Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 24 mai 2022, point 25 de l'ordre du jour

Documents

Texte adopté par CE - Rap-CE POS Pahud 17_POS_018 - publié

RC - RAP_675109 POS Pahud 17_POS_018

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) — Rapporteur-trice

La commission s’est réunie le 28 janvier 2022 en présence de Mme Béatrice Métraux, cheffe du Département de l’environnement et de la sécurité, accompagnée de M. Sébastien Beuchat, directeur de la Direction des ressources et du patrimoine naturel, M. Guerric Riedi, responsable du Centre de compétences sur les marchés publics et de Mme Céline Gandar, collaboratrice au Secrétariat général du Département de l’environnement et de la sécurité. Pour le secrétariat de la commission, était présente Mme Sophie Métraux. Sylvie Chassot, secrétaire de commissions parlementaires, s’est chargée de la rédaction des notes de séance. Qu’elles soient ici toutes les deux remerciées.

Pour mémoire, le postulat a été déposé en 2017 et la réponse du Conseil d’Etat date du 13 octobre 2021. Le but du postulant était d’inciter le Conseil d’État à utiliser du gravier indigène, au moins dans la construction de bâtiments et dans l’entretien des routes. Sachant que, dans la pratique, la Direction générale de la mobilité et des routes (DGMR) sollicite, dans ses appels d’offres, une variante avec du gravier indigène il aurait été souhaitable que cela soit indiqué dans le rapport. Or, selon le postulant, le Conseil d’État ne va pas dans ce sens avec ce rapport qui fait état d’une impossibilité d’agir dans le sens d’un soutien plus marqué à l’utilisation des produits locaux. D’une part, le rapport relève que l’introduction d’une clause obligeant l’utilisation prioritaire du gravier indigène serait contraire à la Loi sur les marchés publics. D’autre part, le rapport souligne que l’importation de granulat a retrouvé son niveau historique depuis le dépôt du postulat, passant de 40 à 25 % d’importation.

Le postulant aurait souhaité un engagement plus énergique du Conseil d’État, comme ce fut le cas pour la protection de la filière bois suisse, dans le sens d’une utilisation prioritaire de matériaux locaux. Il rappelle par ailleurs la réticence première du Conseil d’État face au dépôt de la motion bois en son temps, au motif de l’impossibilité d’exiger du bois local au regard du droit sur les marchés publics. La conseillère d’État fait état des efforts conséquents de son département afin de sensibiliser les communes et les acteurs de la construction à l’utilisation de matériaux indigènes. Elle liste les mesures prises en ce sens et présentées dans le rapport. Elle rejoint le postulant pour souligner l’importance d’éviter une nouvelle hausse des importations et explique que, pour ce faire, il est nécessaire de maintenir un niveau d’approvisionnement local suffisant. Elle indique que la DGE examine à ce titre une dizaine de demandes d’autorisation d’exploiter de nouveaux sites d’extraction de graviers. Quant au point soulevé par le postulant et qui concerne le transport de granulats, la conseillère d’État rappelle les efforts entrepris afin de favoriser le report modal de la route vers le rail.

Concernant les marchés publics, il est rappelé qu’il existe des règles qui attribuent une marge ténue au pouvoir adjudicateur pour les aspects environnementaux dès lors que cela revêt un caractère protectionniste. Un appel d’offres qui serait lancé sur la base d’une exigence sur la provenance « vaudoise » du gravier pourrait être contesté en justice par quelqu’un qui ne souhaiterait pas travailler avec ce matériau. Il est rappelé que le droit des marchés publics vise une concurrence efficace, ce qui exclut de prévoir des spécifications techniques qui porteraient sur l’origine d’un produit uniquement. Le label bois suisse auquel un article fait référence dans le projet de nouvelle loi sur les marchés publics est évoqué : non seulement ce label se réfère à une manière de produire un matériau, de manière durable, mais, en plus, il s’étend à toute la Suisse et non seulement à un canton, permettant ainsi à toutes les entreprises sises en Suisse d’y avoir accès.

Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de label en matière de gravier. C’est la raison pour laquelle d’autres pistes visant à rejoindre le souhait du postulant sont évoquées dans le rapport du Conseil d’État. La première est celle de pouvoir, dans un premier temps, acquérir directement le gravier à travers un marché de fournitures que le maître d’ouvrage mettrait ensuite à disposition des entreprises. Ce système pose toute une série de questions évoquées dans le rapport du Conseil d’État. Une autre piste serait de tenir compte d’un critère en lien avec le développement durable qui permettrait de prétériter les entreprises se fournissant à plus longue distance du marché dont il serait question. Toutefois, la jurisprudence est restrictive en la matière. Considérant qu’une telle clause serait discriminatoire pour les entreprises qui se situeraient plus loin, la jurisprudence ne permet de tenir compte de la distance de transport que, et uniquement si, celui-ci revêt une part significative dans l’exécution de ce marché. Un marché qui porterait sur le transport scolaire, par exemple, permettrait une exigence plus élevée par rapport à la prise en compte de ce critère du développement durable sous l’angle des distances de transport. C’est le cas également pour les marchés de transport ou de ramassage des ordures ménagères, mais non de livraison de gravier qui se fait de manière ponctuelle par rapport à l’ensemble du marché, qui lui porte sur des travaux et non pas sur un marché de transport de la matière, d’où la difficulté d’utiliser ce critère et de le pondérer de manière importante.

Bien qu’il ne soit pas possible à l’heure actuelle d’obliger une entreprise à se fournir en gravier vaudois comme le voudrait le postulant, le nouveau droit des marchés publics en cours d’élaboration semble se diriger vers une plus grande ouverture de la prise en compte des aspects environnementaux. La question de savoir s’il serait possible de faire évoluer la situation en ayant potentiellement des critères qui s’intéresseraient, par exemple, à la manière dont les matériaux sont transportés, au nombre de kilomètres parcourus ou non, est actuellement ouverte et débattue dans différents groupes de travail évoqués dans le rapport examiné par la commission.

Beaucoup d’informations statistiques ont été fournies à la commission et je n’entrerais pas dans le détail. Toutefois, à titre d’information, depuis le pic de près de 40 % d’importation en 2016 suite, notamment, à l’abandon du taux plancher par la Banque nationale suisse (BNS), la part de l’importation décroît depuis et se trouve actuellement en dessous du taux moyen de 29 % observé ces 10 dernières années. En outre, au cours de ces dernières années, le recyclage a permis d’économiser l’équivalent de la production annuelle d’environ huit gravières, soit environ 400'000 m3/an.

La conseillère d’État rappelle les efforts conséquents entrepris par son département afin de sensibiliser les maîtres d’ouvrage à cette question de l’utilisation du gravier recyclé, et que les matériaux recyclés ont des caractéristiques techniques différentes exigeant un certain savoir-faire, une volonté et une capacité à prendre la responsabilité de travailler avec des matériaux nouveaux que tous les maîtres d’ouvrage n’ont pas.

Concernant les problèmes de capacité d’enfouissement dans le canton concernent des matériaux de type D qui doivent obligatoirement finir en décharge et ne peuvent en aucun cas être mis dans une gravière où seuls les matériaux d’excavation peuvent être déposés, la commission est informée que le département travaille en ce moment à l’élaboration d’une nouvelle priorisation des sites pour les déchets de type D afin de soulager cette filière. L’ouverture de nouvelles carrières n’aurait donc pas d’incidence sur la situation tendue des matériaux de démolition.

La commission est unanime pour dire qu’il faut favoriser la production locale, mais craint toutefois pour l’avancée des chantiers dans le cas où les gravières locales ne pourraient pas produire suffisamment pour satisfaire la demande. 

S’agissant de la lenteur des procédures d’autorisation, la conseillère d’État précise que les procédures les plus lourdes et difficiles à traiter ne sont pas les recours de la population contre l’ouverture d’une nouvelle gravière, mais les recours entre entrepreneurs, la concurrence étant rude dans ce domaine.

Des sanctions sont prévues en cas de non-respect des engagements d’une entreprise en termes de provenance du gravier utilisé. Si une entreprise en phase d’exécution viole la législation, il y a motif pour révoquer l’adjudication, mais aussi de saisir l’autorité de surveillance des marchés publics qui pourrait dans ce cas prononcer une amende allant jusqu’à 10 % du prix final de l’offre déposée par ce soumissionnaire. Ce dernier pourrait être exclu pour une durée maximale de 5 ans de tout marché public, communal ou cantonal et il pourrait également être supprimé d’une liste de soumissionnaires si elle existait, ce qui n’est pas le cas dans le canton de Vaud. Par 9 voix et 2 abstentions, la commission recommande au Grand Conseil d’accepter le rapport du Conseil d’Etat.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Ce postulat a été déposé en 2017, à la suite d’une augmentation drastique de l’importation de graviers pour l’année 2016 et qui s’est montée à près de 40 %. 52'000 camions étrangers ont franchi la frontière suisse durant cette année, soit l’équivalent de 3 millions de litres de diesel. Cela représentait près de 200 véhicules par jour rien qu’à la douane de Vallorbe. Il y avait donc péril en la demeure. Actuellement, selon la DGE, l’importation est redescendue à 25 %. Dans le rapport, on se félicite d’une telle baisse et on considère qu’il est devenu inutile d’agir. Or, tout ce qui peut être produit ici n’a pas besoin d’être importé. Je comprends la position de la DGE qui se réfugie derrière la Loi sur les marchés publics. En effet, cette dernière interdit d’imposer du gravier indigène dans la construction des routes cantonales, par exemple. Une nouvelle fois, il s’agit d’une confrontation entre une Loi sur les marchés publics calquée finalement sur les marchés internationaux et l’écologie. J’en reviens donc à mon constat précédent : tout ce qui peut être produit ici n’a pas besoin d’être importé. Il s’agit de millions de litres par année de diesel qui pourraient être économisés, donc des émissions de CO2. Je rappelle également que les camions français qui amènent chaque jour du gravier en Suisse ne peuvent pas repartir avec des matériaux, le cabotage étant interdit chez nous.

Toutefois, des pistes sont envisagées, comme le recyclage des matériaux. Encore une fois, les entreprises suisses qui construisent les routes cantonales amènent du gravier frais et repartent avec du gravier usagé qui pourra enfin être transporté dans des gravières pour être recyclé. On pourrait même envisager le transport de matériaux terreux de type A ou B. Cela n’occasionnerait plus de voyages à vide et il y aurait donc une optimisation des transports. Le seul point positif du rapport du Conseil d’Etat réside dans les pratiques mises en place par la DGMR, lesquelles visent à demander une variante gravier indigène lors de constructions de routes cantonales. Je ne peux que saluer cette avancée. Je m’abstiendrai dès lors sur le vote de ce rapport, considérant que nous aurions pu aller plus loin en termes d’écologie et de valorisation de nos ressources locales. Je comprends néanmoins que la Loi sur les marchés publics est assez restrictive.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d’Etat

Je comprends bien la déception de M. le député Yvan Pahud. Toutefois, nous sommes tenus d’appliquer la loi, et vous et moi avons prêté serment pour cela. Que cela nous plaise ou pas, nous sommes obligés d’appliquer la Loi sur les marchés publics. Au sein de la DGE, nous faisons beaucoup d’efforts pour favoriser le recyclage. Au cours de ces dernières années, ce dernier a permis d’économiser l’équivalent de la production annuelle de huit gravières, soit 400'000 m3/an, ce qui n’est pas rien. Nous ouvrons également des gravières un peu partout dans le canton afin d’éviter l’importation de gravier d’origine française – toutes mes excuses aux Français qui nous écoutent. Il est toutefois vrai que les camions vont et viennent et cela perturbe les routes. Avec les autres services de l’Etat, la DGE fait le maximum pour consommer local ; vous l’avez entendu et nous l’avons dit au sein de la commission, mais je prends acte de votre abstention. Sachez qu’il est important pour nous d’avoir une production locale ainsi que le moins de camions et de diesel possible, surtout en ces temps perturbés.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé avec plusieurs abstentions.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :