Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 30 août 2022, point 28 de l'ordre du jour

Texte déposé

En avril dernier, la Commission fédérale contre le racisme (CFR) publiait son rapport sur la situation 2021. Il en ressortait, entre autres, que les signalements pour discrimination ou actes à caractère raciste avaient doublé entre 2019 et 2021, notamment sous l’effet du Coronavirus.

Corollaire de cette augmentation des cas, une nouvelle catégorie de victimes a malheureusement dû être introduites par la CFR, à savoir les personnes asiatiques, alors que, dans le même temps, les cas d’antisémitisme ont plus que triplé, étant constaté qu’il a été reproché tantôt aux personnes asiatiques, tantôt aux personnes de confession juive d’être responsables de la crise ou d’en tirer parti.

 

Si l’on pouvait, jusqu’à il y a peu, espérer que les symboles qui relèvent du nazisme et de son idéologie mortifère étaient moins visibles pour le grand public suisse, la crise sanitaire précitée a tristement prouvé le contraire.

Lors des différentes manifestations qui ont eu lieu ces 30 derniers mois, un certain nombre de manifestantes et de manifestants ont déployé tout un panel de symboles issus de l’idéologie nazie, souvent détournés et tournés en dérision, mais aussi parfois au premier degré, ce qui est bien plus grave.

 

À cet égard, la Coordination Intercommunautaire contre l’Antisémitisme et la Diffamation (CICAD) relevait dans son dernier rapport annuel la nécessité de punir l’utilisation et la diffusion publiques de symboles racistes, notamment nazis, en plus de renforcer la prévention et la sensibilisation[1]. Il est également à souligner la posture difficilement compréhensible du Conseil Fédéral, qui a jusque-là toujours refusé d’interdire de tels symboles, allant ainsi à contre-courant des demandes de parlementaires, des associations et de la société civile. Cette réticence fédérale, qui ralentit une réforme d’envergure nationale, justifie l’action cantonale, qui a souvent servi de laboratoire pour certaines avancées sociales.

 

Certains États comme la France prévoient déjà de telles disposition, à l’image de l’article R645-1 de son code pénal, qui stipule qu’il est interdit « de porter ou d'exhiber en public un uniforme, un insigne ou un emblème rappelant les uniformes, les insignes ou les emblèmes qui ont été portés ou exhibés soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945»[2]. La loi pénale vaudoise (LPén) pourrait, parmi d’autres et à titre d’exemple non exhaustif, servir de base pour une telle interdiction cantonale.

 

Tant le canton de Vaud que d’autres cantons, en tant qu’États à part entière dans notre système fédéraliste, ont démontré à maintes reprises qu’ils étaient maîtres de ce qui se passait sur leur territoire. Évoluer dans un environnement vierge de symboles relevant du nazisme et de l’idéologie qui en découle devrait être un droit. Les extrémistes qui exploitent actuellement les lacunes juridiques lors, par exemple, de manifestation font preuve d’une attitude blessante pour les minorités concernées, puisqu’il est aujourd’hui possible d’exhiber de tels emblèmes sans être inquiété.

Bien entendu, des exceptions doivent pouvoir exister, par exemple, pour des motifs historiques, pédagogiques, etc.

 

 

Aussi, au vu de ce qui précède, les signataires de la présente motion demandent au Conseil d’État d’interdire et de punir l’utilisation et l’exhibition des symboles relevant du nazisme sur le sol vaudois.


 

[1]http://cicad.ch/sites/default/files/basic_page/pdf/Rapport-2021_2021-FINAL.pdf

[2]https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000022375941/

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Nathalie VezVER
Valérie InduniSOC
Jean-Louis RadiceV'L
Kilian DugganVER
Cendrine CachemailleSOC
Hadrien BuclinEP
Carine CarvalhoSOC
Alberto MocchiVER
Anna PerretVER
Isabelle FreymondSOC
Géraldine DubuisVER
Thanh-My Tran-NhuSOC
Alexandre DémétriadèsSOC
Yolanda Müller ChablozVER
Valérie ZoncaVER
Mathilde MarendazEP
Muriel ThalmannSOC
Cédric RotenSOC
Felix StürnerVER
Nathalie JaccardVER
Théophile SchenkerVER
Patricia Spack IsenrichSOC
Laurent BalsigerSOC
Martine GerberVER
Julien EggenbergerSOC
Joëlle MinacciEP
Sabine Glauser KrugVER
Alice GenoudVER
Jean TschoppSOC
Pierre WahlenVER
Rebecca JolyVER

Document

22_MOT_28-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Yannick Maury (VER) —

En février 2022, le Conseil fédéral rejetait une motion visant à interdire les symboles nazis dans l’espace public. Cette décision fut regrettable et de nombreuses organisations qui luttent contre les discriminations et l’antisémitisme, entre autres, ont déploré ce choix. Depuis 2009, la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD), par exemple, a régulièrement exprimé sa position sur l’importance d’une prise de conscience sur ce sujet. Malgré les appels renouvelés des parlementaires, et acteurs et actrices de la société civile, cette lacune législative perdure. En effet, malgré la norme antiraciste, la loi suisse permet en toute impunité d’arborer de tels signes dans l’espace public, ce qui favorise de facto la propagation des idéologies haineuses et discriminatoires. Chaque année, des associations rappellent la nécessité de combler ce vide judiciaire.

Le manque de dispositions engendre de véritables conséquences regrettables. A titre d’exemple, la vente d’objets nazis est légale tant sur internet que dans les marchés. Le site Militaria Romandie dont le propriétaire est domicilié dans notre canton, à Aigle, propose des uniformes, des équipements, ainsi que toutes sortes d’accessoires du IIIe Reich ! De plus, les personnes taguant des croix gammées dans des lieux publics ne sont inquiétées par la justice que pour dégradation et non pour incitation à la haine. Ceci a notamment permis à des personnes de taguer des slogans nazis, dans notre canton et dans mon district, au Gymnase de Morges, sans être condamnées pour xénophobie. Le procureur avait d’ailleurs déclaré à l’époque : « Nous avons classé l’affaire, car il a été possible de conclure très rapidement qu’il n’y avait aucune volonté de propager la doctrine nazie, pas plus qu’une autre d’ailleurs. »

Finalement, cette lacune législative permet les dérives dont nous avons été témoins lors des manifestations récentes liées à la crise sanitaire. En effet, la crise a malheureusement été synonyme de banalisation de la Shoah. Les étoiles jaunes estampillées « non-vacciné », ou « le pass sanitaire rend libre » ou encore les photomontages de nos conseillers déguisés en Hitler ont été monnaie courante, lorsque ce n’étaient pas des artifices nazis arborés au premier degré, sans équivoque possible. Que peut-on dire de l’impact de ces messages auprès des personnes ayant vécu la guerre, auprès des jeunes, et simplement auprès de tout citoyen et toute citoyenne ? Comment transmettre la connaissance historique des atrocités commises durant la Seconde Guerre mondiale à des élèves, si leurs ainés les relativisent en usant de symboles qui n’ont pas lieu d’être ? Il en va donc de notre responsabilité individuelle et collective de dénoncer et de faire cesser ces agissements.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La motion, cosignée par au moins 20 membres, est renvoyée à l’examen d’une commission.

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