Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 30 mars 2021, point 17 de l'ordre du jour

Texte déposé

-

Documents

RC - 20_MOT_140

Objet et développement

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Marc-Olivier Buffat (PLR) — Rapporteur-trice

La commission s’est réunie pour étudier la motion Julien Cuérel. Je ne sais pas s’il souhaite prendre la parole maintenant ? Lors des séances de discussion, il avait évoqué la possibilité de retirer son texte. Je ne sais si vous avez reçu directement des nouvelles du Bureau du Grand Conseil, mais si ce n’est pas le cas et que notre collègue maintient son texte, je ne peux que confirmer le rapport de commission. Au final, malgré notre souhait, en cette période de pandémie, de favoriser d’une manière ou d’une autre les entreprises locales ou de notre région, notre loi actuelle ne le permet pas. Je rappelle que tant les accords-cadres que la loi fédérale en la matière proposent même des conditions extrêmement strictes quant à la non-possibilité de favoriser des entreprises locales avec des critères discriminatoires par rapport aux autres entreprises. Mme la conseillère d’Etat nous a aussi rappelé que sur la base des statistiques disponibles, le nombre de marchés adjugés à des entreprises internationales restait très limité. Je me permets d’évoquer une possibilité de jouer sur les valeurs seuils de façon temporaire, mais ce n’est pas ce que demandait le texte de notre collègue, malgré l’intérêt qu’on pourrait porter à cette proposition pour avoir une politique de relance anticyclique. Au final, la commission vous recommande donc de ne pas prendre le texte en considération et je vous remercie de la suivre.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Julien Cuérel (UDC) —

Effectivement, j’avais évoqué en commission la possibilité de retirer mon texte, mais après ce qu’a dit, par exemple, M. Mischler au débat précédent à l’ordre du jour, ou avec ce qui s’est passé avec la Ville de Lausanne qui a réussi à attribuer un marché pour un plancher en bois — on n’a peut-être pas assez de bois, en Suisse ? — à une entreprise située à 700 kilomètres d’ici — pour du bois ! J’imagine qu’il s’agira peut-être même de pin d’Oregon que l’on importera d’abord en France, puis encore jusqu’en Suisse ? C’est faire peu de cas des spécialistes que nous avons ici, dans notre canton ou même dans des cantons voisins ; c’est faire peu de cas du bois local qui aurait pu être utilisé par la ville de Lausanne.

Au vu de ce qui s’est passé et dans la période économiquement très difficile que vivent et vont vivre les entreprises, il me semble extrêmement important que l’argent investi par les collectivités publiques vaudoises reviennent en grande majorité aux Vaudois. Je demande donc une réflexion pour que les marchés publics soient attribués au maximum à des entreprises de proximité. Pour ces raisons, je vais donc maintenir ma motion afin qu’il y ait un vote. Cela pourra donner un signal au Conseil d’Etat et à l’ensemble des collectivités publiques, afin de montrer qu’il faut faire extrêmement attention lors d’attributions de marchés, parce qu’il existe des possibilités ici. M. Buffat l’a évoqué : il y avait peut-être une petite ouverture ; je pense aussi qu’il y a certainement des solutions et des ouvertures, même si c’est de manière temporaire, je le conçois, mais des solutions sont envisageables. Des réflexions doivent aussi être menées au sein de l’Etat de Vaud et de l’ensemble des communes, parce qu’il existe des partenaires, tels la Fédération vaudoise des entrepreneurs (FVE), qui disposent de personnes très qualifiées pour accompagner les collectivités publiques. La ville de Lausanne ne l’a certainement pas fait et je le regrette, parce que le résultat aurait certainement pu être différent. Pour donner cet élan et montrer notre attachement aux entreprises locales et de proximité et afin que chacun se fasse cette réflexion lorsqu’il y a un marché public à attribuer, je maintiens la motion.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Durant cette pandémie, combien de fois nos autorités politiques ont-elles dérogé à des principes juridiques au nom de l’urgence sanitaire ? Faites le calcul : les entorses sont nombreuses. La présente proposition constitue un bon moyen de faire bouger les lignes et d’amorcer la modification de règles sur les marchés publics qui sont contraires aux principes du développement soutenable. Vous en conviendrez certainement et j’en ai déjà discuté avec certains d’entre-vous : ces principes doivent être urgemment adaptés. La motion demande que des propositions soient faites pour offrir aux collectivités publiques la possibilité de favoriser une entreprise locale dans le cadre des adjudications. C’est effectivement difficile, mais il faut tenter l’exercice. Il y a trop longtemps que nous restons passifs face aux effets pervers de la Loi sur les marchés publics. Les députés LIBRES partagent mon point de vue : il est temps de mettre un gros coup de pied dans la fourmilière. Bien sûr, si l’on estime que tout va bien et que nos entreprises locales doivent continuer de souffrir, il faudra en assumer les conséquences, car il est certain que nos voisins ont moins de scrupules et s’emploient à slalomer autant qu’ils le peuvent. Dans ce contexte, les LIBRES renverront le texte au Conseil d’Etat.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Je commence par déclarer mes intérêts : je suis patron d’une entreprise d’installations électriques, à Lausanne, qui occupe une cinquantaine d’employés. Je partage entièrement l’avis de M. Cuérel, ainsi que de M. Christen. Il est dommage qu’aucune proposition n’ait été faite, au sein de la commission, par rapport aux seuils ; on aurait peut-être pu dire que les entreprises étrangères étaient invitées à pouvoir soumissionner dès 1 million ou 2 millions de travaux ? Il est également vrai que les critères et l’échelle de pondération pourraient être modifiés, car trop souvent, on donne trop d’importance au seul prix. Comme par exemple à Lausanne, pour Vidy — la situation dont mon collègue Cuérel a parlé — on fixe la part du prix à 60 % ce qui est beaucoup trop, alors qu’on aurait pu imposer un critère d’éco-responsabilité ou de durabilité, bien que M. le conseiller d’Etat ne le veuille pas. Il y a plusieurs critères tels que la proximité et d’autres que je ne connais pas. Considéré financièrement, le montant des impôts que versent les employés de l’entreprise adjudicatrice justifierait que le Conseil d’Etat étudie passablement de solutions pour favoriser justement les entreprises locales, régionales, voire même nationales. Avec la quantité de travaux qui vont tomber sur le marché, puisque nous venons d’entendre que 87 millions de travaux vont être réalisés sur six sites différents, comprenant de l’isolation périphérique, des changements de chaudières etc., il faudra du personnel. Ce n’est pas avec les apprentis que nous, les entreprises locales, formons dans ces secteurs, que nous pourrons assumer ce genre de travaux et il faudra donc bien élargir aux autres cantons, voire aux pays limitrophes.

Selon moi, il y a une sérieuse réflexion à faire sur les critères de pondération. Fixer un plafond, de 2 millions par exemple, pour l’ouverture du marché aux entreprises étrangères pourrait être une des solutions permettant de préserver le marché local. Quant aux entreprises étrangères, c’est bien joli de dire qu’il y a six entreprises étrangères sur les 240 chantiers, mais cela reste à prouver ; il faudrait pouvoir réellement voir les chiffres. Il demeure que ces six entreprises ne paient pas un centime d’impôt en Suisse, ni au canton de Vaud, alors que les entreprises vaudoises contribuent dans le canton Vaud, où elles forment des apprentis. Une autre chose me surprend ; chaque entreprise qui participe à une soumission publique doit fournir plusieurs attestations : du paiement des impôts, du registre des poursuites, du paiement des charges sociales, etc. Dans les pays étrangers, quelle est l’équivalence qui peut correspondre aux attestations que nous devons fournir lors de l’évaluation des entreprises ? Vous voyez donc bien que plusieurs questions se posent.

Je tiens à faire encore un aparté au sujet de Vidy. Sur un montant de moins d’un million, la différence était de 8 % entre le premier et le deuxième projet, qui venait d’une entreprise vaudoise. On parle donc de 80'000 francs (8 % de 1 million) au maximum, mais ici, les travaux adjugés atteignaient à peine 700'000 francs au total. C’est dire que, pour une différence de 50'000 francs, on a préféré faire déplacer une entreprise étrangère, lui faire faire 1500 kilomètres, soit 750 kilomètres pour venir et autant pour repartir, pour réaliser un plancher de théâtre ! J’insiste encore sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un plancher d’opéra sur lequel des artistes dansent, mais d’un plancher de théâtre, alors qu’il ne me semble pourtant pas que les personnes qui font du théâtre sollicitent beaucoup les planches lorsqu’ils bougent ; ce ne sont pas des surfaces de 200 m! Je soutiendrai donc la motion de mon collègue Cuérel et j’invite les entrepreneurs, s’il y en a dans cette assemblée, à le faire également.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Je ne suis pas toujours d’accord avec notre collègue Jérôme Christen, mais ici je ne puis que lui donner entièrement raison. Certaines particularités dans la politique des Verts, Lausannois en particulier, échappent toujours à mon raisonnement plutôt terre-à-terre. Notamment, comment peut-on promouvoir le bois régional en condamnant 444 hectares à pourrir sur pied ? En matière de captation de CO2, admettez que l’on peut faire mieux ; mais ils nous expliqueront qu’ils sont dans le juste. Il y a trois ans, sur le site de Vidy, nous avons inauguré une salle annexe, destinée à remplacer « la bulle » qui n’en était plus une, ayant tellement de fuites. Il y a maintenant un bâtiment arrondi qui tient uniquement par la pression, sans clous ni tenons : c’est une première européenne, inspirée par le bouillon d’idées que représente la chaire des travaux sur bois de l’EPFL, distante d’un kilomètre. On a pu le faire pour un bâtiment qui est une première européenne, mais on ne le peut pas pour un plancher de scène ? Là encore, mon ignorance se manifeste au grand jour : je n’y comprends rien du tout !

S’agissant des marchés publics, cela fait 20 ans que je m’y oppose, mais à l’époque, je n’avais rien compris. Tout de même, les marchés publics poussent les entreprises du cru à soumissionner à la limite, voire en-dessous du prix de revient, simplement pour prolonger leur agonie en attendant d’hypothétiques jours meilleurs. Comment peut-on tourner en soumissionnant en-dessous du prix de revient ? On y arrive en sous-traitant à des entreprises où à de faux indépendants pour lesquels on se moque allégrement du paiement des charges sociales ; nous sommes en pleine hypocrisie, voyez-vous ! Notre collègue Cuérel veut tenter — je lui souhaite bonne chance ! — de remettre un peu d’ordre dans cet immense marasme. La moindre des choses serait que nous l’appuyions !

M. Jean Tschopp (SOC) —

Sujet difficile que celui des marchés publics ! Il faut avoir l’honnêteté de le dire d’entrée de cause : nous ressentons de la frustration et de l’incompréhension face à ce que les accords internationaux qui s’imposent à nous permettent ou non de faire. Il faut dire aussi que, parfois, les prix pèsent trop dans la pondération des différents critères d’adjudication. La loi vaudoise rappelle que d’autres critères existent, notamment ceux du développement durable ou de l’égalité entre hommes et femmes. D’autres critères sont donc envisageables, mais force est de reconnaître qu’ils ne pèsent qu’assez peu par rapport au prix.

Nous attendons de nos collectivités qu’elles fassent tout leur possible pour privilégier l’emploi local et les entreprises locales. A cet égard, le rapport de commission permet tout de même de mettre les choses en perspective : « Sur l’ensemble des marchés publics attribués dans le canton de Vaud, seuls 1,2 % ont été adjugés à des entreprises étrangères ». Cela signifie bien que, dans l’écrasante majorité des cas, l’essentiel est fait et il faut aussi bien le dire. Il faut évidemment rappeler cette volonté chaque fois que nous en avons l’occasion, renouveler cette demande et tout faire pour que l’emploi local soit privilégié, mais encore une fois, le rapport ainsi que les chiffres communiqués par le département sont plutôt rassurants, de ce point de vue.

Ainsi, sauf à vouloir dénoncer les accords existants, il me semble que la motion n’est pas le meilleur moyen d’atteindre le but recherché. Peut-être en aurait-il été différemment sous forme de postulat ? Sous la forme d’une motion, je ne pense pas que ce soit la bonne voie, même si j’insiste encore une fois sur le fait que nous attendons de nos collectivités publiques qu’elles privilégient l’emploi et les entreprises locales dans toute la mesure du possible.

M. Georges Zünd (PLR) —

Pour commencer, je déclare mes intérêts : je suis directeur de la Fédération vaudoise des entrepreneurs (FVE). Il est clair qu’il s’agit d’un vaste débat et j’avais d’ailleurs déposé une motion : (19_MOT_120) Travailler à livre ouvert pour plus de transparence et moins de surcoûts dans les marchés publics. Il faudrait déjà se montrer honnête sur la question : seul le premier marché est un marché public. Tous les marchés que passe ensuite l’entreprise totale ou générale sont des marchés privés. Or, s’il veut considérer des entreprises locales, le maître de l’ouvrage doit parfois mettre la main à la poche. A partir de là, il est vrai que si vous fixez le prix à 60 %, les communes ou les collectivités ne sont intéressées que par cet élément.

Une nouvelle loi est maintenant en route, ainsi qu’un accord intercantonal. Nous avons donc de bons espoirs de reformer tous les dirigeants, et quand je dis « nous » je parle du niveau des constructions romandes, qui intègre les ingénieurs, les architectes mandataires et les entrepreneurs. Et il y a un élément important dont je n’ai encore jamais parlé, alors que je m’assieds ici tranquillement depuis quatre ans : l’Etablissement cantonal d’assurance-incendie (ECA) vit de nos primes, soit nos primes individuelles et celles des entrepreneurs. Je trouve assez étonnant et à vrai dire cela me surprend vraiment quand je constate qu’un bon nombre d’entreprises valaisannes ou fribourgeoises viennent ici exécuter des travaux ! En son temps, j’avais posé une question à la direction : finalement, auraient-ils envie d’ouvrir une succursale dans les autres cantons ?

Pour revenir à la motion de notre collègue Cuérel, elle part d’une bonne idée et de bonnes intentions, mais ce n’est pas vraiment ici le lieu pour l’accepter, car au niveau des droits et des règlements, elle est de travers. Mais cela mis à part, je ne peux que soutenir que des gens courageux décident pour le premier marché, qui regardent et s’inquiètent ensuite de savoir quelles entreprises régionales et locales peuvent assumer le travail.

M. Yves Ferrari (VER) —

Je serai bref, car au moment où j’ai demandé la parole, M. Tschopp rappelait que seuls 1,21 % des marchés publics étaient attribués à des entreprises étrangères, ce qui est plutôt une bonne chose. Et ensuite, M. Zünd a rappelé la modification de la loi et la formation qui va avoir lieu auprès des personnes qui passent ces marchés publics et je ne veux donc pas allonger. Une très bonne idée a été lancée, sur laquelle il faut continuer à travailler, mais malheureusement, la forme de la motion ne convient pas et nous ne pouvons donc aller plus loin aujourd’hui.

M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Pour poursuivre les propos de notre collègue Zünd, la forme choisie pour cette proposition est effectivement maladroite, alors que je souscris à sa volonté et à son principe général. Un postulat me semblerait plus opportun, car il aurait permis d’examiner les avancées que les modifications de lois vont permettre dans les prochains temps. J’aurais aussi aimé quelques précisions sur la formulation, car en matière de marchés publics, il existe aussi des entreprises locales, mais sans emploi local. Or, la domiciliation locale, mais sans création d’emploi, n’est pas spécialement intéressante pour l’avenir de notre canton. Des formulations différentes nous auraient permis d’avoir un débat plus précis. Déposer une motion qui se veut prophétie autoréalisatrice sans tenir compte des cadres légaux intercantonaux, nationaux, voire internationaux, ce n’est que de la poudre aux yeux ! Je crois que nous devons être précis, ici. Et quant à la volonté des partenaires sociaux — je déclare mes intérêts de secrétaire régional d’UNIA Vaud — elle est aussi d’avancer avec les partenaires sociaux afin de favoriser l’emploi local et les salaires de la région d’exécution, c’est-à-dire de notre canton. C’est uniquement à cette condition que l’on développe durablement un tissu économique ! Je comprends donc la volonté de notre collègue Cuérel et j’y souscris, quant à l’objectif. J’aurais pu voter une résolution dans ces termes, voire un postulat, sachant qu’il aurait été possible de mieux calibrer la réponse à la demande, mais présentement la forme de la motion n’est pas adéquate.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Nous devons entendre le message de M. Bouverat. Je ne saurais donc trop suggérer au motionnaire de transformer son texte en postulat. Nous verrons ensuite si c’est le fond de la question, mais cela donnerait effectivement plus de marge au Conseil d’Etat pour explorer différentes pistes et j’estime donc que c’est la voie de la sagesse.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) — Rapporteur-trice

Je suis intervenu tout à l’heure en tant que président-rapporteur de cette commission, mais permettez-moi de déclarer mes intérêts, tels qu’ils figurent au registre : je fais partie du conseil d’administration de sociétés actives dans le domaine de l’immobilier et de la construction. C’est dire si les problèmes soulevés par notre collègue Cuérel me semblent à priori intéressants. Il n’empêche que, pour rester parfaitement objectif, le texte qui nous est soumis ne permet guère d’interprétation, hormis le fait qu’on nous demande de favoriser l’adjudication à des entreprises locales. Il y a le terme « local » dont M. Bouverat a parlé tout à l’heure, mais surtout, on demande des modifications légales et c’est là le problème. Hormis le fait très honnêtement relevé par notre collègue Chollet tout à l’heure, on pourrait dire que l’on cherche à supprimer les marchés publics, mais sur le plan législatif et règlementaire, la marge de manœuvre n’est pas restreinte, mais inexistante. Et comme l’indique aussi le rapport, en revanche, la grande problématique se situe dans le domaine de l’application. Il est donc bon que nous ayons ce débat, au Grand Conseil où les représentantes et représentants de municipalités sont nombreux, car il faut faire preuve d’imagination. Le rapport de la commission rappelle quelles étaient les possibilités en lien avec le marché en question pour apporter des critères de proximité et d’entreprises que l’on pourrait qualifier de locales, mais c’est un travail administratif et de direction, lorsque l’on adjuge le marché, que de faire en sorte que les critères d’adjudication soient conformes à ce que l’on attend pour permettre l’adjudication à des entreprises de proximité.

Cela dit, j’aimerais quand même juste vous rappeler — rassurez-vous, madame la présidente, je serai aussi court que possible et aussi bref que nécessaire — que le but des marchés publics était la transparence, mais surtout d’éviter les cartels et de définir une règle du jeu. Alors oui, c’est formel, c’est compliqué et cela remplit des classeurs, mais c’est aussi à ce prix-là que l’on a pu réguler le marché des adjudications publiques. Tout en rappelant les intérêts et la sympathie que je peux avoir pour la motion, je crains que le texte lui-même ne soit pas recevable sous cette forme, et cela encore moins que je vous rappelle, en bonne conformité, que le vote de la commission recommande par 6 voix contre 1 — celle du motionnaire — de ne pas prendre la motion en considération.

Mme Nuria Gorrite (C-DCIRH) — Conseiller-ère d'État

Beaucoup de choses ont été dites aujourd’hui et notamment la volonté, que je crois partagée par l’ensemble des acteurs et personnes qui se sont exprimées, de faire en sorte que l’argent public des communes, des associations intercommunales et du canton puisse revenir autant que possible à la création d’emplois, locaux si possible, en tout cas à des entreprises sises sur le territoire vaudois et qui offrent des places de travail aux Vaudoises et aux Vaudois. Je crois que personne ici ne conteste cette impérative nécessité.

Nous nous inscrivons naturellement dans des cadres légaux voulus par les législateurs. Je dois donc vous dire qu’ici, ce n’est pas la Loi sur les marchés publics qui interdit le favoritisme local, tel qu’on a pu le connaître par le passé, mais bien la Loi sur le marché intérieur qui l’interdit dans un certain nombre d’articles. Cette loi découle de la volonté de signer des accords internationaux. Vous savez en effet qu’une grande partie de l’économie suisse trouve des marchés d’exportation, car nous avons une économie d’exportation. C’est dire que nous avons aussi un intérêt à ce que nos entreprises exportatrices puissent réaliser des marchés et concourir, aussi à l’étranger, avec des règles équitables. Vous savez que cela concerne aussi l’économie vaudoise.

Pour dire les choses simplement, les accords de libre-échange nous imposent certaines lois, dont la Loi fédérale sur les marchés publics qui règle la question sur le plan fédéral. Ensuite, l’accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP) fixe, dans les cantons, les règles découlant des accords internationaux. Vous conviendrez que, dans ce cadre, la marge de manœuvre du canton de Vaud est relativement faible. Comme vous le savez, l’accord intercantonal sur les marchés publics va évoluer ; les travaux fédéraux sont terminés, sous la direction du conseiller fédéral Ueli Maurer, et avec l’ensemble des cantons suisses nous avons adhéré aux évolutions prévues. Or, un certain nombre d’évolutions sont favorables à la préoccupation que nous partageons ici de favoriser davantage l’attribution de marchés au marché local, notamment en élevant le seuil des fournitures qui passera, en procédure de gré à gré, de 100’000 à 150'000 francs. C’est là une grosse partie des mandats, notamment dans les communes et dans les cantons, car les procédures de gré à gré sont souvent des marchés locaux. Dans le cadre de l’évolution de l’AIMP, nous avons enregistré la préoccupation, exprimée notamment par M. Christen, de pouvoir accorder plus d’importance à la qualité des marchés. Ainsi, l’intégration des critères et des seuils de qualité va gagner de l’importance. Vous savez déjà que, dans les pondérations du poids qu’il attribue au prix, le canton de Vaud lui attribue le plus souvent entre 30 et 50 % d’un marché. Dans mon département, nous pondérons toujours exclusivement le prix à 30 %, le reste du marché étant apprécié sur d’autres critères, notamment sur la capacité de l’entreprise à gérer le marché qui lui est confié et aussi des critères sociaux et environnementaux. Cet aspect va encore gagner en importance dans l’accord intercantonal révisé, dans les domaines du développement durable, des questions de formation initiale, et d’insertion de chômeurs, notamment âgés et de longue date.

Aussi, il faut souligner que les statistiques contredisent notre appréciation, car ici c’est un cas que l’on monte en épingle : le plancher du Théâtre de Vidy. Il faut relativiser le poids de cette affaire très lausannoise ! Je crois, monsieur, que vous avez déjà obtenu certaines explications de Mme Litzistorf, la municipale en charge à Lausanne. Hormis ce cas, je confirme les chiffres donnés ici, mais je répète qu’il faut relativiser les appréciations induites faussement par ce type de montage en épingle. J’aimerais vous donner un petit exemple qui m’est proche. Le premier lot de travaux de la Gare de Lausanne vient d’être attribué ; 300 millions de francs de travaux viennent d’être adjugés quasiment uniquement à des entreprises vaudoises, par le biais de consortiums intelligents. Il faut relativiser, car si de 1,5 à 2 % des marchés vaudois sont adjugés à des entreprises étrangères, c’est donc que 98 % des marchés sont attribuées à des entreprises suisses, principalement vaudoises ! Notre cadre actuel est certes contraint, mais par le travail intelligent — dont M. Zünd a parlé — avec les adjudicataires, nous arrivons à travailler sur les lots et sur les CFC afin de conserver un maximum de masse financière à disposition de nos entreprises, tout en respectant nos accords. Car nos entreprises gagnent aussi des marchés à l’étranger et en Suisse allemande, ce qui est important dans notre économie diversifiée et d’exportation. Il faut que nous puissions continuer à offrir à ces entreprises des conditions de concurrence équitables pour qu’elles ne soient pas elles-mêmes victimes d’ententes cartellaires intercantonales, en Suisse ou à l’étranger. Pour toutes ces raisons, je ne puis donc que vous recommander de suivre les conclusions de la commission et de ne pas entrer en matière sur cette motion.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend la motion en considération par 64 voix contre 56 et 8 abstentions.

J. Tschopp : 17 :07

Je demande un appel nominal. (Protestations.)

La présidente :

Cette demande est soutenue par plus de 20 membres.

Celles et ceux qui acceptent les recommandations de la commission en faveur du classement de la motion votent oui, celles et ceux qui ne suivent pas les recommandations de la commission votent non, les abstentions sont permises.

Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 63 voix contre 59 et 3 abstentions.

*insérer vote nominal

_______________

La séance est levée à 17 h. 10.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :