Point séance

Séance du Grand Conseil mercredi 9 décembre 2020, point 35 de l'ordre du jour

Texte déposé


Les mesures projetées par le Conseil fédéral sont iniques et disproportionnées à l’égard des cantons romands qui ont déjà agi de manière restrictive depuis plusieurs semaines pour contenir la pandémie.

Le Grand Conseil vaudois demande au Conseil d’Etat vaudois d’intervenir vigoureusement pour exiger du Conseil fédéral qu’il renonce aux mesures mises en consultation, en particulier dès 19h et le dimanche:

- de la fermeture des cafés-restaurants, des magasins et des marchés
- de l'interdiction des activités culturelles, sportives et de loisirs.

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Laurence Cretegny (PLR) — Vice-président-e

Vingt députés appuient-ils cette résolution ?

La résolution est soutenue par au moins 20 députés.

La discussion est ouverte.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Le Conseil fédéral a laissé les cantons gérer eux-mêmes la pandémie, ces dernières semaines, estimant que chacun devait trouver sa propre voie. Chacun a pris ses responsabilités, certains plus que d’autres, mais les cantons romands ont agi et fait des sacrifices. Les incohérences entre régions ont parfois suscité de grosses frustrations pour les tenanciers de restaurant, puisque nombre de Romandes et Romands en balade se sont rendus dans des cantons où les établissements publics étaient ouverts. Les cantons romands, qui ont imposé des mesures plus strictes pour mieux contrôler la situation et les assouplir pendant les périodes de fêtes, pourraient maintenant se voir infliger une deuxième punition par le Conseil fédéral qui est sorti de sa léthargie, parce que les Alémaniques n’avaient pas fait leur part. La question se pose : combien de fois les restaurateurs vont-ils payer l’addition ? Cette punition, que je considère comme collective, n’est pas acceptable — c’est l’avis de mon groupe. Par ailleurs, la culture, qui souffre depuis un moment de mesures de restriction, avait un espoir de reprise qui pourrait se voir doucher. Nous demandons donc au Conseil d’Etat de protester vigoureusement et d’admettre la résolution suivante :

« Les mesures projetées par le Conseil fédéral sont iniques et disproportionnées à l’égard des cantons romands qui ont déjà agi de manière restrictive depuis plusieurs semaines pour contenir la pandémie.

Le Grand Conseil vaudois demande au Conseil d’Etat vaudois d’intervenir vigoureusement pour exiger du Conseil fédéral qu’il renonce aux mesures mises en consultation, en particulier dès 19 heures et le dimanche :

  • de la fermeture des cafés-restaurants, des magasins et des marchés ;
  • de l’interdiction des activités culturelles, sportives et de loisirs. »

Je vous remercie de votre attention et précise que je suis ouvert à toute proposition de modification de cette résolution, à la lueur des déclarations de Mme la présidente du Conseil d’Etat Nuria Gorrite.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Je m’exprime au nom du Conseil d’Etat, après avoir mené une discussion avec, notamment, Mme Ruiz en charge la santé publique et Mme Gorrite. Nous avons d’ailleurs mis à contribution le déplacement de ce matin à Berne pour poursuivre les efforts que je vais décrire à cette tribune. L’annonce par le Conseil fédéral de l’ouverture d’une consultation portant sur de nouvelles mesures frappant les milieux culturels, la restauration et quelques activités sportives, notamment, a suscité un électrochoc au sein de votre gouvernement dès hier soir. Et dès hier soir, nous avons mené toute une série de contacts, déjà entre conseillers d’Etat. Et si nous avons quelque peu perturbé les débats, hier en fin d’après-midi, en nous entretenant ici, c’est parce que les premières rumeurs concernant le contenu de ces mesures commençaient à perler et que nous souhaitions pouvoir intervenir immédiatement. Nous vous présentons nos excuses pour le dérangement causé, mais la cause nous semblait suffisante pour que nous ne perdions pas de temps. Cette volonté d’agir vite et de manière efficace, nous l’avons observée tout au long de la nuit, puisque pour la petite histoire — cela vous démontrera l’importance que le Conseil d’Etat attache à la problématique soulevée : à 2 h 16 ce matin, j’adressais un SMS à l’ensemble de mes collègues romands pour voir dans quelle mesure une position commune était possible, et ce, après avoir eu, hier soir, un certain nombre de contacts qui démontraient tous que si une position commune pouvait être élaborée en Suisse occidentale, cela aurait naturellement beaucoup plus de poids dans le cadre de la consultation qui a été ouverte par le Conseil fédéral. Je vais également rendre honneur à mon collègue, M. Jean-Nathanaël Karakash, conseiller d’Etat en charge de l’économie à Neuchâtel, qui a répondu à mon SMS à 2 h 22 et qui est entré en matière au nom du Conseil d’Etat neuchâtelois, qu’il n’avait pas contacté entre-temps, pour me dire que le Conseil d’Etat neuchâtelois siégeant ce matin, il porterait cette proposition à l’ordre du jour. Depuis, nous avons multiplié — et là je rends hommage à mes collègues Mmes Ruiz et Gorrite qui ont, dans leur champ de relations usuelles, poursuivi les efforts que j’avais entamés cette nuit, afin de trouver un accord entre les cantons de Suisse occidentale, pour indiquer les éléments qui heurtaient profondément, sinon qui choquaient, le Conseil d’Etat vaudois et ses homologues. Vous avez pu voir, ce matin, dans les médias, que notre choc était largement partagé, puisqu’à Genève, en Valais, à Neuchâtel et à Fribourg, des réactions assez vives ont vu le jour. Nous sommes quelques minutes avant la diffusion d’un communiqué de presse commun à la totalité, ou à l’immense majorité des cantons de Suisse occidentale, pour faire état des positions qui seraient désormais partagées par l’ensemble des cantons signataires. Ces positions reprennent en substance le texte de la résolution déposée. D’abord, nous avons fait le constat que la proposition du Conseil fédéral ne tient pas compte des efforts sérieux consentis, notamment en Suisse romande, par les branches concernées, d’une part, et par le Conseil d’Etat, d’autre part. Nous avons en effet pris des mesures que d’autres cantons suisses alémaniques n’ont pas prises. Nous les avons prises avec détermination, au travers d’une unité du Conseil d’Etat qui mérite peut-être parfois d’être saluée. Ces mesures, nous les savions impopulaires, nous savions qu’elles frappaient durement des pans entiers de notre économie, en mettant en péril parfois l’œuvre d’une vie, qu’il s’agisse d’un restaurant, d’une salle de sport ou d’une carrière culturelle, par exemple. Ces mesures dures, impopulaires, qui nous ont valu beaucoup de critiques, ont été prises en toute connaissance de cause, avec le souci à la fois de mettre en place une politique proportionnée entre les impératifs sanitaires — qui doivent nous guider et qui doivent l’emporter sur d’autres considérations — et les impératifs économiques qui, parfois, peuvent aussi déboucher sur des drames humains irrémédiables. C’est à la lumière de ces deux impératifs que le Conseil d’Etat a pris les différentes mesures que vous savez. C’est à la lumière de ces deux impératifs que le Conseil d’Etat mène cette procédure de coordination des politiques cantonales, qu’il est à bout touchant de réussir.

Les propositions qui feront l’objet de la communication de l’après-midi portent sur le fait que nous demandons que le Conseil fédéral tienne compte des efforts consentis par les cantons pour assumer leurs responsabilités. De plus, elles appellent, sur le plan formel, à une meilleure coordination des politiques entre cantons et Confédération, et que les cantons ne soient pas mis devant un quasi-fait accompli dans des délais impossibles. Sur le fond, elles demandent au Conseil fédéral de modifier son projet en permettant le service du soir dans la restauration. Elles demandent également que les restaurants et les commerces puissent, lorsqu’ils en sont autorisés par les législations cantonales, rester ouverts le dimanche ; nous ne demandons pas un accroissement du régime commercial du dimanche, nous demandons simplement que les compétences existantes aujourd’hui pour les restaurants et les commerces, notamment en stations, puissent être préservées. Nous demandons ensuite que les réunions à 10 personnes, dans le cadre privé, pour le week-end des 19 et 20 décembre soient également possibles, compte tenu de la période très particulière précédant Noël. Nous demandons également que le secteur de la culture, lui aussi, comme la restauration et comme une partie des activités sportives durement frappées jusqu’à maintenant, puisse, dans le cadre d’un plan sanitaire strict et d’une jauge de personnes limitée à 50 par manifestation, reprendre leur activité en substance, comme le Conseil d’Etat vaudois l’a rappelé à cette tribune par la bouche de Mme Amarelle, hier à l’heure des questions. Voilà les éléments fondamentaux sur le fond et sur la forme.

Le Conseil d’Etat tient toutefois à rappeler qu’il n’est pas opposé à une coordination plus forte sur le plan fédéral, pour autant que celle-ci tienne compte des efforts consentis par les cantons qui ont assumé leurs responsabilités et de la réalité des conséquences économiques que de telles mesures génèreraient. Cette position est à la fois ferme et déterminée, elle résulte d’un intense travail de votre gouvernement au sens large, parce qu’elle offre — nous semble-t-il — le plus de chances d’être sérieusement entendu à Berne. Nous avons privilégié cette manière de faire plutôt qu’une réaction immédiate dans les médias, parfois sous le coup d’une colère ou d’une réaction spontanée et donc naturelle, mais pas forcément constructive. Nous avons privilégié cela depuis hier soir. Je suis autorisé à vous en faire part au nom du Conseil d’Etat. Je tiens à dire que c’est le fruit de l’engagement de l’ensemble de vos conseillers d’Etat. Nous avons également profité de notre déplacement à Berne pour avoir un certain nombre de contacts avec des parlementaires fédéraux et avec des conseillers fédéraux, afin d’être efficaces et que les préoccupations qui nous paraissent légitimes soient entendues par le Conseil fédéral.

Je terminerai en vous exhortant, ainsi que nos concitoyens, à être extrêmement scrupuleux sur les gestes barrières et sur le dispositif sanitaire. Ce n’est qu’à cette condition stricte que nous pourrons avoir une chance d’être entendus à Berne, aujourd’hui et demain. Si la situation sanitaire se dégradait, il ne fait pas l’ombre d’un doute que les assouplissements auxquels chacun aspire seraient durablement remis en cause à l’échelon fédéral. Je parle de la responsabilité des acteurs économiques, qu’il s’agisse de la grande distribution, des commerçants ou des restaurateurs. Je parle également de la responsabilité des stations, des directeurs de remontées mécaniques et des syndics des stations, que nous verrons lundi prochain, Mme Ruiz et moi, pour leur rappeler la responsabilité immense qui est la leur. Un quelconque dérapage en station avant la période de Noël, ou entre Noël et Nouvel An, conduirait — à n’en pas douter une seconde — à la fermeture des remontées mécaniques, avec le désastre économique non seulement pour l’économie du ski, mais aussi pour l’économie alpine dans son entier. Fort de ce risque, nous avons décidé de rencontrer les personnes directement concernées, conscients qu’elles ont déjà fait un énorme travail en termes de plan sanitaire et de mesures. Nous somment conscients de cela, mais nous voulons, à l’échelon politique, rappeler que l’heure est aujourd’hui à une responsabilité extrêmement forte de la part de l’ensemble de nos concitoyens et singulièrement de ceux qui, par leur activité, amènent à des regroupements de personnes. Je souhaite que la ligne et les efforts que nous déployons soient partagés par le Grand Conseil et que vous soyez, à cette fin, également des relais de la position du gouvernement et de la nécessité d’être soudés dans cette période et derrière les démarches qui sont faites au nom de l’ensemble du peuple vaudois. (Applaudissements.)

M. Philippe Jobin (UDC) —

Monsieur le conseiller d’Etat, je suis rassuré par vos dires. Si j’ai bien compris, la résolution de M. Christen, que nous soutiendrons, ne peut que vous aider à pouvoir asseoir un petit peu les décisions que vous avez prises au niveau du Conseil d’Etat. Le canton a pris ses responsabilités, de A à Z, dès le début de la montée en puissance de la deuxième vague. Bien sûr, il va sortir des fonds directement de son tissu économique et, ensuite, le Conseil fédéral fera sa part de son côté. Mais force est de constater que quand Zurich tousse, c’est la Suisse qui s’enrhume, et cela me gêne un petit peu. A mon avis, la mise en consultation des nouvelles mesures contre cette pandémie porte atteinte au fédéralisme et aggrave la situation économique, déjà difficile dans notre canton, des exploitants de commerces de détail et des milieux de la gastronomie ou de la culture.

J’ai également un souci : il s’agit de la santé psychique des gens qui sont touchés par cette pandémie et ces fermetures, que ce soit dans les domaines de la culture, de la gastronomie ou dans les petits commerces de détail. On a quand même un souci à se faire à ce niveau-là. Madame Ruiz, je souhaite que vous nous donniez une information : est-ce que nos hôpitaux sont pleins à l’heure actuelle ? Abonde-t-on au niveau du CHUV ? Ou y a-t-il des gens que nous avons déplacés à Zurich qui reviennent chez nous et des Zurichois qui sont chez nous, parce qu’on fait un échange de bons procédés — ce que je pourrais comprendre ? Il est important que l’on ait cet éclairage, non pas pour le soutien de la résolution, mais pour que tout le monde puisse avoir une information générale.

Je note que la pandémie évolue différemment d’un canton à l’autre. Il est donc juste, en premier lieu, de prendre les mesures nécessaires, et c’est ce qui a été fait dans notre canton. On n’a pas encore les résultats, dans notre canton, des mesures que nous avons prises : fermetures, etc. Il serait bien de pouvoir en parler, pour savoir s’il y a déjà eu, grâce à cela, une baisse du nombre de cas, donc la possibilité d’être un tout petit peu plus souples dans les mesures par la suite. Pour toutes ces raisons, mon groupe soutiendra cette résolution. Je l’ai dit hier et je le redis aujourd’hui : je remercie le Conseil d’Etat pour le travail qu’il fait dans ce dossier, qui n’est pas simple, et j’ai quand même l’impression que vous êtes de plus en plus serrés dans l’étau. Nous sommes donc avec vous, du moins dans ce dossier.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche-POP ne soutiendra pas cette résolution. En effet, celle-ci nous paraît trop unilatérale, car elle ne tient finalement aucun compte de la situation sanitaire critique dans laquelle reste plongée la Suisse romande et le canton de Vaud, malgré les efforts très importants réalisés ces dernières semaines, des efforts qu’il faut bien sûr saluer. La résolution fait comme si la Suisse romande était sortie d’affaire et que seule la Suisse alémanique allait être concernée par de nouvelles mesures de limitation sanitaire. Cette position relève d’un certain déni, puisque l’incidence du virus, dans le canton de Vaud, n’est pas fortement inférieure à ce que l’on constate dans les cantons alémaniques, elle est seulement faiblement inférieure. Les hospitalisations liées au COVID dans le canton ont en fait très peu baissé et se maintiennent à un niveau bien plus élevé que lors du pic de la première vague. Je rappelle qu’au pic de la première vague, le CHUV comptait environ 150 patients hospitalisés en raison du COVID ; aujourd’hui, il compte plus de 250 patients hospitalisés, selon les chiffres qui sont donnés sur le site Internet — on peut d’ailleurs salurer cette actualisation des chiffres pour le public, ce qui est évidemment très utile pour l’information de la population. Je rappelle aussi que les mesures envisagées par le Conseil fédéral demeurent beaucoup moins restrictives que celles mises en œuvre dans les pays voisins. On peut donc discuter d’assouplissements spécifiques pour les cantons qui ont une plus faible incidence des contaminations que la moyenne nationale — et tant mieux si le Conseil d’Etat vaudois s’engage en ce sens avec d’autres Conseils d’Etat, mais il faut éviter de tomber dans les termes unilatéraux et excessifs de cette résolution, qui ne tient pas compte des risques posés par la situation sanitaire, y compris en Suisse romande.

Aujourd’hui, ce qui compte pour le groupe Ensemble à Gauche-POP, c’est avant tout de demander que les mesures sanitaires prises par le Conseil fédéral soient accompagnées par des aides sociales et économiques aux secteurs impactés et aux salariés qui travaillent dans ces secteurs. Or, sur ce point, on ne peut que déplorer le caractère insuffisant des mesures décidées par le Conseil fédéral et la majorité du Parlement jusqu’ici. Pour nous, il est grand temps de mettre en œuvre une compensation complète des pertes pour les salariés aux revenus modestes qui sont en réduction d’horaires de travail (RHT) ou pour les petits indépendants au régime de la perte de gains. Il faut un allégement des loyers commerciaux, une aide aux paiements des cotisations sociales dans les secteurs impactés. Bref, il faut des mesures beaucoup plus fortes que celles qui ont été annoncées jusqu’ici. Nous regrettons aussi que la résolution soumise n’aborde pas du tout cette problématique qui est pourtant essentielle, puisqu’elle permettrait de rendre supportables les mesures de restriction sanitaire rendues malheureusement nécessaires par la situation. Pour ces raisons et pour le caractère incomplet et partiel de cette résolution, nous ne la soutiendrons pas.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Evidemment, il y a de l’impuissance, de la frustration. Cette reprise en mains de la Confédération vient tard, très tard. Il y a du désespoir et de la détresse pour les indépendants et les salariés qui découvrent aujourd’hui que leur situation, dans laquelle ils se trouvent empêchés d’exercer leur activité, va encore se prolonger. Aujourd’hui plus que jamais, notre canton appelle à la solidarité. Les cantons romands ont fait leur part et le canton de Vaud a fait sa part, en anticipant autant que possible la situation. Et en même temps, aujourd’hui, le virus se stabilise à un niveau encore trop élevé, y compris dans notre canton. La tentation est grande de jouer la Suisse romande contre la Suisse allemande ; et j’entends cette tentation dans les propos du chef de groupe UDC. Je pense qu’elle est mauvaise conseillère et qu’elle ne nous sortira pas de cette situation. La Suisse a été montrée du doigt en Europe, et même au-delà, au moment de la deuxième vague, pour sa gestion critiquée de la crise. Aujourd’hui, nous parlons déjà du risque d’une troisième vague, mais ne jouons pas à ce jeu de l’économie contre la santé. Nous voulons la santé et l’emploi, sans décision précipitée. Nous appelons à débloquer une aide généreuse, à fonds perdu, en évitant les effets de seuil, en empêchant les faillites autant que possible, la précarité et les pertes d’emplois. Le groupe socialiste interviendra dans ce sens, tout à l’heure, dans les débats entourant les décrets sur les aides à fonds perdu. C’est à ce moment-là que les débats doivent se faire sur l’aide d’urgence et sur l’amplitude de cette aide d’urgence, qui doit être la plus étendue possible. La très bonne santé de notre économie nous le permet d’ailleurs. Mais dans notre combat contre ce virus, face à la mort qui menace, il n’y a pas de place pour le ressentiment. Et qui sommes-nous pour décréter de façon péremptoire que, en tous les cas, les théâtres et spectacles pourraient reprendre, même si la situation sanitaire — et manifestement nous en prenons hélas ce chemin — devait continuer à se détériorer ? Même si nous entendons la détresse des acteurs du monde culturel, des indépendants, des salariés, nous ne nous engagerons pas sur cette voie irresponsable qui nous engage aussi en tant qu’élus. C’est cela que nous décelons dans la résolution de notre collègue Jérôme Christen. Pour cette raison, en solidarité avec l’action gouvernementale qui montre qu’il y a une concertation étroite entre les différents départements, pour redémarrer l’activité aussitôt que la situation sanitaire le permettra, face à toute une série de secteurs qui souffrent — la restauration, notamment, mais pas seulement — nous sommes solidaires avec l’action gouvernementale. Nous pensons donc que cette résolution envoie un mauvais signal de ce point de vue.

M. Vassilis Venizelos —

La décision du Conseil fédéral est abrupte et paraît incompréhensible. Notre collègue Buclin a tout à fait raison de rappeler que la situation épidémiologique dans le canton de Vaud est toujours alarmante et inquiétante. Nous ne sommes toujours pas sortis de la deuxième vague — d’ailleurs, il n’y aura peut-être pas de troisième vague, mais une remontée de la deuxième vague. Les hôpitaux sont effectivement sous pression. Dans les établissements hospitaliers du Nord-vaudois, par exemple, l’hôpital d’Yverdon est sous pression, les soins intensifs sont sous pression, le personnel soignant est fatigué et épuisé. C’est un élément qu’il faut effectivement prendre en compte et mon collègue Buclin a raison de le rappeler. La situation se dégrade partout en Suisse. La Confédération décide de reprendre les choses en main, ce qui paraît être une bonne chose, mais M. le conseiller d’Etat l’a rappelé : le canton de Vaud a fait sa part et cette décision paraît un peu incompréhensible, compte tenu des efforts que le canton a fournis ces derniers temps. C’est la raison pour laquelle nous soutenons aussi les démarches du Conseil d’Etat qui sont mises en œuvre et qui permettraient de déployer l’arrêté du 4 décembre qui a été voté par le Conseil d’Etat et qui permettrait à la population de goûter à autre chose que le boulot et le dodo, de pouvoir aussi construire une vie sociale dans les théâtres ou les restaurants. Il nous semble effectivement essentiel de ne pas revenir en arrière sur la décision qui a été prise, avec peut-être quelques nuances qui seront probablement négociées avec le Conseil fédéral. Nous sommes parfaitement solidaires de la démarche du Conseil d’Etat.

J’ai quelques remarques sur le texte de la résolution Christen et propose un sous-amendement :

« Le Grand Conseil vaudois demandesoutient les actions duau Conseil d’Etat vaudois visant àd’intervenir auprèsvigoureusement pour exiger du Conseil fédéral pour qu’il adaptequ’il renonce auxles mesures mises en consultation defaçon à tenir compte des efforts fournis par le canton pour faire face à cette crise, et des décisions prises le 4 décembre 2020 par le gouvernement vaudois sous réserve de la situation sanitaire. »

En reprenant notamment les propos de M. le conseiller d’Etat Leuba, cette résolution vient très concrètement en soutien à l’action du Conseil d’Etat, c’est-à-dire que notre Grand Conseil se range derrière l’action du Conseil d’Etat en permettant aux restaurants de rester ouverts le soir, y compris le dimanche, ce qui va dans le sens de la résolution. Elle permet aux activités culturelles, sportives et de loisirs de se déployer, toujours dans le respect strict des normes sanitaires. Elle permet les réunions de 10 personnes entre le 19 décembre et le 3 janvier. Elle renforce la coordination entre la Confédération et les cantons en matière de gestion de la crise. On a vu qu’il y avait manifestement un problème de communication et de coordination, avec cette décision abrupte du Conseil fédéral. Enfin, elle permet d’augmenter les soutiens financiers fédéraux pour les cas de rigueur. J’estime que, avec cet amendement, nous venons vraiment en appui aux démarches du Conseil d’Etat ; nous venons compléter la proposition Christen avec des éléments qui me paraissent essentiels, notamment la nécessité de voir la Confédération renforcer ses soutiens financiers et la nécessité de renforcer aussi cette coordination entre cantons. Ces différents éléments me semblent aller parfaitement dans le sens de la démarche du gouvernement. Je vous invite à suivre cette proposition.

Mme Catherine Labouchère (PLR) —

Je tiens à remercier le Conseil d’Etat pour ses propos — dans une situation aussi complexe — qui sont rassurants et qui montrent le soutien qu’il a auprès de toute la population vaudoise. Je me rends compte de cette situation tellement difficile, parce qu’il faut faire la balance entre des prises de décision pour préserver la situation sanitaire — en tant que présidente de la Fédération des hôpitaux vaudois (FHV), je sais ce que cela veut dire — et la situation économique, où énormément de secteurs souffrent beaucoup. Les mettre en opposition n’est certainement pas une bonne chose, mais savoir où mettre le curseur pour les décisions à prendre est extrêmement difficile. A ce titre, je peux comprendre la résolution de notre collègue Christen, mais il y a des termes qui ne sont pas acceptables, notamment le terme « inique », parce qu’au lieu d’essayer de trouver des solutions constructives, cela peut mettre tout le monde dans des situations difficiles. Au lieu de dire que c’est « inique », il faut se mettre dans un contexte général. Je ne pourrai donc pas soutenir ce terme. Les amendements et modifications proposés par M. Venizelos sont constructifs. Il faudrait arriver à un texte qui vienne en soutien du Conseil d’Etat, plutôt qu’avec des termes qui seraient peut-être trop durs et trop complexes.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Mme Ruiz complétera mon intervention, notamment avec des données qui touchent les hôpitaux, puisqu’une question a été posée sur la situation sanitaire.

Je n’ai pas évoqué, dans ma première intervention, le dernier paragraphe de la prise de position commune des six cantons romands qui fait état des demandes d’aides financières augmentées si de nouvelles mesures économiques devaient être prises. Le communiqué de presse commun auquel j’ai fait allusion tout à l’heure sera diffusé à 16 h 45 — d’après les renseignements que je viens d’obtenir de notre chancelier — et sera donc librement accessible immédiatement après. C’est la démonstration que les promesses faites par le Conseil d’Etat sont tenues dans des délais extrêmement courts.

J’aimerais rappeler un élément qui a été évoqué par deux ou trois députés, notamment Mme Labouchère et M. Venizelos. Nous avons privilégié — et vous le verrez dans le ton du communiqué — l’expression d’une volonté ferme, mais dans le respect du Conseil fédéral, d’une part, et de nos confédérés, d’autre part. Nous ne voulons pas opposer les cantons les uns contre les autres. Nous voulons simplement que les politiques que nous avons conduites soient justement appréciées et que l’on en tienne compte dans les régimes qui doivent être décidés, le cas échéant, par le Conseil fédéral. C’est une volonté d’avoir un ton et un propos constructifs qui donnent des chances aux démarches que nous effectuons, sans forcément ruer dans les brancards et sans passer Pierre, Jacques ou Jean au karcher — si vous me permettez l’expression. Cette manière de faire, dans la situation actuelle, ne porterait pas ses fruits.

Et si je me permets une dernière recommandation, exprimée avec tout le respect que nous devons au Grand Conseil : il serait probablement plus judicieux, pour les milieux concernés et pour l’ensemble de la population vaudoise, de trouver un consensus dans le cadre d’une résolution, de trouver un esprit constructif dans le texte que vous voterez, et d’éviter à la fois les guerres partisanes et les querelles d’ego lorsqu’il s’agit de rédiger un texte qui a comme élément fondamental, contesté par aucun d’entre vous dans ce débat, la volonté de trouver une solution et, si j’ai bien compris — mais là je fais preuve d’immodestie — dans un esprit de soutien aux démarches effectuées par votre gouvernement. C’est cela qui compte et qui doit rester, et non pas la volée de bois vert que celui-ci ou celle-là enverra à celui-ci ou celle-là. Ce n’est pas le lieu ; le débat et les enjeux sont autrement plus importants. Je ne peux qu’appeler le Grand Conseil, au nom du Conseil d’Etat, à faire corps derrière un texte consensuel qui s’inscrit, sur le fond et sur la forme, dans les démarches auxquelles j’ai fait allusion et qui engagent l’ensemble de votre Conseil d’Etat.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d'État

Je vous confirme en effet que la situation sanitaire demeure extrêmement préoccupante. Le Conseil d’Etat n’a jamais caché cette occupation et n’a jamais cessé d’agir, dans la mesure de ses possibilités, pour essayer de contenir une situation qui évolue très rapidement. Pendant quelques semaines, on a peut-être été rassurés en voyant les courbes diminuer mais, subitement, comme ces derniers jours, on voit l’inquiétude grandir lorsque cette courbe prend plutôt la forme d’un plateau qui ne semble pas vouloir fléchir et qui suscite évidemment toutes les inquiétudes et toutes les observations nécessaires, plusieurs fois par jour, pour s’assurer que l’on est dans une tendance baissière, ou du moins que le plateau ne va pas tout d’un coup changer et prendre la forme d’une courbe qui pourrait à nouveau remonter. Nous sommes donc aujourd’hui à 300-350 nouvelles contaminations par jour, avec environ 30 hospitalisations en moyenne par jour. Le Conseil d’Etat, lorsqu’il avait présenté ses mesures il y a quelques semaines, avait dit qu’il visait une zone de sécurité. Cette zone de sécurité, ce sont 200 nouvelles contaminations par jour et 10 nouvelles hospitalisations par jour. Pourquoi 200 nouvelles contaminations par jour ? Ce chiffre n’est pas choisi au hasard, il est choisi en fonction de nos capacités à faire du traçage, parce que plus il y a de monde à tracer, plus cela devient compliqué pour les équipes de traçage. Ce chiffre de 200 se base sur le fait que, une fois qu’on passe ce chiffre de 200, on peut passer un seuil épidémique. Cela signifie alors que le taux de reproduction du virus peut nous échapper et s’emballer, et donc la fameuse courbe dont je vous parlais peut prendre tout d’un coup une pente ascensionnelle exponentielle. Dans cette situation, les équipes de traceurs ne peuvent plus faire leur travail. On peut avoir 2’000 traceurs ; à ce moment-là, le virus circule tellement que l’on n’est plus en capacité de le suivre. C’est cette zone de sécurité qui était visée par le Conseil d’Etat. Le 10 décembre, lorsque l’on a dit que les restaurants rouvriraient, cette zone de sécurité ne sera vraisemblablement pas atteinte. En revanche, et c’est pourquoi nous avons maintenu la décision d’ouvrir les restaurants le 10 décembre, nous observons que, malgré ces 300 nouvelles contaminations, malgré ces 30 nouvelles hospitalisations par jour, pour l’heure — je pèse mes mots, ce que je vous dis aujourd’hui changera peut-être dans 3 jours — nous pouvons faire du traçage de qualité, en ne mettant pas en isolement uniquement les personnes testées positives, mais également les personnes qui ont été en contact avec elles. Dans cette situation, lorsque vous arrivez à effectuer ce traçage élargi, vous êtes en capacité de stopper, de casser des chaînes de transmission. Il y a donc la possibilité de continuer à faire du traçage, malgré le fait que l’on est au-dessus de 200, et la possibilité de prendre en charge nos patients au niveau des hôpitaux, avec beaucoup moins de transferts de patients vers des hôpitaux alémaniques.

On a vraiment boosté au maximum toutes les capacités de tests sur le canton, en essayant vraiment d’inciter au maximum la population à aller se faire tester au moindre symptôme. On a misé sur ces éléments de pouvoir rouvrir les restaurants le 10 décembre, en continuant à passer des messages extrêmement forts à la population, pour qu’elle aille se faire tester au moindre symptôme et qu’elle respecte les consignes sanitaires que l’on sait fastidieuses. Ces conditions sanitaires sont difficiles, mais nécessaires si l’on veut continuer à rester dans une zone d’attention permanente qui nous permette quand même de respirer. Ces besoins de respiration sont aujourd’hui évidents pour tout le monde ; cela fait des mois que l’on est soumis à des contraintes, à des consignes sanitaires. C’est difficile pour tout le monde ! Dans le domaine sanitaire, il n’y a pas que la gestion de la crise COVID, il y a aussi toute la question du bien-être physique, de la santé mentale et de la santé psychique. On sait combien cette période a des incidences sur la santé psychique de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Dans une période de fêtes, de rassemblements, où les gens ont envie de passer du temps ensemble, de se retrouver, d’être en famille, de vivre ces moments de fin d’année qui sont si symboliques et importants pour la cohésion sociale, pour l’amour que l’on se porte les uns aux autres, le Conseil d’Etat a pris ces décisions, car ce moment de respiration est indispensable à notre population. Sur le plan sanitaire, ce n’est pas « top », mais nous sommes encore dans la zone où l’on arrive à faire du traçage, d’où le maintien de l’ouverture des restaurants le 10 décembre.

On ne sous-estime évidemment pas le fait que, dans les hôpitaux, la situation reste très difficile. Pourquoi ce chiffre de 10 nouvelles hospitalisations par jour ? Ce chiffre nous permet de pouvoir reprendre les opérations électives non urgentes. Au-dessus de ce chiffre, dans tous les hôpitaux, on ne peut pas replanifier des opérations qui ont dû être stoppées et repoussées. On peut certes le faire pendant quelques semaines, on peut dire à un patient que l’on ne va pas changer sa prothèse de hanche dans deux semaines, mais qu’on peut peut-être attendre trois mois. Au-delà de quelques semaines, ou de deux ou trois mois, cela devient compliqué. Ces personnes devront être opérées à ce moment-là. Aujourd’hui, nous avons des milliers d’opérations qui sont en attente. Ces opérations, si elles ne sont pas vitales — si vous avez un problème de santé qui nécessite une prise en charge immédiate, vous serez pris en charge dans l’un de nos hôpitaux — sont malgré tout indispensables pour que les gens puissent aller mieux. Ces reports d’opérations concernent aussi des maladies très graves, comme le cancer, pour lesquelles on repousse au maximum. Du point de vue de la santé publique, cette situation ne peut pas durer. C’est pour cela qu’il faut que cette courbe s’aplatisse, pour qu’on puisse reprendre en charge ces gens qui ne sont pas que des personnes âgées ; ces opérations concernent n’importe qui. On suit donc tout cela de très près.

Du point de vue du personnel, dans les institutions de santé, la charge de travail est massive ; les gens sont épuisés. Mesdames et messieurs les députés, si vous et moi sommes fatigués et en avons marre de ne pas pouvoir prendre le train pour aller dans telle ville le weekend ou si vous et moi sommes fatigués de ne pas pouvoir nous réunir, je vous demande d’imaginer une minute ce que c’est d’être un soignant ou un médecin qui fait face à la tristesse, à la maladie et à la mort toute la journée, et qui, lors de ses moments libres, est soumis à des contraintes. De plus, imaginez lorsque vos collègues ne sont pas là, car ils sont soumis à l’isolement ou à la quarantaine, ou alors qu’ils sont en arrêt de travail, car trop épuisés. C’est le constat que l’on fait aujourd’hui dans nos institutions de soins, que ce soient dans les hôpitaux, dans les EMS et dans l’aide aux soins à domicile. Le personnel est épuisé et a besoin de répit. Il est donc important que la population réussisse à respecter ces consignes sanitaires aussi bien que possible et n’hésite jamais à aller se faire tester. Et si le test est positif, il faut jouer le jeu : se mettre en isolement, donner le nom à mettre en quarantaines, ne pas organiser de fêtes à 70 dans des appartements privés et aussi penser à ce personnel soignant qui a besoin de se reposer, comme nous tous, et ce, d’autant plus en cette période de retrouvailles et de fêtes.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Tout d’abord, je remercie le Conseil d’Etat pour l’engagement sans limites auquel il se livre et cette bataille en faveur de notre collectivité publique, depuis maintenant de nombreux mois. J’ai bien retenu, dans les propos du conseiller d’Etat Leuba, la nécessité d’être unis dans cette démarche auprès du Conseil fédéral. J’avais une proposition de modification de ma résolution, pour faire un pas dans le sens de ceux qui estimaient qu’elle n’était pas tout à fait adaptée, mais je crois que, au bout du compte, la proposition faite par mon collègue Venizelos est encore meilleure que celle que j’aurais pu vous faire. J’ai donc le plaisir de vous informer que nous pouvons nous y rallier. Elle complète notre résolution de manière très utile. J’espère ainsi que nous pourrons arriver à un positionnement fort de ce Parlement, que le conseiller d’Etat Leuba a appelé de ses vœux. On vient d’apprendre à l’instant que le communiqué de presse des cantons romands vient de sortir. Il y a un consensus qui a été trouvé. Il est donc important que ce Parlement soit uni derrière cette proposition. Nous soutenons la résolution amendée par notre collègue Venizelos.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Concernant la réponse de Mme la conseillère d’Etat relative au taux d’occupation des hôpitaux, je m’interroge sur le niveau d’information dont notre Parlement dispose. Lors de la première vague de cet été, les membres de ce Parlement recevaient un bulletin d’information très détaillé de l’état-major cantonal, avec le nombre de contaminations par jour, le taux d’occupation des hôpitaux, et ce par région et par hôpital. Cela nous permettait de nous forger une opinion et d’analyser la situation au jour le jour sur l’ensemble du canton. Or, aujourd’hui, seules les communes reçoivent ce bulletin d’information. J’ai la chance d’être dans un exécutif et donc d’être informé. Mais je me demande si c’est volontaire que les députés ne soient plus informés sur l’évolution de la situation dans notre canton. Lors de la première vague, les députés recevaient un niveau d’information plus élevé que les communes. Pourquoi n’a-t-on plus cette information aujourd’hui ?

Mme Isabelle Freymond (SOC) —

Je ne vous reparlerai pas de la situation des hôpitaux, des EMS et des soins à domicile, Mme la conseillère d’Etat Ruiz vient de le faire. J’avoue être frappée par les réactions des cantons romands. Pour rappel, au printemps, les cantons suisses allemands n’ont pas eu de réactions aussi épidermiques, alors que c’étaient nos cantons romands qui subissaient le plus durement la première vague. Cela s’appelle la solidarité et c’est ce qui est à la base du fédéralisme, comme le disait M. Jobin. Or, maintenant que ce sont eux qui sont touchés, nous refuserions d’être solidaires, comme si la situation était bonne chez nous. Je vous rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, nous étions les champions du monde du taux de reproduction du virus… La belle hypocrisie ! Notre canton n’a aucune fierté à tirer de la situation actuelle. Nous avons juste vu la courbe se stabiliser, ce qui est nettement insuffisant. Il faut faire baisser le nombre de nouvelles infections pour sauver des vies — le but premier — pour permettre aux malades de bénéficier de soins de qualité et, pour ce faire, il faut que le personnel puisse se reposer avant l’arrivée d’une troisième vague. Certains pays affrontent déjà la quatrième vague ; nous n’avons pas encore vu le début de la troisième. Je lance donc un appel à la solidarité avec les autres cantons de notre pays, comme ils l’ont fait au printemps avec nous. J’appelle à être solidaire avec le personnel de soins, à qui nous avons déjà refusé des hausses de budget ; nous les avons donc privés de renforts pour l’année prochaine. J’appelle à être solidaires avec les malades et les familles impactées par ce virus. Dès lors, par solidarité avec les cantons, le personnel de la santé et les malades, je ne soutiendrai pas cette résolution.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Les conséquences économiques et sociales sont lourdes, dramatiques. Nombreux sont les secteurs touchés : tous les secteurs économiques, toutes les personnes. Je suis moi-même en charge de la gestion de la Maison du peuple de Lausanne. C’est la deuxième fois que nous fermons nos activités pendant de nombreuses semaines. L’impact économique est lourd. Cela dit, le responsable de cette situation n’est pas les mesures, ni le Conseil d’Etat, ni le Conseil fédéral, mais c’est bien le virus, la pandémie qui nous met dans cette situation. Dès lors, des résolutions qui se concentrent sur les types de mesures à prendre sont complètement à côté de la situation dramatique que traverse notre pays. Le syndicat dont j’ai la chance d’exercer la présidence représente largement le personnel de la santé qui s’engage au maximum depuis des mois, qui n’a toujours pas pu prendre de repos, qui en a encore plus marre que nous de cette situation. Je crois que cette discussion n’est pas à la hauteur de leur engagement. Je partage les frustrations des procédés et des retards du Conseil fédéral ; on aurait aimé qu’il prenne l’initiative bien plus tôt. Cela dit, plusieurs interventions ont laissé entendre que nous voyions le bout du tunnel, que nos efforts avaient porté leurs fruits. Certes, la situation s’est un peu améliorée, mais reste largement au-dessus d’une situation raisonnable, d’une situation stable. Cet été, je vous rappelle que nous parlions d’une zone à risque au-delà de 60 contaminations par 100’000 habitants sur 14 jours. Vous pouvez regarder les chiffres du jour : on est presque à 10 fois ce nombre dans le canton de Vaud. Alors oui, ces mesures sont difficiles à vivre, elles atteignent nos libertés personnelles, notre vie sociale, culturelle et économique, mais elles sont nécessaires, parce qu’elles sont là pour sauver des vies. Pour toutes ces raisons, je vous invite à rejeter la résolution Christen qui n’est plus d’actualité, mais aussi celle de M. Venizelos. Ce n’est pas au Parlement de se positionner sur le détail des mesures sanitaires. C’est le rôle du gouvernement. Ce n’est pas non plus au Parlement de faire complètement abstraction de la situation sanitaire qui justifie ces mesures. Alors, par respect pour les personnes qui ont subi l’attaque du COVID — elles-mêmes ou leurs proches — pour celles qui la subissent maintenant, pour celles qui la subiront encore et pour celles qui luttent dans les services sanitaires et les autres services impliqués, j’en appelle à notre responsabilité et à notre solidarité. Et cela passe par d’autres réponses que ces résolutions.

M. Philippe Jobin (UDC) —

J’ai juste un petit problème de suivi. On était pour la première résolution ; la deuxième, je ne l’ai jamais eue. J’aimerais que la gauche de cet hémicycle se mette d’accord. Il faut arrêter d’ergoter, car la situation est urgente. Soit on soutient le Conseil d’Etat en l’état, soit on ne fait pas de résolution et on arrête là nos discussions. Il faut être un tout petit peu consciencieux dans ce que l’on est en train de faire.

Mme Carole Dubois (PLR) —

Il est important que ce Parlement soit derrière son Conseil d’Etat. J’imagine que vous avez eu, chères et chers collègues, l’occasion de lire l’excellent communiqué qui a été publié vers 16 h 45, qui reflète la position des six cantons romands. Je pense que cette résolution est aussi l’occasion, au sein de ce Parlement, de se trouver unis — tous partis confondus — derrière les décisions de notre Conseil d’Etat. Dans ce sens, pour essayer de trouver un consensus qui apporte un soutien  vraiment fort du Parlement aux décisions du gouvernement, je propose à mes collègues chefs de groupe de nous voir durant l’interruption pour essayer de trouver une formulation commune de résolution qui puisse être soutenue par tous les partis de cet hémicycle.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Nous avons une première résolution qui a été déposée, qui a ensuite été amendée et qui va au final dans les droites lignes du communiqué de presse que nous venons de recevoir. Notre Parlement demande au Conseil d’Etat d’agir, nous sommes potentiellement dans la situation d’un soutien à notre gouvernement, mais finalement on voit que notre gouvernement n’a pas attendu nos débats  pour agir et prendre position. Ce qui est attendu de notre Parlement, c’est de voter des décrets qui permettent véritablement d’aider les gens. J’espère qu’on y arrivera encore ce soir et qu’on ne passera pas des heures à débattre d’une résolution non contraignante qui va dans le sens d’une action déjà entreprise par le gouvernement et déjà communiquée publiquement.

Nous nous exprimerons négativement sur l’amendement apporté par M. Venizelos. Mes collègues Tschopp et Eggenberger ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur la résolution Christen. Concernant l’amendement Venizelos, contrairement à ce que vous indiquez, madame Dubois, cela ne va pas dans le sens des actions entreprises par notre gouvernement. Je prends l’exemple de la possibilité d’autoriser les réunions pour 10 personnes entre le 19 décembre et le 3 janvier, qui est expressément mentionnée dans l’amendement Venizelos, qui ne ressort pas du tout de la communication commune des cantons romands que nous venons de recevoir, qui mentionne des dates beaucoup plus courtes. C’est un exemple parmi tant d’autres pour vous indiquer que nous ne pouvons simplement pas soutenir un texte qui ne mentionne, à aucun endroit, que ces mesures doivent être prises sous réserve de la situation sanitaire. Cela nous semble complètement incohérent avec les actions de notre gouvernement de soutenir un texte qui ne le mentionne pas expressément. Il faut aussi réaliser que, quand bien même le Conseil fédéral n’aurait rien communiqué hier ou que nous n’aurions pas eu ce débat aujourd’hui, nous pourrions parfaitement nous retrouver dans la situation où, la semaine prochaine, tout est fermé simplement parce que la situation sanitaire a évolué. Parce que ni le texte Christen ni le texte Venizelos ne le mentionne expressément, parce que c’est la situation sanitaire qui dicte les mesures et non l’inverse,  le parti socialiste ne pourra pas entrer en matière sur un texte ou sur l’autre. Nous estimons que la santé doit primer, que le Conseil d’Etat doit être l’organisme qui est le plus à même de déterminer les mesures nécessaires en fonction de la situation sanitaire, que celle-ci aujourd’hui pourrait permettre une ouverture de certains établissements le 10 décembre, mais que la situation peut encore être amenée à évoluer et qu’en aucun cas le texte Venizelos ne rejoint la position exprimée par le gouvernement aujourd’hui. Dès lors, on ne peut pas le soutenir. Tout au plus, et dans l’hypothèse où les chefs de groupe devaient être amenés à discuter pendant la pause pour trouver un texte commun — mais je vous encourage plutôt à trouver une position commune au soutien des décrets tout à l’heure, plutôt qu’un texte commun d’une résolution sur quelque chose qui a déjà eu lieu — une des pistes serait de dire que nous reprendrions l’amendement Venizelos, mais en supprimant la fin, avec un texte qui dirait simplement :

« Le Grand Conseil vaudois soutient les actions du Conseil d’Etat vaudois visant à intervenir auprès du Conseil fédéral pour qu’il adapte les mesures mises en consultation, de façon à tenir compte des efforts fournis par le canton de Vaud pour faire face à cette crise et des décisions prises le 4 décembre 2020 par le gouvernement vaudois. »

Il ne faut pas commencer à faire du bricolage de mesures dans le cadre d’une résolution, puisque ce n’est pas de la compétence du Grand Conseil de prendre ces mesures. Je vous encourage à aller de l’avant. La population a besoin de soutiens, notamment économiques. C’est à l’ordre du jour de ce soir et j’espère que nous aurons l’occasion de traiter l’ensemble de ces textes avant 21 heures.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Je m’étonne des propos de Mme Jaccoud. Les présidents de groupe se sont réunis à 13 heures ; ils n’étaient pas tous là, mais la plupart d’entre eux étaient présents. Nous n’avons pas réussi à aboutir à un texte commun, pour la simple et bonne raison qu’un président de groupe nous a dit qu’il n’entrerait même pas en matière sur le principe du dépôt d’une résolution. A partir de là, je ne comprends pas très bien pourquoi vous venez nous dire qu’il faut trouver un consensus, puisque vous n’en avez pas voulu à 13 heures. M. Venizelo a fait cette démarche de dire qu’il y a un texte déposé et que, dès lors, il faut trouver ce consensus. Maintenant, il faut simplement passer au vote, parce qu’à force d’ergoter, on va continuer pendant des heures. Le but n’était évidemment pas de se retrouver dans cette situation, mais de trouver un consensus. On n’a malheureusement pas pu le trouver à 13 heures, on peut le trouver maintenant avec la proposition de M. Venizelos. Je vous encourage à aller dans ce sens.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Vice-président-e

Monsieur le député, vous avez demandé à passer au vote. Est-ce que vous déposez une motion d’ordre ?

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Non, madame la présidente, ce n’est pas dans mes habitudes. Je ne dépose donc pas de motion d’ordre.

M. Nicolas Croci Torti (PLR) —

J’aimerais revenir sur les propos de Mme Ruiz, qui nous a indiqué un certain nombre de chiffres. Je regrette que l’on ne nous parle pas, pour amener un peu de positivité dans ce débat, des gens qui sortent des hôpitaux grâce au travail des soignants. Indiquer régulièrement le nombre de personnes qui sortent des hôpitaux serait une manière d’atténuer ce climat morose.

Je profite d’avoir la parole pour déposer une motion d’ordre, afin que l’on passe au vote sur cette résolution.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Vice-président-e

La motion d’ordre est appuyée par au moins 20 députés.

La discussion sur la motion d’ordre est ouverte.

M. Vassilis Venizelos —

Nous avons l’occasion de prendre une décision commune ; c’était l’intention de l’amendement que j’ai développé. Je comprends les propos exprimés par nos collègues socialistes. Je peux me rallier à la proposition de Mme Jaccoud. Le sens de la démarche est compris par tout le monde. On soutient les démarches du Conseil d’Etat. Il n’y a aucune volonté de notre Parlement de faire de la cogestion sur les différentes mesures sanitaires. Je comprends aussi la volonté de passer au vote. Il y a un débat très important sur les décrets ; nous devons nous concentrer là-dessus. Je ne veux pas m’opposer à cette motion d’ordre et je pourrais très bien me rallier à la proposition de Mme Jaccoud. Le message est qu’il faut soutenir les démarches du Conseil d’Etat, car l’on veut que les actions annoncées le 4 décembre soient déployées, dans le respect strict des conditions sanitaires.

Mme Carole Dubois (PLR) —

Je voulais dire la même chose que M. Venizelos. Je pense donc que l’on est tous d’accord pour soutenir la proposition de Mme Jaccoud. J’ai dit tout à l’heure qu’il fallait trouver une position afin que le Parlement soutienne le Conseil d’Etat d’une même voix. Je pense que l’on peut arriver à un consensus avec cette proposition.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Je remercie toutes les personnes qui se sont exprimées pour soutenir ma proposition. Il faudrait amender le texte ainsi :

« Le Grand Conseil vaudois soutient les actions du Conseil d’Etat vaudois visant à intervenir auprès du Conseil fédéral pour qu’il adapte les mesures mises en consultation, de façon à tenir compte des efforts fournis par le canton de Vaud pour faire face à cette crise et des décisions prises le 4 décembre 2020 par le gouvernement vaudois, sous réserve de la situation sanitaire. »

Cela permettrait de prendre en compte l’entier de mon propos, qui est de dire que c’est la situation sanitaire qui commande les mesures et non l’inverse. Je pense que l’on pourrait voter ce texte avant la pause, afin de passer rapidement aux votes sur les décrets.

Mme Laurence Cretegny (PLR) —

La discussion est close.

La motion d’ordre Nicolas Croci Torti est refusée par 64 voix contre 57 et 11 abstentions.

Mme Christine Chevalley (PLR) —

Pourrait-on avoir des précisions sur ce que l’on vote, sur quel texte ? Je ne sais plus où on en est.

L. Cretegny, vice-présidente : 17 :19

Nous discutions pour savoir si nous passions directement au vote du texte qui est actuellement à l’écran. En acceptant la motion d’ordre Croci Torti, vous passiez immédiatement au vote. En la refusant, la discussion continue. Elle vient d’être refusée. (Remous dans la salle.) La motion d’ordre Croci Torti afin de passer au vote a été refusée, alors la discussion continue.

M. Yann Glayre (UDC) —

A chaque fois que l’on parle des mesures, la gauche de ce Parlement nous sert la soupe de la détresse exclusive du personnel hospitalier. J’aimerais, une fois pour toutes, que l’on mette au même niveau de détresse celles et ceux qui souffrent des conséquences liées à l’absence totale de vie sociale, notamment les personnes seules et les adolescents. Il s’agit du fardeau psychosocial de cette crise. Cela fait l’objet de plus en plus d’articles de spécialistes qui tirent la sonnette d’alarme. Les adolescents ont besoin d’autonomie pour s’épanouir et la situation actuelle les prive de repères en les enfermant chez leurs parents. Quelles conséquences à long terme ? Quoi que vous votiez à cette résolution et ses amendements, pensez aussi aux autres victimes de cette crise. La société a besoin d’un minimum d’activités sociales ; c’est également une question de santé publique, tout autant que celle du personnel hospitalier.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Je crois qu’il y a un consensus clair. Je propose que l’on ne prenne plus la parole et que l’on vote le texte, qui convient également aux socialistes. Il faut avancer et traiter les décrets qui suivent.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

On est confronté à deux versions : la version Christen, amendée Venizelos, et la version sous-amendée Jaccoud. Notre groupe ne pourra pas se rallier à cette dernière proposition qui vide cette résolution de sa substance. Nous vous encourageons à soutenir la version amendée Venizelos.

M. Vassilis Venizelos —

Je me suis rallié à la proposition de Mme Jaccoud. L’objectif est qu’un texte soit soutenu par l’ensemble du Parlement. Si quelqu’un veut reprendre ce que j’ai déposé tout à l’heure, libre à lui, mais j’invite M. Christen à faire preuve de sagesse et à se rallier à cette proposition. Je retire mon amendement et me rallie à la proposition Jaccoud.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

C’est un texte commun de l’ensemble des députés. Ce n’est plus un amendement de x ou y. C’est une déclaration commune sur laquelle nous avons réussi à nous mettre d’accord. Il faut entériner ce texte.

Mme Christine Chevalley (PLR) —

J’aurais suggéré une réunion des chefs de groupe durant la pause. (Remous dans la salle.) D’accord, alors on passe au vote.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Vice-président-e

La résolution est acceptée par 113 voix contre 11 et 6 abstentions.

(La séance, levée à 17 h 30, est reprise à 18 h 25.)

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