Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 23 janvier 2024, point 29 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le Chef du Département de l’enseignement et de la formation professionnelle (DEF) vient de présenter les enjeux de l’année 2022-23; il a notamment affiché sa volonté de poursuivre la politique de promotion de la formation professionnelle mise en place par sa prédécesseur, en mettant en place une série d’actions en vue de promouvoir les débouchés de la voie duale. C’est dans cet esprit que le postulat ci-dessous propose au CE d'explorer différentes pistes qui permettant aux candidat.e.s à l'apprentissage obtenir facilement le remboursement des tests d'aptitudes exigés par les éventuels futurs employeur.euse.s.

 

En effet, les candidat.e.s à l'apprentissage doivent souvent passer un test d'aptitudes ou un examen d'admission. Différents aspects sont testés : les connaissances scolaires, les aptitudes psychotechniques et la personnalité. Les connaissances spécifiques sont également vérifiées selon le domaine professionnel envisagé;  les examens mettent alors l’accent sur les aptitudes requises par le métier visé.

 

Les résultats des tests d'aptitudes font déjà partie des documents à inclure dans le dossier de candidature dans de nombreux domaines professionnels; ils sont, de plus, de plus en plus souvent demandés dans d'autres domaines. Ils sont alors recommandés, sans être toutefois toujours obligatoires.

 

Les tests peuvent être organisés par les écoles de métiers (examens d'entrée), par les entreprises formatrices de grande taille et sont alors gratuits. Il sont aussi organisés par des organismes privés, qui ont conçu des tests d'aptitudes, généralement payants, adaptés à différents  domaines professionnels:

 gateway.one/Multicheckgateway.one/Basic-Checknantys.ch/kompass. La taxe d'examen varie d'un test à l'autre: elle oscille entre CHF 20.- et 150.- et est à la charge de la candidate ou du candidat.

 

La loi prévoit que le coût de ces tests soit remboursé par le futur employeur (cf. art 12 de la loi vaudoise sur la formation professionnelle)

Art. 12

Test de sélection

Les entreprises formatrices prennent à leur charge les tests qu'elles exigent pour la sélection des candidats à l'apprentissage.

 

Cet article reprend ainsi une exigence fixée par le droit du contrat de travail qui prévoit qu’un employeur qui demande des démarches précontractuelles doit les rembourser, même si le contrat n’est pas conclu au final, même si cette exigence n’est pas clairement formulée.

 

L'application de cette disposition n'est cependant pas évidente. En effet, les futur.e.s apprenti.e.s n’osent pas demander le remboursement des tests exigés dans le cadre de leur dépôt de candidature, qu’ils soient engagés ou non au final.

 

Au vu de ce qui précède, j'ai l'honneur de demander au Conseil d'Etat d'étudier les différentes pistes qui permettraient d'éviter que les jeunes candidat-e-s doivent initier une démarche contre leur potentiel employeur tout en s’assurant que ce dernier assume son obligation légale de rembourser les démarches précontractuelles. Je lui demande en particulier d'étudier la possibilité pour les futur.e.s apprenti.e.s de lui céder sa créance en remboursement au moment de l’admission en apprentissage (ce qui infère le suivi des cours dans une école professionnelle publique ainsi que la validation du contrat par le service de la formation professionnelle), avec charge au Canton d'encaisser les montants auprès des employeurs (cf. le système instauré pour le recouvrement des pensions alimentaires).

 

Je remercie d'avance le Conseil d’Etat pour sa réponse.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Rebecca JolyVER
Jean TschoppSOC
Pierre DessemontetSOC
Céline MisiegoEP
Laurent BalsigerSOC
Alberto MocchiVER
Valérie InduniSOC
Isabelle FreymondSOC
Oriane SarrasinSOC
Hadrien BuclinEP
Yves PaccaudSOC
Sébastien CalaSOC
Carine CarvalhoSOC
Claire Attinger DoepperSOC
Joëlle MinacciEP
Olivier GfellerSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Cédric RotenSOC
Julien EggenbergerSOC
Romain PilloudSOC
Patricia Spack IsenrichSOC
Géraldine DubuisVER
Sonya ButeraSOC
Vincent JaquesSOC
David RaedlerVER
Alice GenoudVER
Sabine Glauser KrugVER
Felix StürnerVER
Yannick MauryVER
Sandra PasquierSOC
Alberto CherubiniSOC
Marc VuilleumierEP

Documents

Rapport de la commission - 22_POS_44 - Sylvie Pittet Blanchette

22_POS_44-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Sylvie Pittet Blanchette (SOC) — Rapporteur-trice

La Commission de la formation (COFOR) s’est réunie le 23 janvier 2023 pour traiter le postulat de notre collègue Muriel Thalmann et consorts « Pour que l’employeur rembourse les tests exigés auprès des candidats à l’apprentissage ». M. Frédéric Borloz était accompagné de M. Lionel Eperon et M. Jérôme Marcel, secrétaire de la commission, a établi les notes de séance, ce dont nous le remercions.

La postulante relève qu’il est toujours plus fréquent que les candidates et candidats à l’apprentissage doivent passer un test d’aptitude ou un examen d’admission pour être engagés. Ce document doit souvent être joint au dossier de candidature et les tests sont parfois payants. Ils peuvent être organisés par des écoles de métier – examen d’entrée – ou par les entreprises formatrices de grande taille − ils sont alors gratuits. Ils peuvent aussi être organisés par des organismes privés spécialisés dans la conception de tests d’aptitude et sont alors généralement payants. Selon la loi, les employeurs qui exigent ces tests doivent rembourser les frais encourus. Ils devraient donc le faire automatiquement. Certaines petites et moyennes entreprises (PME) n’ont pas introduit cet automatisme dans leur processus et d’autres n’y pensent tout simplement pas. C’est alors aux candidates et candidats de réclamer, ce qui peut les mettre dans une position difficile. La postulante demande donc au Conseil d’Etat d’étudier les différentes pistes qui éviteraient aux jeunes candidats d’entreprendre une démarche envers leur potentiel employeur.

Le chef du département partage la préoccupation exprimée ainsi que le constat. La loi doit être appliquée et ces tests devraient être gratuits pour les apprentis qui cherchent un travail. En revanche, il n’est pas favorable à l’idée que l’Etat joue un rôle entre les parties. Pour donner suite à ce postulat, il propose de réintervenir auprès des entreprises qui font passer des tests pour rappeler les conditions légales, à savoir que ces tests doivent être pris en charge. Pour le conseiller d’Etat, entrer dans une logique de cession de créances serait beaucoup trop lourd, notamment du point de vue administratif. Le directeur général de la Direction générale de l’enseignement postobligatoire (DGEP) confirme que ce n’est pas un jeu d’égal à égal, certains jeunes n’osant probablement pas faire la demande. Sur les trente associations qui effectuent encore des tests, seules huit les font encore payer. Le département est déjà intervenu pour rappeler ce principe de remboursement, ce qui a amené la plupart de ces associations à rendre ces tests gratuits. Sur le plan de la Conférence intercantonale sur l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP), il existe une recommandation d’introduire au sein des écoles, en sus du bulletin de notes, une évaluation de certaines compétences générales des jeunes, sous l’appellation « Profil de compétences transversales PCT ». Si cette recommandation de la CIIP est suivie d’effets, il se peut que les soft skills de ces tests payants soient reprises dans le cadre d’une évaluation relevant d’un régime public et non privé.

Dans la discussion générale, un commissaire relève qu’on ne demande pas de tests à des jeunes qui sortent de l’école pour aller au gymnase. Un autre commissaire estime suffisant l’engagement du département de rappeler aux milieux intéressés la teneur de l’article 12 de la loi selon lequel les employeurs prennent en charge ces tests d’aptitude. La discussion met en exergue que certains employeurs remboursent le test uniquement s’il est réussi et qu’en cas de non-engagement du jeune, la situation n’est pas claire. Il y a donc des pistes à explorer. C’est sans compter la confusion entre les tests organisés par des associations professionnelles tel le célèbre Multicheck qui, non pris en charge, pousse à s’interroger sur sa prise en charge lorsque le jeune n’est pas engagé.

La discussion révèle un problème d’équité et de respect de la loi. La proposition de permettre aux apprentis de céder leur créance au Conseil d’État au moment de l’admission en apprentissage ne fait pas l’unanimité. Une commissaire suggère une prise en considération partielle, consistant à retirer la piste de la cession de créance au Conseil d’État. La postulante et le chef du département se rallient à cette proposition de prise en considération partielle. Le chef du département entend dès lors intervenir sur le plan de l’orientation professionnelle pour s’assurer que les futurs apprentis sont bien informés de leur droit à être remboursés, de la sensibilisation des entreprises, des associations professionnelles et des faîtières au cadre légal. Le département invitera ces milieux à aller vers la gratuité, s’agissant de coûts raisonnables. Une commissaire note que cette approche omet la problématique du Multicheck, joint aux demandes effectuées par les jeunes en recherche d’apprentissage, une catégorie de jeunes qu’il ne faut pas oublier.

Par 9 voix contre 1 et 4 abstentions, la commission recommande au Grand Conseil de prendre partiellement en considération ce postulat et de le renvoyer au Conseil d’Etat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

En préambule, il convient de se poser une question fondamentale sur la justification et l’utilité de ces tests introduits par les employeurs. Ces tests sont un business – lorsqu’ils sont confiés à une entreprise – alors qu’il existe de nombreuses filières développant leurs propres tests et ne les faisant pas payer.

Tournons-nous maintenant vers ces fameux tests payants. La discussion en commission a été fort intéressante :

  • il règne une grande confusion au sein des employeurs et le remboursement dépend du bon vouloir du futur patron. Certains employeurs ne remboursent rien, alors que d’autres remboursent le test uniquement à celles et ceux qui ont réussi et ont été engagés, alors que la loi est claire à ce sujet : il convient de rembourser le test qu’il soit réussi ou non ;
  • sur les trente associations interrogées par le département, huit font encore payer les tests. Il ne s’agit pas d’une enquête exhaustive, mais d’un coup de sonde. Certaines filières importantes sont très bien organisées comme l’Union professionnelle de l’automobile (UPSA), mais on ne sait rien des autres métiers et filières qui ne sont pas organisés ;
  • il n’y a pas de relation symétrique entre le ou la candidate à la recherche d’une place d’apprentissage et l’employeur qui décide ; il y a un rapport hiérarchique. On ne peut donc pas demander à la partie la plus faible d’exiger le remboursement d’un test. Il convient d’explorer des pistes, par exemple, faire en sorte que le test soit automatiquement pris en charge par les associations, mais il s’avère que tous les patrons ne sont pas nécessairement affiliés à une organisation.

Le débat révèle un problème d’équité et de respect de la loi. Il convient donc de soutenir ce postulat afin que le Conseil d’Etat explore différentes pistes possibles, telles qu’introduire dans la révision de la Loi sur la formation professionnelle un article du type « Si l’employeur décide d’exiger des tests dans le cadre de la sélection, ces tests sont à sa charge », ou interdire les tests payants, puisqu’ils sont exigés par les employeurs. Il ne suffit pas de réintervenir auprès des entreprises pour rappeler les exigences légales, à savoir de prendre en charge ces tests et d’assumer ainsi leurs obligations légales.

Je vous invite donc à prendre partiellement en considération mon postulat, car il permettrait au Conseil d’Etat de venir devant ce Grand conseil avec des propositions concrètes afin de mettre de l’ordre et de faire respecter la loi, voire d’interdire cette pratique.

Mme Aliette Rey-Marion (UDC) —

Le sujet soulevé par la postulante est préoccupant. Il faut donc faire en sorte de le régler rapidement, avec bon sens. En effet, comme indiqué dans le rapport de commission, la Loi sur la formation professionnelle mentionne que ces tests doivent être remboursés par le futur employeur. À la suite des discussions lors de la séance de commission, M. le conseiller d’Etat, Frédéric Borloz, propose de réintervenir auprès des entreprises qui font passer ces tests afin qu’elles remplissent les conditions légales, c’est-à-dire que les tests soient pris en charge par l’entreprise, future employeuse. Nous avons appris que sur trente entreprises ou associations effectuant encore des tests, seules huit les font encore payer. Vu la proposition de M. le conseiller d’Etat d’intervenir auprès des associations ou entreprises qui n’honorent pas la loi, le groupe UDC va soit s’abstenir, soit refuser même partiellement ce postulat. Je vous remercie de faire de même.

M. Guy Gaudard (PLR) —

En préambule, je tiens à remercier ma collègue députée Muriel Thalmann pour son postulat. En tant que membre de la COFOR, je précise que les coûts sont inférieurs à 100 francs et qu’ils étaient à charge de l’apprenti, ou plutôt du candidat à l’apprentissage, lorsque nous avions dix postulations pour une place. Les temps ont malheureusement changé et maintenant un candidat reçoit une proposition d’engagement de la part de dix entreprises, ce qui est un peu différent. Le réservoir de jeunes désirant exercer une profession manuelle s’est asséché et, si par chance on en trouve un, on ne va rien lui facturer. Soulignant en conclusion que si seulement quelques professions exercent encore cette pratique, le Basic Check ou le Multicheck coûte moins de 100 francs. On pourrait admettre que les parents peuvent également souscrire à cette dépense souvent caduque si le jeune est engagé. Nous devons laisser le patronat et les associations faîtières régler cette question. Pour ma part, il y a belle lurette que l’attitude prime sur l’aptitude et que je ne demande plus de faire des tests. Je laisse au Conseil d’Etat la responsabilité de faire appliquer la loi qui veut que ces tests soient à charge du futur formateur avec réussite ou échec.

M. John Desmeules (PLR) —

Tout a été dit. Je déclare mes intérêts : je fais partie de l’Union professionnelle suisse de l’automobile (UPSA). Dans notre branche, ces tests servent tout simplement à savoir à quel niveau nous allons introduire ces jeunes. Nous suivons l’article 12 de la Loi sur la formation professionnelle qui précise que les entreprises formatrices prennent à leur charge les tests qu’elles exigent pour la sélection des candidats à l’apprentissage. A une très large majorité, le groupe PLR vous recommande de suivre la commission et de prendre partiellement en considération ce postulat.

M. Frédéric Borloz (C-DEF) — Conseiller-ère d’Etat

J’acquiesce aux propos de Mme la présidente de la COFOR.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération partiellement par 103 voix contre 8 et 12 abstentions.

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