Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 27 septembre 2022, point 17 de l'ordre du jour

Texte déposé

 

Depuis quelques jours, les annonces de hausses spectaculaires (environ x 10 à x 20) se succèdent concernant le tarif des gros consommateurs d’électricité (+ de 100'000 kWh par année et par site), qui ont choisi de rejoindre le marché libre. Ce choix implique logiquement une impossibilité de réintégrer l’approvisionnement de base régulé, selon le principe « libre un jour, libre toujours ». Certains acteurs, comme la Romande Energie, dont le Canton est actionnaire, ont d’ailleurs poussé des gros consommateurs à rejoindre le marché libre. On peut espérer que le Canton invitera cette société à ne pas lâcher les entités concernées.

 

Pour les entreprises et les ménages qui sont toujours dans le marché régulé, les hausses seront moins importantes, mais tout de même de l’ordre de 50% environ, ce qui pourrait entraîner des conséquences fâcheuses pour celles et ceux qui sont les plus en difficulté financière. Il s’agira là aussi de trouver des mesures de soutien ciblées.

 

On peut par ailleurs se réjouir, à l’aune des augmentations massives du prix du courant sur le marché libre, du fait que la libéralisation complète du marché de l’électricité n’ait pas encore eu lieu. Et souligner l’importance d’un service public fort dans le secteur électrique, permettant d’empêcher des tarifs aussi disproportionnés.

 

Du côté des entreprises, celles qui ont opté pour le marché libre ont accepté sciemment de prendre un risque financier, mais leur personnel n’a pas eu son mot à dire et c’est lui qui, le premier, pourrait en subir durement les conséquences en termes de perte d’emploi.

 

Il s’agit donc de réfléchir aux mesures tant au niveau fédéral que cantonal, qui pourraient être prises pour éviter des vagues de faillites et protéger l’emploi face à ces circonstances exceptionnelles. Les soutiens pourraient être assez similaires à ceux qui ont été mis en place lors de la crise sanitaire du covid-19, par exemple au travers de possibilités de chômage partiel ou de prêts remboursables « énergie », permettant aux entreprises de disposer des liquidités nécessaires à leur approvisionnement en énergie et de « passer l’épaule », tout en conservant l’entier de leur personnel.

 

Nous avons ainsi l’honneur d’adresser au Conseil d’Etat le vœu suivant :

 

Inquiet face à la hausse importante du coût de l’énergie pour les entreprises de notre canton, le Grand Conseil émet le vœu que le Conseil d’Etat prenne rapidement toutes les mesures de soutien possibles, en concertation avec les partenaires sociaux, par exemple  la possibilité de recourir au chômage partiel ou de demander des prêts « énergie » remboursables, afin de préserver les emplois, ainsi que le tissu économique vaudois.

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Pierre DessemontetSOC
Claire Attinger DoepperSOC
Isabelle FreymondSOC
Julien EggenbergerSOC
Muriel ThalmannSOC
Valérie ZoncaVER
Denis CorbozSOC
Jean TschoppSOC
Yves PaccaudSOC
Yannick MauryVER
Carine CarvalhoSOC
Thanh-My Tran-NhuSOC
Alberto CherubiniSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Cendrine CachemailleSOC
Laurent BalsigerSOC
Romain PilloudSOC
Felix StürnerVER
Oriane SarrasinSOC
Sébastien CalaSOC
Vincent JaquesSOC
Patricia Spack IsenrichSOC
Sandra PasquierSOC
Cédric RotenSOC
Marc VuilleumierEP
Sonya ButeraSOC
Monique RyfSOC
Théophile SchenkerVER
Sylvie PodioVER

Document

22_RES_15-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La résolution étant accompagnée de 29 signatures, la présidente ne demande pas l’appui de 20 membres.

Mme Valérie Induni (SOC) —

Depuis quelques jours, les annonces de hausses spectaculaires – multiplication par 10, voire par 20, du coût du kilowattheure – se succèdent concernant le tarif des gros consommateurs d’électricité qui avaient choisi de rejoindre le marché libre. Ce choix implique logiquement une impossibilité de réintégrer l’approvisionnement de base régulé, selon le principe « libre un jour, libre toujours ».

Pour les entreprises, entités publiques et parapubliques, de même que les ménages, qui sont toujours dans le marché régulé, les hausses seront moins importantes, mais tout de même de l’ordre de 50% environ, ce qui pourrait entraîner des conséquences fâcheuses pour celles et ceux qui sont les plus en difficulté financière. Il s’agira là aussi de trouver des mesures de soutien ciblées. On peut se réjouir, à l’aune des augmentations massives du prix du courant sur le marché libre, du fait que la libéralisation complète du marché de l’électricité n’ait pas encore eu lieu et souligner l’importance d’un service public fort dans le secteur électrique, permettant d’empêcher des tarifs aussi disproportionnés pour un bien si essentiel.

Je n’oublie évidemment pas de rappeler les mesures d’économie d’énergie qui doivent être massives, ainsi que la nécessité d’investir tout aussi massivement dans le renouvelable. Pour en revenir aux entreprises, celles qui ont opté pour le marché libre ont accepté de prendre un risque financier, mais c’est leur personnel qui pourrait en premier lieu en subir durement les conséquences en termes de perte d’emploi. Il s’agit donc de réfléchir aux mesures, tant au niveau fédéral que cantonal, qui pourraient être prises pour éviter des vagues de faillites et protéger l’emploi face à ces circonstances exceptionnelles. Les soutiens pourraient être assez similaires à ceux qui ont été mis en place lors de la crise sanitaire du Covid-19, par exemple au travers de possibilités de chômage partiel ou de prêts « énergie » remboursables, permettant aux entreprises de disposer des liquidités nécessaires à leur approvisionnement en énergie et de passer l’épaule, tout en conservant leur personnel. J’ai ainsi l’honneur d’adresser au Conseil d’Etat le vœu suivant :

Inquiet face à la hausse importante du coût de l’énergie pour les entreprises de notre canton, le Grand Conseil émet le vœu que le Conseil d’Etat prenne rapidement toutes les mesures de soutien possibles, en concertation avec les partenaires sociaux, par exemple la possibilité de recourir au chômage partiel ou de demander des prêts « énergie » remboursables, afin de préserver les emplois, ainsi que le tissu économique vaudois.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Vincent Keller (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP est évidemment sensible aux éventuelles faillites qui pourraient advenir en cas d’explosion des factures, notamment celles d’électricité, pour les PME vaudoises. Les conséquences sur les places de travail pourraient être dévastatrices et il faut tout faire pour éviter cette situation. Dernièrement, on a eu l’exemple d’une boulangerie qui a dû mettre la clef sous le paillasson en voyant sa facture d’électricité être multipliée par dix ; cela aurait fait la baguette de pain à plus de 17 euros. C’était en Belgique, mais ce qu’il se passe en Suisse et dans le canton de Vaud ne sera pas différent, selon les estimations de la Confédération – peut-être un peu moins, mais ce ne sera pas différent. Mais le diable se cache dans les détails : pour le groupe Ensemble à Gauche et POP, il est exclu de subventionner d’une quelconque manière une entreprise qui ferait du bénéfice et/ou verserait des dividendes à des actionnaires. L’argent public ne doit pas subventionner le capitalisme le plus outrancier et le plus décomplexé, le même qui s’est déjà bien gavé lors de précédentes crises. Mais nous savons que ce n’était pas du tout dans l’esprit de Mme Induni, puisque sa résolution parle de subventions ciblées. Nous soutiendrons donc sa résolution avec cette évidente cautèle.

M. Sébastien Humbert (V'L) —

Le groupe vert’libéral est pleinement conscient de la situation dans laquelle beaucoup d’entreprises se retrouvent à cause de la crise énergétique. La situation actuelle est, en partie, la résultante d’un manque d’investissements dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. La résolution propose de faire « des prêts "énergie" remboursables » permettant aux entreprises de disposer des liquidités nécessaires à leur approvisionnement en énergie. Bien que partant d’une bonne intention, la solution proposée ne nous paraît pas appropriée. En effet, cette approche revient à subventionner la consommation énergétique et donc à subventionner le statu quo. Si l’Etat prête de l’argent à des entreprises, il faut que cet argent serve à investir dans les économies d’énergie et la production d’énergie locale et renouvelable. L’Etat se doit d’aider les entreprises à investir dans la transition énergétique, pour éviter que ce genre de situation ne se reproduise à l’avenir, et non simplement reporter le problème d’une année. C’est pourquoi le groupe vert’libéral, qui se veut créateur d’avenir, ne va pas soutenir cette résolution telle que présentée, qui ne fait que subventionner le statu quo et non le résoudre. Par cohérence, le groupe vert’libéral ne soutiendra pas non plus la motion Gross qui sera traitée ultérieurement sur la baisse des taxes.

Mme Rebecca Joly (VER) —

Le groupe des Verts comprend et soutient l’esprit de cette résolution, soit d’apporter une aide immédiate qui devrait éviter la perte d’emplois à court et moyen termes en raison de l’explosion des coûts de l’électricité, notamment sur le marché libre. Toutefois, il est important pour nous que l’action du canton se fasse en adéquation avec celle de la Confédération dans ce domaine. J’attire l’attention de ce plénum sur une question qui a été posée au Conseil fédéral sur les mesures qui pourraient potentiellement être prises pour les gros consommateurs – une question orale de notre ancien collègue Raphaël Mahaim. Le Conseil fédéral dit plancher sur des solutions du type de celles mises en place durant la pandémie, notamment pour éviter une vague de faillites à court terme. Toutefois, cela doit effectivement représenter du court terme et, selon nous, il est important de ne pas subventionner les entreprises qui ont bénéficié durant plusieurs années d’un tarif préférentiel de l’électricité en choisissant le marché libre et qui, aujourd’hui, parce que le marché libre est libre, viendraient demander de l’aide à fonds perdus à l’Etat. Toutefois, une partie du groupe des Verts soutiendra cette résolution, dans son esprit.

M. Nicolas Suter (PLR) —

Concernant cette résolution – qui est pétrie de bonnes intentions et qui ratisse très large, de l’efficience énergétiques à plein d’autres choses – le groupe PLR s’étonne que l’on parle ici de chômage, alors que les entreprises ont souvent des carnets de commandes pleins et que la Loi sur le chômage donne une assurance fédérale – on ne doit donc pas nous en occuper ici. Le parallèle avec le Covid s’arrête là, parce qu’il faut plutôt aider les entreprises à continuer à employer leur personnel et non les mettre au chômage.

Concernant les prêts, il est vrai que faire des prêts « énergie » n’est pas forcément une bonne idée, ce n’est pas forcément aider les entreprises, c’est sortir d’une petite mauvaise passe actuelle. Mais à long terme, on l’a vu avec les prêts Covid, certaines entreprises doivent aussi s’en sortir et c’est une solution compliquée. Le groupe PLR refusera donc cette résolution.

M. Philippe Miauton (PLR) —

J’ai un doute par rapport à ces aides immédiates, sur le fait que ce soit véritablement au canton d’agir. On suit actuellement tous les débats et le ping-pong qui se joue entre les différents cantons et la Confédération. C’est plutôt à l’échelle de la Confédération que cela se joue, mais malheureusement on n’a pas de réponse aujourd’hui. Ces aides, que ce soient des prêts remboursables ou des réductions d’horaire de travail (RHT) seront très certainement nécessaires.

Par rapport à ce qu’on entend dans cet hémicycle et à la situation que l’on est en train de vivre, je déclare mes intérêts : je suis directeur de la Chambre vaudoises du commerce et de l’industrie (CVCI) et, à ce titre, j’ai énormément de contacts avec des entreprises qui se trouvent dans des situations critiques. Entendre M. Keller dire que les entreprises se sont gavées durant la précédente crise, ce n’est pas estimer à sa juste valeur le travail fourni pour maintenir les personnes au travail ou à la maison avec des salaires afin de permettre à l’économie de redémarrer. Cela permet de sauver des emplois et de maintenir une production. Parler de subventions, alors que ces prêts doivent être remboursés, n’est pas exact. Il n’y a pas de gavage. Je rappelle que ces entreprises paient des impôts et que, par conséquent, ces nombreux impôts paient aussi une partie des salaires de cet hémicycle. J’aimerais donc que l’on respecte davantage ceux qui aimeraient sauver les emplois. A court terme, le prix de l’électricité, quel que soit le discours que l’on peut tenir sur le marché libre, est un risque systémique pour des petites ou moyennes structures, et donc pour de nombreux emplois. A ce titre, la résolution déposée est intéressante, mais elle doit plutôt se jouer à l’échelon fédéral, afin que ce soit coordonné et possible.

Concernant le moyen terme, il y a un discours que j’ai de la peine à entendre. Evidemment, toutes les entreprises ne sont pas des bons élèves, mais croyez-vous vraiment que les entreprises ont attendu des années avant de faire des économies d’énergie ? C’est un travail effectué depuis de nombreuses années, pour passer au renouvelable, pour faire de l’innovation et pour trouver les solutions qui nous permettront peut-être d’arriver au long terme, soit de trouver de nouvelles solutions pour que l’on ne se retrouve pas dans la situation actuelle. Non, les entreprises ne se sont pas gavées durant la précédente crise et elles ne vont pas se gaver lors de la crise qui nous guette.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis installateur électricien diplômé en installations électriques et il est clair que le problème de l’énergie électrique me concerne particulièrement. Il y a un problème qui nous échappe : au niveau du prix de l’électricité, on connaît uniquement le prix de vente que le gestionnaire du réseau de distribution (GRD) pratique, mais pas le prix d’achat. Nous ne savons donc pas quelles marges sont appliquées et si cette hausse est due à un prix purement spéculatif ou à un manque de fourniture du courant électrique. Petite réflexion : comment peut-on rétribuer à 18 centimes un kilowattheure solaire et le facturer à 80 centimes sur le marché libre ?

M. Alberto Mocchi (VER) —

Cela a été dit, mais c’est important de le souligner : la situation que l’on vit aujourd’hui montre que le marché de l’électricité ne peut pas être dérégulé et que la main visible du marché se fait parfois électrocuter. Nous sommes face à une situation compliquée, pour certaines communes comme pour certaines entreprises. Il est du devoir de l’Etat de venir en aide à ces entreprises en difficultés, afin de maintenir un tissu économique vaudois riche de PME. Je discutais hier avec un boulanger de ma région qui a aujourd’hui de gros problèmes du fait de cette situation – ce n’est pas une multinationale, mais une PME. Il sera ensuite temps de tirer les enseignements de cette crise énergétique majeure dans laquelle nous entrons, mais pour le moment il faut palier le plus pressant et cette résolution le permet. Je la soutiendrai donc, de même que le groupe des Verts.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

La résolution est refusée par 70 voix contre 41 et 9 abstentions.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :