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Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 9 février 2021, point 14 de l'ordre du jour

Document

20_PAR_1_Rapport annuel 2019-2020 de la Commission des visiteurs du Grand Conseil

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) — Rapporteur-trice

Le rapport que la commission a le plaisir de vous présenter aujourd’hui concerne la période de juillet 2019 à juin 2020, laquelle a été impactée de manière importante par la crise sanitaire due au coronavirus. Nous avons d’ailleurs dû reporter quelques visites prévues. Je tiens tout d’abord à remercier sincèrement les commissaires qui se sont tous investis fortement dans la rédaction de ce rapport. Je remercie également chaleureusement la secrétaire de commission, Mme Krug, dont l’expérience et la connaissance des dossiers sont toujours un atout précieux. Ce rapport présente douze recommandations, dont certaines sont reprises des rapports précédents et mettent ainsi en évidence la difficulté de mener certains projets à terme. Il faut néanmoins noter que des améliorations ont vu le jour, notamment en ce qui concerne l’engagement de cadres en charge de la réinsertion et de personnel formé travaillant sur des projets de réinsertion et de formation. Cependant, la commission souhaite le développement du programme de justice restaurative qui participe à la prévention de la récidive et à la prise en compte des souffrances endurées par les victimes.

La surpopulation carcérale est un problème récurrent et fait l’objet, depuis plusieurs années, de recommandations de la commission. Les budgets enfin votés et les projets de construction et de rénovation envisagés devraient permettre une amélioration de la situation dans un délai que nous osons espérer décent, si tant est que la locomotive des départements ne freine pas ce processus. La commission reste également attentive à la prise en charge des cas psychiatriques, et notamment des femmes détenues. En effet, un flou subsiste quant à la création d’une unité psychiatrique pour les femmes qui auraient dû trouver leur place à la prison des Tuilières, ce qui ne semble plus être le cas. La commission attend aussi avec impatience la réponse du Conseil d’Etat au postulat déposé par Mme Valérie Schwaar au sujet de la détention des femmes et que le Grand Conseil a pris en considération à l’unanimité, il y a maintenant une année exactement. La détention dans les zones carcérales de la Blécherette et de l’Hôtel de police de Lausanne reste également au cœur des préoccupations de la commission. Même si les visites effectuées l’année passée n’ont pas montré de surpopulation, il n’en reste pas moins attesté que la durée de la détention dans ces zones excède amplement les 48 heures autorisées par la Loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse. Une recommandation demande de mettre fin à ces conditions de détention inadmissibles.

La commission tient toutefois à relever que, lors des auditions, toutes les personnes détenues ont souligné le professionnalisme et l’écoute dont font preuve les agents de détention. Durant la première vague du coronavirus, le fonctionnement des établissements a bien évidemment été bouleversé, mais la crise a été fort bien gérée par le service et le personnel de détention, ce qui a permis d’éviter une propagation de la maladie et une détérioration du climat. Cette crise sanitaire a permis de pérenniser la mise en place de Skype pour les visites, malgré le fait que le matériel n’est malheureusement pas suffisant dans tous les lieux de détention. Pour conclure, nous tenons à remercier les experts qui nous accompagnent lors de nos visites et dont les rapports sont intégrés dans nos pages.

Mme Sonya Butera (SOC) —

La discussion est ouverte.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

Je souhaite réagir à ce rapport et notamment à la recommandation n°2 en lien avec les zones carcérales et de rétention. C’est un peu une sorte de cri du cœur, puisque cela fait de nombreuses années que l’on revient systématiquement sur ces conditions de rétention et de zones carcérales. J’ai personnellement honte que notre canton, chaque jour, viole les normes protégeant les droits de l’homme, avec des conditions de détention qui sont purement et simplement inacceptables. J’ai de la peine à comprendre pour quelles raisons, depuis autant d’années, il n’y a pas eu d’amélioration. A l’époque, j’étais déjà député dans ce Grand Conseil, nous avions évoqué l’opportunité de construire des portacabines ou d’autres solutions pour permettre de ne plus violer les droits de l’homme. Ces violations ont été attestées par le Comité de l’ONU contre la torture qui est venu constater l’inacceptabilité de ces conditions dégradantes. Dans plusieurs arrêts, le Tribunal fédéral a aussi été du même avis et la Commission des visiteurs a dénoncé à de nombreuses reprises ces situations. J’ai donc de la peine à comprendre pourquoi il faut autant d’années pour agir et pour quelles raisons on continue à avoir une telle situation. Dans le cadre de ma profession d’avocat, j’ai eu l’occasion de me rendre, encore dernièrement, dans ces zones de rétention, que ce soit à l’Hôtel de police de Lausanne ou à la Blécherette. Je peux témoigner du fait que des personnes sont encore détenues pendant de nombreux jours — dix, quinze jours — dans des conditions inacceptables, avec des petites cellules et de grandes difficultés pour le personnel pénitentiaire qui doit gérer des personnes ne supportant plus ces situations.

J’attends désormais du Conseil d’Etat qu’il réagisse et qu’il n’admette plus ces situations. Je n’ai plus envie que l’on revienne, dans une année, deux ans ou encore trois ans, avec les mêmes remarques. Il est simple de constater qu’il y a trop de détenus dans le canton. Il existe des principes sur lesquels on ne peut pas déroger, ce sont les principes des droits de l’homme. Ces principes ont été dénoncés tant par le Comité de l’ONU que par le Tribunal fédéral. Il n’est plus suffisant de continuer de dire que l’on ne peut rien faire, mais qu’on essaie d’arranger la situation, avec éventuellement un petit sucre, sous forme d’indemnité. Une telle situation n’est plus acceptable. Dans ma profession d’avocat, je n’arrive pas à l’expliquer aux personnes détenues de manière préventive et qui peuvent même ne pas être condamnées et donc être innocentes. Une solution, même provisoire, telle que des portacabines, doit être trouvée, car je ne peux plus admettre que, depuis plusieurs années — cela fait presque dix ans qu’on parle de cette situation — cela perdure et d’entendre, dans deux ou trois ans, des explications telles que « le canton fait de son mieux, mais il y a une surpopulation et on ne sait pas quoi faire ». Aujourd’hui, il n’est plus possible d’admettre cette situation, on ne peut plus admettre d’être mis en avant par le Tribunal fédéral sur ces violations des droits de l’homme. Je souhaite que notre canton agisse dans les plus brefs délais.

M. Hadrien Buclin (EP) —

J’abonde dans le sens des propos de mon collègue M. Mattenberger. Je m’indigne également que ces conditions de détention en zones carcérales persistent, alors que cela fait des années que la Commission des visiteurs et d’autres instances dénoncent ces conditions inacceptables. Personnellement, il y a six ans, j’ai déposé une interpellation au Conseil communal de Lausanne visant à dénoncer les conditions de détention inacceptables à l’Hôtel de police. J’ai pu relire la réponse dans laquelle on m’indiquait que le canton allait prendre rapidement des mesures, qu’il ne fallait pas s’en faire, car il s’agissait d’une situation transitoire. Six ans plus tard, on a l’impression que peu de choses ont évolué sur ce front et on ne peut que constater le manque d’intervention de l’Etat. Lors du débat sur le rapport du Ministère public, le groupe Ensemble à Gauche et POP a eu l’occasion de critiquer une approche très axée sur le tout carcéral. Le canton de Vaud est un des cantons connaissant le taux de détention le plus élevé de Suisse et on en voit ici concrètement les conséquences en bout de chaine sur les prisons. Cette surpopulation carcérale conduit à des conditions de détention très dégradées.

Une fois de plus, j’appelle l’ensemble de la Chaine pénale, y compris le Ministère public, à réfléchir aux conséquences d’une politique pénale bien trop fondée sur le tout carcéral et à examiner des alternatives à la détention, lesquelles sont pourtant prévues par le droit pénal. Je ne comprends dès lors pas pourquoi le Ministère public n’examine pas plus attentivement des recours à des alternatives. Je pense notamment à la mise en place de mesures de substitution à la détention, lesquelles sont prévues par le droit pénal. Ces mesures permettraient aussi de réduire la surpopulation carcérale et donc le problème de détention dans les zones carcérales avant jugement. C’est aussi un cri du cœur dans le sens des propos de M. Mattenberger.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Je souhaite aller dans le même sens que mes préopinants en relevant un élément que nous avions constaté il y a quelques années, à la Commission des finances. Dans le cadre d’une visite d’une de ces zones, nous avons pu rencontrer une population dont on ne parle jamais, mais qui souffre aussi de cette situation, il s’agit des policiers eux-mêmes, ainsi que le personnel travaillant dans ces zones qui ne sont pas faites pour assumer ce type de tâches. Pour eux aussi, il est extrêmement compliqué et douloureux d’affronter ces situations sur lesquelles ils n’ont que peu d’impact. Par respect pour les collaborateurs qui doivent encadrer ces personnes et qui ne sont pas non plus formés pour cette tâche, je soutiens cette recommandation visant à trouver des solutions pour améliorer cette situation.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Je suis entièrement d’accord avec les propos de M. Mattenberger. En 2013, j’effectuais pour la dernière fois des gardes médicales. J’ai donc eu l’occasion de me rendre dans ces zones qui existaient déjà depuis un certain temps. Il est catastrophique de constater que rien ne se passe, enfin presque rien. Quelques petites dispositions architecturales ont bien été prises. Est-ce trop demander d’obtenir un planning prévoyant ce qui devrait être mis en place dans six mois ou une année afin que tout soit réglé dans une année et demie ? Si nous arrivons à mettre en place des mesures durant une pandémie, à se bouger afin que certaines choses considérées inimaginables puissent être réalisées très rapidement, nous pouvons aussi le faire pour cette problématique. Il faut arrêter de dire qu’on pourra le faire, il faut agir, selon un planning qui nous sera présenté spontanément et sans que l’on doive le réclamer chaque année.

Quant aux propos de M. Buclin, il est évident que nous sommes dans un régime du tout carcéral. Je ne souhaite pas particulièrement m’exprimer sur ce point ; par contre, les alternatives telles que le bracelet électronique mettent du temps à être mises en place. Figurez-vous que cela fait 26 ans que j’attends... 26 ans que je demande d’utiliser cette mesure afin de ne pas surcharger les prisons. C’est tout de même incroyable ! Je vais demander à mon médecin personnel, c’est-à-dire moi-même, de pouvoir vivre jusqu’à 100 ans, soit jusqu’en 2053, pour espérer peut-être voir la situation évoluer. Cela ne va pas ! Nous devons montrer ici une colère retenue mais claire. Il faut que les choses bougent et le prochain rapport devra en apporter la preuve. Je suis conscient que cela n’est pas facile et que l’on ne fait pas cela en 15 jours — je ne suis pas dupe. Toutefois, nous devons mettre en place une planification possible à tenir et pour laquelle il y ait suffisamment d’argent. Pour l’année prochaine, je m’attends à un beau soleil nous indiquant que l’on est à deux doigts d’avoir résolu le problème.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d'État

J’aimerais prendre quelques minutes pour revenir sur le rapport de la Commission des visiteurs. J’ai entendu les prises de position de l’ensemble de ce plénum et je tiens à apporter quelques informations. Bien que le rôle de la Commission des visiteurs soit parfaitement établi dans la Loi sur le Grand Conseil (LGC) et qu’il relève de sa mission de pointer du doigt les problématiques constatées — personne ne conteste ce point — et que, de votre côté, vous exprimez des cris du cœur, il y a une forme de lassitude et de dépit de la part de la Direction du service pénitentiaire et de l’ensemble du personnel pénitentiaire de voir les mêmes critiques formulées année après année — les critiques sont bonnes — sans qu’il ne soit relevé les améliorations substantielles apportées ces dernières années à la politique pénitentiaire ou relever l’incroyable travail réalisé par les collaboratrices et collaborateurs engagés qui travaillent d’arrache-pied pour remplir toutes les missions qui leur sont dévolues. Une des seules phrases encourageantes que l’on peut lire dans ce rapport est celle reconnaissant le grand professionnalisme du Service pénitentiaire (SPEN) dans la gestion de la crise COVID. Je remercie la commission d’avoir relevé cet état de fait, mais je regrette qu’il n’y ait pas plus de reconnaissance entre le travail quotidien réalisé et les grands projets portés par le SPEN, depuis une dizaine d’années maintenant et j’y reviendrai. En effet, l’essentiel des recommandations de la Commission des visiteurs vise le problème de la surpopulation carcérale dans nos prisons et les conséquences qui en découlent. S’il est juste d’affirmer que ce problème persiste, il aurait été tout aussi juste de relever ce qui a été réalisé et ce qui est en cours pour résoudre ce problème. Vous avez voté, en septembre 2018, un crédit d’étude de 12 millions de francs visant la création d’un nouvel établissement pénitentiaire de 400 places à Orbe portant le nom de Grands-Marais. Contrairement à ce qu’affirme le rapport de la Commission des visiteurs, ce nouvel établissement est bel et bien la solution à la surpopulation carcérale actuelle. Je m’étonne donc de lire : « La situation reste au point mort, mis à part le programme de rénovation et d’entretien des bâtiments de la prison de la Tuilière, de la prison du Bois-Mermet ainsi que de l’établissement de détention pour mineurs, aux Léchaires ».

En février 2020, nous avons annoncé la mise au concours architectural pour la réalisation de cet établissement pour une enveloppe globale de 279 millions de francs. Il est évident que la construction d’un établissement pénitentiaire, qui plus de cette envergure, exige du temps et des étapes de réalisation importantes, dans le respect des bases légales. On ne construit pas un établissement pénitentiaire moderne en un claquement de doigt et ce ne sont pas des portacabines qui vont permettre la résolution de ce problème. La construction des Grands-Marais permettra, on l’a déjà indiqué à de très nombreuses reprises, de revoir un certain nombre de problèmes auxquels nous sommes confrontés tels que la prise en charge psychiatrique, la séparation des régimes, la libération des zones carcérales, notamment des zones carcérales de la police dont l’occupation est également un sujet qui a été abordé à de très nombreuses reprises et qui, à ce jour, montre une baisse d’environ 60% d’occupation. Il suffit de voir les chiffres.

De même, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que le SPEN se trouve en bout de chaine pénale et reste dépendant de la criminalité existante. Lorsque le rapport indique : « il conviendrait d’étudier des mesures pour soulager la détention telles que des durées de détention plus courtes, des libérations conditionnelles », je souhaite rappeler que cela ne relève pas de la compétence de l’Etat, mais bien du pouvoir judiciaire, dont il faut respecter l’indépendance. Il ne peut être demandé à un service de l’Etat de faire plus que ce qui relève de sa compétence. Toutefois, le SPEN a bel et bien agi dans ces domaines, en lançant un projet de justice restaurative tendant à réduire le risque de récidive — projet qui a été souligné par les détenus et les personnes qui sont intervenues — et que nous voulions reconduire avant le COVID. Nous avons doublé les mesures de surveillance électronique — c’est une réponse au député Vuillemin — et nous avons multiplié par neuf le nombre de travaux d’intérêt général. Il aurait été correct que ces chiffres soient relevés ainsi que le bilan positif que l’on peut en tirer, car ces mesures impliquent un travail conséquent de suivi de la part des autorités compétentes, donc du SPEN. Ces mesures exigent également une prise de risque, sachant que l’on demande davantage de mesures alternatives, tout en refusant la part de risque qui accompagne le fait que la personne condamnée ne se trouve pas derrière les barreaux. Nous avons pris ce risque et je tiens à le relever.

Lorsque le rapport indique que « les Assises de la chaine pénale du 10 décembre 2018 ont mis en évidence plusieurs pistes d’action contre la surpopulation carcérale qu’il y a lieu d’étudier sérieusement par les autorités », je tiens aussi à affirmer le fait que nous avons suivi toutes les recommandations issues des deux Assises de la chaine pénales, organisées en 2013 et en 2018, y compris la question de la Fondation vaudoise de probation. Mesdames et Messieurs, il n’y a pas de solution miracle offerte sur un plateau et seule la création d’un nouvel établissement de 400 places, qui viendront s’ajouter aux 250 places de détention créées depuis 2014 — on ne peut donc pas dire que rien n’a été fait — permettra de combler les années de sous-investissement dans le domaine pénitentiaire. Il n’est pas uniquement question de construire un nouvel établissement, mais aussi d’assainir les établissements existants qui, pour certains, n’ont pas bénéficié du moindre entretien depuis des décennies. Ceci répondra également aux critiques formulées par la Commission des visiteurs qui qualifie notamment les conditions de détention du Bois-Mermet de « désastreuses ». Cette prison date de 1905 et il n’est pas possible de pousser les murs pour l’agrandir ni d’y mettre du chauffage au sol. Il y a des principes de réalité à prendre en considération. Nous avions également envisagé de poser quelques portacabines sur le terrain du Bois-Mermet, mais l’aménagement du territoire ne nous le permet pas, c’est juste impossible. Toutefois, vous avez adopté deux décrets le 26 mai 2020, l’un accordant au Conseil d’Etat un crédit-cadre de plus de 28 millions de francs pour financer les travaux de rénovation prioritaires ainsi que les études pour d’importants assainissements des bâtiments pénitentiaires ; le second accorde un crédit d’investissement de 17 millions pour financer les travaux de rénovation de la prison de la Tuilière, à Lonay. Là aussi, ce sont des projets conséquents qui demandent une mobilisation de ressources importantes et du temps pour les réaliser.

Le SPEN, avec ses collaboratrices et ses collaborateurs, travaille sans cesse, en menant de front des projets de grande envergure, tout en assurant la gestion quotidienne d’un service. Nous avons environ 1000 personnes détenues dans le canton de Vaud, faisant ainsi de nous le troisième plus grand canton en matière de population carcérale de Suisse. Et pourtant, nous sommes certainement le canton qui connaît les plus grands projets de ce pays. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs communiqué, le 4 février 2021, la mise à jour de sa feuille de route des infrastructures pénitentiaires. J’espère que cette feuille de route vous permettra de mesurer l’ampleur des travaux actuellement en cours. Pour le reste, je me réfère aux déterminations du Conseil d’Etat accompagnant le rapport de la Commission des visiteurs et qui répondent aux recommandations de celle-ci.

Pour terminer, je souligne que la mission de la Commission des visiteurs, à savoir s’assurer que les conditions de détention des personnes détenues sont conformes aux lois suisses et aux engagements internationaux, est essentielle. Comme nous l’avons toujours fait jusqu’à aujourd’hui, nous continuerons de travailler avec cette commission de manière transparente, honnête et dans l’intérêt commun. Mon département et le SPEN se tiennent donc au service de la commission pour répondre à l’ensemble de ses sollicitations.

Mme Muriel Cuendet Schmidt (SOC) —

Je me permets de prendre la parole après Mme la conseillère d’Etat afin de clarifier quelque peu la position de la Commission des visiteurs. Notre rapport annuel peut vous sembler sévère, et ce bien que plusieurs points positifs y figurent tels que par exemple la gestion du COVID, l’engagement de directeurs et directrices adjointes, etc. Pour rappel, le rôle de la commission est de s’assurer que les conditions de détention des personnes détenues sont conformes aux lois suisses et aux engagements internationaux, et non de faire état de l’avancement des différents travaux de construction et de rénovation. Effectivement, il n’y a pas de solution miracle. Toutefois, certaines recommandations figurent dans nos rapports depuis de nombreuses années et c’est le cas de celles concernant l’accès aux soins psychiatriques mentionnés pour la première fois dans un rapport en 2012, mais qui ne sont pourtant toujours pas garantis et encore moins égalitaires à ce jour. Les problèmes liés à la surpopulation y figurent également depuis des années. Certes, la construction des Grands-Marais devrait alléger quelque peu cette situation, mais la feuille de route demandée et espérée, tant par la Commission de gestion que par la Commission des visiteurs, ne nous a toujours pas été transmise, et ce malgré nos demandes réitérées.

Autre problématique lancinante relevée par mes collègues MM. Mattenberger et Buclin : l’utilisation excessive des zones carcérales pour laquelle le canton de Vaud est régulièrement épinglé dans les rapports du Comité de l’ONU contre la torture, en raison de leur occupation excessive. Cette recommandation y figure quant à elle depuis 2015. Pour ce motif, des indemnités financières sont régulièrement versées par le canton de Vaud à titre de réparations pour tort moral à des personnes détenues. Quelle est l’efficacité d’une peine lorsqu’une personne enfermée en raison d’un potentiel non-respect de la loi se trouve à son tour en position de se retourner contre l’Etat pour non-respect du cadre légal ? Au vu de cette situation, il convient de s’interroger sur le sens de la sanction et de son message paradoxal, la manière dont elle est appréhendée par des personnes privées de liberté en attente de jugement.

Dernier exemple, les recommandations concernant l’accès à la formation et la réinsertion, mentionnées dans les rapports depuis 2017, dont la feuille de route ne nous a toujours pas été transmise, alors que la réinsertion est l’un des meilleurs remparts à la récidive. Je m’arrêterai là. Cette situation concerne malheureusement plusieurs autres recommandations. Concernant les points cités qui ne dépendent pas de l’autorité judiciaire, la commission est régulièrement sensibilisée par des personnes détenues, que ce soit lors des auditions ou encore au travers de leurs courriers, dont septante ont été traités durant cette période. Le but de la commission est donc bien de dépasser la lassitude et le dépit et de faire progresser ces différentes problématiques dans le respect des lois suisses et des engagements internationaux pour des conditions de détention dignes et favorisant la réinsertion et non la récidive.

M. Jean-Marc Nicolet —

Je me permets également de prendre la parole suite aux propos de Mme Métraux. Il paraît extrêmement réducteur que de ne retenir du rapport annuel de la Commission des visiteurs du Grand Conseil que ce qui ne va pas ou qui ne va pas assez vite. Membre de la commission depuis sept ans, je peux affirmer que plusieurs recommandations vont dans le sens des projets d’amélioration voulus par le Conseil d’Etat, comme pour l’appuyer, tout en insistant pour que les dossiers soient encore plus énergiquement et rapidement empoignés, via une feuille de route très attendue. Nous savons toutes et tous que, lorsque nous nous penchons sur les conditions de détention et leurs problématiques, c’est toute une institution et notre Etat de droit que l’on interroge et à qui on demande d’être un tant soit peu exemplaire. En effet, si la justice est capable de priver des personnes de leur liberté, l’Etat doit se montrer capable et responsable de s’assurer que les conditions de détention répondent au plus près à l’objectif premier de chaque établissement pénitentiaire, celui de viser la réinsertion par tous les moyens utiles et nécessaires, et ce, dès le premier jour de l’emprisonnement, comme aiment à le dire et le répéter les directeurs de prison eux-mêmes. Je remercie donc le Conseil d’Etat et le SPEN de ne pas prendre ombrage des recommandations de la Commission des visiteurs, qui a été la première à relever les très grands progrès réalisés ces sept dernières années dans la prise en charge des personnes détenues, par des collaboratrices et collaborateurs du SPEN de mieux en mieux formés et très professionnels, malgré les nombreuses difficultés et la pénibilité de leur tâche. Pour rappel, depuis la création de la Commission des visiteurs, il y a neuf ans, il n’y a plus eu de mutinerie dans les prisons vaudoises. Je remercie le Conseil d’Etat pour ses réponses et engagements par rapport aux douze recommandations du rapport. Il serait particulièrement bienvenu que l’an prochain, à pareille époque, nous puissions saluer tout un lot de nouvelles avancées et ouvertures.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Permettez-moi de vous faire part de quelques réflexions qui me viennent à l’écoute des uns et des autres. Je commencerai par poser cette question : quelle justice voulons-nous, et selon quels critères ? En ville de Lausanne, pour parler d’une cité que je connais un peu, deux événements, qui ne sont pas liés à la fatalité et qui ne sont pas tombés du ciel, ont contribué à assainir la situation. Il y a ainsi eu la révision de la Loi sur les auberges et les débits de boissons (LADB) qui a permis de lutter contre tous les désordres liés à une consommation excessive d’alcool, mais aussi STRADA qui a assaini le climat dans la capitale. Arrêter, juger, condamner, embastiller, il y a manifestement eu un « avant » et un « après STRADA ». Pour preuve, la pérennisation de STRADA n’était pas garantie dès le départ, il a fallu du temps pour qu’elle rentre dans les mœurs. Les résultats ne se sont pas faire attendre : des prisons qui débordent momentanément. Selon quels critères faut-il donner des mots d’ordre aux agents de la police publique et ensuite à la chaine pénale ? Va-t-on dire qu’il faut rétablir une situation normale dans les grandes villes ou, avant de partir en patrouille le soir, va-t-on descendre dans les cellules afin de demander aux responsables combien de places sont disponibles, ce qui déterminera le nombre de prévenus à arrêter pour la soirée ? Ce n’est pas sérieux.

Un constat objectif, soit hors de toutes visions partisanes, nous conduit donc à reconnaître qu’un gros effort a été consenti ces dix dernières années, grâce à l’acceptation de ce Parlement d’augmenter les places en prison. Rappelons les trois rôles de la prison. En premier lieu, il s’agit de la punition. Lorsqu’on a commis quelque chose de mal et que l’on est condamné, on est puni. Le deuxième est la protection. En empêchant des gens de continuer à se déplacer librement, on protège la population. Enfin, le troisième rôle est la réinsertion et, dans ce domaine également, nous n’avons pas à rougir en terres vaudoises, notamment en termes de réinsertion professionnelle. Il reste deux questions auxquelles je souhaite obtenir une réponse. A l’époque, la Commission des recours en grâce avait visité l’Etablissement du Simplon. Cet établissement prévoyait une réinsertion professionnelle des détenus sur le lieu de travail avec un retour en prison pour la nuit pour les personnes éligibles à la mesure. Où en sommes-nous ? En outre, il me semble que la Fondation vaudoise de probation s’étiole. Selon moi, les personnes qui seraient éligibles à cette fondation et aux travaux d’intérêt général sont celles qui devraient être expulsées au terme de leur emprisonnement. Or, il est clair que nous n’allons pas condamner aux travaux d’intérêt général des personnes qui ne doivent pas rester sur le sol suisse. Je ne suis pas sûr de mon explication, j’aimerais donc qu’elle soit confirmée ou infirmée.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Madame la conseillère d’Etat, je comprends bien que vous défendiez votre service. C’est votre tâche et vous le faites très bien. Là où cela me désole un peu, c’est lorsque vous commencez par dire que vos collaborateurs sont fatigués de nous entendre, nous les députés. Figurez-vous que nous faisons aussi notre travail et ce dernier est nécessaire. Ce n’est pas un travail qui est dirigé contre eux, mais c’est notre boulot de législatif. Votre serviteur est crispé de constater qu’à travers les époques, les conseillers d’Etat responsables du SPEN — j’ai sous les yeux la déclaration du chef du Département de l’environnement et de la sécurité au Grand Conseil sur le SPEN du mardi 28 mars 2006, signé Charles-Louis Rochat — n’ont cessé de remonter les bretelles des députés, parce que ces derniers osaient émettre quelques considérations sceptiques, ce que le SPEN ne pouvait faire dans le cadre de la mission qui lui est dévolue. J’ai relu avec une certaine ironie l’affirmation datant de 2006 et qui affirmait avoir résolu le problème de l’épouvantable prison de Vevey. Or, lorsque je suis entré au Grand Conseil, en 1990, on parlait déjà de cette prison... Il a donc fallu près de 16 ans pour que les choses changent. Vous me qualifierez de bien méchant et d’impertinent. Toutefois, cela m’est bien égal et je partage le point de vue de mon collègue des Verts.

En outre, j’attends — pas pour aujourd’hui — un planning pour que les choses s’arrangent. J’ai pris connaissance du fait que vous étiez en train de travailler sur le projet d’une nouvelle prison. Peut-être que le SPEN n’a pas assez d’architectes pour lui donner un coup de main — c’est tout à fait possible. Par rapport au CHUV, on arrive gentiment au termesdes travaux et on pourrait imaginer que deux ou trois architectes soient détachés de certains services pour donner un coup de main au SPEN. J’invente ou peut-être que j’élucubre. Toutefois, j’aimerais que, dans une année, nous puissions, avec un SPEN fier, constater ce qui a été fait en lien avec les propos de M. Mattenberger.

M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Madame la conseillère d’Etat, dans votre intervention, vous avez fait un lien inapproprié entre les problèmes relevés par la Commission des visiteurs de prison et le manque de reconnaissance envers le travail effectué par le personnel pénitentiaire. Selon moi, ce lien n’est pas pertinent. En tant que membre de la Commission de gestion, j’ai eu l’occasion de visiter un établissement pénitentiaire qui posait justement des problèmes de conformité aux normes du Comité de l’ONU contre la torture ainsi qu’aux normes fédérales établies en la matière. J’ai pu constater que cette réalité ne pèse pas seulement sur les conditions de vie des détenus, mais aussi sur celles de travail du personnel pénitentiaire. Lors de notre visite, les seuls objets qui ont été discutés et sur lesquels le personnel pénitentiaire était interpellé en notre présence étaient bel et bien la question des normes dans les cellules, des espaces à disposition, des problématiques d’infrastructures, qui occupent finalement de manière disproportionnée le personnel pénitentiaire. La meilleure reconnaissance que nous puissions offrir aujourd’hui au personnel pénitentiaire est de lui donner un outil de travail adéquat et conforme aux normes. Je suis persuadé que l’ancienne syndicaliste que vous êtes peut entendre ce message, de même que l’ensemble du Conseil d’Etat. Si les questions d’infrastructures sont un problème lancinant, j’espère que les remarques du Conseil d’Etat s’adresseront à ce domaine plutôt qu’au manque de reconnaissance que ce Grand Conseil adresserait au personnel pénitentiaire, car ce n’est pas du tout le sens des remarques établies par la Commission des visiteurs.

M. Jean Tschopp (SOC) —

En 2008, j’étais en stage au Nigéria et j’ai eu l’occasion de rédiger le rapport annuel sur la situation des droits humains dans ce pays. Lorsqu’on effectue cet exercice, on peut être tenté, à un moment ou à un autre, de trouver des justifications et des excuses. Si on prend les droits humains pour ce qu’ils sont, ils ne se prêtent pas à cet exercice. Quand on se penche sur les conditions de détention dans notre canton en 2021, on doit regarder les choses en face, on doit être le plus factuel possible et on doit dénoncer ce qui ne répond pas aux engagements de la Suisse vis-à-vis de la loi et du cadre légal en vigueur. Or, c’est ce qu’a fait la Commission des visiteurs et, de ce point de vue, on ne peut pas lui reprocher cette rigueur.

S’agissant de votre remarque madame la conseillère d’Etat, sur la construction des places de détention supplémentaires, vous avez raison : le Conseil d’Etat a entrepris de construire des places supplémentaires en peu de temps. Toutefois, cela n’est pas suffisant. L’histoire du monde carcéral montre que plus on construit des places de prison, plus on est en retard, car on n’arrive pas à compenser les besoins dans ce domaine. Nous savons — ce n’est pas une coquetterie, mais une conviction documentée et forgée par l’expérience — que les alternatives à l’emprisonnement, partout où elles sont possibles, donnent d’excellents résultats en termes de réduction de la récidive. A ce titre, j’avais déposé pour le groupe socialiste une interpellation visant à renforcer la médiation carcérale. J’ai salué l’engagement du Conseil d’Etat pour le projet pilote aux Léchaires, projet de petite échelle et qui est modeste. Quelques dizaines de milliers de francs ont été engagés autour de ce projet pour de jeunes délinquants. Il faut désormais passer à la vitesse supérieure, avec des projets de ce type, orientés vers la réinsertion. En outre, dans la suite logique des Assises de la chaine pénale, il faut renforcer toutes les mesures de substitution, toutes les alternatives à l’emprisonnement.

Enfin, pour répondre à M. Chollet, en 2021, nous sommes sortis de l’approche dans laquelle le but de la peine est l’expiation de la faute. Non, cher collègue UDC, le but premier de la peine est de protéger la population dans son ensemble, en évitant la récidive, soit de protéger la sécurité publique. En 2021, nous sommes revenus de cette approche pure et dure de l’expiation qui, dans les périodes les plus sombres de l’histoire, a aussi montré des excès que l’on ne veut plus voir.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d'État

Je vous remercie pour toutes ces interventions auxquelles je vais tenter de répondre. Concernant les rôles du Grand Conseil et du Conseil d’Etat, M. le député Vuillemin a parfaitement raison : vous faites votre travail et, pour ma part, je vous explique calmement, sereinement ,ce que le Conseil d’Etat fait dans le domaine pénitentiaire. Je rappelle que nous avons construit 250 places de détention, cela n’est pas rien. Qui dit 250 places de détention, dit des agents de détention en plus, dit toute une infrastructure administrative, sécuritaire, sanitaire et sociale. Cela ne se fait pas en un rien de temps. Or, nous l’avons fait, nous avons relevé le défi. Nous étions le seul canton en Suisse à construire aussi vite et avec des bâtiments de qualité. Il s’agissait d’un sacré défi que le Conseil d’Etat a relevé. Mesdames et Messieurs, il y a la réalité. La réalité englobe les détenus et leur prise en charge ; il s’agit aussi des vieux établissements — le Bois-Mermet date de 1905, d’autres, comme la Croisée de 1990 — qui sont en mauvais état. Nous avons affaire à cette réalité et le SPEN fait en sorte que ces vieux établissements soient transformés, dans le respect des conventions internationales et des droits de l’homme. Nous nous y conformons chaque jour.

M. Nicolet a indiqué que, depuis la création de la Commission des visiteurs, il n’y a plus eu de mutinerie. Monsieur Nicolet, il n’y a jamais eu de mutinerie dans les prisons vaudoises. Nous avons connu des drames épouvantables qui ont eu lieu lors des précédentes législatures. Toutefois, nous n’avons jamais vécu de mutinerie comme on peut le voir dans d’autres pays européens. Pourquoi ? Parce que nous prenons en charge nos détenus, parce que nous les accompagnons et parce que nous mettons en place cette politique de formation, cette politique qui vise à éviter la récidive. Je vous rappelle que, pour la récidive, 80% de nos détenus sont étrangers. Nous devons donc composer avec cet état de fait. Nous devons former les détenus de manière à ce que, lorsqu’ils quittent la prison, ils aient un papier entre les mains. Dans ce sens, la formation est un élément très important dans la lutte contre la récidive et nous nous y attelons.

Sur la médiation carcérale, soit la justice restaurative, nous avions l’intention d’étendre ce projet-pilote des Léchaires à l’ensemble de nos établissements. Toutefois, cela fait bientôt une année que nous vivons une période insupportable pour tout le monde et nous n’avons pas pu mettre en place nos nouveaux projets, car il est impossible de rassembler les gens. On ne peut pas mettre ensemble des détenus et des victimes, prêts à discuter. On ne peut pas le faire... C’est la réalité. Cette réalité ne vous plait peut-être pas, mais c’est celle que nous vivons. Nous nous attelons à rendre la vie quotidienne de nos détenus qui sont, pour certains, malades, et, d’autres, inquiets, la plus acceptable possible.

Monsieur Bouverat, oui, j’ai été syndicaliste, oui j’ai défendu les agents de détention, oui ces derniers attendent des conditions de travail acceptables. Là aussi, nous y travaillons et c’est bien la raison pour laquelle nous voulons construire cet établissement, d’abord de 250 places, puis de 400 places, parce que c’est la seule solution pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale. Des petits containers à droite et à gauche ou sur des surfaces étroites, qui n’auront pas de terrains de sport, où la cuisine sera compliquée à faire : ce n’est pas ce que nous voulons. Tant le Grand Conseil que le Conseil d’Etat veulent offrir des conditions de détention carcérale humaines, respectant le droit international, qui permettent la formation et de lutter contre la récidive. Nous y travaillons chaque jour et c’est ce message que je voulais vous faire passer.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

Madame la conseillère d’Etat, sur le point des mutineries, je ne partage pas vraiment votre avis. En effet, il y en a eu dans notre canton. Il est évident que cela dépend de ce que l’on entend par « mutinerie », mais il y en notamment eu une au Bois-Mermet, suite à la fameuse affaire Skander Vogt. Avant cet épisode, il y en avait eu une au sein des Etablissements de la Plaine de l’Orbe (EPO) et j’ai moi-même été témoin de cette mutinerie durant laquelle les détenus refusaient de rentrer et plus d’une centaine de policiers avaient été appelés en renfort. Il y a donc eu des problèmes dans nos établissements. Toutefois, comme l’a rappelé M. Nicolet, la situation s’est améliorée et le SPEN a fait des efforts.

De plus, vous ne répondez pas aux questions posées, notamment à mes préoccupations liées à la violation quotidienne des droits de l’homme. Vous nous indiquez qu’il ne va pas y avoir des portacabine, mais cela fait bientôt dix ans que cette situation inacceptable perdure et on parle de quinze à dit-sept cellules à la Blécherette et d’une quinzaine à Lausanne. On est donc sur une trentaine de places de détention et on n’a pas réussi, sur une période de sept à huit ans, à améliorer cette situation obligeant ainsi quotidiennement des personnes détenues pendant 10 à 15 jours à vivre dans les cellules dans lesquelles il n’y a pas de lumière naturelle, ni d’endroit pour marcher ou fumer — une sorte de cage. Je ne peux pas admettre que notre canton continue dans une telle voie.

On nous répète que le département va construire mais, comme le soulignait M. Vuillemin, nous avons désormais besoin d’un plan qui nous évite de discuter à nouveau des mêmes éléments l’année prochaine et qui donne des solutions pour ces trente cellules. Nous avons évoqué tout à l’heure le cas d’autres pays dans lesquels les droits de l’homme sont violés et où il y a des manifestations. Or, il n’y a rien dans notre canton, si ce n’est Amnesty International et d’autres organisations qui n’admettent pas cette situation. Il faut maintenant se bouger, car je ne suis pas convaincu par les nouvelles constructions projetées. Je ne peux pas admettre, aujourd’hui et demain, que les droits de l’homme continuent à être régulièrement violés sur notre territoire vaudois, je ne peux pas l’admettre en tant qu’avocat, en tant que député et en tant que citoyen. Par conséquent, sur ce point, je demande que l’on agisse et que l’on trouve des solutions provisoires afin que cela ne continue plus jusqu’à la construction du nouvel établissement pénitentiaire.

Enfin, ayant été un député qui était beaucoup intervenu à l’époque sur le SPEN et qui avait critiqué la manière dont il traitait les détenus, je reconnais qu’il y a eu des améliorations, que les gardiens et le personnel, de manière générale, font un très bon travail. Toutefois, comme le disait le député Bouverat tout à l’heure, nous devons aussi lui donner les outils pour effectuer son travail dans les meilleures conditions possibles et pour ne pas à avoir à gérer des éléments de violation des droits de l’homme qui prennent beaucoup de temps pour expliquer aux détenus que leur situation risque petit-à-petit de s’améliorer et qu’ils vont être transférés ailleurs dans 14 jours. C’est cette situation que l’on ne peut plus admettre, madame la conseillère d’Etat.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d'État

Nous pouvons mener un débat encore pendant trois heures sur la prise en charge de la population carcérale, sur la surpopulation carcérale et, pour ma part, j’y suis prête. Actuellement, quatorze personnes sont détenues en zone carcérale. Nous avons donc bien diminué l’occupation de ces zones, par rapport à la situation d’avant la construction des 250 places. Encore une fois, la politique criminelle n’est pas faite par le SPEN. Ce dernier est en bout de chaine pénale, vous le savez très bien. Nous sommes donc obligés d’accueillir ces personnes qui sont condamnées ou celles qui sont en détention avant jugement — et vous le savez très bien, monsieur Mattenberger — dans des conditions que nous espérons les meilleures et nous travaillons à cet objectif tous les jours. Tacler le SPEN, parce que les conditions carcérales sont difficiles, on peut le faire et vous le faites, parce que c’est votre boulot. Pour moi il n’y a pas de souci, mais sachez aussi que nous avons assez peu de marge de manœuvre sur cette population carcérale dont nous devons nous occuper.

De plus, nous ne pouvons pas construire aussi facilement que vous le pensez. Je le redis : nous avions l’intention de mettre des portacabines sur le terrain du Bois-Mermet. Nous avons demandé l’autorisation et nous avons eu des entretiens avec la ville de Lausanne. Or, cela n’a pas été possible. Nous sommes en train d’étudier l’opportunité de telles constructions sur le terrain derrière la prison de Lonay. Or, ce terrain appartient aux CFF et nous avons étudié la possibilité de l’acquérir pour mettre vos fameux portacabines. Nous sommes en train de travailler sur toutes ces conditions. Vous indiquez que c’est très long, je le reconnais, car ces constructions prennent du temps. Nous faisons au mieux. Nous exploitons également l’Etablissement du Simplon. Monsieur Chollet, vous vous demandiez l’utilité de cet établissement et bien sachez qu’il est plein à 100%. Nous privilégions le travail externe et de la semi-détention. Le travail externe implique que les détenus travaillent à l’extérieur, mais dorment au Simplon. Nous utilisons donc à plus de 100% l’ensemble de nos établissements, justement pour offrir des conditions de détention dignes et acceptables. Je me bats, depuis 2012, année où je suis entrée au Conseil d’Etat, pour rendre ces conditions de détention acceptables.

Cette surpopulation carcérale revient chaque année sur le devant de la scène et devant votre plénum. Or, vous ne pouvez pas dire que rien n’a été fait, vous ne pouvez pas dire que le Conseil d’Etat ne prend pas ses responsabilités. Au fond, le SPEN, avec les moyens dont il dispose, travaille pour la dignité à la fois des collaborateurs et des détenus.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le rapport annuel 2019-2020 de la Commission des visiteurs du Grand Conseil est adopté par 120 oui, 1 non et 1 abstention.

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