Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 9 mars 2021, point 8 de l'ordre du jour

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Rapport de commission - Prolongation congé maternité hospitalisation (min.)

Rapport de commission - Prolongation congé maternité hospitalisation (maj.)

Objet et développement

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M. Felix Stürner (VER) — Rapporteur-trice de majorité

Ayant constaté un manque dans la législation fédérale au sujet des femmes hospitalisées suite à de graves complications liées à leurs grossesses, et dont le congé maternité débute à la naissance de leur enfant, sans possibilité de rallongement, l’initiant se propose de pallier ce manque. Afin d’éviter à ces jeunes mères de se retrouver dans une situation compliquée, tant du point de vue psychologique et physique que financier, l’initiant demande au Conseil d’Etat de faire usage de son droit d’initiative, afin de proposer une modification de la Loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (LAPG), permettant aux femmes présentant des complications importantes suite à un accouchement de prolonger leur congé maternité au prorata de la durée de leur hospitalisation, lorsque celle-ci atteint au moins trois semaines. Du côté de la cheffe du Département de la santé et de l’action sociale, il a été précisé que le Conseil fédéral a souhaité changer la législation permettant aux femmes de bénéficier d’un congé maternité plus long à partir du moment où l’enfant sort de l’hôpital, mais en n’incluant pas la possibilité de le prévoir pour les cas évoqués par l’initiant. Si elle comprend le fait d’utiliser le droit d’initiative cantonal au niveau fédéral, elle doute de son succès au Parlement fédéral. Elle imagine agir au sujet des cas soulevés par l’initiant au moment de l’élaboration du règlement d’application faisant suite à la modification de la LAPG, car il y aura alors une consultation du canton, voire de le faire éventuellement par le biais de la Conférence suisse des directeurs de la santé (CDS).

La discussion générale en commission dégage rapidement deux tendances totalement opposées. D’un côté, une majorité est en faveur du dépôt de l’initiative, ce qui a déjà été réalisé à Fribourg et devrait l’être dans d’autres cantons romands. De l’autre côté, il y a une minorité qui pense que le dépôt d’un postulat, avec une étude portant sur plusieurs cantons, serait plus indiqué. Le premier groupe, dont je me fais ici le porte-parole, estime d’une part que la prise en considération de ces cas parfois très compliqués est primordiale. D’autre part, au vu du nombre restreint de situations, celles-ci ne vont pas engendrer une charge financière exagérée pour les finances de l’Etat.

Bien que les statistiques soient plutôt ténues quant au nombre d’hospitalisations prolongées au-delà de trois semaines, des cas existent bel et bien. Dès lors, il convient de prévoir une couverture sur le plan salarial et des assurances sociales, en plus d’un droit à un congé maternité. En outre, il paraît indiqué de déposer un objet cantonal, puisque ce dernier viendra se joindre à des démarches similaires en cours à Genève, en Valais et à Neuchâtel. Elles devraient communément renforcer le poids de la demande auprès des instances fédérales. Les propos de la représentante du Gouvernement corroborent cette vision, à quoi s’ajoute le fait que le canton de Vaud devra aussi se positionner dans le cadre de la consultation sur le règlement d’application de la LAPG.

En cas de renvoi de l’initiative, le Gouvernement sera également en mesure d’intégrer les données liées aux hôpitaux vaudois dans sa réponse. Cela donnera un ordre de grandeur sur le nombre de semaines d’hospitalisation et le coût au niveau suisse. L’initiant précise encore que ce ne sont qu’environ 10 % des femmes qui accouchent qui sont concernées. Pour la grande majorité, elles sont hospitalisées moins de trois semaines. Au-delà de cette durée, cela signifie qu’il y a de grandes complications. Néanmoins, il s’agit d’une exception hospitalière pour une durée de quelques jours, cela ne concerne pas énormément de femmes. Pour toutes les raisons susmentionnées, la majorité de la commission recommande, par 10 voix contre 5, la prise en considération de l’initiative et son renvoi au Conseil d’Etat.

M. Sergei Aschwanden (PLR) — Rapporteur-trice de minorité 1

En préambule, la minorité de la commission tient à informer qu’elle est sensible à la situation des mères confrontées à des hospitalisations prolongées et qu’une réflexion doit avoir lieu. Toutefois, à la vue des informations et des discussions qui ont lieu en commission, la minorité de la commission estime qu’il faut rejeter cette initiative et plutôt envisager la possibilité de déposer un postulat, et ce, pour cinq raisons :

La première est que nous connaissons tous le peu de chance qu’une initiative reçoive un accueil favorable et, en règle générale, ce type de démarche a une chance d’aboutir si plusieurs cantons déposent simultanément une initiative, ce qui ne semble pas être le cas aujourd’hui. A l’heure actuelle et selon les informations que j’ai obtenues, seul le canton de Fribourg a déposé un texte similaire. Lors de la commission, Mme la conseillère d’Etat a même proposé de présenter ce sujet au sein de la CDS. Pour la minorité, cette démarche semble être une approche plus sensée.

La deuxième raison est que, actuellement, il n’y a pas de chiffres précis et détaillés concernant le nombre de mères qui se retrouvent dans une situation aussi malheureuse. Pour obtenir ces chiffres, la seule possibilité consiste à enquêter auprès des hôpitaux et des maternités. De plus, l’initiant se base sur une seule statistique pour le dépôt de cette initiative ; cela nous semble léger.

La troisième raison est qu’il ferait sens de déposer un postulat demandant au Conseil d’Etat d’établir un rapport détaillé, afin d’avoir une base de données chiffrée ainsi que l’estimation des coûts engendrés par des prolongations d’hospitalisation.

La quatrième est qu’il a été expliqué en commission qu’un nombre très restreint de femmes sont touchées par des complications prolongées. Et si une telle situation venait à se produire, ces femmes sont couvertes par d’autres types d’assurances.

La cinquième raison a, entre autres, été évoquée par le rapporteur de majorité, au sujet de la position du Conseil fédéral et du texte qui est stipulé dans le rapport de majorité.

Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission vous invite à refuser cette initiative.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Sébastien Cala (SOC) —

Je remercie le président de la commission pour son rapport très complet. Comme cela a été dit, des femmes se retrouvent chaque année hospitalisées pour une longue durée suite à de graves complications liées à leur grossesse, qu’il s’agisse de pré-éclampsie, d’éclampsie, de septicémie, d’embolie ou d’hémorragie. Ces diverses complications peuvent, dans certains cas, nécessiter une hospitalisation de plusieurs semaines. Malgré cela, le congé maternité accordé à ces femmes débute à la naissance de leur enfant et n’est pas rallongé, même si ces dernières sont dans l’incapacité de s’occuper de leur enfant pendant plusieurs semaines ou de reprendre leur activité professionnelle immédiatement à la fin de leur congé maternité. La révision de la LAPG qui est entrée en vigueur dernièrement permet le rallongement, et non plus le délai, du congé maternité en cas d’hospitalisation prolongée du nouveau-né, mais rien n’est prévu en cas d’hospitalisation prolongée de la mère. Or, l’accueil d’un enfant, quand l’accouchement se passe mal, n’est assurément pas simple ; bien au contraire. Si l’on ne permet pas à ces femmes déjà atteintes dans leur santé de prolonger leur congé maternité, on les place dans une situation très compliquée. En effet, en plus des difficultés psychologiques et physiques que revêt une telle situation, s’ajoutent de potentielles difficultés financières. Une femme hospitalisée suite à d’importantes complications risque fort de ne pas pouvoir reprendre immédiatement son activité professionnelle à la fin de son congé maternité. Si certaines sont au bénéfice d’une assurance perte de gains privée ou via leur employeur, ce n’est malheureusement pas le cas de nombreuses femmes, notamment celles qui ont une activité indépendante. C’est pourquoi je demande au Conseil d’Etat de faire usage de son droit d’initiative, afin de proposer une modification de la LAPG dans le but de permettre aux femmes présentant des complications importantes suite à un accouchement de prolonger leur congé maternité au prorata de la durée de leur hospitalisation, lorsque cette dernière atteint trois semaines.

Je tiens à rappeler que cette initiative a été renvoyée au Conseil d’Etat fribourgeois et sera prochainement déposée à Genève. Finalement, et afin de répondre aux interrogations de la minorité de la commission, j’aurais aimé savoir si Mme la conseillère d’Etat avait pu obtenir des statistiques concernant le nombre de femmes qui seraient concernées par cette initiative dans le canton de Vaud.

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

Sur le fond, je suis d’accord avec les buts de cette initiative. Mais si l’on veut renvoyer une initiative au niveau fédéral, il faut s’appuyer sur des chiffres et avoir quelque chose de concret. Actuellement, nous n’avons pas ces chiffres. Lors de la séance de la commission, Mme la conseillère d’Etat n’a pu nous fournir des chiffres. On ne sait pas de quoi on parle, on ne sait pas combien de cas sont concernés. Dès lors, dans ces conditions, il est très difficile de renvoyer une initiative au niveau fédéral. C’est pour cela que je vous demande de soutenir le rapport de minorité, qui demande tout d’abord un rapport au Conseil d’Etat pour connaître le nombre de personnes concernées par ces difficultés et, ensuite, si c’est nécessaire, on peut alors renvoyer une initiative au niveau fédéral. Mais le faire en l’état actuel des choses, sans avoir connaissance d’aucun chiffre, ne sert strictement à rien et nous ne sommes pas crédibles.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Nous partons d’un constat objectif et reconnu : des femmes se retrouvent hospitalisées suite à de graves complications liées à leur grossesse. Or, aujourd’hui, la législation fédérale ne couvre pas cette situation. Le congé maternité débute à la naissance de l’enfant, il n’est pas rallongé même si les mères sont dans l’incapacité de s’en occuper plusieurs semaines durant et qu’elles ne peuvent ensuite reprendre leur activité professionnelle. C’est cela qui ne va pas et c’est ce que M. Cala propose de modifier. Aujourd’hui, les chiffres nous ont été donnés : 105 naissances sur 1'000 présentent des complications, mais il semble que seules 50 femmes soient concernées en moyenne par an par cette situation de non-couverture de l’assurance sociale. Ce n’est pas énorme, mais il n’empêche. C’est injuste pour ces quelques dizaines de femmes qui se retrouvent confrontées à cette situation de n’avoir aucune couverture après avoir donné naissance à un enfant. Au XXIe siècle, c’est injuste, alors que l’on s’est toutes et tous battus pour avoir accès de manière égalitaire et équitable à des assurances sociales qui couvrent ce type d’accidents. Lorsqu’une mère d’un nourrisson se retrouve dans une situation où elle ne peut s’occuper de son enfant, il convient donc de lui prévoir une couverture sur le plan salarial : des assurances sociales en plus d’un droit à un congé maternité. On le sait, s’occuper de son enfant dès la naissance compte pour son bon développement. Il faut   que la mère se sente à l’aise, se sente de pouvoir le faire, soit disponible intellectuellement, physiquement et psychiquement pour pouvoir s’en occuper, et non pas qu’elle doive réfléchir à comment elle va faire pour payer les factures durant les quatre prochains mois qui vont suivre.

Mme Carine Carvalho (SOC) —

J’ai beaucoup de peine à comprendre l’argument principal — le seul, d’ailleurs — du rapport de minorité, qui est celui des chiffres. Or, on ne parle pas des chiffres, mais du principe même de l’accès au congé maternité, puisque c’est une mesure importante tant du point de vue du droit du travail que du point de vue de la santé et de la prévention. Si cela concernait peu de personnes, diriez-vous qu’il ne vaut pas la peine de légiférer ? Si cela concernait au contraire beaucoup de personnes, diriez-vous que cela coûte trop cher ? Ce n’est pas ce genre de réflexions que nous devons avoir aujourd’hui, mais une réflexion de principe et de défense du congé maternité.

M. Blaise Vionnet (V'L) —

Je voudrais rebondir sur ce que vient de dire ma préopinante. Il n’est pas question de chiffres. Même si cette initiative n’aboutit que pour une femme, la souffrance d’une femme qui doit passer quatre à six semaines hospitalisée sans pouvoir s’occuper de son nouveau-né dans de bonnes conditions me paraît fondamentale. Il y a une justice à rétablir. Dans ce sens, une grande partie du groupe vert’libéral soutiendra cette initiative. Les femmes doivent avoir quatre semaines pour s’occuper de leurs enfants et décaler ces quatre semaines à leur sortie de l’hôpital me paraît juste.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d'État

Je ne vais pas revenir sur l’ensemble des détails du débat, mais répondre à une question qui m’a été adressée en commission. Je ne peux pas vous donner l’entier des chiffres qui sont demandés. En revanche, je peux vous fournir un élément chiffré qui concerne le nombre de ces situations. Selon une statistique de 2018, pour le canton, 103 femmes ont dû effectuer un séjour hospitalier avec accouchement de 14 jours ou plus ; 58 femmes ont dû effectuer un séjour de 21 jours ou plus. Mais il faut aussi tenir compte du fait que ces chiffres doivent être considérés comme un maximum, puisque les jours d’hospitalisation avant l’accouchement — ce qui arrive assez souvent — sont aussi pris en compte dans cette statistique. On peut donc conclure que la problématique qui est soulevée aujourd’hui par l’initiative du député Cala concerne quelques dizaines d’accouchements dans le canton chaque année — jusqu’à 70 ou 80 par an ; il faudrait un détail plus affiné de cette statistique pour pouvoir répondre de manière exhaustive à ce qui a été dit.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend l’initiative en considération par 74 voix 50 et 2 abstentions.

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