Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 19 septembre 2023, point 14 de l'ordre du jour

Texte déposé

 

La stratégie énergétique vaudoise actuelle, qui se base sur la stratégie énergétique de la Suisse 2050, est principalement axée sur un approvisionnement en énergie renouvelable et une baisse de la consommation énergétique par des mesures d’efficacité. Or, les enjeux climatiques actuels, les risques de pénurie énergétique et l‘augmentation du coût de l’énergie nécessitent d’intégrer dans ces stratégies une dimension supplémentaire: celle de la sobriété. 

 

Dans son troisième rapport, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) définit la sobriété comme  « un ensemble de mesures et de pratiques du quotidien qui évitent la demande en énergie, matériaux, sol et eau tout en assurant le bien-être pour tous dans les limites planétaires ». Concrètement, la sobriété peut se traduire, par exemple, par le fait d’éteindre l’éclairage public, les vitrines et les bureaux inoccupés la nuit, par la réduction la température de bâtiments chauffés, l’adaptation des espaces aux usages, une meilleure maîtrise et sélection de sa consommation, ou par la mutualisation de biens, de services, d’espaces et d’outils. 

 

Il existe plusieurs scénarios énergétiques sérieux intégrant la dimension de sobriété sur lesquels les politiques publiques peuvent s’appuyer aujourd’hui. La sobriété a d’ailleurs été la grande star des Assises européennes de la transition énergétique à Palexpo, montrant que les compétences et connaissances sur le sujet existent. La mise en œuvre n’est ainsi qu’une question de volonté politique. 

 

L’intégration de cette dimension permet de garantir bien-être et qualité de vie sans entrer dans l'austérité.  Par ailleurs, l’énergie qui coûte le moins cher est bien celle qu’on ne consomme pas. Elle est la seule alternative à la fuite en avant consistant à continuer de trouver de nouvelles sources d’énergies non-renouvelables qui ne font qu'éviter le problème principal: celui de la remise en question de la manière dont nous consommons collectivement. Prioriser nos dépenses énergétiques et réduire notre consommation énergétique devraient ainsi être une priorité et nécessitent des adaptations législatives en ce sens. 

 

Ainsi, dans le cadre de la révision en cours de la Loi vaudoise sur l’énergie, la présente motion demande au Conseil d’Etat d’élaborer une base législative pour la mise en œuvre de mesures de sobriété énergétique selon les principes suivants: 

 

  • La sobriété est intégrée dans la loi vaudoise sur l’énergie comme composante des mesures visant à atteindre la neutralité carbone et à accélérer la transition énergétique; 
  • Elle s’articule aux dispositions légales existantes nécessaires à la mise en œuvre de la politique énergétique cantonale visant à 
    •  développer l’efficacité énergétique et les économies d’énergie, 
    •  développer les énergies renouvelables et en augmenter la part produite dans le canton, 
    •  assurer un approvisionnement sûr et compatible avec la protection de l’environnement
  • Les besoins énergétiques essentiels dans les usages collectifs et individuels de l’énergie sont priorisés;
  • Les notions de bien-être et de qualité de vie sont pris en compte (au profit du confort figurant dans la législation actuelle);
  • La sobriété touche notamment les secteurs des bâtiments, des transports et de l’industrie;
  • La sobriété ne vise pas uniquement les changements de comportements individuels, étant entendu que ceux-ci dépendent grandement de conditions structurelles.

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Patricia Spack IsenrichSOC
Joëlle MinacciEP
Hadrien BuclinEP
Marc VuilleumierEP
Julien EggenbergerSOC
Alberto MocchiVER
Kilian DugganVER
Yves PaccaudSOC
Nathalie JaccardVER
Théophile SchenkerVER
Mathilde MarendazEP
Vincent KellerEP
Sébastien HumbertV'L
Géraldine DubuisVER
Alice GenoudVER
Felix StürnerVER
Thanh-My Tran-NhuSOC
Yolanda Müller ChablozVER
Didier LohriVER
Céline MisiegoEP
Cendrine CachemailleSOC
Alexandre DémétriadèsSOC
Claire Attinger DoepperSOC
Oriane SarrasinSOC
Martine GerberVER
Vincent BonvinVER
Valérie ZoncaVER

Documents

Rapport de la commission (22_MOT_27) - Nicolas Suter

22_MOT_27-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice

Je remercie ici Mme Sylvie Chassot et M. Cédric Aeschlimann, secrétaires de commission, pour leur excellent travail. Dans le cadre de la révision de la Loi vaudoise sur l'énergie (LEne), la présente motion demande au Conseil d'Etat d'élaborer une base législative pour la mise en œuvre de mesures de sobriété énergétique, selon plusieurs principes. Sans être exhaustif, il s’agit notamment de prioriser les besoins énergétiques essentiels dans les usages collectifs et individuels de l'énergie. Les notions de bien-être et de qualité de vie sont prises en compte au profit du confort figurant dans la législation actuelle. La sobriété touche notamment les secteurs des bâtiments, des transports et de l'industrie. Elle ne vise pas uniquement les changements de comportements individuels, étant entendu que ceux-ci dépendent grandement de conditions structurelles.

En commission, le Conseil d'Etat souligne que sobriété ne signifie pas décroissance. Un rapport de l'Office fédéral de l’environnement (OFEV) de février 2022 indique que 30 à 40 % de la consommation d'énergie pourrait être économisée sans que cela ne se fasse ressentir, en changeant certains appareils électriques obsolètes, par exemple, que ce soit dans les secteurs de l'industrie ou auprès des ménages, mais aussi au travers de certains gestes quotidiens. Une baisse de la consommation signifierait aussi une moindre dépendance de l'étranger, vu que 70 % de l'énergie électrique et thermique consommée en Suisse est importée. Le programme de législature inscrit la notion de sobriété énergétique dans la ligne directrice : « promouvoir la sobriété énergétique afin d'éviter le gaspillage et améliorer les différences d'usage de l'énergie – citoyens, entreprises, collectivités. » Il s'agit donc de l'axe 2 « durabilité et climat ». Le Conseil d'Etat souhaite traduire cet objectif du Programme de législature au travers d'une disposition dans la LEne révisée et actuellement en consultation.

La commission a longuement débattu de la notion de sobriété en tant que telle. Nous avons traité de la distinction entre confort et bien-être, et de qualité de vie. A ce sujet, il nous a été clairement expliqué que lors de l'élaboration de l'actuelle loi sur l'énergie, le texte était fortement orienté sur le bâtiment. Aussi, dans ce contexte, l'utilisation de la notion de confort faisait référence au confort d'habitation en fonction du type d'isolation du bâtiment. La révision de la LEne en élargit le champ d'application et les notions de bien-être et de qualité de vie y trouveraient leur place.

Une demande de transformation de la motion en postulat a été exprimée, étant donné son large champ d'action. La motionnaire ne souhaitant pas la transformation, la question fut soumise au vote de la commission qui l'a refusée par 8 voix contre 7. La commission recommande ensuite au Grand Conseil de prendre la motion en considération, par 9 voix et 6 abstentions.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Elodie Lopez (EP) —

Comme l’a rappelé Nicolas Suter, la motion que j’avais déposée demandait que notre Conseil d’Etat, dans sa révision de la LEne, aborde la question d’une base législative pour la mise en œuvre de mesures de sobriété énergétique selon certains principes. En effet, quand on parle de l'énergie que l'on produit et que l'on consomme, on peut facilement faire l'analogie avec des ressources financières : ce sont des ressources et elles sont précieuses, mais tout le monde n’a pas la même liberté ou le même choix d’en faire usage et elles ne sont pas infinies. De la même manière qu’au moment d'établir un budget, nous nous demandons de quelle manière utiliser les données publiques, il semble logique de nous demander comment nous consommons notre énergie et que nous l'économisions là où c'est possible, à l'heure où celle-ci est de plus en plus chère, de plus en plus rare, et que nous devons donc nous engager plus fortement pour réduire nos émissions. L'énergie la plus propre et la moins chère est bien celle que l'on ne consomme pas ! Parler de sobriété énergétique, c'est une invitation à questionner nos besoins, nos choix, nos habitudes de consommation et, plus globalement, nos modes de production et nos modes de vie, avec le but de rendre tout ce qui fait qu'on fonctionne ensemble moins gourmand. Il ne s’agit pas uniquement de rendre les processus plus efficaces, mais également de se passer de les utiliser où et quand cela est possible.

Pourquoi avoir énuméré différents principes dans cette motion ? C’est qu’il est important de savoir de quoi l’on parle. Depuis le début de cette législature, tant de la part des députés que du Conseil d'Etat, nous avons entendu tout un tas de choses autour de la sobriété. Par exemple, « la sobriété, c'est l'efficacité » ainsi que l’a dit Mme Moret lors d'un de nos débats, ou encore, « la sobriété, c'est le fait d'être à l'étroit et de s'en accommoder » selon notre collègue Haury. Par conséquent, savoir de quoi l’on parle est évidemment essentiel. Nous devons aussi nous rappeler un autre élément : c'est que tous les secteurs et tous les individus n'ont pas le même poids en la matière ni les mêmes responsabilités, et par conséquent, cibler est important. Aujourd'hui, qu'en est-il depuis le dépôt de la motion ? Nous avons passé un hiver où la question énergétique était brûlante, les menaces de black-out nous ont fait peur, et la sobriété a commencé à chatouiller les bouches plus largement. Surtout, le Conseil d'Etat a mis en consultation son projet de LEne, et le pilier de la sobriété énergétique y a été intégré. Nous le saluons vivement, aujourd'hui, et nous félicitons le Conseil d'Etat à ce sujet. Néanmoins, à ce stade, nous pensons évidemment que la loi pourrait aller plus loin. La nouvelle loi est assez soft et prévoit uniquement des mesures de facilitation et d'incitation, par exemple. Au lendemain de la publication de l'audit de l'EPFL sur le Plan climat vaudois, on peut se demander si c'est suffisant, ou si nous ne devrions pas mettre encore un petit coup de pédale. Dans ce contexte, vaut-il la peine de maintenir la motion ? Bien sûr, le processus est mis en consultation et les choses peuvent encore bouger. Nous vous invitons donc aujourd'hui à faire bon accueil à cette motion et je me réjouis beaucoup d'en débattre avec vous.

Mme Alice Genoud (VER) —

Je remercie déjà Mme Lopez de nous avoir permis de discuter en commission de la notion de sobriété énergétique. Comme elle vient de le dire extrêmement bien, c’est un concept parfois fourre-tout, qui plaît aux uns et un peu moins aux autres, mais qui est une vraie réalité aujourd'hui. A l'aube d'un hiver qui s'annonce peut-être encore difficile, après un hiver précédent extrêmement difficile, nous devons aujourd'hui réfléchir à cette sobriété de façon proactive, pour faire en sorte de répondre rapidement aux problèmes de pénurie énergétique de plus en plus présents.

Les Vertes et les Verts vont bien sûr soutenir cette motion. Ils se réjouissent aussi de voir que dans la LEne qui est en consultation, cette notion se trouve déjà. Elle doit encore être renforcée pour être un des piliers qui nous permettent aujourd'hui d’envisager le futur. Nous nous réjouissons donc que cette motion puisse être débattue. Maintenant, c'est le bon moment. On pourrait se dire qu'il y a déjà la LEne et qu'on ne traitera que de celle-ci, mais non. Ce texte a été déposé à un moment important pour que nous puissions, en effet, mettre un coup de boost sur ces questions. C’est en tout cas l’avis des Verts et des Vertes, et nous espérons qu'il sera suivi par ce Grand Conseil.

Je pense important de mettre en avant un point déjà cité par M. Suter : l'idée que la sobriété ne doit pas être uniquement individuelle ; nous devons aussi y réfléchir au niveau collectif, parce que finalement, ce n'est pas uniquement aux personnes de faire tous les efforts, mais il va falloir aussi en faire de façon beaucoup plus large si nous voulons un résultat efficient. C’est aussi pour cette raison qu'il est important que cette notion soit fortement promue. Je vous invite ainsi à soutenir cette motion.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Je me réjouis que la Commission de l'énergie de notre Parlement recommande d'approuver et de transmettre la motion au Conseil d'Etat. En effet, la sobriété est l’élément qui a le plus grand potentiel pour assurer la transition énergétique et climatique dans notre pays. On l'a dit, la sobriété est faite à la fois d'assainissement, notamment des bâtiments, et d'efficacité énergétique, mais elle demande aussi des modifications de nos comportements. A cet égard, malgré l'hiver très difficile qu'a souligné ma collègue Alice Genoud, il faut bien reconnaître que l'on peut être déçu des résultats en matière d'économies d'énergie, malgré les campagnes, notamment fédérales, sur ce point. C'est pourquoi la motion de notre collègue Elodie Lopez a tout son sens et le Conseil d'Etat l'a bien compris en mettant en consultation un projet de loi qui comprend un article sur la sobriété dans le domaine de l'énergie. Il s'agit effectivement, pour notre gouvernement, d'avoir les moyens d'un plan d'action, d'établir certaines mesures qui seront essentielles, et de pouvoir même édicter des directives pour mettre en œuvre ce programme. Oui, c’est essentiel aujourd'hui, au sens de la Conception cantonale de l'énergie (CCE) qui chiffre à 28 % le potentiel de la sobriété. Si ma mémoire est bonne, la stratégie énergétique 2050 que le peuple suisse a approuvée en 2017 vise encore plus haut en matière de sobriété. Le potentiel est donc considérable et il importe de légiférer. C'est tout le sens de la motion. Je vous invite à la soutenir

M. Loïc Bardet (PLR) —

Voilà encore un texte qui vise à influencer les futurs débats sur la LEne. Au niveau de la sobriété énergétique, cela a été dit dans le rapport de commission : c'est un principe que tout le monde soutient. L'énergie la moins chère est celle qu'on économise, y compris pour les entreprises de ce pays. On voit en effet que la récente hausse des coûts de l'électricité a aussi eu une influence sur certains secteurs. C'est pour cela que, du côté du PLR, le principe de renforcer la sobriété énergétique est plutôt vu d'un bon œil.

Toutefois, le texte qui nous est proposé ici va extrêmement loin. Il a la forme d'une motion. La transformation en postulat avait été demandée en commission avant d’être refusée par la motionnaire, puis par la commission. En plus, depuis les débats qui ont eu lieu en commission, le projet de LEne a été mis en consultation et certains éléments de sobriété énergétique ont été inscrits dans ce projet de loi. Par conséquent, afin de faire preuve de sobriété parlementaire, la majorité du groupe PLR va refuser cette motion et il y aura quelques abstentions au sein du groupe.

M. Sébastien Humbert (V'L) —

Dans son Programme de législature, avec la mesure 2.3, notre Conseil d’Etat prévoit de « promouvoir la sobriété énergétique afin d’éviter le gaspillage et améliorer les différents usages de l’énergie. » Plus personne ne remet en question la nécessaire transition énergétique. Pour pouvoir la gérer proactivement, il est important que le canton encourage l'efficacité énergétique, les économies d'énergie, les énergies renouvelables, l'utilisation intelligente du bois-énergie, et la priorisation. En effet, il n’est jamais bon de devoir réagir dans l’urgence, comme on l’a connu l’automne passé. Ces concepts sont pleinement alignés avec la nouvelle LEne et répondre à la motion ne devrait pas prendre trop de temps. J’encourage donc le Parlement à soutenir notre Conseil d’Etat dans son action climatique et à lui renvoyer cette motion.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Je remercie notre collègue Elodie Lopez pour la pertinence de sa motion. Elle traite effectivement d’un élément important, manquant dans la législation actuelle. Et je remercie le Conseil d’Etat pour sa proactivité, puisque la motion trouve déjà en bonne partie une réponse dans l'article 7 de la LEne révisée et mise en consultation actuellement.

Je trouve intéressant de s'attarder sur le contenu de cet article et en particulier son premier alinéa. Selon le projet en consultation, cet alinéa définit le rôle de l'Etat en matière de sobriété, consistant à accompagner et à soutenir de manière incitative la population et les différents acteurs de la société, dont les entreprises, vers une prise de conscience des enjeux et vers des modes de consommation énergétique plus sobres, donc moins coûteux et plus favorables pour le climat. Ces actions se dessinent et se déclinent sur trois axes.

  • Lutte contre le gaspillage – qui peut y être opposé ?
  • Efficacité énergétique, également un bonus pour toutes et tous.
  • Réflexion sur les modes de consommation énergétique.

Et encore une fois, comme pour les bâtiments tout à l'heure, il est essentiel que tout un chacun se questionne sur sa consommation, puisse aussi l'évaluer et en avoir une certaine sensibilité pour pouvoir faire des choix. C'est la première étape, comme pour les bâtiments et le Certificat énergétique cantonal des bâtiments (CECB), pour pouvoir ensuite prendre des actions et prioriser certains usages, comme le mentionne la motion d'Elodie Lopez. Je trouve donc que c'est une très bonne première étape, et une très bonne définition que nous propose le Conseil d'Etat, avec des bénéfices positifs sur la qualité de vie des uns et des autres, sur le court et sur le long terme. On retrouve donc bien les demandes principales de la motionnaire d'inclure tous les usages et tous les acteurs dans le cadre de ce projet de loi, ainsi qu’initier un débat collectif pour réfléchir aux usages que nous faisons les uns et les autres de l'énergie, avec leurs priorisations, aussi au niveau individuel.

Il est vrai que c'est aussi mentionné dans le Programme de législature, comme le rappelait notre collègue Humbert, avec la mesure 2.3 : promouvoir la sobriété énergétique afin d'éviter le gaspillage et améliorer les différents usages d'énergie, au niveau individuel, de l’entreprise et de la collectivité. Avec tout cela, nous ne pouvons que soutenir cette motion et c'est ce que je vous invite à faire au nom du groupe socialiste. Cela, encore une fois, pour montrer que nous appuyons le Programme de législature et le projet de loi. Réfléchir à notre consommation pour économiser partout où c'est possible, c'est bon pour le porte-monnaie, mais aussi pour la tête et pour notre avenir.

Mme Sabine Glauser Krug (VER) —

Je vous présente un graphique qui m'a beaucoup touchée. (Une image est projetée)

*introduire image. Dans la séance sur le P, ordre du jour 14 Glauser Krug.pdf

On ne distingue pas beaucoup les couleurs… Ce graphique représente la consommation d'énergie depuis 1920, au niveau mondial. Les différentes couleurs montrent différents types de sources d'énergie. Ce graphique montre qu'au niveau mondial, jamais le développement d'une nouvelle technologie énergétique n'a réussi à remplacer une autre, ni même réussi à réduire son utilisation. Ainsi, l'humain n'a jamais eu autant recours au charbon et au pétrole qu'aujourd'hui ! Ce graphique montre aussi la nécessité d'intégrer les démarches de sobriété à la transition énergétique, faute de quoi le développement des énergies renouvelables risque de répondre uniquement à l'augmentation de notre consommation, dans la continuité de la tendance actuelle.

Je me réjouis d'entendre que tout le monde, dans cet hémicycle, semble être d'accord avec la nécessité de la sobriété et s'y rallie. Pourtant, j'ai quand même entendu ici et là parler d'une sobriété qui fait peur. C’est pourquoi j'aimerais rappeler que nous vivons déjà cette sobriété, au quotidien, dans de nombreuses activités de convivialité et de partage. Je vous invite donc à garder confiance dans la perspective d'une société où il fait bon vivre, tout en veillant avec conscience à notre consommation énergétique. Je vous invite à accepter cette motion.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

On parle dans cette motion de bien-être et de qualité de vie au profit du confort, mais je n'ai pas très bien compris ce que voulait dire la motionnaire à ce sujet. Personnellement, j'ai une ou deux idées fixes dans mon activité à la fois de médecin et de politicien, qui concernent la lutte contre la surmédicalisation. Quel est le lien avec la sobriété ? Il y en a bel et bien un.

On dit que les personnes âgées supportent mal les températures inférieures à 22, 23, voire 25°C dans les appartements et que, par conséquent, les gérances ne peuvent pas chauffer moins. Mais il est quand même très intéressant de savoir que cette même population est souvent la cible de prescriptions médicamenteuses discutables, notamment pour des neuroleptiques ou des antihypertenseurs qui, justement, les empêchent de supporter des températures qu'on dirait « normales », de 20 ou 21°C. Vous me direz que cela n'a pas vraiment de rapport avec les possibilités d'intervention du Conseil d'Etat, mais je vous livre quand même cette information, pour le cas où vous auriez dans votre entourage une vieille dame ou un vieux monsieur qui se plaint de ne pas supporter la température qu'on lui a imposée. Proposez à cette personne qu'elle rediscute de sa médication.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Je voudrais rebondir, en tant que physicien, sur le graphique qui vient de nous être présenté. Quand même, il ne faut pas présenter n'importe quoi ! Mon premier point, c’est que sur ce graphique, il y a une explosion de la population mondiale et qu’on est passés de 4 milliards à 9 milliards en quelque 60 années ! De plus, dans les pays occidentaux et en Suisse en particulier, si la production et la consommation d'énergie se sont bien accompagnées d'une augmentation, il y a aussi une diminution du CO2 émis. Par exemple, je crois qu'à Lausanne, on a diminué de 20% l’émission de CO2. Enfin, on ne tient pas compte que le problème n'est pas l'énergie, mais les émissions de CO2 et autres méthanes. Dès lors, il ne faut pas corréler l'augmentation de la consommation d'énergie et le problème dont nous débattons en ce moment, alors que ce sont bien les sources d'énergie qui posent problème. Dans ce cadre, il faudrait avoir une réflexion plus globale et demander un retour à d’autres productions, par exemple liées à l'énergie nucléaire qui, comme vous le savez, est une énergie contrôlable, pilotable et qui n'émet aucun CO2.

Mme Aude Billard (SOC) —

Je vais rebondir immédiatement sur les propos de M. Moscheni. Je ne partage pas son analyse. Effectivement, il y a une croissance de la population mondiale, mais nous savons aussi qu'il y a une croissance énorme de l'augmentation de la consommation de tout un chacun. Cela dit, trop de personnes, y compris parmi nous, se blâment pour l'augmentation des émissions de CO2, en particulier les jeunes et les enfants qui « sont mal », parce qu'ils ne voient rien changer et qu’ils ont de la peine à savoir ce qu’il faut changer sans tout éliminer. Je remercie donc Mme Elodie Lopez pour sa proposition cohérente. Il me semble vraiment important de redonner les rênes au Conseil d'Etat, pour établir des directives très précises sur des réductions de consommation énergétique là où elles auront le plus d'effet, notamment sur les bâtiments et sur l'industrie, et de mettre en avant le bien-être des personnes.

Mme Elodie Lopez (EP) —

J’interviens à nouveau rapidement pour répondre à quelques éléments qui ont émergé dans le débat. Sur la question « pourquoi parler de bien-être et de qualité de vie ? » posée par M. Haury, j'ai eu la chance de travailler quelques années dans un milieu des sciences humaines et des sciences sociales qui s'intéressait aux problématiques de consommation durable. Aujourd'hui, les notions de bien-être et de qualité de vie sont adressées de manière importante, dans certaines études, et elles font consensus, ce qui permet d'avoir des outils pour s’en saisir. Et si l’on dispose d’outils qui sont aussi partagés ailleurs, c'est « tout bénef » si l’on a envie d'avancer dans des politiques publiques en toute connaissance de cause, parce qu'il y a des consensus et des outils à disposition. C'est une première chose.

Avant de passer au vote, je tenais à mettre en évidence quelque chose qui me réjouit profondément, tant dans les débats qu'on a eus en commission que dans le débat que nous avons aujourd'hui : la question même du principe de sobriété est aujourd’hui très largement partagée au sein de ce plénum ; c'est une très bonne nouvelle. Je réitère mon avis quant à l'importance de donner suite à cette motion, malgré la mise en consultation de la LEne par le Conseil d'Etat. En effet, avec une mise en consultation, tout peut encore bouger, car les choses ne sont pas gravées dans le marbre. Du coup, en donnant suite à la motion, le Parlement enverrait un signal fort sur un principe que nous partageons largement, et ce, vis-à-vis de la population et du public, mais aussi vis-à-vis du Conseil d'Etat afin qu'il continue à avancer sur cette voie. C'est pour cela qu’il me semble important que le Parlement donne ce signal large et fort sur le principe. Je vous encourage donc à soutenir cette motion, ou à ne pas vous y opposer trop largement.

Mme Sabine Glauser Krug (VER) —

Je me permets à mon tour de réagir aux propos tenus par notre collègue Moscheni au sujet du graphique. Alors, je ne nie pas que l'augmentation de la population ait contribué à l'augmentation de l'énergie utilisée, mais de toute évidence, elle ne permet pas de justifier une telle augmentation. Ensuite, je ne voulais pas orienter le sujet sur la question du nucléaire, mais le graphique montre que l'essor du nucléaire n'a pas non plus permis de remplacer le charbon et le pétrole, que l’on consomme toujours plus. Par ailleurs, le nucléaire n'est pas non plus une solution, à mon sens, puisque cette énergie n'est pas sécurisée et qu’on a vu que de nombreux problèmes lui sont liés. Et enfin, le combustible qu'il nécessite n'est pas non plus local, donc selon moi, ce n'est pas une solution. Mais je ne voulais pas diriger le débat dans ce sens.

M. Vassilis Venizelos (CE22-27) — Conseiller-ère d’Etat

Très brièvement, ainsi que cela a déjà été dit : si nous voulons réussir cette transition énergétique, nous devons absolument nous appuyer sur trois axes. Le premier est l'efficacité énergétique à travers l'assainissement énergétique des bâtiments dont nous avons parlé tout à l'heure. Le deuxième est la production d'énergie. Cela me semble essentiel, car il faut rappeler que 84 % de l'énergie que nous consommons dans ce canton est importée. Notre dépendance aux importations est donc extrêmement forte. Le troisième axe, c'est la lutte contre le gaspillage énergétique, que l'on appelle ici sobriété. C'est un principe que nos aînés connaissaient très bien et appliquaient au quotidien, alors plutôt pour des raisons économiques qu’écologiques. C'est un principe avec lequel nous pouvons vivre. D'ailleurs, un rapport récent de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) nous rappelle que 30 à 40 % de l'énergie que nous consommons peut être économisée sans que cela n'impacte notre confort ni notre dynamisme économique. C'est dans ce sens que ce principe a été inscrit dans l'avant-projet de LEne soumis à consultation par le Conseil d'Etat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend la motion en considération par 67 voix contre 64.

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