Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 8 novembre 2022, point 20 de l'ordre du jour

Texte déposé

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RC - 19_MOT_114 (maj.)_A. Baehler Bech

RC - 19_MOT_114_(min.)_F_Cardinaux

Objet

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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

Je remplace Mme Baehler Bech après que cette dernière a elle-même remplacé M. Luccarini. Du côté du Conseil d'Etat, deux conseillères d’Etat différentes sont intervenues lors de deux séances tenues à une année d’intervalle, le lundi 9 mars 2020 et le vendredi 12 mars 2021, des conditions assez particulières ; ainsi j’en appelle, dans ce débat, à votre compréhension, une compréhension qui vous est aussi demandée pour une certaine sécurité du droit. Au prix d’un compromis compliqué, notre Parlement a accepté la loi que nous avons pour habitude de nommer LPPPL (Loi sur la préservation et la promotion du parc locatif). Comme membre du comité de soutien, j’en étais d’ailleurs l’un des supporters lors de la votation. Pour rappel, cette loi a été acceptée par le peuple en février 2017.

La motion proposée par notre collègue Jobin constitue une remise en cause significative de la protection dont les locataires bénéficient dans le cas de rénovations. Grosso modo, deux manières de raisonner s’opposent : d’une part, on peut suivre la logique de la LPPPL qui prescrit un plafonnement de l’augmentation des loyers en fonction des montants investis reconnus, tout en appliquant les règles de calcul des loyers qui impliquent par exemple de vérifier si les baisses prévues par la loi ont été appliquées. Le propriétaire voit son investissement reconnu et le locataire son loyer protégé d’une hausse spéculative. Il faut en outre rappeler que le marché du logement est déséquilibré et connaît un taux de pénurie aigu. Cet état de fait a entraîné, d’un côté, une hausse des prix des loyers et, d’un autre, un défaut d’entretien du parc locatif vaudois. La LPPPL permet de préserver le parc locatif en limitant la hausse des loyers. Il convient également de préciser que cette motion vise l’article 14 au cœur des dispositions concernant la préservation du parc locatif existant. Le modifier signifie renoncer à l’équilibre que le dispositif permet, à savoir rénover un bien immobilier sans pour autant permettre que l’appartement ou l’immeuble rénové ne sorte pas trop de la catégorie de prix à laquelle il appartient initialement.

De l’autre, se trouve la logique de M. Jobin, c’est-à-dire de profiter d’une hausse la plus élevée possible pour maximiser son profit, sans lien avec l’investissement réalisé. Le motionnaire entend reprendre la logique des logements d’utilité publique (LUP) neufs pour des logements en rénovation. Il oublie que les logements LUP définis sont couplés à des exigences de surfaces et à des typologies de construction, avec des exigences supérieures à celles d’immeubles anciens rénovés, par exemple dans le domaine énergétique. La LPPPL comprend un certain nombre d’outils et de mécanismes de promotion des logements à loyers abordables. Il est dès lors logique que les loyers de l’article 28 du règlement ne s’appliquent pas de facto à des immeubles anciens rénovés et, en particulier, lorsqu’il s’agit de rénover des appartements isolés dans des immeubles vétustes. L’effet modérateur de la LPPPL joue dès lors son rôle, et ce, d’autant plus que ce contrôle des loyers est le plus souvent limité à 3 ans, les propriétaires pouvant conclure des baux échelonnés pour anticiper la fin de la période de contrôle et rejoindre le loyer escompté dans la durée. Les services de l’Etat nous ont expliqué que les montants autorisés sont en réalité très proches.

Les travaux de la commission ont été suspendus dans l’attente de jugements. Ces derniers, intervenus entretemps, ont montré la licéité des méthodes de calcul. Par ailleurs, dans l’intervalle, c’est-à-dire depuis la dernière séance de commission, le jugement du Tribunal fédéral (TF) est intervenu le 28 octobre 2021. En résumé, il confirme la décision de la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Tribunal cantonal quant à l’appréciation de la méthode de calcul.

En conclusion, la majorité de la commission souhaite insister sur le fait que si les maxima de l’article 28 devaient être appliqués, les appartements changeraient de catégorie de prix et une part importante de la population vaudoise ne pourrait plus accéder à ces logements jusqu’alors bon marché. La majorité de la commission relève que la CDAP a rejeté les recours et ne conteste pas la licéité des méthodes de calcul des loyers utilisée. Il faut ajouter que le TF confirme cette appréciation. En fonction des informations reçues en séance, la majorité de la commission estime que le dispositif de la loi acceptée par le peuple permet à un propriétaire de rénover un appartement tout en obtenant un rendement correct et en maintenant les loyers à un niveau abordable. Autoriser, ainsi que le souhaite le motionnaire, un rendement plus conséquent pour les bailleurs aurait ainsi pour conséquence d’augmenter les loyers et de rompre l’équilibre proposé par la loi. Les objectifs de cette dernière seraient alors dénaturés et ses buts ne seraient plus atteints. Il faut par conséquent rejeter cette motion, comme la majorité de la commission vous le recommande.

M. François Cardinaux (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

Lors de ces commissions – certes fort étalées dans le temps – nous n’étions pas très loin les uns des autres dans le débat, dont un élément constituait le point central : le dispositif de la loi ne permettait pas à certains propriétaires de rénover un appartement en obtenant un rendement correct. Les milieux immobiliers renonçaient donc à entreprendre des travaux de rénovation si le rendement ne pouvait pas être au moins partiellement récupéré. Sans cadre contraignant, la minorité de la commission n’a donc pas trouvé utile de transformer cette motion en postulat. La minorité a donc demandé au Grand Conseil de ne pas prendre en considération cette motion transformée en postulat, mais de revenir à sa forme première, c’est-à-dire l’adoption de la motion telle que déposée initialement. En addition au rapport de minorité, nous avons clairement indiqué qu’il fallait absolument que nous prenions des mesures et qu’elles portent au minimum sur la forme d’une motion ou, à défaut, d’un postulat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Je vais aborder cette problématique par un autre biais. Le rôle du Grand Conseil, à mon sens, consiste à trouver dans un premier temps un juste équilibre entre l’encouragement des travaux de rénovation des immeubles, qui intègre de nos jours en général une forte composante énergétique, et la protection des locataires. S’agissant de cette dernière, et a contrario des propos du rapporteur de majorité, elle est double et se déploie à deux niveaux : d’une part, le locataire individuel est protégé par le droit du bail – il peut par exemple contester un loyer initial ou une augmentation de loyer – d’autre part, les locataires sont collectivement protégés par la LPPPL, puisque le revenu locatif qui peut être tiré d’un immeuble rénové ne peut pas dépasser un plafond fixé par la Direction du logement en application de ladite LPPPL. Cela signifie que les rendements obtenus par le propriétaire d’un immeuble rénové peuvent être contestés non seulement en application des règles de la LPPPL, mais aussi sur la base du droit du bail. Un article de 24heures du 25 octobre dernier traitant des augmentations de loyer notifiés aux locataires d’un immeuble situé à l’avenue du Grey, à Lausanne a retenu mon attention pour un point qui me paraît essentiel. En effet, l’avocat Xavier Rubli, très proche de l’Association suisse des locataires (ASLOCA) – selon mes informations – admet cette double protection en indiquant que lorsque l’on notifie des hausses de loyer à des locataires, on applique le droit privé, en l’occurrence le droit du bail et non le droit public dont fait partie la LPPPL. On ne peut pas se fonder sur cette loi pour augmenter les loyers. Par conséquent, ce que vous venez de nous dire est caduc. En résumé et au vu de l’ensemble des éléments, je considère que la protection des locataires est aujourd'hui bien assurée.

L’encouragement à rénover des immeubles, notamment sur le plan énergétique, n’est pas suffisant ; j’en suis conscient. On ne rénove pas à un rythme suffisamment rapide les anciens immeubles dans notre pays et dans notre canton en particulier, alors que les enjeux climatiques sont reconnus. Renovate Switzerland, dont je ne partage évidemment pas du tout les modalités d’action, pose toutefois un constat justifié sur le fond. En effet, nous ne rénovons pas suffisamment d’immeubles dans notre pays, alors que nous nous trouvons dans une situation d’urgence. Ainsi, ma motion vise à renforcer l’encouragement à rénover les immeubles ou du moins à en supprimer un frein. Aujourd'hui, il arrive que les revenus locatifs fixés par l’Etat de Vaud en application de la LPPPL après des travaux de rénovation soient inférieurs au revenu locatif autorisé en cas de construction d’un nouvel immeuble à loyer abordable. Cela échappe à la logique et admet une incohérence entre la partie préservation et promotion de la LPPPL. Des loyers considérés comme abordables dans la partie promotion peuvent être considérés comme excessifs dans la partie préservation ; cela doit être corrigé : c’est le but de ma motion.

Enfin, si vous acceptez cette motion, vous encouragerez la rénovation des immeubles sans nuire aux intérêts des locataires. En effet, même avec ma motion, les locataires restent collectivement protégés contre les loyers inabordables et, individuellement, chaque locataire peut continuer de se défendre par l’application du droit du bail. Dans cet esprit, j’aimerais vous encourager à soutenir cette motion. Nous venons de parler du climat relativement à l’initiative. J’estime que si nous ne donnons pas un coup de pouce suffisant aux propriétaires pour entreprendre des rénovations, alors nous nous employons franchement à des contrepèteries sans fin dans cet hémicycle… Impérativement, le plus ou le mieux possible, je vous encourage à soutenir cette motion pour donner une véritable impulsion au climat.     

M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

Je me suis un peu emballé tout à l’heure ; de surcroît, notez que ce n’est pas mon rapport que je vous présente. Avant la recommandation de la majorité de la commission concluant au rejet de la motion, un vote a indiqué que si la motion était transformée en postulat – ce à quoi le motionnaire s’oppose – la commission proposait de le prendre en considération par 6 voix contre 5.

Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP s’oppose à cette motion dans la logique de défense des locataires. La LPPPL a vu le jour pour répondre à la pénurie vaudoise de logements et en conséquence d’augmentation des loyers. Les mécanismes de la loi en vigueur protègent modestement les locataires et ne résolvent par ailleurs pas la pénurie de logements abordables générée par la spéculation foncière des grands bailleurs que sont Bernard Nicod, De Rham ou leurs homologues que vous défendez par ce texte, en réalité, monsieur Jobin. Votre proposition vise de façon incompréhensible un assouplissement de l’article 14, dont l’alinéa 1 permet au département d’intervenir pour limiter la répercussion du coût des travaux sur le revenu locatif. Les loyers prennent l’ascenseur, les profiteurs immobiliers, De Rham, Bernard Nicod et compagnie, se remplissent les poches, tandis que nous vivons une augmentation du coût de la vie et des charges locatives. Face à cette situation, votre motion propose simplement d’enfoncer une porte ouverte. Vous qui prétendiez, quelques semaines plus tôt, vous soucier du pouvoir d’achat des Vaudoises et des Vaudois, je vous rappelle que les locataires représentent plus de 65 % d’entre eux. Finalement, selon l’article 3, alinéa 1, les petits propriétaires ne sont pas concernés par la LPPPL ; ce ne sont donc visiblement pas eux que vous défendez. En effet, sont exclus du champ d’application de cette loi les immeubles d’habitation comprenant jusqu’à deux ou trois logements, si l’un de ces logements est occupé par son propriétaire, un proche parent de celui-ci ou un partenaire. Votre proposition d’assouplissement de l’article 14 est donc claire : vous défendez les profits des plus gros bailleurs. Or, ces propriétaires-là ont suffisamment de fonds pour appliquer les rénovations nécessaires.

Nous refusons par conséquent votre texte. En effet, un toit est un droit et un minimum social ; la possibilité pour l’Etat d’intervenir pour limiter les répercussions maximales des coûts des travaux sur le revenu locatif est une mesure de protection de ce droit. En 2020, l’initiative de l’ASLOCA a confirmé la volonté des Vaudoises et des Vaudois de se doter d’une politique de logement qui promeuve la construction de logements à loyers abordables. Nous devons respecter cette volonté plutôt que d’attaquer une énième fois les locataires comme le fait votre texte. En conclusion, je m’interroge sur le signal envoyé par ce dernier aux 65 % des locataires vaudois qui vont devoir subir l’augmentation des charges de leur logement cet hiver. L’UDC prétend être le parti du peuple ; votre texte révèle à quel point vous êtes surtout le parti des grands bailleurs et de Bernard Nicod.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

La motion confond deux volets très différents de la LPPPL : la préservation des immeubles actuels, d’un côté, et de l’autre, la promotion, l’encouragement à de nouveaux logements. Les loyers maximaux de bâtiments neufs ne peuvent pas s’appliquer à des immeubles anciens que l’on rénove. La motion appliquée ferait bondir le prix mensuel des appartements et bien des gens ne pourraient plus s’offrir ces loyers jusqu’ici bon marché. J’en témoigne volontiers comme co-président lausannois de l’ASLOCA et membre du Bureau exécutif cantonal. Tant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal que le Tribunal fédéral ont validé la méthode cantonale de calcul des nouveaux loyers. Les rénovations énergétiques ne sont pas en cause, ici. Elles doivent doubler, voire tripler et leur coût peut être répercuté entièrement sur les loyers.

Notre collègue Jobin attaque un article central de la loi largement approuvée par le peuple vaudois il y a 5 ans. Le groupe des Vertes et des Verts interroge : notre Grand Conseil veut-il vraiment autoriser de fortes hausses du prix des logements après travaux quand le coût de la vie n’a jamais été aussi élevé depuis longtemps ? Quand les prix de l’énergie atteignent des sommets ? Quand les appartements vacants se font rares ? Quand les primes d’assurance-maladie appauvrissent davantage ? Vous le savez, le loyer représente souvent plus du tiers du budget des personnes à bas revenus. Dans des immeubles anciens, les personnes âgées sont encore nombreuses à avoir des loyers autour de 800 francs, comme c’est le cas à l’avenue du Grey, à Lausanne, un cas souligné récemment par la presse ; monsieur Jobin, nous avons les mêmes lectures. Ces gens n’ont pas les moyens de verser 1400 francs chaque mois après les travaux. Des loyers modestes évitent un recours au revenu d’insertion ou aux prestations complémentaires. Les Vaudoises et les Vaudois désirent des logements qui restent abordables ; ils l’ont encore démontré il y a deux ans en votation populaire. Avant de transformer ou de rénover, il importe de se concerter entre locataires et propriétaires, de trouver ensemble des solutions favorables et des effets acceptables sur les loyers, comme le demande la loi. La motion est déraisonnable, confuse en regard de la loi, elle serait désastreuse pour les petites gens qui habitent des immeubles anciens. Vertes et Verts vous recommandent chaleureusement de transformer pour le moins cette motion en postulat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Je vous invite à conserver des propos respectueux des uns et des autres.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

La motion Jobin permet de mettre en lumière le volet préservation du parc locatif, l’un des deux compris dans la LPPPL. En préambule, je souhaite rappeler dans quel cas ce volet est mis en application et de quoi nous parlons exactement. En effet, la plupart des immeubles touchés par ces dispositions légales sont anciens, vétustes pour certains, peu entretenus pour d’autres, mais ont tous en commun la particularité d’avoir des loyers bas, voire extrêmement bas, puisqu’il s’agit justement d’immeubles anciens et parfois habités par des locataires depuis des dizaines d’années. Les loyers de ces logements sont très bas, nettement plus que ceux pratiqués dans des logements construits actuellement, neufs, soient-ils du marché libre ou d’utilité publique. Or, lorsque les immeubles subissent d’importantes rénovations, énergétiques ou non, le bailleur peut prétendre à des augmentations de loyer. Relativement à cet aspect, il est important de se rappeler pourquoi la LPPPL existe et pourquoi la loi qui l’a précédée – la Loi sur les démolitions, transformations et rénovations (LDTR) – existait aussi, abrogée par l’entrée en vigueur de la LPPPL.

Ce volet de la loi existe dans le but ultime de maintenir sur le parc locatif des logements qui répondent aux besoins prépondérants de la population, raison pour laquelle le Grand Conseil a validé cette loi et que le peuple vaudois l’a confirmée. L’objectif s’avère double : d’une part, permettre aux propriétaires qui effectuent des travaux de pouvoir répercuter une partie de ceux-ci sur les loyers et, d’autre part, de maintenir, malgré l’augmentation, des loyers qui répondent aux besoins prépondérants de la population. Ainsi, les loyers maximaux fixés par les services de l’Etat et qui seront contrôlés pendant quelques années ne tombent pas du ciel ; ils prennent en compte un élément fondamental : le loyer actuel du logement. Plus le loyer est aujourd'hui bas dans un appartement, plus il doit rester bas après rénovation. En effet, vous ne pouvez pas passer d’un loyer de 600 francs par mois pour un quatre pièces – ce qui existe encore actuellement dans certains vieux immeubles – à, du jour au lendemain, 2200 francs, simplement parce qu’on estime qu’on doit appliquer les mêmes normes à la construction de logements neufs qu’à la rénovation de logements anciens. En effet, la différence est si monumentale que la loi ne respecterait plus son but initial qui consiste à maintenir sur le parc locatif des logements qui répondent aux besoins prépondérants de la population. Lorsque le service du logement détermine le loyer maximal après travaux, il va bien sûr prendre en compte les loyers appliqués actuellement dans le logement. Monsieur Jobin, à cet égard, il existe des rendements plus bas que d’autres pratiqués dans certains immeubles, mais nous n’avons encore jamais vu un propriétaire faire faillite parce que son rendement n'était pas suffisant pour couvrir ses charges et produire un bénéfice. Force est par conséquent de constater que certains loyers bas permettent quand même au propriétaire de faire leur pain.

Le but consiste à conserver des logements aux bas loyers sur la base des loyers actuellement pratiqués. Toutefois, le coût des travaux totaux sera également pris en compte tout comme les travaux d’entretien effectués par le passé, le principe étant de ne pas permettre à un propriétaire d’augmenter massivement les loyers, car tout à coup il injecte beaucoup d’argent, alors qu’il n’y a pas mis « une bille » dans les 50 dernières années et que le logement est vétuste.

Enfin, il existe un loyer maximum qui doit être pratiqué dans l’ensemble de l’immeuble réparti en fonction des mètres carrés des logements. Monsieur Jobin, vous avez raison, les augmentations de loyer peuvent être contestées sous l’angle du droit du bail, mais je maintiens qu’il n’est pas question ici du droit du bail, puisque nous parlons de droit public, étatique, cantonal. C’est de cela qu’il faut discuter aujourd'hui. Monsieur Jobin, les exemples que vous citez dans votre motion, notamment d’immeubles pour lesquels les propriétaires se sont vu imposer des loyers maximaux que vous jugez extrêmement bas, sont des cas qui existent, notamment parce que les loyers sont déjà extrêmement bas maintenant et qu’on ne peut assumer de grands écarts qui ne soient justifiés par la simple exécution de travaux. En revanche, je puis vous assurer, monsieur Jobin, que dans le cadre de ma pratique en tant qu’avocate, je constate qu’il existe également des décisions du Service du logement qui permettent ensuite au bailleur de répercuter les travaux et d’arriver à des loyers au mètre carré qui sont supérieurs aux chiffres que vous articulez en lien avec la création de nouveaux logements. En effet, on observe que le Service du logement possède des méthodes qui permettent de s’adapter aux cas concrets, à la situation spécifique de l’immeuble, aux loyers pratiqués actuellement et de répondre aux besoins prépondérants de la population. Si demain vous souhaitez qu’on mette sur un pied d’égalité un immeuble neuf répondant à des normes de construction actuelle et des immeubles anciens, fussent-ils rénovés, vous allez créer une inégalité majeure entre des locataires qui ont le même loyer, certains dans des logements neufs, et d’autres dans des logements anciens rénovés. A fortiori, si votre motion est prise en considération, vous allez tout simplement supprimer l’objectif principal et essentiel de cette loi consistant à maintenir sur le marché locatif les logements qui répondent aux besoins prépondérants de la population et ainsi rompriez le pacte que les Vaudoises et les Vaudois ont scellé avec nous en 2017 lorsqu’ils ont adopté cette loi. En conclusion, je vous encourage vivement, peu importe la forme du texte, à le refuser.

Mme Anne-Lise Rime (PLR) —

Pour que les propriétaires soient encouragés dans la volonté de rénover des immeubles sur le plan énergétique, notamment, il faut que les loyers encaissés à l’issue des travaux soient suffisamment incitatifs. Je parle bien de loyers incitatifs, mais non excessifs ou surfaits. Or, il est absurde de considérer les loyers qualifiés par l’Etat lui-même d’abordables en vertu de la partie promotion de la LPPPL comme étant excessifs. En bref, la motion Jobin ne demande rien d’exagéré. Elle vise à éviter que les loyers fixés après travaux de rénovation soient inférieurs aux loyers autorisés par l’Etat pour des logements à loyers abordables d’utilité publique. En conclusion, le groupe PLR unanime soutiendra le rapport de minorité.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

En préambule, je regrette que la question des loyers des locataires soit devenue un sujet gauche-droite. En effet, 69 % des Vaudois sont locataires. Tenir compte de leurs intérêts appartient aussi à nos devoirs de députés, de gauche ou de droite. Pour rappel, la motion Jobin demande que l’article 14 de la LPPPL soit modifié afin de permettre aux propriétaires de fixer des loyers avec un minimum de ce que prévoit l’article 28 du règlement, dans le but de les inciter à rénover et assainir leurs bâtiments. Le député Jobin estime que les montants contrôlés fixés par mètre carré dans le règlement sont trop bas et que cela va décourager, voire empêcher les investissements et les assainissements, car ils ne seront pas rentables, et que cela va à l’encontre de l’urgence climatique.

Compte tenu des événements récents qui laissent craindre une hausse significative des charges avec les taux hypothécaires qui remontent, ainsi que le coût de l’énergie, envisager d’autres hausses de loyers semble particulièrement malvenu. La problématique des montants qui doivent être investis et ensuite amortis est bien différente selon qu’il s’agisse d’un petit propriétaire d’un ou de quelques immeubles ou d’une gérance d’un grand parc immobilier. Par conséquent, il faut nuancer et élargir les solutions proposées. Depuis 1991, les loyers ne font qu’augmenter, alors que les taux hypothécaires n’ont cessé de baisser. Le problème réside dans le fait que seuls 6 % des propriétaires en Suisse romande – ce n’est pas le cas en Suisse allemande – ont répercuté spontanément cette baisse du taux hypothécaire sur leurs locataires. Cela est bien connu et constitue le principal frein aux travaux de rénovation. La situation est surtout critique, car le parc immobilier n’a pas été modernisé et les appartements n’ont pas été isolés malgré des rendements très élevés ces dix dernières années – ce que vous avez, comme moi, pu lire dans la presse. Or, ces montants n’ont pas été investis dans la rénovation des bâtiments, et les locataires en paient déjà aujourd'hui le prix par le biais d’isolations catastrophiques. Or, la motion Jobin veut faire porter à ces derniers, seuls, le prix de ces rénovations, en autorisant de fortes augmentations de loyers. Incombe-t-il bien aux locataires seuls de porter cette incurie ? Je considère qu’il faut de toute façon encourager les rénovations énergétiques ; cela ne pourra se mettre en place que par un effort de tout-un-chacun. Le département mène déjà des réflexions. J’ai pu lire dans le programme de législature qu’il envisageait un bilan après cinq d’application de cette loi – cela est opportun. En revanche, une motion contraignante ne constitue pas la bonne solution.

En conclusion, je vous propose d’accepter cette motion transformée en postulat afin que le Conseil d'Etat puisse en tenir compte dans l’état des lieux qu’il établira de la mise en application de la LPPPL. Nous devons absolument soutenir une réflexion pour réviser des situations compliquées. En particulier, on sait que pour les petits propriétaires qui n’ont pas pu créer de fonds de rénovation, cela s’avère problématique, devant emprunter. En revanche, pour les institutions ou les propriétaires – et je rejoins en cela certains des propos de Mme Jaccoud – ont pu accumuler des rendements assez exorbitants pendant plusieurs dizaines d’années sans entreprendre de travaux. Ainsi, la problématique n’est pas similaire pour ceux-ci qui auraient dû – qui l’ont peut-être fait – créer des fonds de rénovations grâce aux rendements et pour les plus petits propriétaires qui ont dû emprunter pour l’exécution des travaux. Je vous enjoins à accepter cette motion transformée en postulat afin qu’elle puisse être incluse dans les réflexions du Conseil d'Etat et faire progresser la rénovation de bâtiments, sans que néanmoins cela ne s’effectue au détriment des locataires dont la proportion équivaut à 70 % de la population vaudoise.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je déclare mes intérêts, puisque comme vous le savez, je travaille dans le milieu de l’immobilier en tant qu’administrateur ou avocat, également président d’une fondation d’utilité publique qui gère une trentaine d’immeubles dits du parc ancien dans le canton de Vaud que l’un de nos collègues préopinants connaît bien, puisqu’il y siégeait également à l’époque.

Qu’entend-on par loyer abordable ? Je précise aussi que j’étais président de la commission LPPPL auquel sont prêtées des intentions diverses et variées qui ne me paraissent pas correspondre au texte légal. L’article 1, alinéa 1a, de la loi indique : «  la présente loi a pour but de lutter contre la pénurie de logements en conservant sur le marché des logements loués qui correspondent aux besoins de la population (préservation du parc locatif) ». Il ne dit pas qu’il faut subventionner des logements ou pratiquer des logements aux loyers particulièrement bas comme on l’a laissé entendre. En effet, le but de cet alinéa 1 consiste à éviter la soustraction, notamment par la préservation du parc locatif de logements loués à des fins de vente. Quant à lui, l’alinéa 2 stipule « de promouvoir la construction de nouveaux logements qui correspondent aux besoins de la population (promotion du parc locatif) ». Il n’y a pas de besoin prépondérant dans la loi et, puisque nous évoquions la votation populaire, il existe une présentation du Conseil d'Etat qui explique ce qu’implique la promotion du parc locatif et surtout sa préservation en 7 puces, dont les trois premières sont :

1. Encouragement des travaux d’assainissement énergétiques ;

2. Soutien à la création de logements dans des bureaux;

3. Meilleure information aux locataires avant des travaux d’importance ;

Les droits des locataires ont donc été renforcés. La quatrième indique que la procédure est simplifiée pour les logements isolés dans un immeuble locatif, application limitée aux districts où le taux de logements est inférieur à 1,5%. 

Ainsi, lorsqu’on parle de Bernard Nicod ou d’autres – une série de noms furent tout à l’heure sortis du chapeau – nous sommes complètement hors sujet ! Les entreprises que vous avez citées font précisément du bénéfice lors de la vente d’appartements – la majeure partie – ou par la création de logements neufs qui ne sont absolument pas concernés par notre débat. Au fond, c’est un peu comme si lorsqu’on parle du lait, vous nous parliez systématiquement de Nestlé – que vous n’aimez pas non plus – ou, lorsqu’on aborde la question du blé, que vous nous parliez encore de Nestlé en disant à quel point c’est une affreuse multinationale capitaliste. Là, c’est complètement à côté de la plaque !

En effet, il ne s’agit pas d’une loi sur le subventionnement, mais bien de savoir comment on réadapte les loyers en cas de travaux, en particulier d’assainissement énergique. En outre, on s’est livré tout à l’heure à une caricature des vieux immeubles versus les nouveaux – tout cela paraît d’ailleurs fort compliqué. J’entends régulièrement, depuis plusieurs mois, que les anciens immeubles sont de véritables passoires énergétiques ; j’ai aussi entendu qu’il ne fallait surtout pas investir dans les sociétés à capitaux qui investissent dans le fossile ; l’immobilier est, peut-être, par conséquent, un bon investissement, mais, finalement comme l’a dit Mme Schaller, personne ne veut payer. En outre, il faut que les loyers bas soient conservés. Quant à la question des loyers exorbitants – et il faudrait encore savoir ce que cela signifie ! – ce ne sont en tout cas pas ceux de la LPPPL, puisque nous avons passé de multiples séances pour identifier à quoi ils correspondaient. A partir du moment où notre canton a défini ce dernier principe, j’éprouve quand même beaucoup de peine à comprendre qu’on puisse s’opposer à la motion Jobin en prétextant qu’elle tend à fixer des loyers exorbitants, c’est-à-dire issus de la LPPPL, telle que nous l’avons fixée et dont nous avons défini les règles. Si vous voulez, contrairement au but de la loi, dissuader les propriétaires d’entreprendre des travaux d’assainissement énergétiques, il faut alors que vous vous opposiez à la motion Jobin.

Par ailleurs, j’ai également entendu que les propriétaires n’avaient rien entrepris pendant des années et que, maintenant, ils allaient reporter l’entretien différé sur les locataires ; là encore, c’est faux. Il existe des lois et de la jurisprudence qui protègent les locataires. En effet, vous n’avez pas le droit de reporter sur les locataires ce qui est considéré comme de l’entretien différé, étant précisé encore que sur le report du calcul du loyer il n’y a qu’une partie des travaux qui sont concernés et qui constituent des travaux à plus-value.

Finalement, en refusant la motion Jobin, vous créerez deux types de locataires : les anciens – jeunes ou vieux, peu importe, car certains ont repris le bail de leurs parents – et les nouveaux. Pour ces derniers, pas de commisération, pas de problème sur la préservation du parc locatif, de problème de pénurie de logements, vous êtes jeunes, vous êtes nouveaux, vous pouvez payer plein pot dans les dispositions de la LPPPL. En revanche, si vous habitez un immeuble vétuste qu’on rénove, alors, à ce moment, il ne faut pas toucher au loyer, mais continuer à avoir ce que j’appellerais une rente de situation. Cela paraît constituer – et je m’en étonne vis-à-vis de ceux qui défendent les milieux des locataires – une inégalité crasse de traitement, car vous aurez dans le même ascenseur, dans le même couloir, un locataire qui paiera le double ou le triple d’un autre, mais simplement nous aurons estimé, pour des raisons qui ne correspondent pas aux buts de la LPPPL, qu’il ne fallait pas toucher aux loyers des précédents locataires.

Enfin, quant aux arrêts de la CDAP constamment cités, j’aimerais préciser que cette dernière n’a pas indiqué qu’il s’agissait du meilleur système dans le meilleur des mondes possible, mais a appliqué la loi. Une loi que précisément la motion Jobin souhaite changer et que je vous invite à soutenir massivement.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Madame Marendaz, un petit éclaircissement à l’article 9, dans notre cahier de travail : on doit impérativement citer nos intérêts, pour autant que nous en ayons. Je ne connais pas M. Bernard X, je n’ai donc aucun intérêt avec lui ou avec des associations quelconques.

De plus, pour être clair, je suis parfois également un locataire, je n’ai donc aucun intérêt notoire à attaquer les locataires. J’ai dit précisément que lorsqu’on notifie les hausses de loyer à des locataires, on applique le droit privé. Cela veut dire que c’est le droit du bail et non le droit public de la LPPPL. Il faut bien comprendre cela. Ma motion n’attaque pas les locataires, bien au contraire. Je vous encourage donc à soutenir cette motion. Si nous ne soutenons pas cette motion, je suis convaincu que le climat ne nous remerciera pas.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Il est important de dire ici qu’il ne s’agit pas de se prononcer pour ou contre l’encouragement des rénovations. Il ne s’agit pas ici de déterminer si, oui ou non, les immeubles sont des passoires énergétiques. Il ne s’agit pas ici de déterminer si, oui ou non, il y a une priorité en lien avec les enjeux climatiques et de l’énergie de rénover les bâtiments. Nous avons une multitude d’occasions, lors des débats, de nous prononcer sur ces éléments, afin de déterminer s’ils sont prioritaires pour nous. Ce n’est pas l’objet de cette motion. Cette motion concerne uniquement le fait de savoir si l’on accepte de faire porter le coût de ces rénovations un peu plus sur les épaules des locataires et un peu moins sur les épaules des bailleurs. C’est purement et simplement un report de charges qu’on veut effectuer aujourd’hui, des bailleurs aux locataires, pour que ceux-ci – je cite M. Marc-Olivier Buffat – « n’aient plus de rentes de situation ». C’est ainsi que l’on nous présente aujourd’hui des locataires qui bénéficient de loyers bon marché. Je vous encourage donc vivement à refuser cette motion, à ne pas faire peser sur les épaules des locataires encore plus la charge de ces travaux et de ces rénovations d’immeubles. Je vous encourage à prendre conscience du fait que les bailleurs ont, aujourd’hui, les reins suffisamment solides pour engager les travaux et continuer à obtenir des rendements suffisants avec les règles qui sont celles en vigueur actuellement. Il s’agit bel et bien de ne pas faire porter un peu plus sur les épaules des locataires la charge de ces travaux qui sont exécutés dans les immeubles de notre canton. La question se résume donc à cela : voulons-nous faire porter un peu plus sur les locataires le prix de ces rénovations ? La réponse est non ! Je vous encourage à refuser cette motion, fût-elle transformée en postulat.

M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

Je me permets d’apporter une précision technique. On parle de l’article 14 de la LPPPL, or si vous lisez le texte, cet article commence par « Hormis les travaux d’assainissement énergétique… ». Je ne suis donc pas sûr que la motion de notre collègue Jobin va résoudre ce problème d’assainissement énergétique, puisqu’ils sont explicitement exclus dans cet article. Cela dit, je conçois que l’on a pris du retard dans la rénovation du parc locatif. C’est une question légitime. Mais on ne peut pas motiver cette motion sur des enjeux énergétiques.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Sans surprise, je vais dire le contraire de ce qu’a dit Mme Jessica Jaccoud. Nous sortons d’une campagne électorale où l’on a entendu « il faut et il n’y a qu’à rénover les immeubles ; le potentiel est énorme ». Finalement, comment est-ce qu’on s’y prend ? Lorsqu’on était interpellé dans le cadre de la campagne électorale, je disais : « je me réjouis de voir comment cela va se passer. » Et cela se passe exactement, dans le cadre de la motion Jobin. Ceux qui aiment la jurisprudence, puisque cela a été cité, vous trouverez sur le site du Tribunal cantonal un arrêt de 2013 – référence 0.157 – qui est emblématique. Il y a une caisse de pensions – ce n’est donc pas un affreux propriétaire immobilier – qui veut assurer les retraites des employés et ouvriers qui ont travaillé dans l’entreprise. Comme projet, elle propose l’agrandissement et la surélévation de trois étages d’un immeuble situé au centre-ville. Premier écueil : personne ne veut, dans le quartier, de surélévation ; et pourtant, cela a été voté par le peuple et bon nombre de plans généraux d’affectation (PGA) prévoient ces possibilités de surélévation. Mais, après, il faut répartir les coûts de la rénovation de l’immeuble, après trois ans de procédure. Qu’a prévu le propriétaire ? Car, monsieur Eggenberger, un immeuble n’est pas seulement un saucisson ou une pièce montée, mais c’est un tout. En l’espèce, le propriétaire, qui s’est fait prendre à parti dans une longue procédure, prévoit l’installation de panneaux photovoltaïques, la réalisation d’un assainissement pour faire du Minergie et la réfection complète de l’immeuble, y compris les fenêtres et la chaufferie. Tempête parmi les opposants, qui se posent la question du report sur les loyers. Pour les appartements nouveaux, puisqu’il y a une surélévation, on est, selon la jurisprudence, à 240 francs le m2 ; pour un appartement entièrement neuf de 100 m2, vous arrivez à 2'000 francs nets par mois. On est donc loin d’une opération de spéculation immobilière. Se pose ensuite la question, pour ceux qui sont en dessous, avec des appartements partiellement rénovés, soit ceux qui ont bénéficié de toutes les mesures d’amélioration thermique. Dans ce cas, le tribunal arrive à la conclusion qu’il faut en rester à 180 francs le m2, ce qui correspond à 1'500 francs par mois. Cela signifie que, dans le même immeuble, pour des appartements entièrement refaits à neuf qui bénéficient du dernier cri – l’immeuble datait de 1980, sauf erreur – vous avez deux catégories de locataires : celui qui est déjà sur place et qui bénéficie d’un système où tout est refait à neuf sans avoir à payer, et le nouveau locataire qui aura un loyer plus du tiers supérieur aux autres ; cela ne fonctionne pas ! Si l’on veut sortir de la problématique de la crise climatique, si l’on veut véritablement rénover les immeubles, il faut trouver un système paritaire qui concerne aussi l’ensemble des locataires. Bien sûr, sur la durée, la caisse de pensions peut se limiter à un rendement de 2 ou 2,5 %, mais vous imaginez bien que sur le long terme il ne va pas être possible de financer des investissements de plus en plus coûteux pour la transition climatique. C’est une chose de dire « oui, il faut rénover », mais nous sommes, avec cette motion, face à un texte décisif. Il faudra arrêter de dire, dans cet hémicycle, « il faut, il n’y a qu’à » et être vent debout pour s’opposer à tout lorsque, précisément, on peut donner un coup de pouce à la rénovation énergétique des bâtiments – tout comme on s’oppose aux éoliennes, à la surélévation des bâtiments ou à la répercussion, même modeste, sur les loyers. Madame la présidente du Conseil d’Etat, dans votre programme de législature, vous êtes ambitieux quant au programme énergétique sur les bâtiments, mais je pense que ce vote sera décisif pour savoir si cette rénovation est possible, et à quel rythme, car si on se heure systématiquement à des oppositions, on n’y arrivera pas !

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

Beaucoup de choses ont été dites et je ne vais pas répéter les propos de mon préopinant. J’aimerais poser des questions à M. Moscheni qui, ce matin, parlait des caisses de pensions. Est-ce que les caisses de pensions sont autorisées à investir dans l’immobilier et à faire des profits dans ce domaine ? Ou pas du tout ? Dans ce cas on se trouverait face à un deuxième problème. Et qui paie les charges, dans un appartement – électricité, chauffage, etc. ? Selon moi, c’est au locataire de payer les charges.

Cette motion a deux intérêts. Lorsqu’un propriétaire fait une démarche d’entreprendre des travaux, il initie cette réflexion : que fais-je, pourquoi, comment, avec quels moyens et quelles répercussions sur les loyers, par rapport à l’investissement que je peux faire et aux réserves que j’ai dans mon fonds de rénovation ? Toutes ces questions se posent ; on ne se dit pas cela tout à coup. C’est une étude qui est mise en place. La LPPPL avait justement cette volonté de permettre aux propriétaires de mener cette réflexion, de rénover et d’améliorer, en priorité au niveau énergétique. Cette motion est vraiment cadrée avec cela. Je vous invite à être en phase avec la réalité et à ne pas faire un débat gauche-droite. Laissez un peu de largesse afin de pouvoir transformer et améliorer, pour que les locataires soient bénéficiaires par rapport aux charges, pour que les loyers soient contrôlés. Le législateur, lorsqu’il a voté la LPPPL, avait la volonté de motiver les propriétaires à transformer, entretenir et rénover. Tout le monde est gagnant. Il faut donc soutenir cette motion.

Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Une étude de l’ASLOCA a montré récemment que les loyers, en Suisse, auraient dû baisser en raison de taux d’intérêt bas, mais qu’ils ont au contraire augmenté entre 2005 et 2021. En 2021, les locataires suisses ont payé 10 milliards de francs en trop, 370 francs par mois par ménage locataire. Les locataires paient toujours plus que les bailleurs. Je ne sais pas de quels locataires vous êtes, monsieur Jobin, peut-être d’un appartement à Verbier… (Remous dans la salle.) Même les mécanismes prévus dans la loi, comme l’ajustement du coût des loyers au taux d’intérêt ne sont pas respectés au niveau fédéral. Vous proposez là de rendre ce qui était avant un plafond maximal d’augmentation des charges sur les locataires suite à des travaux, un prix fixe d’augmentation de ces charges. Comme le dit Mme Jaccoud, vous proposez simplement ce report de charges des travaux des bailleurs sur les locataires.

C’est de la poudre de perlimpinpin que de brandir la question climatique sur ce sujet, monsieur Jobin. Comme l’a rappelé M. Eggenberger, les travaux de rénovation énergétique ne sont pas compris à cet article. L’article 14 « conditions », alinéa 1, dit : « Hormis les travaux d’assainissement énergétique, le département peut limiter les répercussions des coûts des travaux de démolition, de transformation ou de rénovation sur le revenu locatif. » C’est donc de la poudre de perlimpinpin et des mensonges que vous nous présentez là, messieurs Buffat et Jobin, en brandissant la question climatique. Vous ne pouvez pas dire cela, c’est totalement faux ! D’ailleurs, il y a d’autres propositions, postulats et motions en cours, au sujet de ces répercussions des charges des travaux de rénovation énergétique entre bailleurs et locataires qui vont nous occuper prochainement dans ce Parlement. Dans notre groupe, nous faisons en sorte de ne pas opposer justice sociale et écologie, comme vous le faites aujourd’hui. Ce que vous amenez sur la table est purement faux.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Je ne vais pas faire de la discipline toute la journée. Je vous remercie de ne pas céder à des attaques personnelles – ce n’est guère ce qui est attendu de vous dans ce Parlement –, mais vous invite plutôt à la sérénité des débats. Beaucoup de travail nous attend avant Noël, et je suis persuadée que chacun peut défendre ses arguments tout en conservant le respect des positions et des idéaux de l’autre.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

J’aimerais intervenir sur la forme. Je ne comprends pas qu’une majorité – dût-elle contenir un membre de mon groupe – puisse proposer la transformation de cette motion en postulat. Il s’agit ici d’une proposition de modification de loi. C’est la définition même d’une motion. La transformer en postulat équivaut à laisser le Conseil d’Etat trancher à notre place. Nous ne sommes pas là pour cela, mais pour donner des injonctions au Conseil d’Etat et adopter des lois. Si on n’est pas d’accord avec la motion Jobin, on vote contre, si on est favorable, on vote pour – c’est mon cas – mais l’idée de la transformer en postulat par gain de paix est une idée indigne de notre Parlement.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Vous aurez compris que je suis le membre vert’libéral dont on vient de parler. Je trouve également très dommage que cela cristallise à ce point la situation, avec des attaques qui empêchent de réfléchir sur le fond. Les éléments qui ont été apportés sont assez factuels. Mme Marendaz a cité une étude effectuée par la banque Raiffeisen sur laquelle l’ASLOCA s’est ensuite appuyée, l’année dernière, pour calculer que, en effet, les locataires avaient payé plusieurs milliards en trop chaque année, étant donné le rendement qui était trop élevé par rapport à ce que la jurisprudence avait fixé. Et où sont allés ces montants dont on ne parle jamais ? Si j’étais propriétaire, j’aurais créé des fonds de rénovation avec ces montants, avec ces rendements élevés. Grâce à ces fonds de rénovation, les propriétaires pourraient effectuer ces travaux dont on a urgemment besoin. Soyons honnêtes, il y a deux cas de figure assez différents : le cas du propriétaire d’un petit bien immobilier, voire d’une maison, qui n’a pas de fonds de rénovation, parce qu’il a hérité, acheté ou construit, et qui n’a pas les moyens d’effectuer ces travaux et doit emprunter ; et il y a les gros propriétaires ou les régies, qui ont pu constituer des fonds de rénovation au fil du temps qui devraient être utilisés pour ces travaux de rénovation. Selon moi, il y a de l’argent qui n’a pas été affecté au bon endroit et qui pourrait être utile pour ces rénovations.

De plus, il faut aussi prendre en compte les taux hypothécaires, qui n’ont pas été baissés depuis des dizaines d’années, ce qui pose de réels problèmes au moment des rénovations. Quand le taux est resté à 6 ou 7 % pour les locataires et que le propriétaire effectue des travaux, il doit baisser le taux de référence, ce qui entraîne une baisse de loyer, puis répercuter une partie des travaux sur le calcul du loyer, ce qui entraîne très souvent un calcul de loyer à peu près identique à ce qu’il y avait avant. C’est donc évidemment une raison de ne pas effectuer ces travaux. Ces deux raisons parfaitement objectives pourraient être incluses dans la réflexion que le Conseil d’Etat mènera en faisant le bilan de la situation, dans le cas où cette motion transformée en postulat – que je soutiens car il y a une réflexion et un bilan à faire, dans l’intérêt de tout le monde – est acceptée. En revanche, si elle était renvoyée sous la forme d’une motion, elle serait trop contraignante et obligerait le Conseil d’Etat à modifier ses calculs, ce qui serait totalement en défaveur des locataires. Je vous invite donc, même si certains de mon parti ne sont pas d’accord, à soutenir la transformation de la motion en postulat et donc le rapport de majorité.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Les propos de Mme Marendaz ne l’honorent pas. Madame Schaller, vous savez la sympathie que j’ai pour vous, mais encore une fois, il s’agit du droit privé, soit du droit de bail. Cela n’a absolument rien à voir avec la LPPPL. Je vous en conjure : essayez de réfléchir différemment, car cela n’a strictement rien à voir. Mme Marendaz était à côté de la plaque avec ce qu’elle a dit ; cela ne touche pas la LPPPL ! Je vous encourage à soutenir ma motion. Madame la présidente, si jamais, pour vous aider, je demanderai une motion d’ordre.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

J’aimerais revenir sur l’intervention de M. Haury, qui se trompe ; il faut donc le lui dire. La motion est impérative. Dans ce cas, la motion de M. Jobin est pernicieuse dans la forme et particulièrement nuisible sur le plan sociétal. Il faut le dire, cette proposition ne facilitera en rien les rénovations énergétiques, qui sont exclues de l’article 14 de la LPPPL. Lors de travaux, c’est l’information et la concertation qui permettront les meilleures solutions et de cadrer les futurs loyers. La motion détruirait l’équilibre fragile, la modération qui a été trouvée avec l’adoption de la LPPPL, qui a plu à la grande majorité des Vaudoises et des Vaudois en février 2017. N’augmentons pas la fragilité d’un certain nombre de nos concitoyennes et concitoyens qui habitent dans des logements encore bon marché. Si on y effectue des travaux, l’augmentation doit être mesurée. C’est le pari que nous avons fait en adoptant cette loi. Il ne s’agit pas de détruite un dispositif qui a trouvé un excellent équilibre. Je vous invite à transformer cette motion en postulat ; pour le vote final, chacune et chacun fera comme il le souhaite.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

On a affaire ici à un sujet politiquement très sensible, on l’a constaté avec les propos un brin outranciers qui ont pu être tenus dans cet hémicycle. Comme souvent, les objets sont différents en fonction de notre orientation politique. Est-ce que l’on vise surtout à favoriser la voix des locataires ou est-ce que l’on vise à faciliter la rénovation de logements ? Il convient d’avoir un discours rationnel à ce propos et, comme souvent, ces deux objectifs s’avèrent louables ; il s’agit donc de les concilier : à la fois, favoriser l’assainissement des bâtiments et garantir des logements à loyer abordable. La question est comme toujours de savoir où placer le curseur. La pratique actuelle de contrôle des loyers a été jugée conforme à la LPPPL et au droit supérieur par les tribunaux. La question est ici différente : il s’agit de se demander si, indépendamment de sa valeur légale, le système doit être modifié, notamment en changeant la loi.

Au niveau du gouvernement, nous n’avons pas de réponse définitive à cette question, mais nous avons un intérêt à analyser la situation, puisque la LPPPL est entrée en vigueur depuis quelque temps. Cela fait quelques mois que nous avons lancé une étude globale relative au logement dans le canton – pas seulement liée à la LPPPL – pour voir si les outils à notre disposition en matière de logement sont encore adaptés. Cela permettra de dresser un bilan des premières années d’application de la LPPPL, pour considérer si notre boîte à outils favorise réellement l’accès à des logements pour la population en fonction de l’ensemble des besoins des Vaudoises et des Vaudois. Nous souhaitons mener une analyse globale, pas seulement sectorielle en lien avec la motion Jobin. Pour aller de l’avant, faciliter la rénovation des bâtiments tout en garantissant des loyers accessibles est au cœur de ces études. Dès lors, pour le Conseil d’Etat, motion ou postulat sont possibles, puisque nous souhaitons nous livrer à une analyse de la situation. Dans ce cadre, si intervenir est nécessaire, nous ne nous limiterons pas à une seule solution, mais nous analyserons plusieurs réponses potentielles pour voir s’il s’agit d’améliorer la situation et, si oui, quelle est la meilleure méthode. Dès lors, le renvoi du postulat ou de la motion sont possibles, mais dans la perspective d’une étude globale sur les outils liés au logement, et avec des réponses qui seraient potentiellement plus étendues que celle proposée par M. Jobin.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la transformation de la motion en postulat par 76 voix contre 61 et 2 abstentions.

Le Grand Conseil prend la motion en considération par 76 voix contre 63.

M. Alexandre Démétriadès (SOC) —

Je demande un vote nominal.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui acceptent le classement de la motion votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil prend la motion en considération par 76 voix contre 64.

*Insérer vote nominal

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