Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 29 mars 2022, point 18 de l'ordre du jour

Documents

Rapport de commission_RC-MIN-(20_PRE_4)_S. Aschwanden

Rapport de Commission_RC-MAJ-(20_PRE_4)_P. Zwahlen

Texte adopté par CE - INI Mischler - 19_INI_011 - publié

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M. Pierre Zwahlen (VER) — Rapporteur-trice de majorité

Dans son exposé des motifs, le Conseil d’Etat est d’avis que l’aviation civile doit participer à l’effort de réduction des gaz à effet de serre (GES), puisque les externalités générées par les voyages en avion, qui réchauffent et dérèglent le climat, ne sont pas intégrées dans le coût du billet d’avion, à l’heure actuelle. C’est bien parce que les Chambres fédérales avaient introduit une taxe sur l’aviation dans la Loi sur le CO2 que le Conseil d’Etat a renoncé à soutenir l’initiative Maurice Mischler et émis un préavis négatif avant le vote populaire du 13 juin 2021.

Dans sa stratégie climatique à long terme, le Conseil fédéral s’est fixé pour objectif que le transport aérien international, au départ de la Suisse, ne produise plus d’émissions nettes déréglant le climat, dès 2050. Au départ de la Suisse, ces émissions de GES ont bondi de 75 % supplémentaires entre 1990 et 2019. Bien que refusée au niveau national, la Loi sur le CO2 a été adoptée à 53,2 % par le canton de Vaud, qui serait ainsi légitimé à exercer son droit d’initiative. Selon l’initiant le fruit de cette taxe permettra la création d’un cercle vertueux en versant cet argent à un fonds pour des investissements favorables au climat.

Pour certains commissaires, le « oui » du canton de Vaud à la Loi sur le CO2 encourage à faire valoir la voix du peuple vaudois à Berne, au moins pour la taxe sur les billets d’avion, tandis que d’autres commissaires entendent respecter la décision du peuple suisse et renoncer au renvoi de cette initiative à l’Assemblée fédérale. Il faut encore rappeler ici l’un des arguments conclusifs du Conseil d’Etat : « Le kérosène n’est pas frappé de l’impôt sur les huiles minérales, contrairement aux autres carburants. Dès lors, une majoration raisonnable des billets d’avion permettrait de diminuer une offre trop attractive pour des vols courts et moyens, et de financer des mesures efficaces pour réduire les GES. La Commission thématique des affaires extérieures recommande au Grand Conseil d’entrer en matière sur ce projet de décret, par 8 voix contre 7.

M. Sergei Aschwanden (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

La minorité de la commission vous invite à revenir sur la position du Conseil d’Etat qui émet un préavis, ce pour quatre raisons principales. Je vous rappelle que l’Assemblée fédérale avait décidé d’introduire dans la nouvelle Loi sur le CO2 une taxe sur les billets d’avion et sur l’aviation générale, car jusqu’à ce jour les effets des GES ne sont pas intégrés dans le coût d’achat d’un billet d’avion. Il faut se souvenir que c’est bien parce que les Chambres fédérales avaient pris une décision qui correspondait à sa vision que le Conseil d’Etat a décidé de ne pas soutenir l’initiative Maurice Mischler !

Un deuxième élément d’importance conforte la minorité de la commission à inviter le Grand Conseil à refuser cette initiative : le refus par le peuple de la Loi sur le CO2. La population a clairement montré qu’elle ne souhaite pas être taxée et encore moins en cette période post-Covid délicate. Il faut tenir compte de l’avis du peuple et il faut surtout le respecter. Le moment n’est pas opportun pour ce type d’initiative. 

Troisièmement, il est surprenant d’entendre que l’initiant estime que le refus la Loi sur le CO2 doit être considéré comme un accident de parcours. Peut-on en déduire que l’initiant ne respecte pas la démocratie et le choix du peuple ? La minorité de la commission estime justement que le signal donné par le peuple montre qu’il ne fait pas sens de taxer les gens. Bien au contraire, il s’agit de continuer avec les mesures cantonales d’impulsion et les programmes de soutien.

Quatrièmement, pour conclure, pas plus tard qu’il y a quelques mois, le Conseil national a enterré une série d’initiatives cantonales – plus de six – qui allaient exactement dans le même sens que celle de l’initiant, en argumentant clairement qu’il était prématuré d’agir après le rejet de la Loi sur le CO2. De plus, un postulat a été déposé pour montrer comment il est possible d’atteindre un trafic aérien neutre en termes de CO2, d’ici 2050. Enfin, la Chambre du peuple examinera la question dans le cadre des discussions relatives à la politique climatique de la Suisse à long terme. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission invite le Grand Conseil à ne pas entrer en matière et à refuser ce décret.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Maurice Mischler —

Je remercie le Conseil d’Etat d’avoir mis tant de temps à répondre à cette initiative. En effet, je l’avais déposée le 15 janvier 2019 ; il y a donc plus de 3 ans. Ainsi, nous pouvons revenir sur le sujet après la votation sur la Loi sur le CO2 et après le vote au Conseil national – comme l’a dit M. Aschwanden – sur la prise en considération d’initiatives de neuf cantons – et non 6 – sur le sujet, et ce, même après le Covid. Ainsi, à mon avis, il est tout à fait opportun de remettre l’ouvrage sur le métier pour rétablir une justice sur le fait que le kérosène ne soit pas taxé et que le secteur de l’aviation est exempté de TVA. Vous qui êtes libéral, vous serez d’accord avec moi : il faut payer les choses au juste prix, surtout au prix environnemental. Je remercie aussi le Conseil d’Etat pour la qualité de son rapport sur le sujet ; j’y ai appris énormément de choses et il est très complet. On y apprend que le transport aérien contribue pour un tiers des émissions de CO2 motorisées en Suisse. Combien de temps permettra-t-on cette distorsion de concurrence ?

D’autre part, la conclusion de l’exposé des motifs et projet de décret est étonnante, car elle déclare : « Depuis le dépôt de l’initiative du député Maurice Mischler, l’Assemblée fédérale a choisi d’introduire les taxes sur les billets d’aviation et sur l’aviation générale décrite dans cet exposé des motifs et projet de décret, si bien que le renvoi de cette initiative n’est aujourd’hui plus opportun. » Comme si les carottes étaient déjà cuites… « Et ce, d’autant plus que ce projet de loi sera soumis au référendum le 13 juin prochain » – mais cela était en 2019. Pour cette raison, le Conseil d’Etat émet un préavis négatif à cette initiative. Cependant, il recommande de soutenir la Loi sur le CO2 soumis au scrutin populaire, à l’instar de l’ensemble des cantons suisses qui se sont exprimés dans le cadre de la Conférence des gouvernements cantonaux, en mars 2021, à la seule exception du canton de Schwytz. Ainsi, je pose officiellement la question au Conseil d’Etat : puisque la Loi sur le CO2 a été refusée, les choses ont donc évolué ; est-ce qu’il confirme son préavis négatif à cette initiative ? Et je vous rappelle que vous avez largement soutenu cette initiative ; il s’agit donc de poursuivre votre effort. M. Chollet a fait tout à l’heure un vibrant plaidoyer contre EasyJet et les vols à bas prix ; je vous attends donc, monsieur Chollet, pour confirmer votre soutien à cette initiative. 

Le Grand Conseil a voulu une sécurité alimentaire accrue. Allons donc au bout du raisonnement : faisons en sorte que les voyages en avion soient encouragés le moins possible et encourageons une production locale d’énergie. On parlait de jets privés et de vols de plaisance ; j’aimerais citer un article de Vigousse, du mois d’octobre 2021, rédigé par l’excellent Laurent Flutsch : on y apprend que pour l’aéroport de Sion, il y a eu 37'000 vols privés pour 22'000 passagers en 2020. Oui, vous avez bien entendu : il y avait plus de vols que de passagers ! Pourquoi ? Parce que les places de stationnement sont moins chères à Sion que dans les autres aéroports et parce que le prix du kérosène est ridiculement bas. Cela signifie que les pilotes d’avions privés vont faire escale à Sion, même s’ils sont à Milan ou à Lyon, pour pouvoir gagner de l’argent, et ce, tout en polluant et en produisant du CO2. De plus, si on regarde l’impact de l’aviation sur les émissions de CO2, on remarque que ce n’est que 2,5 % dans le monde ; en Suisse, jusqu’à l’année dernière, on estimait que c’était 11 %. Mais une nouvelle étude montre que nous arrivons en fait à 27 %, soit plus d’un quart de toutes les émissions en Suisse.

Enfin, on remarque que les compagnies retrouvent des couleurs, financièrement parlant ; on l’entend dans la presse, presque tous les jours. Cela pourrait faire plaisir économiquement, mais si on ne fait rien, on se retrouvera comme avant, avec une progression toujours plus importante des émissions de CO2, alors que nous savons que nous devons les diminuer chaque année de 5 %. Les seules années où une telle baisse a été observée étaient en 1932 après le krach de Wall Street, en 1945 après la guerre, et en 2020, grâce au Covid. Pour marquer notre contribution à la COP26, je le redis : il faut remettre l’ouvrage sur le métier et transmettre cette initiative au Parlement fédéral pour qu’il entende la voix de la raison et soutienne notre économie locale en termes énergétiques.

Comme j’ai la parole, je vous donne quelques nouvelles du front. Outre la sécheresse que nous avons vécue ces derniers mois, avec quelques incendies au Tessin et dans le Valais, on a eu des inondations et des vagues de chaleur en Australie ou en Californie ; des glissements de terrain à Madagascar à la suite d’inondations ; un iceberg de la taille de Los Angeles s’est détaché de l’Antarctique suite à une vague de chaleur qui correspond à 40° de plus que les normales saisonnières, soit comme s’il faisait 70° dans le canton de Vaud. Pour couronner le tout, il y a aussi une vague de chaleur actuellement en Arctique, où on enregistre des températures de 30° au-dessus des moyennes saisonnières. Le glacier Thwaites – l’un des plus grands du monde – menace de s’effondrer et de tomber en pleine mer ; il s’en suivrait une augmentation de la montée des eaux de plus de 3 mètres. Enfin, au niveau local, le lac Léman n’a plus fait son brassage annuel hivernal, qui a pour effet d’oxygéner le fond, depuis plus de 10 ans, à cause des hivers trop doux. En conclusion, ne soyons pas un Parlement décadent et acceptons cette initiative.

M. Yann Glayre (UDC) —

Une fois n’est pas coutume, nous discutons à nouveau d’une nouvelle taxe visant spécifiquement la classe moyenne et les plus faibles. Si la volonté de l’initiant est louable, les conséquences de l’initiative sur les émissions de CO2 seront inexistantes. Les personnes aisées paieront leurs taxes sans sourciller et les familles à petit budget se serreront la ceinture pour pouvoir amener leurs enfants en vacances. Je rappelle que 280'000 habitants de notre canton n’ont pas la capacité financière de payer leurs primes d’assurance-maladie. Malgré cela, ils ont eux aussi le droit de partir en vacances une fois par année. Le groupe UDC vous invite à refuser ce décret et soutient le rapport de la minorité de la commission.

M. Jean Tschopp (SOC) —

En effet, il y a eu une votation et le peuple a refusé la Loi sur le CO2 ; c’est l’information que n’avaient pas les membres de la commission au moment de siéger. Le groupe socialiste souhaite que les investissements dans le rail soient privilégiés le plus rapidement possible. L’intérêt de la votation, c’est qu’en échange de l’introduction de cette taxe il y avait des investissements importants, aussi bien pour l’assainissement énergétique des bâtiments – ce qui nous tient à cœur, pour que les locataires s’y retrouvent également – que pour le rail. Ce n’est pas en premier lieu cet axe à tout prix que nous souhaitons. Il y a des messages à donner à toute la population pour privilégier les trajets en train, à chaque fois que c’est possible, en particulier pour les trajets en Europe. C’est ce message que nous devons faire passer aujourd’hui. Vous comprendrez donc que, du côté du groupe socialiste, il y a un peu moins d’enthousiasme, vu le vote qui est intervenu entretemps et qui a mis un terme à toutes les mesures de compensation et d’investissement ambitieuses qui constituaient un véritable pendant au moment du vote sur la Loi sur le CO2.

M. Vincent Keller (EP) —

La crise climatique a montré que les chiffres de l’aviation, s’agissant de la proportion d’émission de CO2, sont gigantesques. Comme cela a été rappelé par l’initiant, ces chiffres ont été revus à la hausse – 27 % de GES dans ce pays. Avec la fin des restrictions dues à la pandémie, nous risquons de revenir à la situation d’avant 2020, voire probablement pire. Nous le savons, depuis la Convention de Chicago, le kérosène n’est pas taxé. La conséquence dramatique est que le transport aérien devient moins cher et donc trop concurrentiel par rapport à d’autres modes de transport, notamment le train, qui est plusieurs fois moins polluant que l’avion. Certaines et certains au Conseil national tentent d’encourager notre pays à lancer des discussions pour rediscuter cette Convention de Chicago au niveau international. La pollution a un coût ; cela paraît simpliste à dire, mais c’est ainsi. Il paraît tout aussi simple et évident de dire « qui pollue paie ». Le prix au kilomètre parcouru n’englobe pas l’entier des coûts directs et indirects du voyage en avion. La pollution due directement aux transports aériens n’est donc pas prise en compte. C’est comme le nucléaire : le prix du kilowattheure ne contient pas l’entier des coûts directs et indirects de sa production – le démantèlement des centrales, l’acheminement des combustibles nucléaires, la politique internationale vers les gisements extrêmement onéreuse malgré les mensonges des lobbies pro-nucléaires.

Concernant les avions, notre pays doit respecter les conventions et les accords internationaux ; nous sommes d’accord avec ce principe. Nous devons aussi respecter le choix du peuple, qui a refusé la Loi CO2 ; nous sommes également d’accord avec cela. Mais notre pays peut proposer des outils d’encouragement, comme cette taxe sur les billets d’avion en Suisse ; c’est exactement ce que propose cette initiative. Evidemment, le risque de la taxe – nous en sommes conscients et nous ne sommes pas des fanatiques des taxes – est qu’elle crée un déséquilibre et donc de l’iniquité, notamment concernant l’accès aux transports aériens. Une taxe ne touchera jamais les riches et les puissants ; ils pourront continuer à détruire allégrement la planète. Ce ne sont pas quelques pourcents sur deux litres de kérosène qui vont changer quelque chose à leur portemonnaie. Il faut donc que le produit de cette taxe puisse aussi profiter aux classes populaires ; c’est le principe de la taxe CO2 actuelle qui permet une réduction des primes d’assurance-maladie. Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutiendra donc la transmission de cette initiative cantonale aux Chambres fédérales, qui demande une taxe sur les billets d’avion, et vous invite à soutenir le rapport de la majorité de la commission.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d’Etat

Le Conseil d’Etat le dit clairement dans son préavis : nous soutenons l’introduction d’une taxe sur les billets d’avion et sur l’aviation en général, autrement dit les vols d’affaires. En effet, pour le Conseil d’Etat, le transport aérien national et international pèse lourd sur le climat et la demande a très fortement augmenté ces dernières années, en particulier pour les vols de courtes et moyennes distances, avec de nouvelles compagnies spécialisées sur ces segments.

Aujourd’hui, on ne paie pas le juste prix pour les billets d’avion, par rapport aux nuisances que l’aviation génère. Le kérosène n’est même pas frappé d’un impôt sur les huiles minérales. Mais voilà, entretemps, la Loi sur la CO2 qui prévoyait de telles taxes a été refusée en votation populaire au niveau fédéral. C’est la raison pour laquelle nous avions émis un préavis négatif, parce que la loi fédérale proposait déjà ces taxes ; il nous semblait donc à l’époque que l’initiative était inutile. Depuis le 13 juin dernier, on doit exposer un certain nombre de développements. Tout d’abord, le 23 septembre, l’Assemblée fédérale a refusé neuf initiatives cantonales qui demandaient l’introduction d’une taxe sur les billets d’avion. Ces initiatives provenaient de tous les autres cantons romands, mais également de Saint-Gall, Lucerne, Berne, Bâle-Ville et Bâle-Campagne. Le Conseil national a également refusé de rouvrir le débat sur l’introduction d’une taxe sur l’aviation d’affaires, il y a quelques semaines, dans le projet de prolongation de la Loi sur le CO2 existante. Par ailleurs, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) de rédiger une nouvelle Loi sur le CO2, d’ici la fin de l’année, et cette loi exclut d’introduire toute nouvelle taxe. Pour moi, il était important de vous nantir de tous ces détails avant que vous ne vous prononciez.

Pour répondre à la question de précise de M. Mischler, le Conseil d’Etat a fait son préavis ; c’est donc au Grand Conseil de décider ce qu'il veut faire. Le Conseil d’Etat ne reprendra pas le dossier. En conclusion, je soutiens l’intervention de M. Tschopp suggérant d'investir dans le rail. Le Conseil d’Etat est très actif dans ce domaine. Quant aux locataires, c’est une grande priorité pour le Conseil d’Etat, afin que cette transition énergétique ne repose pas sur les épaules des locataires. Du reste, mon département a publié un communiqué de presse la semaine dernière, concernant les aides aux locataires et les aides aux PME en matière de transition énergétique et d’outils techniques pour éviter une surconsommation d’énergie.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est refusée par 63 voix contre 53 et 11 abstentions.

M. Maurice Mischler —

Je demande le vote nominal.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent le rapport de la majorité de la commission et acceptent l’entrée en matière votent oui ; celles et ceux qui soutiennent le rapport de la majorité de la commission et refusent l’entrée en matière votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l'entrée en matière est refusée par 66 voix contre 52 et 10 abstentions. 

*Insérer vote nominal

Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation Denis Rubattel

Débat

La discussion n'est pas utilisée.

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