Point séance

Séance du Grand Conseil du mercredi 23 juin 2021, point 28 de l'ordre du jour

Texte déposé

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Documents

RC-19_MOT_098 (maj.)

RC-19_MOT_098 (min.)

Objet

Transcriptions

M. Pierre Volet (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Voici la motion Jean Tschopp et consorts pour une journée hebdomadaire végétarienne dans la restauration collective. Le motionnaire donne des informations sur le réchauffement climatique imputable à l’activité humaine. Il donne en outre des chiffres, tels que 18 millions de repas par an dans le canton de Vaud, et indique qu’une journée hebdomadaire végétarienne pourrait contribuer à une alimentation plus équilibrée. Le motionnaire souhaite, d’une part, que cette journée s’applique dans toute l’administration cantonale — centres hospitaliers, centre universitaire vaudois, CHUV, établissements médico-sociaux, EMS publics ou privés, etc. — et, d’autre part, promouvoir les atouts de cette mesure auprès des établissements privés des restaurateurs. C’est presque du Poutine... (Rires de l’assemblée.)

La conseillère d’Etat nous a indiqué que 176 restaurants scolaires sont labellisés Fourchette verte et très sensibles à la nutrition équilibrée. Ce label vise à proposer une alimentation saine et durable avec des objectifs chiffrés. Mme la conseillère d’Etat nous rappelle qu’il existe déjà de nombreux endroits où une alternative végétale existe, et ce, tous les jours de la semaine. Il faut tenir compte du fait que le repas de midi est parfois le seul repas équilibré pour un certain nombre de jeunes. Dans ces établissements, il y a des jeunes qui ne mangent pas toujours très équilibré et qui peuvent le faire dans ce type de restaurant.

Lors de la discussion générale, une commissaire rappelle l’importance d’un circuit court de la provenance des aliments. Toutefois, à ses yeux, l’obligation d’une journée végétarienne dépasse totalement les besoins. Une autre commissaire indique que des expériences existent sur les campus. Une autre pense qu’une journée végétarienne va beaucoup plus loin qu’une promotion privée. Une telle journée est ainsi inadéquate. Une commissaire demande également pourquoi la viande est toujours au centre de la préoccupation d’un repas et se dit favorable à la motion. En revanche, plusieurs commissaires pensent que nous n’avons pas à imposer ce choix à chaque personne de ce canton. Il suffit d’avoir des repas équilibrés avec des produits de proximité, d’autant que l’Etat a effectué une présentation très complète des actions déjà entreprises et à venir. Une commissaire pense que, si une demande est faite, les lieux de restauration collective vont automatiquement la suivre, raison pour laquelle il n’y a pas de raison d’imposer une journée hebdomadaire sans viande ni poisson.

A l’issue des travaux de la commission, par 8 voix contre 7 et aucune abstention, cette dernière recommande au Grand Conseil de ne pas renvoyer au Conseil d’Etat la motion transformée en postulat.

Mme Sabine Glauser Krug (VER) — Rapporteur-trice de minorité 1

La minorité de la commission s’est aussi ralliée à la transformation de cette motion en postulat, ce qui permet au Conseil d’Etat de proposer des mesures plus flexibles basées sur son expérience. Toutefois, contrairement à la majorité, elle recommande son renvoi au Conseil d’Etat. La minorité a entendu l’argument du libre choix mais elle estime que les établissements de restauration collective n’ont pas pour vocation d’offrir une carte comparable à celle des restaurants où le choix des mets est accru et encore moins un repas sur mesure, comme celui cuisiné soi-même. Les établissements de restauration collective sont prévus pour une fréquentation régulière et leurs clients attendent de ces derniers qu’ils offrent des repas qui répondent à trois critères : qu’ils soient bons pour la santé, savoureux et abordables financièrement.

Sur le plan de la santé, il est important de veiller à ce que les repas soient équilibrés sur l’ensemble de la semaine. Or, de nombreuses institutions dont l’Office fédéral de la sécurité alimentaire, la Société suisse de nutrition ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommandent de manger de la viande au maximum trois fois par semaine. Ainsi, un repas végétarien équilibré nutritionnellement permet de s’approcher de cet objectif sanitaire.

Sur le plan de la saveur, la palette extrêmement riche de produits végétariens, dont font également partie les produits lactés et les œufs, permet d’explorer une multitude de goûts et consistances. S’il est vrai que la cuisine végétarienne requiert une certaine inventivité qui pourrait éventuellement faire défaut chez des cuisiniers de la première heure, il existe aujourd’hui de nombreux établissements, y compris de grands restaurants, qui proposent des menus végétariens. Il est à noter également que la restauration collective est un lieu idéal pour faire découvrir des plats liant équilibre nutritionnel et saveur et ainsi transmettre une inspiration formatrice qui va dans le sens d’une amélioration de la santé publique.

Finalement, sur le plan financier, c’est un fait : la viande et le poisson coûtent cher. La réalité du terrain implique que, pour pouvoir en offrir à chaque repas, le cuisinier est souvent contraint d’utiliser de la viande importée, s’il veut pouvoir respecter son cahier des charges qui lui impose des repas bon marché. Instaurer une journée végétarienne serait une opportunité pour lui de réduire le coût de la marchandise sur la semaine et de financer l’achat de viande suisse. Et, cerise sur le gâteau, une alimentation végétarienne permet de réduire nos émissions de gaz à effet de serre ; et, du fait qu’il s’agit de viande importée, les émission de CO2 dues au transport sont encore accrues. Dans le contexte actuel de dérèglement climatique, cela n’est pas négligeable et fait sens.

Je me permets de rappeler qu’il ne s’agit plus d’une motion, mais d’un postulat qui se veut dès lors plus flexible et laisse au Conseil d’Etat le soin d’élaborer un projet qui tienne compte de son expérience et des différentes sensibilités exprimées lors de ce débat. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission recommande de renvoyer au Conseil d’Etat cette motion transformée en postulat.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Jean Tschopp (SOC) —

18 millions de repas par année, voilà ce que pèse la restauration collective dans notre canton. Garderies, unités d’accueil parascolaires, accueils pour enfants en milieu scolaire (APEMS), collèges, centres d’apprentissage, gymnases, universités, ce sont les centres de formation qui concentrent la part essentielle de cette restauration collective. Notre postulat demande d’étudier la faisabilité d’une journée hebdomadaire végétarienne dans la restauration collective. Dans les cantines scolaires, garderies, APEMS, où un seul plat est au menu, nous proposons une alternance, une fois par semaine avec un menu sans viande et sans poisson, pour une nourriture saine, variée et équilibrée. D’une semaine à l’autre, cette journée sans viande et sans poisson changerait pour atteindre d’autres publics. Cette mesure existe déjà depuis dix ans dans plusieurs garderies et APEMS du canton, comme à Lausanne, et ce, à la satisfaction des parents, enfants, éducatrices et nutritionnistes pratiquant déjà cette alternance. Notre collègue Yves Ferrari a été un précurseur dans ce domaine. Dans les cantines où plusieurs menus sont disponibles, le consommateur doit avoir le choix entre un menu composé de viande et de poisson et un menu végétarien présentant les apports nutritionnels attendus. Voilà notre proposition.

Un menu végétarien ne consiste pas à retirer la viande ou le poisson du plat proposé, mais à composer une assiette équilibrée avec suffisamment d’apports nutritifs. Le choix du consommateur est celui de se décider entre un plat végétarien ou non, le libre choix du consommateur n’est pas celui d’avoir de la viande ou du poisson à chaque repas. Quand un seul menu est proposé, ce choix passe par l’alternance de menus avec ou sans viande, avec tous les apports nutritionnels attendus. Rien de « poutinien » là-dedans, seulement la recherche d’un équilibre. Envisager un repas hebdomadaire sans viande et sans poisson, c’est réduire notre dépendance aux filières d’importation de production industrielle pour mieux valoriser les éleveurs de notre canton et les circuits courts les autres jours de la semaine. En réduisant l’importation de viande, le recours aux filières de production de viande indigène doit se renforcer. Notre alimentation est un enjeu central pour notre environnement. A elle seule et en Suisse, elle génère 28 % de la charge environnementale de notre consommation. En vue des objectifs qui engagent notre pays et notre canton vers la neutralité carbone en 2050, il y a quelque chose de délirant à importer aussi massivement de l’agneau de Nouvelle-Zélande ou d’Australie – ces deux seuls pays fournissent à notre pays le 65 % de la viande de mouton consommée en Suisse, y compris dans la restauration collective. C’est ce qui ressort d’un rapport agricole de la Confédération de 2019. Elle cause ainsi du tort à nos éleveurs.

Notre postulat consiste aussi en une question de santé. Je ne suis pas végétarien, mais comme beaucoup de Vaudois, comme vous, je m’efforce d’être attentif à ce que je mange. Portée par un matraquage publicitaire, la malbouffe est un problème de santé publique. En tant que politiques, nous devons y faire face. Les habitudes que l’on prend dès le plus jeune âge, les dépendances au sucre et les troubles de l’alimentation sont tenaces. Elles ont un coût humain, sanitaire, social et financier. En 2017, une étude du CHUV et de l’EPFL dans l’agglomération lausannoise nous apprenait que les habitants des quartiers aisés avaient nettement moins de risques que ceux des quartiers populaires d’être en surpoids et que l’environnement était un facteur déterminant. Qui mieux que l’école peut donner accès à des repas abordables financièrement et donner l’envie de cuisiner, de découvrir l’authenticité d’un produit. Oui, l’école, à l’image des grands chefs qui recomposent leurs menus en les recentrant sur notre terroir, doit exercer pleinement son rôle. Le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture se préoccupe des questions de restauration collective. En 2019, il supprimait les distributeurs de boissons sucrées dans les écoles, une mesure pour laquelle s’est battu Stéphane Montangero. Le 20 septembre 2019, la cheffe de département inaugurait au Gymnase d’Yverdon, en collaboration avec le Centre d’orientation et de formation professionnelle, un nouveau concept de restauration collective géré par des apprentis et proposant une offre de qualité centrée sur les produits de notre région. Plus largement, le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture cherche à identifier et prescrire les bonnes pratiques en termes de durabilité. Ces initiatives vont dans la bonne direction et nous voulons qu’elles se multiplient.

Aujourd’hui, selon les explications données par les services en commission, une politique de restauration collective en est à ses tout débuts. Nous souhaitons cette politique. L’EPFL, qui a accueilli notre parlement durant plusieurs mois, donne un excellent exemple de ce que peut être une politique ambitieuse de restauration collective. L’école polytechnique a réorganisé l’ensemble de sa chaine d’approvisionnement alimentaire sur le campus, pour réduire son empreinte carbone – augmentation des produits locaux, limitation des produits d’origine animale, augmentation des produits de saison – en offrant des produits à haute valeur nutritive et savoureuse. Selon l’indicateur vaudois Beelong, l’éco-score, en d’autres termes la qualité d’un produit, se mesure selon cinq critères : sa provenance, en privilégiant les circuits courts ; la saisonnalité ; son mode de production ; son impact sur le climat et les ressources ; et la fraîcheur pour éviter leur transformation.

Il y a une complémentarité entre le postulat Jobin qui visait à instaurer une journée 100 % locale dans la restauration collective et le nôtre pour une alimentation réellement durable. Il existe aussi une complémentarité avec le postulat de notre collègue Montangero s’intitulant « Urgence climatique - un bilan intermédiaire de la stratégie restauration collective » qui est nécessaire pour évaluer l’objectif de provenance locale des aliments et introduire le bien-être animal. Notre postulat se veut une pierre à l’édifice pour une alimentation composée de produits de saison, savoureuse, abordable financièrement, privilégiant les circuits courts, valorisant nos maraîchers et agriculteurs, les filières de production locale respectueuses de notre environnement et du bien-être animal, dans nos écoles et dans toute la restauration collective.

M. Vincent Keller (EP) —

La motion transformée en postulat de notre collègue Tschopp demande une journée végétarienne par semaine dans les établissements de restauration collective publics, en invoquant l’impact de notre alimentation sur l’environnement. Au sein du groupe Ensemble à Gauche et POP, nous avons beaucoup discuté et, le moins que l’on puisse dire, c’est que notre groupe n’est pas du tout unanime sur sa décision de renvoyer cette motion transformée en postulat au Conseil d’Etat. Certains s’exprimeront en sa faveur, notamment pour les raisons invoquées dans le rapport de la député Glauser Krug et d’autres – j’en fais partie et j’assume – proposeront son classement. L’encouragement par le choix d’avoir un menu végétarien, voire vegan, au côté d’un menu non végétarien paraît une voie bien meilleure et plus juste pour faire prendre conscience des intérêts du végétarisme, s’ils existent, que cette voie forcée. Il aurait donc fallu — c’est ce que prétend la partie du groupe Ensemble à Gauche et POP qui refusera le renvoi de ce postulat — étendre le choix lorsqu’il n’y a qu’un seul menu plutôt que d’imposer un mode de consommation.

Mme Céline Baux (UDC) —

Le groupe UDC refusera la prise en considération de cette motion transformée en postulat. En effet, il est actuellement clair que les cantines et restaurants publics sont déjà sensibilisés aux besoins des personnes végétariennes, voire vegan, et qu’il n’y a plus beaucoup de restaurants privés ou publics qui ne proposent pas de possibilités d’un, voire plusieurs plats sans viande. Finie l’époque où le menu végétarien était insipide et peu appétissant. Les plats sans viande proposés maintenant sont tout à fait goûteux et attractifs, même parfois plus que ceux avec de la viande, et il y a souvent plusieurs choix de menus végétariens. Nous sommes d’accord avec la plupart des arguments du postulant, mais nous ne voyons pas la nécessité d’instaurer l’obligation de cette journée hebdomadaire totalement végétarienne pour les restaurations collectives. On pourrait plutôt envisager de mettre sur pied une ou plusieurs journées végétariennes, comme l’a indiqué M. Keller, avec néanmoins l’offre d’un plat de viande. L’important est de proposer une offre diversifiée et équilibrée, en veillant à l’utilisation de produits frais et locaux. Nous observons également que, depuis la discussion sur ce dépôt, plusieurs établissements n’ont pas attendu que cela devienne une obligation pour la mettre en place, comme nous avons pu le constater à l’EPFL et à l’UNIL. En conséquence, le groupe UDC vous recommande de suivre le rapport de majorité et de ne pas renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat.

Mme Claire Richard (V'L) —

Au sein du groupe vert’libéral, il y a quelques personnes végétariennes — dont votre serviteure — et quelques flexitariens, mais aussi plusieurs solides carnivores, et même un producteur de viande de bœuf bio. Et pourtant, le groupe vert’libéral unanime va soutenir la motion transformée en postulat de notre collègue Jean Tschopp. Aujourd’hui, dans la majorité de nos restaurants, les végétariens ont généralement le choix entre des pâtes à la tomate, une pizza sans jambon, ou une salade de chèvre chaud. Or, les végétariens sont souvent aussi des fins gourmets qui aimeraient davantage de diversité. Mais on voit bien que les cuisiniers professionnels évoluent encore peu et n’apprennent que lentement à apprêter des plats végétariens de manière à leur donner une saveur et une texture propres à satisfaire nos papilles vaudoises. Des exceptions existent, bien sûr, par exemple dans des petits établissements comme La Bossette, qu’on connaît bien, ou aujourd’hui aussi la Buvette du Grand Conseil – que je profite de remercier ici – mais aussi dans des chaînes telles que le Tibits, qui nous vient de Suisse allemande et qui existe depuis des décennies. Par la longévité de ce restaurant, sa cuisine végétarienne a beaucoup évolué et la formation toute spécifique de ses cuisiniers propose de très bons mets, avec des recettes excellentes.

Et c’est là que le bât blesse dans le domaine de la cuisine professionnelle : la formation est encore trop tournée vers les préparations et plats axés sur la chair animale, sans trop se préoccuper d’autres formes de techniques culinaires. Car il est clair que l’apprêt des protéines végétales est très différent de celui de la viande ou du poisson. On ne peut pas sans autre remplacer un steak de bœuf ou des filets de perche par un triste morceau de tofu ou des lentilles. Les ingrédients d’accompagnement et les épices idoines sont très différents si l’on veut créer un bon plat végétarien. J’en veux pour preuve notamment une discussion que j’ai eue avec un cuisinier de cuisine collective, qui allait exactement dans ce sens : pour lui, la formation des cuisiniers devrait évoluer et rendre les plats végétariens attractifs à fabriquer pour les cuisiniers eux-mêmes, avec toutes leurs spécificités. Pour cela, imposer une journée végétarienne par semaine dans les cuisines collectives est simplement une ouverture vers d’autres recettes et d’autres pratiques alimentaires. Plutôt qu’une contrainte, c’est un élargissement des connaissances professionnelles des cuisiniers en favorisant la formation.

Ce que j’aimerais dire à celles et ceux qui s’opposent à ce type de proposition, c’est qu’il ne s’agit pas d’une obligation destructrice de liberté, mais au contraire d’une stimulation économique vers une hausse de l’offre. Et c’est par conséquent aussi un élargissement de la liberté de choix des consommateurs. Dans ce sens libéral, comme je l’ai dit, la motion Tschopp transformée en postulat sera soutenue par l’ensemble du groupe vert’libéral.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Je m’exprime ici au nom de la majorité du groupe des Libres et surtout de notre collègue Circé Fuchs, absente cet après-midi et vous comprendrez l’importance de cette précision après m’avoir entendu. Doit-on réaliser une journée végétarienne dans la restauration collective vaudoise ? Doit-on ou non proposer de la viande ou du poisson tous les jours dans ce type d’établissements pour s’assurer que toute personne ait accès à ce type de plat trois fois par semaine, comme le recommandent les nutritionnistes ? Telles sont les questions et sachez, chers et chères collègues, qu’aussi loin que remontent les sources antiques, celles-ci ont été mises à l’ordre du jour de nombreuses assemblées démocratiques.

A l’époque antique, la viande était synonyme de repas de fête et non de repas quotidien, car elle était onéreuse et rare. Malgré cela, la question du végétarisme ou non de la société est une question récurrente, et ce, depuis Pythagore, premier végétarien connu et ayant vécu au VIe siècle avant notre ère. Chez les Romains, Cicéron, au Ie siècle après notre ère, critiquait une des lois qui régissait les habitudes alimentaires des Romains. Cette dernière demandait de mettre en avant les légumes dans l’alimentation quotidienne, mais aussi lors de banquets où la viande est, selon le Sénat, trop présente. L’auteur critiquait ce besoin de mettre les légumes à l’honneur, car cela ne lui permettait pas de manger à sa faim, que cela brimait sa liberté et lui causait des problèmes de digestion. Cependant, un siècle plus tard, Sénèque revendiquait le fait qu’il ne faut absolument pas manger de viande, car l’homme en mange trop et de ce fait ne respecte pas la vie animale. Ces affirmations ne plaisent que très moyennement à l’empereur Tibère, car il jugeait cette pratique, le végétarisme, comme étant anti-sociale, anti-patriotique et même impie. Ainsi, par ces exemples, vous pouvez constater qu’en plus de 2000 ans, les arguments et les pensées n’ont pas évolué et les deux camps sont toujours présents.

Si le texte de M. Tschopp avait été conservé sous forme de motion, nous aurions suivi la majorité, car pour nous chacun est libre de manger ce qu’il souhaite dans notre canton, puisque nous avons la chance de pouvoir le faire contrairement à d’autres endroits de ce monde. Toutefois, sous forme de postulat, la majorité de groupe des Libres adhère à ce texte et à ses demandes afin que le Conseil d’Etat réalise une étude et nous propose des solutions innovantes permettant de mettre en place cette journée végétarienne et sans obliger – nuance importante – les consommateurs à y participer.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

En préambule, je regrette que le rapporteur de majorité ait laissé croire que cette motion transformée en postulat allait au-delà de la restauration collective. Le postulat de M. le député Tschopp va dans le sens des recommandations émises par les autorités sanitaires, lesquelles préconisent de limiter notre consommation de viande — hors volaille — à 100-120 grammes par repas, maximum trois fois par semaine ; elles conseillent donc de ne pas en manger au quotidien.

Ces prescriptions vont dans le sens des connaissances scientifiques les plus récentes. Ainsi le hors-série de Science&Vie de février 2021, qui s’intitule « Manger sain : notre assiette au crible de la science », consacre un chapitre à la viande et relève les conséquences liées à la surconsommation de viande. Des études scientifiques montrent que la surconsommation de viande conduit notamment à une augmentation du risque de cancer colorectal ; ce constat fait consensus chez les autorités sanitaires et les experts internationaux.

Tout le monde s’accorde sur le fait que la consommation de viande est compatible avec une nutrition saine pour autant que l’on suive un régime équilibré qui respecte les recommandations sanitaires. Il convient donc :

  • de réduire notre consommation de viande ;
  • d’augmenter la qualité de la viande — en réduisant les importations et en préférant l’achat de viande produite localement ;
  • d’éduquer nos enfants et nos jeunes à se nourrir sainement et durablement, au même titre que cela se fait pour d’autres aliments comme le sucre, le sel, etc.

Introduire une journée hebdomadaire végétarienne dans la restauration collective permet de tendre à cet objectif, étant entendu que la liberté de consommation est garantie, puisque les jeunes qui ne désirent pas consommer de plat végétarien ont la possibilité d’apporter leur propre repas et de le réchauffer au micro-ondes, ce que font déjà par ailleurs tous les jours celles et ceux qui ne désirent pas manger de viande. Je vous recommande donc de soutenir la motion Tschopp transformée en postulat, qui n’a aucune accointance avec M. Poutine.

M. Jean-Marc Genton (PLR) —

Je n’ai pas d’intérêt à déclarer dans ce domaine, mais je suis soumis, par ma profession, dont par le choix de mon employeur, à avoir un menu végétarien par semaine. J’ai la chance de ne pas travailler tous les jours de la semaine, ayant des horaires spéciaux par rapport à un citoyen lambda, et je ne suis donc pas obligé de prendre ce repas, une cuisine étant à ma disposition. Mon intervention vise à souligner tout le bien que je pense des bobos qui veulent toujours imposer aux autres leur manière de consommer, sous prétexte qu’ils veulent sauver la planète. Il y a quelques années, la richissime ville de Lausanne, soucieuse de la santé de ses sapeur-pompiers professionnels, a fait venir une nutritionniste afin d’apprendre à ces soldats du feu comment bien se nourrir avec moins de viande pour le repas de midi. Comme on pouvait bien l’imaginer, ces hommes sont des travailleurs manuels, sportifs, à qui vous ne pouvez pas mettre deux grains de riz dans l’assiette et penser que la journée va bien se passer. Résultat de la journée : tout le monde a joué le jeu – les pompiers sont des personnes respectueuses – et, le soir, cette nutritionniste, une personne très agréable et compréhensive, a été invitée par la section du jour à manger une bonne bourguignonne. Afin de ne pas vous offusquer, je ne dirai pas le nombre de grammes de viande par personne à disposition. Toutefois, ceux qui ne voulaient pas de viande pouvaient manger de la salade, du riz et j’en passe. Mesdames et Messieurs, soyons un peu cohérents : dans les pénitenciers, les prisonniers ont des menus à choix et, dans les restaurants collectifs, on veut imposer des menus sans viande et sans poisson. Je vous invite donc à classer cette motion transformée en postulat. Le consommateur doit encore avoir, dans notre démocratie, le choix de consommer ce qui lui convient.

M. Pierre-Alain Favrod (UDC) —

Cela a été dit, nous venons de quitter l’EPFL où nous partagions le repas de midi au Parmentier. Un jour par semaine, le repas de midi était obligatoirement végétarien, sauf le vendredi où il n’y avait plus personne. Nous avons insisté en vain pour nous en passer, mais cela était obligatoire. Vive la démocratie dans ce pays, lequel prône cette valeur dans tous les pays du monde ! Une journée végétarienne au pays du gruyère et d’autres excellents formages de terroir pourrait faire l’affaire, mieux que des lentilles bios du Pérou pleines de plomb et d’énergie grise. Autant manger de la viande suisse que celle issue de l’importation, pleine de CO2. Aujourd’hui, on parle de la restauration collective et, demain, ce sera tous les restaurants qui touchent des aides ou subventions de l’Etat. Cela va beaucoup trop loin et je vous recommande de suivre le rapport de majorité.

M. Hadrien Buclin (EP) —

J’aimerais brièvement appuyer la prise en considération du postulat de notre collègue Jean Tschopp. La crise écologique doit nous amener à faire évoluer nos modes de consommation dans de nombreux domaines et l’alimentation n’y échappe pas. Cela a été dit, l’élevage est responsable d’environ 15 % des émissions de gaz à effet de serre, il y a donc une réflexion à mener à ce niveau. L’élevage industriel absorbe des quantités d’eau bien plus importante que la production de céréales et de légumineuses. Nous ne pouvons dès lors pas faire l’impasse sur ces questions, d’autant que l’élevage industriel pose également d’autres problèmes, notamment au niveau sanitaire. Les grands élevages sont des incubateurs de virus. Une énorme concentration d’animaux qui vivent dans une grande promiscuité peut favoriser des mutations virales, lesquelles peuvent, un jour, conduire à l’émergence de nouvelles pandémies.

Il s’agit donc d’amorcer une réflexion sur une certaine végétalisation de notre alimentation afin qu’elle soit plus respectueuse de l’environnement et de la santé, ce qui passe par une meilleure éducation des enfants et jeunes en formation aux alternatives à la viande et au poisson, beaucoup de ces alternatives étant encore très peu connues par la population. Une journée végétarienne par semaine constitue un excellent moyen d’accomplir cette sensibilisation. Il ne s’agit en aucun cas de diaboliser la viande et le poisson, mais d’agir selon le principe « moins mais mieux », soit manger moins de viande mais de meilleure qualité, davantage locale plutôt que de l’importation issue d’immenses élevages industriels brésiliens ou chinois, comme cela a été expliqué par plusieurs partisans de ce postulat. De nombreuses sources de protéine végétale et locale existent d’ailleurs, il n’y a pas besoin d’aller chercher des lentilles jusqu’au Pérou, car elles sont cultivées dans le Canton de Vaud, de même que bien d’autres légumineuses, y compris anciennes et intéressantes sur le plan gustatif et qui fournissent des protéines. Il est aussi intéressant pour de petits producteurs de mieux faire connaître ces alternatives végétariennes.

Il ne s’agit pas non plus d’imposer un mode de consommation aux enfants, mais de leur proposer de meilleures alternances entre plusieurs modes de consommation, afin de diversifier leur culture culinaire. Dans de nombreux lieux de restauration pour enfant, il n’y a qu’un plat par jour et donc la meilleure manière de diversifier les menus est celle que propose le postulant, soit une journée végétarienne par semaine. A ceux qui prétendent qu’il s’agit d’imposer un mode de consommation, on peut les inviter à adopter le point de vue inverse, en rappelant que les parents d’enfant végétarien se voient eux aussi imposer un mode de consommation par le fait qu’il n’y a, dans certains lieux de restauration, que très rarement d’alternatives à la viande ou au poisson.

J’aimerais enfin rappeler qu’une telle journée existe depuis 2015 dans les cantines scolaires de la Ville de Lausanne et cela a très bien été accepté par les parents, enfants et professionnels de la restauration. Le canton peut donc aussi s’appuyer sur cette expérience positive. J’espère dès lors que vous ferez bon accueil à la proposition. Pour terminer, je déplore les propos de notre collègue M. Volet à propos de ce postulat qu’il a associé au régime du dictateur russe Poutine. Ce régime a commis de nombreux crimes tels que des atteintes aux droits fondamentaux. Monsieur Volet, vos propos ont un caractère injurieux pour le postulant et cela est regrettable dans un débat qui se veut constructif.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

On peut se demander d’où vient la croyance qu’il faut manger de la viande une fois par jour pour bien se porter. C’est plutôt par habitude qu’on a l’impression de ne pas avoir vraiment mangé si on consomme un repas sans viande, et ce, jusqu’à ce que l’on fasse l’expérience de repas végétariens qui sont aussi fins, délicieux et diversifiés que des repas avec des protéines animales et qui sont tout aussi nourrissants. Souvent, comme on l’a entendu, si on demande un repas végétarien, on se voit proposer l’accompagnement de légumes, tout seul, comme si on était au régime ou alors une portion de pâtes, voire trois grains de riz, comme l’a mentionné un de mes collègues. Proposer des plats végétariens dans la restauration collective, c’est permettre aux restaurateurs d’offrir de la cuisine moins traditionnelle, qu’elle soit simple ou élaborée. Les restaurateurs sont les premiers à dire que cette offre est tout à fait réaliste et réalisable.

Il faudra peut-être un temps d’adaptation, changer des habitudes, mais cette cuisine, en plus d’être avantageuse, est aussi bonne pour la santé et pour l’environnement. A titre de digression, j’invite ceux qui sont intéressés à aller voir les films Cowspiracy et Seaspiracy pour prendre conscience de l’impact de la consommation de la viande sur l’environnement. L’EPFL a mis en place une démarche vers la durabilité alimentaire. Par exemple, la moitié des menus proposés sont végétariens et cela va donc bien plus loin que ce que propose la motion. Vous avez sûrement eu l’occasion de déguster ces plats, lors de notre séjour à Ecublens. On nous opposera que nos libertés sont restreintes si on nous force à manger végétarien une fois par semaine, mais est-ce si désagréable d’être forcé de découvrir quelque chose que l’on n’aurait pas mangé si on ne nous l’avait pas proposé ? Que dites-vous de l’habitude de manger du poisson le vendredi ? Vous en êtes-vous déjà offusqué ? Avez-vous eu l’impression de ne pas manger à votre faim ou de perdre votre liberté en étant forcé de manger du poisson le vendredi ? Je suis sûre que non... Je vous invite à soutenir cette motion transformée en postulat pour permettre à nos enfants ou aux consommateurs des cantines de découvrir que l’on peut manger sain et goûteux, sans forcément manger de la viande et cela permettra peut-être à certains carnivores de devenir végétariens.

M. François Cardinaux (PLR) —

Tant du côté droit que gauche de l’hémicycle, nous avons tous une opinion bien tranchée. Je dépose dès lors une motion d’ordre afin que nous puissions voter.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est soutenue par au moins 20 députés.

La discussion sur la motion d’ordre n’est pas utilisée.

La motion d’ordre François Cardinaux est acceptée à une très large majorité.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion transformée en postulat par 64 voix contre 50 et 4 abstentions.

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