Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 9 mars 2021, point 9 de l'ordre du jour

Texte déposé

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Documents

Rapport de commission_MIN_CTAE_19_INI_019_F. Cardinaux

Rapport de la commission_MAJ_CTAE_19_INI_019_E. Räss

Objet

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Pierre Zwahlen (VER) — Rapporteur-trice de majorité

(remplaçant Etienne Räss, ancien député)La charge financière en matière de santé sexuelle et reproductive repose essentiellement sur les femmes, en particulier les moyens de contraception qui ne sont pas remboursés par l’assurance-maladie de base, soumise à la Loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal). L’initiant demande le remboursement par l’assurance-maladie, sans quote-part ni franchise, des moyens de contraception féminin et masculin, dont l’efficacité est reconnue scientifiquement, des frais liés à une interruption de grossesse et de ceux liés aux examens gynécologiques.

La représentante du Conseil d’Etat a relevé des problèmes d’accès à la contraception et au contrôle gynécologique rencontrés par une partie de la population. En effet, diverses études montrent que plus de 27 % des Vaudoises n’ont effectué aucune visite chez un gynécologue au cours des 12 derniers mois ; 14 % des Vaudoises n’ont jamais eu de frottis du col de l’utérus au cours de leur vie, sachant que ce type d’examen permet de déceler des cancers. En comparaison européenne, la Suisse se positionne au bas de l’échelle en matière d’accès à la contraception, et ce, notamment du fait que le financement n’est pas pris en charge par l’assurance-maladie. La contraception n’est pas qu’une affaire privée qui ne concernerait que les femmes. La santé sexuelle et reproductive représente un enjeu majeur de santé publique, en raison des conséquences sociétales que les difficultés d’accès peuvent engendrer, en particulier en lien avec la détection de cancers, de maladies sexuellement transmissibles et de grossesses non désirées.

Auditionnées par la commission, deux représentantes de la Commission thématique de la santé publique se sont montrées favorables à soumettre cet objet auprès de l’Assemblée fédérale, évoquant notamment le fait que les éléments évoqués dans cette initiative concernent des situations qui sont assumées par les femmes, alors qu’elles sont clairement liées à des problématiques de couple. Le débat en commission indique qu’il s’agit de sortir de la logique de maladie. Les frais de consultation gynécologique de contraception ou liés aux fausses-couches avant la 13e semaine ne sont pas négligeables — on parle de plusieurs de centaines de francs par année.

D’autres députés craignent que cela ouvre la porte à des demandes de suppression de quote-part et de franchise pour d’autres prestations de la LAMal, car personne n’est vraiment égal devant la maladie. Des commissaires relèvent de leur côté que les mesures de prévention évitent à long terme des maladies non détectées ou mal soignées qui peuvent engendrer des coûts bien plus élevés que la mise en place des mesures de détection ou de prévention. Dans le même ordre d’idée, les coûts physiques, psychiques et économiques d’un enfant non désiré sont également évoqués. La conseillère d’Etat entend que la question des coûts paraît importante. En cas de renvoi de l’initiative au Conseil d’Etat, l’exposé des motifs inclurait l’évaluation des conséquences financières d’une telle extension du catalogue des prestations de la LAMal et l’évaluation des coûts induits par le manque de mesures préventives ou de dépistage. Cela permettra au Grand Conseil de se prononcer en connaissance de cause sur la transmission de l’initiative à l’Assemblée fédérale.

Le deuxième tiret des demandes de l’initiative est modifié en supprimant le mot « volontaire » et devient : « Remboursement intégral par l’assurance-maladie des frais liés à une interruption volontaire de grossesse - suppression de la quote-part et de la franchise ». La commission accepte cette modification par 13 voix et 1 abstention. Ainsi, la Commission thématique des affaires extérieures préavise en faveur de la prise en considération de l’initiative telle que modifiée et de son renvoi au Conseil d’Etat, par 7 voix pour et 7 voix contre, avec vote prépondérant du président, mon prédécesseur et ex-collègue Etienne Räss.

M. François Cardinaux (PLR) — Rapporteur-trice de minorité 1

Non, il n’est pas possible de simplement étendre la couverture de la LAMal à tout ce qu’on souhaite ! Non, le texte déposé ne correspond pas à ce qui a été dit au niveau fédéral ! Non, ce qui est demandé est tout simplement inadmissible, et ce, pour plusieurs raisons !

Premièrement, on modifie la LAMal — ce qui est une habitude dans ce canton — pour demander à faire passer quelque chose de plus dans l’assurance de base. Deuxièmement, on augmente les prestations de LAMal sans nous dire quels sont les coûts. Troisièmement, on augmente aussi l’Etat-providence, et l’on ne gagne strictement rien !

L’initiative soumise ne présente ni ne demande d’évaluation de coûts. Elle demande d’intervenir sous cette forme auprès de l’Assemblée fédérale pour une modification de la LAMal. Nous allons encore être les vilains petits canards qui osons aller dire « on aimerait un peu plus que la base ». Non, ce n’est pas possible ! Cette initiative n’est pas acceptable et il ne faut pas la renvoyer aux Chambres fédérales. Non, cette initiative est un leurre. Je pense que, cette fois, cela suffit d’essayer de faire passer tout et n’importe quoi. Il y a des franchises et des quotes-parts ; cela a été décidé ainsi ! On ne va pas passer par-dessus. Je vous invite à refuser cette initiative.

Je précise que, quand on parle ici de rapport de minorité, nous sommes 7 contre 7, avec la voix prépondérante du président — qui n’est plus là.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Le grand mouvement féministe qui traverse ce pays depuis 2019 est venu nous rappeler que les inégalités entre les femmes et les hommes demeurent nombreuses, profondes et qu’elles indignent de larges couches de la population. Parmi ces inégalités, il y a les dépenses de santé sexuelle et reproductive qui pèsent encore presque exclusivement sur les femmes. C’est une thématique qui a été portée sur la place publique par le mouvement féministe et qui a fait l’objet de plusieurs interventions parlementaires aux Chambres fédérales, en vue d’une prise en charge plus égalitaire de ses dépenses. Ce sont des dépenses dont on conviendra qu’elles concernent la société dans son ensemble, et pas seulement les femmes. Compte tenu de ces diverses interventions en cours sur le plan fédéral, il paraît opportun que le canton de Vaud — le troisième canton suisse par son poids démographique — apporte un soutien, en transmettant une initiative aux Chambres fédérales qui pourrait renforcer les différentes démarches. Cette initiative, comme l’a rappelé le rapporteur de majorité, demande une modification de la LAMal qui permettrait un remboursement intégral — sans quote-part ni franchise — des moyens de contraception, des frais liés à une interruption de grossesse et des examens gynécologiques. Ce sont des revendications qui ne sont en rien radicales. Ces dépenses sont déjà intégralement remboursées par la sécurité sociale dans de nombreux pays industrialisés. Cette suppression de quote-part et de franchise est également pratiquée en Suisse pour certaines prestations, notamment liées à la maternité. Non seulement une telle extension du remboursement par l’assurance-maladie permettrait une prise en charge plus égalitaire, chargeant moins uniquement les femmes, mais elle apparaît aussi nécessaire pour lutter contre une certaine précarité liée aux dépenses de santé sexuelle et reproductive qui touchent de nombreuses femmes de condition modeste. Par exemple, l’accès à la contraception — la contraception coûte environ 300 francs par année — est une dépense difficile à assumer, en particulier pour une partie des jeunes en formation. On a eu l’occasion d’évoquer cette problématique ce matin dans le cadre du postulat de notre collègue Muriel Thalmann.

Mme la conseillère d’Etat Ruiz a également rappelé des statistiques très inquiétantes, durant les débats en commission. Je ne vais pas les rappeler, car elles ont été citées dans le détail par M. Pierre Zwahlen, mais ce sont des chiffres inquiétants — notamment le nombre important de femmes qui renoncent à des consultations gynécologiques, à des frottis visant à détecter des cancers — qui montrent qu’aujourd’hui la prévention fonctionne mal, notamment pour cause de problèmes financiers. L’initiative proposée ici est aussi un investissement en termes de santé publique qui permettrait de réduire certains problèmes graves de santé et qui, au final, conduirait peut-être à une baisse des coûts de la santé, en permettant de détecter de manière plus précoce des problèmes graves. Je ne partage donc pas du tout la vision de M. Cardinaux qui parle de coûts exorbitants. Il est vrai que les coûts détaillés ne sont pas chiffrés, mais monsieur Cardinaux, vous auriez pu prendre la peine d’être attentif au débat de commission, vous y auriez appris que Mme la conseillère d’Etat s’est engagée, si cette initiative était renvoyée, à mener une étude pour chiffrer plus précisément les coûts dans le cadre de l’exposé des motifs qui nous sera soumis. Je vous rappelle la procédure : si nous acceptons cette initiative, il faudra encore que le Grand Conseil confirme son vote dans un deuxième temps, sur la base d’un rapport plus détaillé, d’un exposé des motifs du Conseil d’Etat dans lequel pourront figurer des chiffres plus précis à l’intention des Chambres fédérales. J’espère donc que ce Parlement fera preuve d’ouverture en acceptant de prendre en considération cette initiative qui, je le crois, répond à une aspiration assez large dans la population que nous devons entendre.

M. José Durussel (UDC) —

En préambule, je tiens à souligner notre surprise que ce sujet soit traité par la Commission thématique des affaires extérieures. Il aurait été beaucoup plus adapté et approprié de le confier à la Commission thématique de la santé publique. Mais nous sommes des députées et députés polyvalents et nous nous adaptons ; cela a été fait durant la commission.

Je rejoins le rapporteur de minorité, M. Cardinaux, lorsqu’il argumente un arrosage financier sans limite pour toute la population, alors qu’aujourd’hui des remboursements sont organisés pour les jeunes adultes. Avec ce genre d’initiative, on se dirige inévitablement vers des augmentations de primes d’assurance-maladie, augmentations qui sont combattues presque toutes les semaines dans ce Parlement et par notre peuple — il suffit de parler avec les citoyens pour le comprendre. Au nom du groupe UDC, je vous recommande donc de ne pas prendre en considération cette initiative et de la classer.

M. Yves Paccaud (SOC) —

Soucieux d’une prévention efficace et conscients que les mesures proposées permettent d’éviter des infections sexuellement transmissibles, des cancers du col de l’utérus et des grossesses imprévues, les membres socialistes de la commission soutiennent cette initiative.

M. François Cardinaux (PLR) — Rapporteur-trice de minorité 1

Ce qui est dit cet après-midi ne correspond à rien ! On est de nouveau en train d’essayer de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. On va demander à la Berne fédérale de prendre en considération un vœu pieu du canton de Vaud ! Mais bon sang de bon soir, est-ce qu’on ne pourrait pas, pour une fois, être logique et respecter ce que nous avons ! Que l’on aille beaucoup plus en avant dans la prévention, mais qu’on ne me parle pas d’égalité sexuelle, car cela n’a rien à voir ! Revenez au texte, lisez-le bien et vous verrez que l’on ne peut faire qu’une chose : l’abandonner !

M. Andreas Wüthrich (V'L) —

A quoi servent la LAMal et les assurances-maladie si ce n’est pas à pallier les inégalités entre les personnes face à la quête d’une bonne santé ? La reproduction n’est de loin pas uniquement une affaire de femmes. Il faut que ces frais soient répartis de manière égalitaire entre toutes les personnes ; c’est ce que vise cette initiative. Notre système des assurances-maladie promeut la solidarité ; celle-ci met à rude épreuve la population des jeunes de notre société, peu touchés par les problèmes de santé, mais qui doivent contribuer fortement au système avec le paiement des primes. Il me paraît normal que lesdites assurances prennent en charge une part des frais qui sont plus spécifiques aux jeunes adultes. Si cette initiative est renvoyée au Conseil d’Etat, elle aura encore un long chemin à faire et les demandes qu’elle contient seront retravaillées encore maintes fois. Nous ne prenons quasiment aucun risque d’effets négatifs en l’adoptant maintenant. Par contre, il vaut la peine d’inciter le Parlement fédéral à réviser la LAMal.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

C’est en tant que représentante de la Commission thématique de la santé publique que je prends la parole. J’ai, à ce titre, participé à une séance de la commission et j’y ai exprimé un avis favorable à soutenir cet objet auprès de l’Assemblée fédérale, parce que cette initiative concerne des situations qui sont assumées et payées par les femmes, notamment la contraception et l’interruption de grossesse, alors qu’elles sont clairement liées à des problématiques de couple. La prise en charge de ces frais par la LAMal permettrait de corriger les inégalités constatées à ce propos. De notre point de vue, ce texte vise à réduire les inégalités. La demande de l’initiant est ciblée, précise, et ne concerne que les dépenses de santé sexuelle et reproductive. Elle est juste et équitable. Je vous invite à soutenir ce texte.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Toutes les décisions d’aujourd’hui tournent autour d’une prise de conscience de toute une série de situations qui sont liées à des inégalités par rapport aux femmes. Les questions liées à la santé sexuelle reposent sur les femmes et il en est de même pour un certain nombre de coûts, alors qu’il s’agit d’un problème de couple. Les chiffres déjà relatés par mes prédécesseurs montrent qu’un certain nombre de femmes renoncent à des contrôles pour des questions de coûts et, par conséquent, se privent de l’occasion de déceler des maladies — cancer du col de l’utérus ou autres. Cette initiative, qui demande le remboursement intégral de certains acquis de la santé sexuelle et reproductive, me semble aller dans le bon sens. Elle permet de répartir de façon un peu plus juste et d’atténuer certaines inégalités qui ont été relevées par mes préopinants. Ce n’est pas à la femme seulement d’assumer les coûts liés à la santé sexuelle du couple. Je vous invite à transmettre l’initiative telle qu’elle a été amendée par la commission.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Renvoyer cette initiative au Conseil d’Etat m’ennuie ! Même si on nous a dit qu’on pouvait la renvoyer pour avoir sa réponse, à la fin, lors de la votation finale, on nous rappellera que, dans ce débat, le Grand Conseil avait déjà accepté de renvoyer cette initiative à la Confédération. En même temps, on ne peut pas s’asseoir dessus et dire « circulez, il n’y a rien à voir ». Il y a toute une série de problématiques qui sont évoquées, dont votre serviteur aimerait bien que l’on ait une fois un rapport sur le sujet. En effet, durant une année, j’ai été assistant en gynécologie obstétrique du CHUV — en 1983-84 — j’ai fait plus d’une centaine d’interruptions de grossesse, j’ai travaillé dans des centres de planning et je suis bien obligé de constater que, quelque 40 ans plus tard, rien n’a changé. Quant aux examens gynécologiques, il faut constamment, et pour chaque génération, ne pas forcément les rendre gratuits, mais expliquer quelle est leur signification et quelle est leur importance. Je suis un peu frustré, car je n’ai pas envie d’une initiative fédérale. En même temps, je trouve dommage de la refuser et de ne pas avoir un tableau des problèmes de santé sexuelle, de contraception, avec les interruptions volontaires de grossesse et les examens gynécologiques, dans le canton de Vaud. Dès lors, je verrai ce que va donner le vote. Et suivant quoi, je reprendrai une partie de cette initiative dans un postulat, pour avoir la satisfaction de recevoir un certain nombre d’informations.

Mise à part cela, il est parfaitement vrai — mais cela est dû à la Loi sur le Grand Conseil — que cela aurait été traité de manière totalement différente à la Commission thématique de la santé publique.

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

Je suis effaré ! En effet, je me pose une question : quelle est la société dont nous voulons demain ? Une société responsable ou une société d’assistés ? Cette initiative demande à l’Etat d’intervenir jusque dans la chambre à coucher. Les chaussettes m’en tombent ! De plus, cette initiative est perverse, puisque la LAMal est subventionnée si elle dépasse 10 % du revenu. C’est une tranche de plus en plus minime de la population qui va subventionner ces coûts supplémentaires. Or, cette tranche de la population n’aura pas de questions à se poser quant aux problèmes de procréation puisqu’elle n’en aura plus le temps. A mon sens, il faut refuser cette initiative.

M. François Cardinaux (PLR) — Rapporteur-trice de minorité 1

Non, mesdames mes deux préopinantes, la santé publique ne concerne pas que les femmes, cela concerne tout le monde, tous ceux qui ont des relations sexuelles. Je comprends très bien mon préopinant, le docteur Vuillemin, qui se rappelle des bons vieux temps de 1983-84 et qui nous indique qu’il y a encore des soucis. Mais ce n’est pas ce qu’on nous demande ! On nous demande que nous, canton de Vaud, allions dire à Berne qu’il faut maintenant payer tout avec franchise et gratuité, sans tenir compte des éléments. De plus, je rappelle, comme l’a dit M. Jean-Rémy Chevalley, qu’aujourd’hui on aide déjà les gens. Dès lors, si on aide les gens au niveau des primes, il faut arrêter de venir essayer de nous demander toujours plus de gratuité. Ce n’est pas acceptable. On ne peut pas simplement payer ! Je ne peux pas l’accepter. Il ne faut absolument pas renvoyer cette initiative ni au Conseil d’Etat, ni au Conseil National, ni ailleurs. 

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Nous voulons simplement rétablir une équité. Ce n’est pas une question d’être assistés, d’en vouloir toujours plus ou de l’Etat-providence. C’est simplement une décision qui a été prise il y a X années et qui a exclu ces prestations. Nous ne les considérons pas comme une prestation de base à prendre en charge en totalité ; c’était culturel. Or, actuellement, les choses changent. Il s’avère qu’il faut retrouver un peu plus d’équité dans la répartition des coûts et des recettes. C’est le bon moment pour rétablir cette équité.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Mon collègue Cardinaux interprète à sa façon ce que je raconte. J’ai dit que je n’étais pas enthousiasmé par une initiative fédérale, cela me paraît clair ! (Rires dans la salle). En revanche, dire qu’il n’y a pas de problème, c’est inepte ! J’ai assez vu, en 35 ans de métier, ce que cela donne. J’ai assez pratiqué d’interruptions de grossesse, avec tout ce que cela implique. Je me suis assez battu pour que l’on sache apporter une contraception, des fois à des personnes très jeunes. J’ai même dû aller devant un tribunal, car j’avais voulu donner une contraception à une jeune fille de 13 ans et 11 mois, alors que je n’avais pas le droit, parce que je n’avais pas envie de la retrouver pour une interruption de grossesse. A l’époque, ce qu’on faisait, mais qu’on ne faisait pas savoir, c’est qu’il y avait un fonds au CHUV, pour celles qui étaient en détresse, qui venaient pour une interruption de grossesse, qui venaient du Valais, de Fribourg — alors que ces cantons disaient que ce n’était pas un problème chez eux ; les cantons catholiques qui les envoyaient chez les cantons protestants à côté. C’étaient les assistants du canton protestant d’à côté qui devaient s’occuper de cela et ils le faisaient avec conscience et éthique. Combien de fois n’a-t-on pas réussi à faire en sorte que cela ne leur coûte rien ? Ces problèmes de santé publique n’ont pas changé pour un clou ! Pourquoi ? Parce que les bipèdes sont toujours les mêmes, à travers le temps, et pas seulement en 1985, en 2021 aussi. Le tout est de savoir ce qu’on peut payer, ce qui est en relation avec la manière dont ces générations vivent les choses. En même temps, il ne faut pas oublier qu’il y a une responsabilité individuelle. On ne peut pas consommer les choses sans se poser de questions. C’est donc un sujet très compliqué. C’est pourquoi cette initiative fédérale me dérange, car c’est une façon de faire perdre du temps à quelque chose qui nécessiterait que l’on n’en perde pas, mais en même temps je regrette, je ne peux pas dire que cela n’existe pas. Il y a des mesures à prendre. Il y a un tas de secteurs dans ce canton qui font quelque chose, à commencer par PROFA, mais ils ne sont pas les seuls. Des choses devaient être dites. Vous en savez maintenant davantage sur mon parcours. D’un côté, je m’en fiche, et de l’autre, j’en suis fier. C’est un problème qui nécessite autre chose que des attitudes tranchées « je suis tout pour ou je suis tout contre ».

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d'État

La santé sexuelle et reproductive représente un enjeu majeur de santé publique, ne serait-ce qu’en regard des conséquences sanitaires, sociétales, que ces difficultés d’accès peuvent engendrer — cancers, infections sexuellement transmissibles, des grossesses non désirées. J’ai la conviction qu’il faut investir davantage dans la prévention, pour réduire les coûts pour la société ainsi que les inégalités de genre et les inégalités sociales dans l’accès aux soins, et ce, quelle que soit l’issue que vous donnerez à ce débat et à cette initiative. Toutefois, il est vrai aussi, monsieur Cardinaux, qu’une prise en charge assurantielle permettrait de couvrir cette prévention de manière plus égalitaire, et ce, dans toutes les régions de notre pays. Comme j’ai pu le dire lors de la séance de la commission, mon département, cas échéant le Conseil d’Etat, est disposé à examiner plus avant cette initiative, si le Grand Conseil devait décider de nous la transmettre. Comme cela a également été dit par un député, et comme je l’avais dit en séance de commission, le projet de décret intégrerait un point sur l’évaluation des conséquences financières d’une telle extension du catalogue des prestations de la LAMal, ainsi que l’évaluation des coûts induits par le manque de mesures préventives ou de dépistage, car cela a été dit, quand on ne va pas faire des contrôles chez le gynécologue, pour des raisons d’accès financier, des raisons culturelles ou pour diverses autres raisons, cela peut induire des coûts très importants, lorsque des maladies ne sont pas dépistées à temps, ne sont pas traitées ou sont traitées tardivement. Ces points devraient aussi faire partie de la mise en balance des différents coûts qui devraient être en votre possession pour pouvoir juger in fine, en connaissance de cause, la nécessité ou non de transmettre cette initiative à l’Assemblée fédérale ou de saisir le Conseil d’Etat d’une autre manière, tel que cela a été évoqué dans le cadre de vos débats.

M. François Cardinaux (PLR) — Rapporteur-trice de minorité 1

J’aimerais encore relever un détail qui me semble important, car c’est une nouvelle méthodologie qui nous est proposée. On demande à une Commission thématique des affaires extérieures de bien vouloir parler de l’initiative du canton auprès de l’Assemblée fédérale et, derrière, on envoie des spécialistes de la santé publique qui viennent donner une indication claire et nette de ce qu’elles désirent. Les deux se sont exprimées, donc il n’y a pas de problème, on sait ce qu’elles veulent. Mais c’est à ce moment-là que cela ne va pas : on est de nouveau en train de dire, et Mme la conseillère d’Etat en premier, « oui, on pourrait peut-être étudier combien cela coûte, si vous nous renvoyez le cas ». Et bien non, madame la conseillère d’Etat, ce n’est pas possible. Soit on a dès le départ des notions claires, nettes, précises et l’on sait où l’on va, soit l’on dit simplement « non, on ne renvoie pas cette idée » et l’initiative est directement avortée — mais ce n’est peut-être pas le terme adéquat.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d'État

A mon tour de ne pas bien comprendre votre intervention, monsieur Cardinaux — qui d’ailleurs intervient systématiquement après les prises de parole des conseillères et conseillers d’Etat. La séance de commission a eu lieu et, comme à l’accoutumée, lorsqu’une motion, un postulat ou une initiative est traitée en commission, la coutume veut que la conseillère d’Etat ou le conseiller d’Etat en charge du dossier soit présent, accompagné par des spécialistes des questions traitées. Dans le cadre de la Commission thématique de la santé publique, en général, ce sont des représentants de l’Office du médecin cantonal ou de la Direction générale de la santé qui viennent apporter une série d’éléments pour permettre aux députés de se forger une opinion, de répondre à des questions. Ces questions sont nombreuses ; vous aurez l’occasion de vous en rendre compte dans le cadre des commissions à venir dans le domaine de la santé. Il y a souvent des questions posées par les députés. Il me tient à cœur qu’un maximum de réponses soient données aux députés dans le cadre de ces commissions, pour qu’ils puissent argumenter, étayer et se forger une opinion, d’autant plus qu’on a la chance de pouvoir compter, dans l’Administration cantonale vaudoise, sur des spécialistes. Ce qu’il s’est passé durant cette commission, qui semble vous avoir heurté dans son procédé, c’est que des questions ont été amenées et, surtout, un certain nombre de constats, qu’ils vous plaisent ou non monsieur Cardinaux, ont été amenés de la part de mes collaboratrices, s’agissant de l’état de la santé sexuelle et reproductive dans notre pays et notre canton, avec toute une série d’éléments statistiques qui ne sont d’ailleurs pas que nationaux, mais également internationaux, car il existe des comparaisons. Dans ce cadre, ce n’est pas autre chose… Si le Grand Conseil décide de nous transmettre cette initiative, nous serons obligés — M. Buclin l’a dit — de revenir avec un projet de décret qui contiendra toute une série d’éléments qui vous permettront de décider in fine si vous souhaitez nous le renvoyer ou non. Puisque la question des coûts en charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS) a fait partie intégrante de votre argumentation, monsieur Cardinaux, je vous ai dit que des éléments chiffrés vous seront amenés, pour que les députés puissent se forger une opinion en ayant l’entier des éléments à disposition. Voilà ce qu’il s’est passé, monsieur Cardinaux.

M. Pierre Zwahlen (VER) — Rapporteur-trice de majorité

J’espère que nous aurons, du côté du rapport de minorité, à l’avenir, des arguments un peu moins à l’emporte-pièce, mais fondés sur quelques arguments plus solides. A cet égard, j’aimerais citer la doctoresse Saira-Christine Renteria, spécialiste en gynécologie obstétrique au Département Femmes et Enfants du CHUV, qui affirmait récemment qu’il existe une vraie précarité — M. Vuillemin parlait tout à l’heure de détresse — en matière de contraception, liée à l’éducation, au jeune âge ou aux moyens financiers. Il existe un Atlas européen de l’accès à la contraception qui, en 2019, classait la Suisse avec un indice d’un peu plus de 57. Ce chiffre était particulièrement bas, si on le compare à celui de l’Allemagne qui est de 75, à ceux de la France et de la Belgique qui sont de 90, en raison du remboursement partiel de la contraception dans les systèmes de santé français ou belge, de la gratuité pour les mineurs en France et en Allemagne, du remboursement jusqu’à 25 ans en Belgique, de la gratuité pour les groupes vulnérables sans emploi et au bas revenu en Belgique et en France. Ces points de comparaison nous permettent de fonder notre argumentation dans le sens de l’initiative de notre collègue Buclin. Au nom de la commission, je vous invite à soutenir cette initiative.

M. François Cardinaux (PLR) — Rapporteur-trice de minorité 1

Je ne peux pas laisser simplement dire ce qui a été dit par mon préopinant. Je rappelle que cela a fait l’objet, à la page 2 de votre rapport de majorité, d’une audition d’une délégation de la Commission thématique de la santé publique. Cette délégation a été composée, non pas par des spécialistes, mais par deux députées. Et dans le contexte général, à la page 3, on parle d’un contexte de remboursement sans quote-part ni franchise. C’est tout ce que je voulais dire et j’aimerais que l’on soit clair sur ce que l’on va voter.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de l’initiative par 69 voix contre 63 et 4 abstentions.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Je demande un vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 députés.

Celles et ceux qui sont favorables à cette initiative votent oui ; celles et ceux qui y sont opposés votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération de l’initiative par 71 contre 62 et 3 abstentions.

* Introduire le vote nominal

 

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