Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 2 mars 2021, point 10 de l'ordre du jour

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RC-91

Texte adopté par CE - Rapport A. Rydlo

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M. Cédric Echenard (SOC) —

(remplaçant M. Olivier Mayor, rapporteur) La commission s’est réunie le 6 décembre 2018 et, depuis, passablement d’eau a coulé sous les ponts, l’évolution dans le domaine des plastiques est énorme. En conclusion, à l’unanimité des membres présents, la commission recommande au Grand Conseil d’accepter le rapport du Conseil d’État

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Alexandre Rydlo (SOC) —

En préambule, je remercie le Conseil d’État pour le rapport présenté, car l’étude est de bonne, voire de très bonne qualité, très bien structurée, détaillée et assez complète. Elle pourra sans doute servir de référence à toutes les communes du canton ou à d’autres entités, même au-delà des frontières cantonales.

De cette étude, je retiens principalement trois choses qui me semblent essentielles, dont la première est qu’il s’agit de diminuer notre consommation de plastique, qui est aujourd’hui catastrophique. En effet, nous mettons du plastique dans beaucoup trop de choses. Ensuite, il s’agit de recycler certains plastiques. En effet, l’étude présentée montre que certaines catégories de plastique, recyclées par certains commerces, ne le sont pas par certaines communes ; il existe une disparité énorme à ce sujet et qui ne concerne d’ailleurs pas seulement le canton de Vaud, mais la Suisse entière. De fait, il existe un potentiel de recyclage sous-utilisé qu’il s’agirait d’exploiter. Ainsi, les disparités de recyclage entre les communes doivent être harmonisées, car la situation actuelle n’est tout simplement pas gérable. Les différences actuelles ne sont pas de nature à simplifier la mise en place de collectes de plastiques et de filières efficaces et efficientes. À partir du moment où il n’existe pas de structures satisfaisantes pour recycler les plastiques, il est évident que les entités privées, voire publiques, ne vont pas mettre en place quelque chose de compliqué à gérer.

Enfin, le canton va inviter les communes à mettre en place des mesures, notamment à compléter leur dispositif, un élément que l’on peut qualifier de satisfaisant. Simultanément, relativement aux demandes formulées par le postulat, on observe qu’un potentiel existe, mais qu’une certaine frilosité prévaut, lorsqu’il est question d’amener des propositions concrètes de modification de la Loi cantonale sur la gestion des déchets (LGD), puisqu’on se limite à s’en remettre à une invitation adressée aux communes, tout en sachant que dans notre canton — et nous l’avons vu pour de nombreux sujets — le rapport canton-communes n’est pas toujours évident à gérer, que l’autonomie communale constitue parfois un facteur limitatif à la vitesse à laquelle l’évolution de notre société appelle les choses à bouger en matière de gestion des déchets plastiques. Ces dernières années, nous n’avons pu que constater l’augmentation des questions écologiques et sociétales en relation avec la protection de l’environnement : bien des choses sont à entreprendre. Par ailleurs, un potentiel qui va d’ailleurs bien au-delà du canton existe, car nous devons pouvoir utiliser ces gisements de potentiel plastique par un recyclage. Il existe dans le canton des entreprises qui en ont la capacité et, au-delà du canton, une chaîne de production valorisable. Économiquement, recycler des plastiques et des déchets de manière générale est intéressant. Cela doit être mis en place.

Ce postulat exprimait la volonté d’appeler le canton à mettre en œuvre des mesures, et je suis content de lire les trois points mentionnés ; un résultat positif. En revanche, j’aurais attendu que le Conseil d’État, indépendamment du dépôt d’une motion ou d’un postulat, amène des modifications concrètes à la LGD et une harmonisation nécessaire des pratiques actuelles entre les communes, que nous inscrivions cela noir sur blanc, tout comme le fait que les communes doivent présenter différentes possibilités de recyclage plutôt que la structure actuelle dans laquelle une commune recycle du PET, alors qu’une autre le renvoie aux commerces, parce qu’elle n’a pas envie de payer des sacs spéciaux pour le PET, ce qui finalement laisse les citoyennes et les citoyens dans une situation qui n’est pas toujours facile à gérer, qui plus est lorsqu’on bouge d’une commune à l’autre. Par ailleurs, on observe aussi que le recyclage des bouteilles plastique n’existe pas dans des festivals, par exemple, et que les bouteilles sont mises à la poubelle, ce qui n’a aucun sens écologique.

À titre personnel, j’accepte la réponse du Conseil d’État et vous invite à faire de même. J’encourage également ce dernier à mettre en œuvre ce qu’il a indiqué dans son rapport, c’est-à-dire à inviter clairement les communes à mettre en place les différents dispositifs, tout comme j’invite également tous les municipaux ici présents à vérifier que tel est le cas dans leur commune, à se montrer proactif. Enfin, j’amènerai peut-être des propositions plus concrètes pour modifier la LGD, une loi qui nous a déjà occupés il y a une dizaine d’années, lorsqu’il s’agissait d’introduire la taxe au sac.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Je me permets de poser une question sous la forme d’un doute ou d’exprimer un doute en forme de question ! De la part du postulant, la pire des choses qui puisse arriver à du plastique, sous quelque forme que ce soit, est de finir brûlé dans une usine d’incinération. Et alors ? Que fournit une usine d’incinération ? De l’énergie ! Sous forme de chaleur en hiver, d’électricité via des turbines à vapeur, et peut même fournir du froid, ce qui se fait avec le CHUV, lequel est refroidi par de l’eau à haute température. Finalement, le plastique est un produit issu du pétrole ; ce plastique ‑ et donc ce pétrole ‑ est brûlé et converti en énergie. En quoi, cela serait-il attentatoire ? Merci d’avance pour votre réponse.

M. Alexandre Rydlo (SOC) —

Lorsqu’il est question de recyclage, cette question revient assez systématiquement, panacée des défenseurs de l’incinération des déchets par des UVTD. Il existe des déchets avec lesquels on ne peut strictement rien faire, qui finissent brûlés, dont les scories sont d’ailleurs utilisées pour la réfection de certaines routes ou d’autres éléments de construction qui servent à du terrassement, par exemple. Par contre, dire que cela amène de la chaleur ou permet de chauffer le CHUV, des bâtiments publics ou privés est abscons, car il s’agit de considérer le bilan énergétique, la chaîne complète, depuis le moment où un objet est produit, qui sera finalement incinéré, d’observer l’ensemble du cycle de vie de du potentiel déchet. En effet, on constate aisément que, pour certains éléments, l’incinération n’a aucun sens énergétique en termes de cycle de vie énergétique. Toutefois, il reste compréhensible que certaines entreprises, qui vivent de l’élimination des déchets par incinération, disent qu’ils ont besoin de déchets. A Lausanne, Tridel importait des déchets de pays voisins, ce qui avait d’ailleurs fait débat dans notre Parlement, car il s’agissait de savoir comment ces déchets étaient contrôlés avant leur incinération, afin d’être certains de ne pas être victimes des conséquences négatives au titre des fumées qui ressortent de l’incinération. Finalement, cela a amené Tridel, à ma connaissance, à revenir en arrière.

Toujours est-il qu’incinérer des déchets n’est pas une solution d’ensemble, mais seulement partielle. Pour les plastiques en particulier, il existe un avantage à ce que soient développées des filières de recyclage, à réinjecter cette matière première. En effet, le plastique souillé — bouteilles en PET ou flaconnages de parfum, de savon, de lessive, de produits variés et divers — constitue un gisement potentiel de matière première qu’il s’agit d’utiliser plus intelligemment que de simplement brûler. C’est un élément important. Par conséquent j’invite le canton et les communes à s’y employer plus intensément.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Je me permets d’insister un peu. Il existe une réalité météorologique, dans une ville que je connais un peu, qui veut que, lorsque les températures sont négatives plus de deux ou trois jours, Tridel ne suffise plus, et qu’il y ait lieu de recourir à des chaufferies d’appoint au gaz, la pire des choses, puisqu’on veut décarboner. Nous avons sanctuarisé 450 hectares de bois que nous préférerons voir pourrir sur pied plutôt que de finir dans des chaufferies d’appoint. Finalement, avec quoi allons-nous chauffer une ville lorsqu’il fera froid ? N’oublions pas que le réchauffement climatique n’évitera pas qu’il fasse froid en hiver.

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

J’abonde évidemment dans le sens des propos de M. Rydlo et de la question du recyclage des plastiques, plastiques utilisés en masse, beaucoup trop ; toutefois, entre la théorie et la réalité existe un grand pas. En effet, recycler coûte cher. Et le nerf de la guerre, aujourd’hui, reste quand même l’argent. Dans ce contexte, lorsque vous amenez un déchet plastique à la déchetterie, cette dernière va chercher à l’éliminer de la manière la moins onéreuse possible afin de taxer le moins possible le pollueur qui y amène ses déchets. Ainsi, valoriser au travers de l’incinération, comme l’a dit M. Chollet, constitue encore un bon choix. En effet, et peut-être l’ignorez-vous, monsieur Rydlo, dans l’incinération des plastiques, il n’existe pas tellement de solutions. Il faut déjà procéder à un tri. Prenons le simple exemple de la barquette contenant du jambon. Il s’agit de trois plastiques différents qui sont impossibles à recycler ensemble. Cela signifie qu’il s’agit d’enlever le plastique qui fait la couverture, celui qui soutient la tranche de jambon, les séparer, puis s’occuper encore de la barquette. Ceci représente un travail énorme. Actuellement, dans le canton, il n’y a qu’un centre, à Grandson, qui les récupère. Une fois que ces plastiques sont rassemblés, ils sont amenés en Allemagne, car en Suisse nous ne possédons pas d’usines capables de les recycler. Cherchez l’erreur ! En conclusion, il me paraît que continuer à brûler ces plastiques soit la solution la moins onéreuse et la plus écologique. Si nous ne voulons pas mettre la charrue avant les bœufs, montrer les communes du doigt en tirant à boulets rouges sur elles en disant qu’elles font fausse route, la première chose à faire consiste à mettre en place en Suisse — en Suisse romande en tout cas — une usine qui soit capable de retraiter ces plastiques sans que cela nécessite une capacité de travail incroyable pour parvenir à les dissocier.

M. Cédric Echenard (SOC) —

Je ne m’exprime pas en tant que rapporteur-remplaçant, mais en tant que membre de la commission. Je déclare mes intérêts comme président d’un périmètre de déchets « La Côte » et comme administrateur à l’usine Tridel. Selon moi, le plastique récupéré en déchetterie pose problème. Dans certaines communes ou dans certaines déchetteries intercommunales, le problème est posé par des plastiques « tout venant » qui devraient normalement finir dans un sac taxé et être incinérés. En effet, on trouve dans certaines déchetteries intercommunales une benne dans laquelle on peut jeter le plastique. De fait, le citoyen y jette ses déchets plutôt que dans le sac taxé. Or, ce plastique ne finit pas dans une usine de valorisation de plastique, mais à Tridel, voire à Satom, selon où vous habitez dans le canton de Vaud. Le coût de cette benne, qui part en direction de Tridel, est reporté sur les habitants de la commune, ce qui est regrettable. Par conséquent, j’invite le Conseil d’État à faire en sorte que, dans les déchetteries, il ne soit plus possible de posséder une benne « déchets plastiques libres » qui parte à l’incinération, mais que ces déchets finissent plutôt dans les sacs prévus à cet effet. Dans la commune où j’étais municipal, nous récupérions 10 sortes de matières plastiques différentes, cela était très intéressant, parce qu’il s’agissait de plastique valorisable. Cela fonctionne toujours. Quant aux usines de valorisation thermique, elles produisent énormément d’énergie ; c’est ce qu’on attend d’elles : de l’électricité, du chauffage à distance. La ville de Lausanne, elle, vient même en support à Pierre-de-plan. Par conséquent, ces usines sont nécessaires. Quant au plastique valorisable, il est nécessaire lorsqu’on peut le transformer en granulats. Il faut continuer à l’exploiter.

M. Jean-Marc Genton (PLR) —

Je suis également municipal, mais j’aimerais m’exprimer en tant que citoyen. Le plastique lancé dans la nature, qui pollue nos lacs et nos rivières doit être dénoncé. C’est une question d’éducation.

M. Alexandre Rydlo (SOC) —

En réponse à M. Chollet sur la question de l’avenir, du chauffage, de celle des UVTD, en d’autres termes des centrales de chauffe, la stratégie énergétique cantonale, fédérale, internationale, voire mondiale, vise à réduire notre consommation énergétique, à mieux isoler nos bâtiments, à mettre en place des systèmes de chauffage qui passent par de l’énergie durable, renouvelable, à éviter l’ancienne méthode, c’est-à-dire le chauffage électrique, à se concentrer sur l’énergie qui est exclusivement nécessaire : la fameuse société dite à 2000 Watts vers laquelle nous devrions tendre.

Un programme entier est en place. Il est évident que nous nous trouvons dans une zone de transition, que nous en avons encore pour longtemps, car si nous devons remettre à niveau tous les bâtiments — ne serait-ce que dans le canton de Vaud — cela ne sera pas possible en quelques années. En effet, cela se chiffre plutôt en plusieurs dizaines d’années, et nous en sommes encore loin malgré toutes les aides et mesures prises au niveau cantonal, communal ou fédéral. Un gros travail reste par conséquent encore à accomplir.

Enfin, par rapport à la question des filières, M. Chevalley a mentionné le fait qu’il ne s’agissait pas de « taper » sur les communes — ce n’est en effet pas l’idée. Toutefois, il s’agit d’harmoniser les pratiques. Sans doute serait-il intéressant de réfléchir à la mise en place de ces filières. En effet, certaines pratiques en cours en Suisse allemande ou au Tessin ne le sont pas en Suisse romande et inversement. Une masse critique suffisante permettrait un business afin que des filières, économiquement rentables, puissent être mises en place. En effet, beaucoup de choses aujourd’hui se basent uniquement sur l’aspect économique, alors qu’il s’agirait de se concentrer sur la durée de vie. Il faut regarder non pas à 10 ou 20 ans, mais plutôt à 100 ou 200 ans, si nous ne voulons pas laisser une société où sera retrouvé du plastique au fond de la fosse des Mariannes — ce qui est malheureusement le cas aujourd’hui, parce que nous ne sommes pas capables de recycler intelligemment les plastiques. On peut bien sûr en rire, mais il s’agit d’un fait, qui n’est pas seulement mon propos, mais celui de la communauté scientifique dans son ensemble.

Quant à la question de la qualité du tri des déchets, nous avons pu observer le phénomène avec l’introduction de la taxe au sac. Nous pensions que la qualité du tri des déchets augmenterait ou en tous les cas que les gens seraient plus attentifs à la manière de trier, qu’ils recycleraient davantage. Cela fut le cas au départ, au 1er janvier 2013 ; puis, cela s’est un peu dégradé, et certaines communes rencontrent encore des problèmes avec le tri des déchets. Dans certaines communes, la benne qui reçoit n’importe quel type de plastiques pose problème, puisque beaucoup de gens y amènent des plastiques de toute nature afin d’éviter de les mettre dans leur sac. Il s’agit là aussi de trouver la méthode la plus intelligente.

La réponse au postulat indique également qu’il ne s’agit pas de récupérer tous les plastiques, de n’importe quelle façon, mais plutôt d’organiser des filières de tri, notamment le recyclage du PET, qui est à mettre en place dans toutes les communes, ce qui n’est pas le cas partout. On ne peut que féliciter celles qui le font. Il s’agirait également de recycler de manière intelligente le flaconnage des bouteilles plastiques, celles de lait, de savon, ou les autres bouteilles en plastique mou, le polypropylène et le polystyrène expansé. Enfin, si le postulat propose des pistes, j’aurais préféré qu’il soit un peu plus marquant au niveau des modifications légales, mais j’espère que les communes prendront le relais. En conclusion, cessons de regarder vers le passé et vers des méthodes qui ne sont plus rentables et orientons notre regard davantage vers le futur.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d'État

Je remercie la commission ainsi que le postulant d’avoir accepté le rapport du Conseil d’État, qui date de 2018. Depuis lors, les choses ont évolué, notamment au niveau fédéral, où un certain nombre d’objets parlementaires concernant le plastique, l’économie circulaire et le recyclage, ont été déposés. Le Conseil fédéral a chargé le Département de l’environnement de mettre en place des propositions et des mesures spécifiques pour favoriser le recyclage du plastique et la préservation des ressources, tout en tenant compte de la stratégie de l’Union européenne sur les matières plastiques. Une réflexion fédérale est donc en cours. S’il n’est pas question de vous faire un cours de droit, nous possédons néanmoins un cadre fédéral que le canton met en œuvre, que nous discutons ensuite avec les communes. J’entends bien votre impatience à modifier le cadre légal ; nous y travaillons avec les périmètres de gestion des déchets. Nous avons établi des cahiers des charges et veillons à améliorer les choses.

J’aimerais également vous rassurer sur la question des bouteilles en PET. Quant au polystyrène expansé, il bénéficie également d’une filière en Suisse. Pour les autres flaconnages, les filières se trouvent en France et en Allemagne. Par ailleurs, le rapport du Conseil d’État indique très clairement qu’il discute avec les communes de manière à supprimer les bennes à plastique « tout-venant » non trié dans les déchetteries, qu’elles demandent à ce que ces déchets soient placés dans les sacs taxés. Au-delà des réflexions qui ont lieu à la fois au niveau fédéral et dans nos périmètres, au sein du département, il est très clair que nous reviendrons avec des réponses aux diverses interpellations sur la problématique du recyclage du plastique et de l’invasion par ce dernier. Vous avez parfaitement raison, on ne peut rien imposer aux communes, mais il s’agit de sensibiliser le citoyen — ce que nous faisons. Il faut consentir à un effort collectif devant l’invasion par le plastique, agir de façon intelligente : le département s’y engage.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé avec une opposition et 4 abstentions.

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