses. Ce rapport tombe à point nommé : il va dans le sens de l’initiative et montre la nécessité de donner un cadre réglementaire strict, afin que cesse réellement le financement d’entreprises dont les actions sont contraires aux enjeux climatiques.

Respectons la démocratie et la volonté populaire, soumettons cette initiative – et elle seule – en votation. Un contre-projet soumis en votation parallèle amènera beaucoup de confusion, comme cela a été dit par plusieurs de mes préopinants. Les Vert’libéraux soutiendront cette initiative qui demande d’inscrire dans la Constitution vaudoise les objectifs climatiques de l’accord de Paris et ils refuseront l’entrée en matière sur le contre-projet.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Le groupe Ensemble à gauche et POP soutient l’initiative des Verts pour le climat et vous appelle à en faire de même. Les Etats sont en train de prendre un retard aux conséquences dramatiques du point de vue de la réduction des gaz à effet de serre. Placer les politiques de réduction d’émission au cœur de la Constitution du canton est donc une démarche incontournable. Ce serait un point d’appui précieux pour accélérer la transition écologique. Pour nous, il est particulièrement essentiel – et c’est l’un des points forts de l’initiative – d’impliquer de manière contraignante les caisses de pensions publiques et les autres entreprises de droit public, comme la BCV, dans cette politique. La réorientation des investissements vers les énergies renouvelables plutôt que les énergies fossiles est l’une des clés de voûte de la politique climatique. En effet, les grandes entreprises actives dans l’extraction des énergies fossiles ont une soif énorme de capitaux pour financer des investissements toujours plus massifs et risqués dans des projets gaziers ou pétroliers. La marée noire provoquée par une plate-forme pétrolière de BP dans le golfe du Mexique, il y a quelques années, est une illustration de la démesure et de la fuite en avant vers des projets d’extraction d’énergie enfouie de plus en plus profondément dans le sol, sous les glaces ou sous les océans. Il est donc de la plus grande importance que les milliards gérés par les caisses de pensions et autres entreprises publiques ne soient pas utilisés pour financer une telle fuite en avant.

Je rappelle au passage que mon groupe a joué un rôle pionnier dans ce dossier du désinvestissement en déposant, en 2016 déjà, un postulat demandant à la CPEV de désinvestir les énergies fossiles. Nous aurons l’occasion d’y revenir par la suite, puisque le projet du Conseil d’Etat inclut une réponse à ce postulat. Pour ne pas entraîner trop de suspense, disons d’emblée que nous considérons cette réponse comme décevante, car la CPEV ne prévoit qu’un désinvestissement du charbon et non des entreprises actives dans l’extraction de gaz et de pétrole. Cela me permet aussi au passage de répondre à certains autres orateurs de droite qui se sont exprimés avant moi en disant que cette initiative est presque superflue, que les politiques climatiques seraient déjà bien ancrées dans les politiques publiques. On le voit avec cet exemple de la CPEV, il reste encore beaucoup à faire.

Pour en revenir à l’initiative des Verts, nous espérons que celle-ci sera soumise au vote sans contre-projet qui viserait à en réduire la portée. Si la majorité devait s’orienter vers un contre-projet, comme l’a annoncéAlice Genoud, nous nous engagerons pour renforcer ce contre-projet. Je reprendrai en particulier l’amendement que j’ai déjà déposé en commission et qui vise à accélérer le délai pour atteindre la neutralité carbone en 2040, plutôt qu’en 2050. En effet, pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris, les pays les plus riches et les plus industrialisés – dont font partie la Suisse et le canton de Vaud – devraient accélérer et viser une neutralité carbone en 2040 ou très peu après. C’est d’ailleurs un objectif retenu par certains Etats comme l’Autriche ou la Suède. En ce sens, l’initiative des Verts qui fixe un horizon à 2050 affiche une ambition somme toute mesurée qui permettra, je l’espère, d’obtenir un large soutien dans ce Parlement.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Je me permets d’intervenir dans ce débat pour recentrer un peu la discussion. Avant tout, je déclare mes intérêts : je suis membre d’un conseil de fondation d’une caisse de pensions qui gère environ 4 milliards de francs. A ce titre, je voulais expliquer à quoi sert une caisse de pensions. Une caisse de pensions sert à payer des retraites. Une caisse de pensions n’est pas là pour faire de la politique ; elle est là pour payer la retraite de gens qui ont travaillé durement et qui, arrivés à 65 ans, voudraient pouvoir bénéficier d’une retraite digne. Aujourd’hui, la CPEV concerne 40’000 employés, 20’000 retraités – la Caisse de pension du personnel communale de Lausanne (CPCL), 6000 employés et 3000 retraités. Aujourd’hui, les caisses de pensions investissent pour le bien des retraités et pour leur payer des retraites. Pour ceux qui suivent un peu les marchés financiers – je ne sais pas s’il y en a beaucoup dans cette salle – je peux vous assurer qu’aujourd’hui le meilleur investissement est d’acheter du pétrole, de l’ExxonMobil, et non pas d’investir dans les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Je sais que pour certains d’entre vous, c’est scandaleux, mais lorsque vous avez en face de vous des retraités qui vous demandent quelle sera la revalorisation de leur retraite, certes l’aspect écologique est important, mais leur retraite l’est bien plus encore.

Dans le cadre de ces discussions, je crois qu’on mélange malheureusement deux choses importantes et que l’on oublie une chose cruciale : les caisses de pensions sont là pour payer des retraites et non pas pour faire de la politique. Il est important de laisser les caisses de retraite pouvoir investir de façon optimale, de façon responsable, et ne pas les contraindre avec une logique qui est aujourd’hui délétère. Dans ce cadre-là, pour sauver les retraites de nos retraités, il faut accepter le contre-projet et ne pas aller dans le sens du projet déposé par les Verts.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Je déclare tout d’abord mes intérêts : je suis président du comité de l’initiative sur laquelle nous débattons ce matin. Cela a été dit, la Constitution est la charte fondamentale d’un Etat ; elle fixe les grands principes de son fonctionnement, ses buts et ses moyens. Au XIXe et au XXe siècle, les discussions autour des modifications de la Constitution et de son évolution – chez nous comme ailleurs – ont plutôt porté sur des questions en lien avec la justice sociale, le droit des personnes et autres. Le combat du XXIe siècle, l’enjeu sinon unique en tout cas principal et majeur de notre temps, c’est la protection du climat et de la biodiversité. Comme cela a été dit, nous en débattons abondamment dans cet hémicycle. Dès lors, quoi de plus logique et de plus nécessaire que d’inscrire également les principes d’une telle protection de notre charte fondamentale ? C’est ce que demande l’initiative sur laquelle nous discutons aujourd’hui. On peut, tel le Sénat de Byzance la veille de la chute de l’empire en 1453, s’écharper sur le sexe des anges et tergiverser sur certains détails d’application. Ou alors, on peut aller de l’avant et prendre nos responsabilités. Des responsabilités qui n’émanent pas uniquement d’un sens moral ou d’une culpabilité vis-à-vis des générations futures, mais aussi et plus prosaïquement de nos engagements internationaux. Notre Confédération a signé et ratifié, en 2015, l’Accord de Paris sur le climat, un accord qui ne demande pas autre chose que ce que demande le texte de cette initiative. Comme aiment à le rappeler les juristes, pacta sunt servanda – les accords doivent être respectés. Nous n’avons donc pas d’autre choix que de respecter l’Accord de Paris sur le climat et de réduire nos émissions de CO2 en vue d’une neutralité carbone en 2050. C’est ce que demande le texte de cette initiative.

C’est un texte ambitieux, mais qui n’est pas extrémiste ni idéologique. C’est un texte qui a été construit pour permettre à l’Etat de poursuivre les efforts que nous avons déjà commencé à entreprendre en termes de rénovation énergétique des bâtiments, de transition vers les énergies renouvelables. C’est aussi un texte qui ouvre la porte à une décarbonation de notre système financier. En effet, nos personnes morales ont aussi une responsabilité en la matière et il est extrêmement important pour notre avenir que, là aussi, nous puissions agir et agir de manière forte et décidée, également pour leur compétitivité à moyen et long terme. Il n’y a pas que dans le canton de Vaud que l’on parle de finances durables, ces discussions ont également lieu au niveau fédéral. Ce que l’on demande aujourd’hui de manière posée et pragmatique le sera probablement de manière beaucoup plus forte et ferme à l’avenir, au niveau fédéral. C’est donc donner des outils supplémentaires à notre place financière et à notre Banque cantonale pour aller de l’avant dans cette transition nécessaire.

Monsieur Pahud, je peux vous assurer que le comité de l’initiative a eu de très nombreuses discussions avec la direction de la BCV. Nous avons donné de nombreuses garanties quant à ce que voulait véritablement ce texte. Aujourd’hui, ce dernier ne met pas en danger la compétitivité de la BCV, mais lui donne au contraire la possibilité d’investir de manière durable.

Monsieur Moscheni, une caisse de pensions remplie mais dans un avenir rendu invivable par le changement climatique ne sert pas à grand-chose. Aujourd’hui, nous devons prendre nos responsabilités. Les investissements durables sont légion. Nous parlons énormément du besoin de rénover complètement notre parc immobilier, il y a des investissements importants à faire dans les énergies renouvelables. Je pense qu’il y a bien assez d’investissements à entreprendre dans ces domaines sans avoir besoin d’acheter des actions de Total ou d’Exxon Mobile. Nos caisses de pensions ont également tout à gagner avec cette initiative. Si cette dernière a un défaut, c’est qu’elle est très pragmatique, donc qu’elle pourrait tout à fait être musclée. Si contre-projet il y avait, je pense que celui-ci devrait la muscler plutôt que l’affaiblir.

Mme Chantal Weidmann Yenny (PLR) —

Tout d’abord, je déclare mes intérêts : je m’exprime en tant que présidente de l’Union des communes vaudoises (UCV). Dans le rapport de majorité, il est indiqué que la conseillère d’Etat honoraire, Mme Béatrice Métraux, a fait mention d’une rencontre entre les délégations du Conseil d’Etat et les deux associations faîtières des communes. Celle-ci a effectivement eu lieu à la fin du mois de novembre 2021, afin d’échanger au sujet de l’impact de l’initiative pour la protection du climat sur les communes. L’objectif du Conseil d’Etat était d’avoir de la part des faîtières une détermination formelle au sujet de cette initiative avant la finalisation de l’exposé des motifs et projet de décret. Je précise que la prise de position que nous avons transmise au Conseil d’Etat n’a pas fait l’objet d’une consultation large de l’entier des membres de l’UCV, mais que nos observations, notamment sur les opportunités et les difficultés liées à la mise en œuvre dans les communes, se sont basées sur une étude réalisée au printemps 2021 par notre association intitulée « Etat des lieux des politiques énergétiques, climatiques et de durabilité des communes ».

Sur le principe, l’UCV a soutenu les objectifs contenus dans cette initiative et y est favorable. Elle a estimé que le texte pouvait être soumis au Grand Conseil, puis au peuple, sans y opposer un contre-projet. Dans la perspective d’une adoption par la population, l’UCV demande à être systématiquement associée pour traduire les principes constitutionnels dans les différentes bases légales, secteur par secteur. Pour rappel, notre association faîtière représente 92 % des communes de ce canton qui, ensemble, regroupent plus de 95 % de la population. Une représentation en lien avec cette réalité nous semble dès lors plus qu’essentielle à toute implication des communes dans les processus législatifs et autres commissions instituées ou groupes de travail.

Pour revenir au constat fait lors de l’état des lieux des politiques énergétiques, climatiques et de durabilité dans les communes, il sera essentiel que l’accompagnement des collectivités locales dans ce domaine reste différencié et que le cadre soit le moins contraignant possible. L’état des lieux susmentionné a également souligné que de nombreuses communes avaient d’ores et déjà entrepris des actions afin de protéger l’environnement et qu’elles participaient déjà aux efforts globaux de lutte contre le changement climatique et ses effets. Elles détiennent en effet des compétences essentielles à l’échelle locale pour favoriser la transition vers une société moins énergivore et plus responsable en matière de climat et d’environnement en général. Nous appelons donc à laisser la possibilité à l’échelon local de faire preuve de créativité et de réactivité en la matière, en demandant que le canton les accompagne sans leur imposer la méthode. De plus, il nous paraît primordial que le soutien scientifique et documentaire global, ainsi que la coordination des échelons institutionnels, soient réalisés par ce dernier. Les plans d’action ne doivent en effet pas être corrélés à des charges administratives trop importantes pour les communes et il est illusoire qu’à leur échelle, elles puissent monitorer les émissions.

En résumé, l’UCV estime que cette initiative va dans une direction qu’il faut prendre pour l’ensemble de la population et, moyennant les réserves émises, notre association s’impliquera pleinement dans une mise en œuvre efficace et efficiente du texte dans les différentes politiques publiques. Les communes vaudoises ont, dans leur majorité, déjà pris le train des objectifs de Paris et doivent être laissées le plus libres possible dans le choix des mesures de terrain. Cela permettra d’aller plus rapidement vers les objectifs de réduction des émissions et maintiendra la créativité et l’envie au niveau local d’améliorer les conditions de vie sur le long terme. De plus, à la lecture du Plan de législature 2020-2027, les mesures pour la durabilité et le climat sont ambitieuses et permettront de vrais partenariats canton-communes.

En conclusion, je refuserai l’amendement de principe de la commission à l’article 1 du projet de décret introduisant un contre-projet à l’initiative, mais j’accepterai le texte initial de l’initiative populaire cantonale et je vous invite à en faire de même.

Mme Oriane Sarrasin (SOC) —

Le dérèglement climatique est un phénomène tellement vaste et effrayant que même des personnes conscientes de l’ampleur du problème se découragent, car elles ont l’impression que tout ce qu’elles pourraient faire ne serait qu’une goutte d’eau. C’est ce que montrent des centaines d’études dans mon domaine de recherche. Ce découragement est exacerbé lorsqu’on a l’impression que des entités que l’on perçoit comme puissantes ne s’engagent pas ou pas assez pour le climat. Encourager l’action individuelle passe donc par l’exemplarité de l’Etat via l’action directe de celui-ci et via l’influence qu’il peut avoir sur les activités de certaines caisses de pensions et de personnes morales. Inscrire ces principes dans la Constitution est un signe fort et essentiel à la population vaudoise. Acceptons l’initiative telle qu’elle et non une version diluée.

M. Hadrien Buclin (EP) —

J’ai à nouveau demandé la parole pour réagir aux propos de M. Moscheni, mais entre-temps notre collègue Mocchi lui a répondu de manière convaincante. Je serai donc bref, mais je ne voulais pas laisser passer l’idée que le désinvestissement des énergies fossiles serait défavorable aux assurés. Tout d’abord, je rappelle à M. Moscheni que les représentants des assurés dans ces caisses de pensions à gestion paritaire se montrent favorables au désinvestissement des énergies fossiles. Il y a eu des prises de position de leurs représentants qui sont clairement en faveur de ce désinvestissement, notamment du côté des syndicats de la fonction publique. Ces personnes ont bien conscience que, comme l’a dit notre collègue Mocchi, bénéficier d’une retraite dans un environnement abîmé, avec des canicules qui se multiplient, n’a pas de sens. Je rappelle que les retraités sont parmi les premières victimes des canicules qui s’annoncent de plus en plus extrêmes. D’un strict point de vue financier, les caisses de pensions ont aussi de nombreuses possibilités pour investir dans des projets qui dégagent un rendement raisonnable, tout en bénéficiant à la population. Je pense notamment à des projets de logements, comme ça a été le cas dans le canton de Vaud pour le projet du Vortex dans lequel la CPEV a investi. Cette dernière a aussi un rôle très important à jouer dans le financement des énergies renouvelables, par exemple la pose de panneaux solaires sur les toits des bâtiments. Et ce, d’autant plus que, dans le canton de Vaud, on est en retard sur cette politique publique. Chaque franc investi dans des actions Shell ou BP est un franc qui ne va pas aller au financement de ces projets locaux et utiles à la population et à l’environnement. Monsieur Moscheni, je réfute votre vision des choses et je suis assez étonné par les propos que vous avez tenus.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Je me permets d’intervenir à nouveau pour remettre l’église au milieu du village. Pour certains qui ne savent pas à quoi sert une caisse de pensions, je vais le répéter : une caisse de pensions n’est pas un outil politique, une caisse de pensions sert à payer des rentes.

Messieurs Buclin et Mocchi, je vous ai bien écoutés et j’en suis fort aise, car je vais peut-être vous l’apprendre, mais une des choses critiques dans une caisse de pensions, c’est ce que l’on appelle le couple risque-rendement. C’est-à-dire, par rapport à certains risques, quel est le rendement que l’on peut obtenir d’un investissement. Aujourd’hui, une caisse de pensions doit à peu près avoir un rendement de 3 % pour couvrir les différents risques, les rentes et accessoirement l’augmentation de l’âge des retraités.

Monsieur Mocchi, je vous ai bien écouté. Vous avez dit, je cite : « Grâce à cette loi, ce sont des investissements payants et avec de bons rendements. » Monsieur Mocchi, je vous demande formellement – parce que, en tant que membre d’un conseil de fondation d’une caisse de pensions, je joue mon propre argent en termes de mauvaises décisions et de mauvais rendements – de signer un document qui couvrirait les risques si je prends des décisions qui vont dans le sens de ce que vous dites, qui seront des investissements payants avec de bons rendements. Ainsi, je pourrais prendre des décisions qui iront dans le sens de ce que vous désirez. Et, s’il y a un problème avec des retraités qui viendront me dire que leur retraite baisse et qu’ils n’ont plus assez d’argent à la fin du mois, je pourrais me retourner vers vous et vous pourrez aller leur expliquer que la caisse de pensions a été utilisée, non pas pour payer leur retraite, mais pour mener un combat politique. Monsieur Mocchi, je vous connais assez : je pense que vous ne signerez jamais un tel document et je vous l’affirme tout de go maintenant, votre initiative veut appauvrir les retraités pour un combat idéologique – avec une certaine valeur. On ne peut pas ainsi mener deux combats de valeur intéressante et opposer l’un à l’autre. Les retraites de nos retraités sont importantes et vous ne pouvez pas ainsi simplement les sacrifier sur l’autel de votre idéologie.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Au fond, cette initiative va peut-être faire de la publicité aux Verts – et c’est bien là-dessus qu’ils comptent – mais elle ne va pas bouleverser le monde. Le canton de Vaud est en train d’adopter le dispositif législatif nécessaire pour appliquer un article constitutionnel avant même qu’il figure dans la Constitution. La BCV a dans sa loi, depuis au moins une dizaine d’années, l’obligation de respecter le développement durable et elle le fait. Les caisses de pensions sont aussi attentives à cette dimension écologique, parce qu’elles ont dans leur conseil d’administration des gens issus de milieux sensibles à ces questions. Alors, il faut relativiser l’importance de cette initiative. Au fond, elle vient inscrire dans la Constitution quelque chose dont on pourrait même se passer dans la Constitution.

Cela étant, elle est déposée. Le peuple va voter. Si vous leur posez la question « êtes-vous pour ou contre le malheur ? » les gens vont évidemment dire qu’ils sont contre le malheur. Dans ce cas particulier, personne ne va vraiment oser tenir tête à cette initiative en disant qu’il y est opposé. Dès lors, je vous recommande de l’accepter.

En ce qui concerne le contre-projet, ce n’est pas seulement une question de détails. A mon avis, les éléments apportés par la commission sont inutiles et le Conseil d’Etat nous le dira très probablement. En plus, c’est aussi un problème de fonctionnement démocratique : par principe, je suis opposé à ce que le Conseil d’Etat ou le Grand Conseil présente systématiquement un contre-projet lorsqu’il y a une initiative. Les initiants déposent une initiative, le peuple vote, ceux qui sont pour la défendent, ceux qui sont opposés la combattent, et on voit à la fin qui finit par gagner. Nous avons l’habitude de faire un contre-projet systématiquement qui finit par embrouiller. Si l’on arrive à s’entendre avec les initiants sur un contre-projet, cela ne fait qu’un objet, mais imaginez que nous devrions expliquer au peuple la différence entre le contre-projet et l’initiative… Dans ce cas particulier, nous serions assez ridicules. Vous l’aurez compris, je vous propose de ne pas entrer en matière sur ce contre-projet.

Mme Valérie Induni (SOC) —

M. Moscheni nous a parlé de la santé des caisses de pensions, mais pas de la santé de la population en général. Or, pour bien vivre à la retraite, encore faut-il être en vie. J’ai sous les yeux un article qui date de 2020 et qui précise que la pandémie de pollution atmosphérique réduit l’espérance de vie dans le monde de près de trois ans en moyenne. La pollution de l’air est un plus grand risque pour la santé publique que le tabagisme. C’est un désastre qui pourrait en grande partie être évité en remplaçant les combustibles fossiles par des énergies renouvelables propres. Je pense que c’est de cela que nous devons nous rappeler lorsque nous soutenons l’initiative : nous parlons bien de caisse de pensions, mais aussi de la santé de la population, de la longue vie en bonne santé. C’est aussi important et je tenais à le souligner.

M. Pierre-François Mottier (PLR) —

Je reviens sur le rapport de la majorité de la commission : je pense que le 100 % de cet hémicycle veut faire quelque chose pour le climat, j’en suis convaincu. A ce titre, les propos de M. Haury me semblent assez sages : il a déjà été compliqué d’expliquer à des députés initiés ce dont nous avions débattu en commission et ce que nous voulions faire passer auprès de ce plénum, alors imaginez le faire auprès de la population. Je rappelle que le rapport de la majorité n’était pas opposé à l’initiative pour le climat, il s’agissait de mettre un cadre. Je rebondis sur les propos de mon collègue Pahud qui sont secs et sonnants, mais qui définissent une règle qui peut poser un problème. Comme je l’ai dit dans mon rapport, ce qui fait souvent peur, dans ce canton et dans ce pays, ce sont les initiatives. Je suis farouchement opposé aux initiatives, je l’admets, parce que lorsqu’une initiative est acceptée par le peuple, lorsqu’on la met en application, il y a toujours de mauvaises surprises. Afin d’accélérer le débat, je précise que si nous voulons aller dans le sens du contre-projet, nous mettrons un cadre un peu plus précis et je le défendrai jusqu’au bout, parce que je pense que les choses peuvent être clarifiées avant d’aller devant le peuple. In fine, je pense que la totalité de ce Parlement a la même envie, celle de faire quelque chose pour le climat.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

J’espère vivement que ma caisse de pensions n’est pas gérée par notre collègue Moscheni. (Rires.) Je serais très préoccupé. Je rappelle qu’en raison des prix actuels de l’énergie, il n’y a pas que les énergies fossiles qui rapportent. Les énergies renouvelables sont aussi largement valorisées et de nombreux fonds se développent dans le domaine des énergies renouvelables à une vitesse supersonique. Cela montre bien qu’il y a un avenir pour ce type d’énergie aussi et qu’il y a des possibilités d’investir pour l’avenir de notre société, mais aussi pour l’avenir des caisses de pensions. C’est bien la problématique d’une partie de cet hémicycle : elle voit à très court terme. A très court terme, il y a certainement des rendements dans les énergies fossiles, mais je rappelle que l’Agence internationale de l’énergie – qui regroupe des experts non seulement dans les énergies renouvelables, mais aussi dans les énergies fossiles – annonce la fin du pétrole abondant, facile et bon marché dans les quatre prochaines années. De toute façon, qu’on le veuille ou non, à court ou moyen terme, nous devrons nous passer des énergies fossiles.

Par ailleurs, il y a deux choses dans la rentabilité financière : il y a le rendement annuel et il y a le capital. Monsieur Moscheni, ce capital, vous risquez de le perdre. Ce serait aussi très embêtant pour vos assurés. Un jour ou l’autre, il faudra passer à pertes et profits tous les investissements faits dans ces sociétés. Je pense qu’il faut faire le pas maintenant, tant qu’il y a encore des imbéciles – excusez-moi pour ce terme – pour les acheter, il faut vendre toutes les actions dans les sociétés fossiles à ceux qui veulent bien les racheter. Il faut investir dans l’avenir de notre société, dans ce qui va prendre de la valeur au fur et à mesure des années pour garantir non seulement un rendement, mais aussi un capital à moyen et long terme. Je vous remercie donc de soutenir fortement cette initiative.

M. Hadrien Buclin (EP) —

M. Balsiger a répondu à l’essentiel. Monsieur Moscheni, si je vous comprends bien, il faudrait sortir un maximum de capitaux de l’économie vaudoise et les investir sur les marchés financiers britanniques, dans les grandes compagnies pétrolières ? Je ne suis pas sûr que les petits entrepreneurs qui sont proches de votre parti apprécieront cette idée de ne pas investir l’argent dans les projets que j’ai mentionnés, des projets de logements, de développement des énergies renouvelables sur le plan local. Je vous laisserai en débattre avec les milieux économiques proches de votre parti.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Certaines opinions énoncées donnent une certaine mesure de la connaissance du sujet des intervenants qui les prononcent. Je reviens toujours avec ma proposition : venez signer un papier qui dit que je n’ai plus de risques par rapport aux investissements et aux rendements que je prends dans le cadre de mon activité dans cette caisse de pensions et j’irai dans le sens de ce que vous proposez. Monsieur Balsiger, je suis à votre disposition à la pause. Vous me semblez être très intelligent et avoir beaucoup d’idées – certes, un peu théoriques – mais pourquoi ne pas essayer… Si c’est vous qui prenez le risque, ce n’est plus moi.

Madame Induni, votre intervention me semble intéressante. Vous me parlez de la qualité de vie et de l’espérance de vie. D’après les tables que nous avons, l’espérance de vie en Suisse ne cesse d’augmenter. Je parle de la Suisse, vous parlez du monde, c’est un peu différent. Les caisses de pensions suisses, peut-être que vous ne le savez pas, n’interviennent que pour les retraités en Suisse. Dans notre pays, l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, avec une légère stagnation récemment en raison du Covid. Tendanciellement, nous vivons toujours plus longtemps. Ce qui est une bonne nouvelle.

Par ailleurs, je n’ai pas très bien compris votre intervention : vous seriez d’accord que l’on baisse les rentes des retraités en leur expliquant que c’est grâce à cela qu’ils vivront plus longtemps ? J’ai du mal à m’imaginer expliquer à mes clients – puisque ce sont des clients – que nous sommes heureux de leur annoncer que nous avons baissé leur rente pour qu’ils puissent vivre un peu plus longtemps. Mais peut-être que vous pouvez m’expliquer comment communiquer ce genre d’information. Vous avez peut-être une manière fort élégante de pouvoir expliquer aux gens qu’ils gagneront moins d’argent et qu’ils vivront ainsi un peu plus longtemps. Mais peut-être ai-je mal compris ce que vous vouliez me dire…

M. Alberto Mocchi (VER) —

Une brève citation : « Les thèmes liés au développement durable retiennent toujours plus l’attention des marchés financiers. Les placements financiers durables ont le vent en poupe dans la gestion de fortune et le conseil en placements comme dans les caisses de pensions et les assurances. Ce développement constitue une chance pour la place financière suisse. » Cette citation est tirée du site Internet du Département fédéral des finances de M. Ueli Maurer. Monsieur Moscheni, je vous propose donc d’envoyer également une feuille à signer à M. Maurer. Dépêchez-vous, parce qu’il quitte ses fonctions le 31 décembre.

M. François Cardinaux (PLR) —

Beaucoup de choses ont été dites, mais j’aimerais revenir à une réalité. Comme cela a été très bien expliqué par M. Mottier, il y a un contre-projet qui est beaucoup plus clair et qui sera beaucoup plus simple à expliquer à la population au moment du vote qu’un texte qui, malheureusement, est trop flou. Je préfère de loin le contre-projet et je vous invite à le suivre. Il sera beaucoup plus précis et beaucoup plus clair. Pour notre population, ce ne sera pas simple à faire passer, alors que le message est intéressant et important.

Mme Alice Genoud (VER) — Rapporteur-trice de minorité

Je voulais aussi revenir sur ces questions de clarification, parce que j’ai l’impression que c’est un peu à ce sujet que les opinions se cristallisent. Je rappelle que ce qui a été dit par M. Mocchi : avant et pendant le passage de l’initiative en commission, il a été expliqué à chaque fois par les initiants et la commission ce que signifiait le fait de devoir désinvestir pour la BCV et les caisses de pensions. Je pense que la vision de M. Pahud – à savoir qu’il ne serait plus possible de faire aucun prêt, que nous ne pourrons plus payer pour obtenir de l’essence – est relativement faussée. C’est une vision qui n’a pas du tout été défendue en commission par les Verts ou qui que ce soit d’autre. Je pense qu’il faut rester mesuré : l’initiative est mesurée. Elle propose des stratégies, elle propose de pouvoir réfléchir ensemble. Nous avons aussi entendu que les communes, qui ont été consultées, trouvent que c’est une bonne chose, que l’on peut aller de l’avant dans ce domaine. Je vous invite à aller de l’avant sur cette initiative.

Par ailleurs, je ne pense pas non plus que c’est du greenwashing ou un outil de communication pour les Verts. Je pense que cette initiative est importante et je suis heureuse d’entendre qu’il y a une sorte de general agreement du Grand Conseil sur les questions climatiques. Je pense que cela nous aidera dans nos futurs débats, parce qu’il faut se rendre compte que nous ne sommes qu’au début des mesures à prendre pour améliorer notre climat. Je pense que c’est un point important à faire figurer dans notre Constitution ; c’est aussi un signal important que donne le Grand Conseil après l’urgence climatique qui a été votée, après le Plan climat et après – je l’espère – le deuxième Plan climat. Nous devons aussi montrer que nous, politiciens, sommes prêts à aller de l’avant. Je pense que l’acceptation de cette initiative est le meilleur moyen d’aller de l’avant sur ce sujet.

La campagne permettra aussi d’ouvrir un dialogue avec la population. Nous pouvons espérer qu’elle acceptera cette initiative et que cela figure dans la Constitution. Finalement, de la Constitution découlent des lois qui pourront clarifier tout ce que demande le Grand Conseil. Il faut rappeler qu’il s’agit d’articles constitutionnels, des articles assez larges, qui prennent volontairement en compte tous les acteurs, mais qui ne leur donnent pas précisément ce qu’ils doivent faire – cela viendra après. C’est pour cela qu’il faut accepter cette initiative, pour pouvoir aller de l’avant, pour trouver des stratégies intéressantes pour tout le monde et pour répondre aux inquiétudes d’une grande partie de la population qui se demande ce que font les politiciennes et les politiciens pour ces questions climatiques. Aujourd’hui, nous pouvons leur donner un signal, si ce n’est des réponses.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Ce sont les propos du rapporteur de la majorité de la commission qui me font réagir. Il nous explique, avec un peu de candeur, qu’une initiative ne serait jamais bonne, parce que le peuple n’aurait pas la capacité de rédiger un texte qui tient la route. Je suis très surpris par ses propos. Je pense que, au sein de cet hémicycle, tous les partis représentés ont eu recours – ou auront un jour recours – à l’initiative populaire. De toute évidence, nous avons un texte qui tient la route, un texte qui a été rédigé par des juristes.

Au-delà de cela, sur cet enjeu du dérèglement climatique et de l’Accord de Paris, M. Mocchi l’a dit à juste titre pacta sunt serenda : nous devons appliquer et tenir cet objectif. De ce point de vue, nous le ferons uniquement si nous emmenons avec nous la population dans son ensemble sur les changements nécessaires et sur les réformes attendues. Donc, non, monsieur le rapporteur de majorité, si nous tenons nos engagements en tant que responsables, c’est bien avec la population que nous le ferons. A ce titre, l’initiative populaire qui nous est proposée est bien rédigée. Elle est conséquente. Ce sera un point d’appui pour agir, pour aller de l’avant et pour emmener tout le monde sur les changements attendus pour réduire significativement les impacts climatiques négatifs de chacune des politiques à mettre en place. Dans les dispositions transitoires, il est aussi fait état des objectifs de l’Accord de Paris. C’est avec beaucoup de conviction et en pensant à la population qui voit les effets concrets de ce dérèglement climatique et les atteintes à notre planète que je vous invite à privilégier cette initiative populaire.

M. Pierre-François Mottier (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Monsieur Tschopp, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. J’ai dit que les initiatives, dans leur mise en application, étaient souvent problématiques. Je n’ai pas dit que les citoyens n’étaient pas capables d’en créer. Dans notre pays, c’est un droit qui est assez agréable, mais lorsque vous mettez en application une initiative, souvent la population, lors de la votation, ne la comprend qu’à moitié. Je n’ai pas besoin de vous donner des exemples. Lorsqu’on voit le pataquès que la mise en application de la Loi sur l’aménagement du territoire a créé dans les communes, je pense que la population ne l’a pas tout à fait comprise lorsqu’elle l’a adoptée. Mais je parle là à titre personnel. Aujourd’hui, je ne dis pas que l’on n’est pas capable de mettre une initiative en application, mais que cela pose souvent des problèmes et que cela ne se déroule jamais réellement comme on l’avait imaginé.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Tout d’abord, le Conseil d’Etat est conscient – comme vous tous – de l’impérieuse nécessité de participer aux efforts internationaux et nationaux de lutte contre les changements climatiques. Il observe les conséquences des changements climatiques sur le territoire vaudois, alors que nous venons d’achever le mois d’octobre le plus chaud depuis le début des mesures. Ces changements ont des impacts concrets sur notre agriculture, notre population, notre économie et notre santé, nous ne le savons désormais que trop bien. La question du dérèglement climatique, du tournant énergétique, reste d’ailleurs la préoccupation majeure des Suissesses et les Suisses selon un récent sondage de la SSR.

Dans ce contexte, le Conseil d’Etat considère qu’une sortie progressive des énergies fossiles est non seulement une nécessité, mais également une opportunité pour diversifier et renforcer son économie indigène. Le Conseil d’Etat soutient dès lors le texte de l’initiative, estimant que l’inscription constitutionnelle des objectifs climatiques renforcerait la légitimité de l’action étatique dans ce domaine. Ce soutien est d’autant plus justifié que l’initiative est conforme aux objectifs climatiques adoptés dans le Plan climat vaudois et cohérent avec l’Accord de Paris qui a été ratifié par la Suisse en 2015. Par rapport à cela, je crois que M. Haury a parfaitement donné le ton en disant que nous sommes déjà sur des objectifs que nous nous sommes donnés sur le plan national et vaudois avec cette initiative.

L’enjeu – d’ailleurs aussi contenu dans le programme de législature du Conseil d’Etat qui a été présenté hier – est bien celui du passage à l’action, de l’accélération et du renforcement des mesures propres à atteindre les objectifs. Il s’agit d’assumer notre responsabilité climatique sur notre territoire, de participer ainsi activement aux efforts nationaux et internationaux. C’est un effort collectif. Nous entendons assumer notre part, et ce, au-delà d’enjeux gauche-droite. Finalement, ces changements climatiques vont bien au-delà des problématiques partisanes.

C’est pour cela que l’action en faveur du climat est une priorité du gouvernement. Le Conseil d’Etat a, pour la première fois, fait du climat l’un de ses axes d’action prioritaire. Plusieurs mesures fortes sont prévues et viendront donner une impulsion claire, témoignant de cette priorisation politique. Nous avons évoqué les moyens financiers supplémentaires hier, mais il y a aussi d’autres enjeux, notamment liés à la formation professionnelle.

Si j’entends ce qui a été dit aujourd’hui, entre les tenants de la majorité de la commission – donc du contre-projet – et les tenants de l’initiative, je pense que les objectifs ne sont pas le problème. La question concerne plutôt les craintes liées à la mise en œuvre. A ce propos, j’entends les propos du rapporteur de la majorité. Je crois que le Conseil d’Etat comprend aussi vos soucis et vos inquiétudes par rapport à cette mise en œuvre. Toutefois, là encore, je vais tenter de vous rassurer en disant que les éléments contenus dans le contre-projet, même s’ils ne sont pas dans l’initiative, ont été discutés avec les interlocuteurs et les partenaires de l’Etat, en particulier les Retraites populaires et la BCV. Dans ce cadre, la mise en œuvre de l’initiative serait conforme aux éléments qui ont été repris dans le cadre du contre-projet. Aujourd’hui, ce dernier est beaucoup plus précis. Ce n’est pas du tout ce que nous imaginons, nous en restons à l’initiative, mais, nous avons eu des discussions au sujet de sa mise en œuvre. Des accords ont été passés avec la BCV et les Retraites populaires et je peux vous assurer que l’idée n’est absolument pas d’entraver l’action de ces organisations partenaires. S’agissant de la Banque cantonale, cette dernière devrait renforcer son action, mais sans remettre en question ses missions de base, en particulier son mandat légal de banque de proximité. Les précisions apportées par votre amendement à l’article 162 figurent déjà explicitement dans le préavis du Conseil d’Etat. Ce dernier s’est engagé à ce que l’initiative soit appliquée dans cet esprit. Ainsi, il est établi en particulier que le trafic des paiements, les prêts hypothécaires et les crédits aux entreprises ne seront pas directement concernés. Nous tenons les engagements qui ont été pris en la matière. Nous vous invitons à soutenir le texte de l’initiative et à rejeter le contre-projet, tout en étant vraiment attentifs au fait que la mise en œuvre corresponde à ce qui a été prévu dans le cadre du contre-projet.

J’aimerais encore insister sur un point juridique, mais qui n’est pas sans incidence par rapport à la suite. Si l’initiative et le contre-projet sont soumis au peuple et que l’initiative passe la rampe, il y a un risque juridique important à ce que l’on interprète le passage de l’initiative au détriment du contre-projet comme une volonté d’être plus strict que le contre-projet dans la mise en œuvre. Nous pourrions aller vers un résultat qui serait contraire à ce que souhaitent les tenants du contre-projet, à savoir que si l’initiative gagne en votation populaire contre le contre-projet, ce serait interprété comme un signal demandant d’aller plus loin que le contre-projet qui a été soumis au peuple. C’est un avis juridique qui nous a été soumis par le Service juridique de l’Etat. Je tenais aussi à vous préciser cet élément, étant entendu qu’il nous paraît que l’ensemble des intervenants sont plutôt favorables à une mise en œuvre adaptée aux réalités de la place financière vaudoise et que, dans ce cadre, nous aurions un risque d’avoir une application différente. Nous vous invitons donc, au vu des objectifs climatiques et au vu de notre responsabilité, à soutenir l’initiative. Nous avons aussi entendu l’UCV. Je réitère le fait que nous ferions une mise en œuvre en ligne avec les organismes financiers, mais aussi avec les communes. Nous vous invitons à suivre la minorité la commission et à soutenir l’initiative.

M. Vassilis Venizelos (CE22-27) — Conseiller-ère d’Etat

 La présidente du gouvernement a manifestement levé les doutes qui pouvaient subsister sur l’impact que cette initiative pourrait avoir sur la CPEV ou la BCV. Cela est d’ailleurs rappelé dans l’exposé des motifs. Je crois qu’il est également intéressant de rappeler que le texte de l’initiative – en tout cas l’interprétation qu’en fait le Conseil d’Etat – est très clair sur ces éléments. Les paroles et les écrits des initiants viennent conforter le Conseil d’Etat sur ces différents éléments. Il est clair que les agriculteurs pourront continuer à bénéficier du soutien de la Banque cantonale. C’est évidemment une priorité pour le Conseil d’Etat.

Certains estiment que cette initiative ne va pas assez loin, qu’elle mériterait d’être renforcée. Je rappelle que cette initiative vise notamment à inscrire la protection du climat et de la biodiversité dans la Constitution, ce qui représente une avancée assez exceptionnelle que d’autres cantons ont déjà connue ces derniers temps, comme les cantons de Genève, de Zurich ou de Berne. Nous aurions ici l’occasion de faire partie de ces cantons pionniers qui considèrent que le climat et la biodiversité font partie des principes importants qui doivent figurer dans notre charte fondamentale. C’est en cela que le Conseil d’Etat soutient l’initiative.

Avec cette initiative, nous venons renforcer différents dispositifs qui ont été annoncés hier en conférence de presse par le Conseil d’Etat – la présidente l’a rappelé tout à l’heure – en matière de mobilité, en matière de formation professionnelle, mais aussi en matière de transition énergétique. Quelque 60 millions par année pour le Programme bâtiments seront à disposition durant les cinq prochaines années. De plus, 200 millions nous permettront de renforcer la production d’énergie renouvelable et l’innovation. A ces sommes, viennent s’ajouter 200 millions pour accélérer le Plan climat. Il s’agit donc de montants relativement importants, mais aussi des révisions de lois-cadres – comme la révision de la Loi sur l’énergie – qui permettront d’accompagner ce mouvement et de traduire concrètement ces deux principes importants qui pourraient être inscrits dans la Constitution.

Pour conclure, j’aimerais rappeler que nous pourrions être amenés, au niveau fédéral, à voter sur un contre-projet à l’initiative sur les glaciers. Si les signatures du référendum peuvent être récoltées, c’est en juin 2023 que nous serions amenés à voter sur ce contre-projet. Or, si ce Parlement considère que c’est l’initiative qui doit partir en votation, nous aurions l’occasion d’avoir un vote populaire le 12 mars, c’est-à-dire quelques mois avant le vote sur le contre-projet à l’initiative sur les glaciers. Nous aurions l’occasion d’avoir un vote relativement clair sur une initiative, ou alors un débat nourri entre un contre-projet et une initiative qui visent finalement le même objectif, c’est-à-dire renforcer l’action de l’Etat et de l’ensemble des partenaires pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Evidemment, le Conseil d’Etat préférerait une votation et un débat serein. Il est évident que le Conseil d’Etat, avec les annonces faites hier, a traduit sa volonté d’aller dans cette direction. Nous serions évidemment beaucoup plus à l’aise avec un débat populaire clair et net sur une initiative qui inscrit l’action de l’Etat et de l’ensemble des partenaires dans le sillon tracé par le Conseil d’Etat lors de sa conférence de presse d’hier et à travers son Programme de législature. Nous vous invitons donc à suivre cette initiative et à aller dans cette direction, ce qui permettra d’amplifier les différentes actions qui ont d’ores et déjà été entreprises par le Conseil d’Etat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

Art. 1.

Nous allons à présent passer à l’examen de l’article 1 pour lequel il existe un amendement de principe, conformément aux conclusions du rapport de la majorité de la commission, soit l’introduction d’un contre-projet à l’initiative, à la lettre b de l’article 1.

Les conclusions de la majorité de la commission (introduction d’un contre-projet) sont refusées par 78 voix contre 53 et 6 abstentions.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Je demande un vote nominal.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui acceptent le principe d’un contre-projet votent oui ; celles et ceux qui préfèrent en rester à l’initiative votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, les conclusions de la majorité de la commission (introduction d’un contre-projet) sont refusées par 77 voix contre 52 et 6 abstentions.

* Insérer vote nominal

L’article 2 est accepté par 76 voix contre 41 et 21 abstentions.

Les articles 3 et 4, formule d’exécution, sont acceptés par 86 voix contre 27 et 22 abstentions.

Le projet de décret est adopté en premier débat.

Le deuxième débat interviendra ultérieurement.

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