Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 22 juin 2021, point 11 de l'ordre du jour

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M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice

L’amphithéâtre d’Avenches est un site archéologique romain majeur à l’échelle nationale. Tant l’usure du temps que l’utilisation du site à diverses fins culturelles ont fragilisé l’ouvrage. Des travaux d’envergure doivent être entrepris afin de pérenniser ce précieux héritage pour les générations futures. Le crédit d’étude de 1,3 million, accepté à l’unanimité par la commission, vise à préparer ces travaux, estimés entre 23 et 30 millions au total. La commission relève l’équilibre entre préservation du site et patrimoine vivant. En effet, au-delà de la conservation/préservation, les travaux prévoient également d’équiper le monument d’infrastructures qui faciliteront la tenue des manifestations artistiques qui font vivre ce lieu emblématique. Il est à noter que les manifestations prévues en 2022 devraient avoir lieu, avant la fermeture du site pendant cinq ans pour des travaux importants. Il devrait ouvrir partiellement en 2027, conciliant pendant deux à trois ans travaux complémentaires et manifestations.

La commission salue l’intégration des autorités politiques et des acteurs culturels dans le pilotage du projet, et se réjouit également que celui-ci comporte un volet de médiation culturelle. Le chantier se veut en effet être un chantier modèle accessible au public, aux écoles et aux professionnels, dans le cadre de visites organisées. De nombreux métiers d’art auront ainsi l’occasion de se faire connaître. Le chantier lui-même pourrait devenir une curiosité touristique bénéficiant à la région. La rénovation de l’amphithéâtre d’Avenches s’inscrit dans le cadre plus large de projets de préservation et de développement des infrastructures romaines d’Avenches, comprenant notamment un nouveau musée ainsi qu’un plan d’affectation cantonal, avec la mise en réseau des différents sites romains vaudois. La commission recommande à l’unanimité au Grand Conseil d’accepter l’entrée en matière et le projet de décret.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

Mme Elodie Lopez (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutient ce crédit d’étude. L’importance et la nécessité de rénover ces arènes dans les meilleures conditions possibles et étant outillés au mieux sont en effet indéniables. Ainsi que l’a relevé le président de la commission, que je remercie au passage pour son rapport, nous saluons la collaboration menée avec les entités culturelles qui utilisent cet espace, et également qu’il soit prévu d’ouvrir le chantier dans une volonté de médiation culturelle. Nous saluons également l’attention accordée à la mise en valeur des métiers d’art, sur le chantier, avec l’idée de les faire découvrir au grand public.

Il y a tout de même un bémol : nous regrettons vivement que les engagements supplémentaires nécessaires à la conduite du projet se traduisent par des contrats à durée déterminée (CDD). L’Etat de Vaud se doit d’être un employeur exemplaire et les contrats en CDD devraient être les moins répandus possible. Le projet nécessitera un suivi sur plusieurs années, mais en créant des postes à durée déterminée, il y a un réel risque de voir des personnes quitter ces emplois en cours de route pour des emplois plus sûrs, ce qui pourrait porter préjudice à la bonne conduite du projet. Enfin, notamment en raison des spécificités d’un projet aussi intéressant et important, les connaissances et compétences attachées à ces postes et qui se perfectionneront en cours de route, constituent des ressources précieuses que nous estimerions important de garder au service de l’Etat, notamment s’il y a dans le futur une volonté de maintenir une politique de conservation du patrimoine romain dans l’ensemble du canton au-delà de la rénovation de ce site.

Mme Circé Barbezat-Fuchs (V'L) —

Le groupe des LIBRES est clairement favorable à ce projet de décret et vous invite à le soutenir. Après septante ans d’utilisation sans restauration, il est temps que l’Etat de Vaud restaure l’amphithéâtre d’Avenches. En effet, comme l’a dit Eugène Secrétan, premier président de Pro Aventico, en 1885, aucune autre localité de l’ancienne Helvétie ne peut lui être comparée, ni Noviodunum, ni Octodurus, ni Windonissa, ni Augusta Rauricorum. Aventicum est notre Pompéi, autant qu’une cité transalpine peut l’être ! Alors oui, il est plus que temps de restaurer l’amphithéâtre d’Avenches qui a besoin de cette restauration pour rester un espace multiculturel alliant le présent et le passé dans ses diverses activités. De plus, une restauration sur huit ans – divisée en deux parties distinctes, avec cinq ans sans festival, puis deux à trois ans de travaux avec manifestations possibles – reçoit notre adhésion. Grâce à cela, l’offre culturelle pourra continuer et ne pas être stoppée pendant huit ans. En outre, l’idée d’intégrer de la médiation culturelle au chantier de restauration est aussi une très bonne solution : à une époque où les visiteurs recherchent des expériences inédites et uniques, rien de tel que la visite d’un chantier en cours pour marquer des esprits !

Il reste cependant un point sur lequel nous voudrions une réponse du Conseil d’Etat : le poste à 50 % d’un archéologue restaurateur engagé en CDD par le Service des affaires culturelles. Le mode d’engagement et les explications liées à ce choix ne constituent pas notre principal problème ; notre souci concerne l’intitulé du poste. En effet, « archéologue restaurateur » est une niche dans la niche qu’est l’archéologie. Souhaitez-vous plutôt un archéologue, ou plutôt un conservateur/restaurateur ? Si c’est un restaurateur qui est engagé, nous voudrions vraiment qu’un apport régulier d’un avis d’un archéologue soit réalisé, comme ce fut le cas pour le théâtre d’Avenches où des archéologues ont réalisé un travail conjoint avec l’équipe de conservation/restauration. Enfin, nous voudrions mettre l’accent sur un fait dont la députation doit être consciente : les bâtiments antiques fortement utilisés et laissés en plein air sans couverture s’abiment. L’activité festive, musicale et animée a en effet fragilisé le monument. L’utilisation moderne d’un amphithéâtre antique a notamment fragilisé sa structure du fait de l’utilisation des basses, mais elle a aussi permis la conservation du monument. Nous sommes dans le paradoxe auquel conduit l’utilisation d’un bâtiment ancien pour un usage actuel. Il serait donc plus que judicieux de prévoir un montant annuel, peut-être dès cinq ans après les travaux, pour entretenir de façon régulière ce qui aura été restauré, au lieu devoir consacrer des sommes astronomiques à tout réparer après plusieurs décennies sans entretien. Nous sommes convaincus qu’un fonds d’entretien est nécessaire, sans cela nous donnerions raison à Wolfgang von Goethe qui, en 1779 a déclaré : « Vu à Avenches un pavé de l’époque des Romains, pavement chaque jour ruiné davantage, ce qui est lamentable. Les Suisses traitent ces choses comme des cochons. »

M. Daniel Trolliet (SOC) —

Permettez-moi, vu la nature de l’objet et ma propension, comme Jérôme Christen, à défendre les langues mortes ou en passe de le devenir, d’user dans mes propos de locutions latines. Sachant que vous n’en avez pas comme moi la signification sous les yeux et que seuls Philippe Vuillemin – eloquentus medicus – et Daniel Ruch – illustris forestarii – parlent couramment le latin, je ne manquerai pas de vous traduire les textes en français. J’ai renoncé à la version grecque, qui s’imposait vu que sans les Hellènes il n’y aurait eu ni Rome ni Avenches. Je prie MM. Broulis et Venizelos de m’en excuser humblement.

Omnisciences dicta fortiora si dicta Latina – Un propos prend plus de force quand il est dit en latin. Actibus immensis urbs fulget Aventicum – La ville d’Avenches brille par ses hauts faits. Ab origine fidelis – Ne pas oublier d’où l’on vient. Audere est facere. – Oser c’est faire. Absque argente omnia vana – Sans argent tout effet est vain.

Je vous encourage donc, fort du soutien de toute une ville et bien évidemment au nom du groupe socialiste, à soutenir sans réserve et avec enthousiasme cet exposé des motifs et projet de décret. Ce n’est toutefois qu’un premier pas vers la conservation des structures héritées de nos ancêtres et surtout la réalisation d’un futur musée romain. A cet effet, je conclurai en m’adressant directement au Conseil d’Etat : Pacta sunt servanda – Les conventions doivent être respectées, de sorte que nous puissions dire un jour, que je souhaite proche : Aere perennius exegi monumentum – Nous avons érigé un monument plus durable que l’airain. Gratias maximas e Salvete.

M. Daniel Ruch (PLR) —

J’avais préparé un long texte en latin, mais vu l’heure et les prises de parole sur cet objet, au nom du groupe PLR, je vous prie d’accepter haut la main cet exposé des motifs et projet de décret.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Je reviens sur la remarque faite sur les CDD. C’est vrai qu’en un sens, il serait dommage qu’à la fin de cette affaire, certains savoirs soient perdus du fait de ce type de contrat. Mais il faut aussi savoir que, très souvent, si l’on ne met pas cette cautèle, des gens finissent par s’incruster en devenant les seuls spécialistes d’un endroit donné. Par exemple, quand il fut décidé de reconstruire la Cathédrale de Reims, on a donné le marché à une famille de restaurateurs tout à fait connue, mais ils se sont ensuite passé le marché de père en fils et actuellement, à Reims, on trouve cela insupportable. Sans besoin d’aller jusque-là, prenons la Cathédrale de Lausanne. Il y a quarante, voire cinquante ans ou plus – car je les voyais déjà sévir quand j’étais au Gymnase de la Cité en 1971 – c’étaient toujours les mêmes tailleurs de pierre qui s’occupaient de cette cathédrale, sous prétexte qu’eux seuls savaient comment faire pour la restaurer. Cela a fini par créer un certain conflit, il y a quelques années. Votre serviteur avait alors profité de la création de la Cour des comptes pour lui demander d’enquêter et de savoir pourquoi c’était toujours les mêmes à se voir attribuer le chantier et certaines décisions ont alors été prises. J’estime ainsi que, dans quelques années, il faudra savoir se montrer souple et garder certaines personnes dont le savoir est essentiel, mais aussi savoir se séparer des autres, pour éviter que le monument soit « squatté » toujours par les mêmes, ce qui n’est pas ce que nous voulons. J’attire donc l’attention du Grand Conseil sur quelque chose qui se passera dans plusieurs années, certes, mais qui a une certaine importance. En effet, cela finit par énerver certains milieux de voir que ce sont toujours les mêmes, qui se sont impliqués dans un chantier quand ils étaient jeunes – ce qui est très bien : bravo et merci – mais qui ont tendance, vingt ans plus tard, à nous faire savoir qu’ils sont les seuls à savoir et que les tous les autres qui les suivent n’ont strictement rien compris à l’affaire.

M. Pascal Broulis — Conseiller-ère d'État

J’aimerais vous rassurer : nous sommes au début de l’aventure. Au Conseil d’Etat, nous avons eu beaucoup de contacts avec la Ville d’Avenches sur de nombreux dossiers, dont celui que vous traitez ici. Je remercie la commission pour son excellent travail et pour l’échange que nous avons eu sur ce dossier. Il s’agit d’un crédit d’étude, soit le haut de l’iceberg que représente la totalité du projet. Quand vous êtes dans les Arènes, vous voyez un bâtiment antique, mais vous ne savez pas ce qui se trouve dessous. C’est pourquoi nous devons calibrer le coût de ce qui s’y trouvera, raison pour laquelle nous indiquons une fourchette. Par ailleurs, le crédit prévoit l’engagement d’un archéologue et d’un chef de projet, mais nous ne savons pas encore exactement quels profils seront recherchés, puisque nous devons encore travailler sur le projet.

Concernant un fonds d’entretien, madame Barbezat, le Conseil d’Etat ne l’envisage pas, puisqu’il travaille soit par exposés des motifs, soit par le budget ordinaire. Pour la ville d’Avenches – et son ancien syndic qui est intervenu tout à l’heure peut le confirmer – nous mettons à disposition des sommes importantes pour l’entretien courant du patrimoine historique et romain. Ensuite, sur ce dossier qui doit encore être calibré, il est possible que nous ayons de très mauvaises surprises. Le bâtiment a été utilisé depuis plus de 2000 ans et la structure a peut-être été malmenée par les utilisations successives. Ainsi qu’il a été rappelé en commission, nous souhaitons que ce patrimoine reste vivant. Mais pour rassurer Mme Barbezat, c’est un patrimoine historique romain qui est prêté pour des manifestations contemporaines, et non l’inverse. Cela a été rappelé par le directeur du site, M. Genecand. Tout ce que nous mettons à disposition s’inscrit dans une logique et dans la séquence d’un patrimoine historique mis à disposition et non l’inverse. Cela reste donc un patrimoine antique qu’il faut entretenir. Quand on parle d’investissements lourds, cela concerne principalement le dessous du site. En prévision d’une intervention lourde, nous devons aussi examiner ce que nous allons maintenir, car les ajouts successifs faits au cours du XXe siècle ne sont plus forcément conformes. Tout un débat se fera autour de l’utilité des ajouts ou d’un retour à l’aspect historique. Par ailleurs, il est prévu qu’il puisse être prêté à différentes manifestations culturelles, musicales, voire même sportives, puisqu’une demande a été faite de placer une patinoire dans le site, ainsi que cela se faisait couramment au cours de l’Antiquité ; je rappelle que les arènes ont même parfois été complètement noyées pour y tenir des joutes et des combats de navires. Nous allons donc examiner, avec la ville d’Avenches et avec les festivals, comment camoufler dans la structure des éléments qui permettront d’accueillir durablement des manifestations dans les arènes.

La commission l’a bien compris : nous aurons ensuite un projet d’investissement, qui est encore difficile à calibrer tant que nous ne savons pas réellement ce que nous allons trouver en dessous. Quelques sondages ont été faits, c’est pourquoi l’enveloppe est très large, entre le haut et le bas de la fourchette. Ensuite, je remercie Mme Barbezat d’avoir relevé que nous souhaitons en faire un chantier de médiation culturelle. C’est une magnifique opportunité de permettre que le patrimoine reste disponible pendant le chantier : les écoles pourront y venir et nous pourrons expliquer la réhabilitation. C’est de l’information et de la transmission de valeur, ainsi qu’une démonstration de métiers superbes tels que ceux de la pierre et même du mortier. C’est un projet entre le département constructeur et celui de la formation et de la culture, ce qui permettra de bien cohabiter avec la ville d’Avenches, un partenaire fiable qui joue très bien le jeu. Je vous remercie donc de soutenir massivement ce décret.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise à l’unanimité.

Il est passé à la discussion du projet de décret, article par article, en premier débat.

Les articles 1, 2 et 3, formule d’exécution, sont acceptés à l’unanimité.

Le projet de décret est adopté en premier débat.

M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice

Au vu de la discussion que nous venons d’avoir, je demande le deuxième débat immédiat.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Le deuxième débat immédiat est admis à la majorité des trois quarts (1opposition et 1 abstention).

Deuxième débat

Le projet de décret est adopté en deuxième débat et définitivement par 110 voix sans avis contraire ni abstention.

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