Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 5 avril 2022, point 30 de l'ordre du jour

Texte déposé

Les modes de représentation qui régissent nos démocraties assurent le lien entre élues et élus d’une part, électrices et électeurs d’autre part – un lien qui se matérialise dans la préparation des lois qui nous gouvernent et sont la vocation première des parlements. Remédier aux critiques à leur égard et prévenir des blocages passent par la mise en place de formes novatrices d’échanges entre autorités, administrations et société. Il s’agit d’aller davantage à la rencontre des habitantes et habitants et de régénérer la citoyenneté. Déjà expérimentées, des approches rendent possible une meilleure participation de la population aux processus de décisions, lui permettant de les nourrir et de se les approprier. Elles doivent encourager les gens à s’investir dans le débat public, sans les instrumentaliser.

 

La démocratie a besoin du débat d’opinions. Des formes innovantes de participation accroissent l’intérêt de personnes étrangères et issues de la jeune génération par exemple. Elles augmentent la légitimité de décisions prises au terme d’un processus réellement participatif. Vaud peut devenir un espace pilote de concertation citoyenne.

 

Préfacée par Pascal Broulis et rédigée par Olivier Meuwly, l’étude thématique « Démocratie et nouvelles formes de participation »[1] de Statistique Vaud (décembre 2020) recense plusieurs solutions éprouvées, dont les autorités et les administrations gagnent à s’inspirer.

 

A.     Des conférences ou assemblées citoyennes peuvent écouter et apprendre de spécialistes, débattre puis formuler des recommandations sur une thématique délicate. Il s’agit de rassembler un échantillon représentatif de la diversité de la population : la composition inclusive de ces forums est tirée au sort selon des proportions démographiques (genre, âge, niveau de formation, handicap, orientation, région notamment). Des voix plus diverses, indépendantes et informées[2] sur la thématique considèrent les besoins des générations d’aujourd’hui et de demain. La prochaine génération du plan climat cantonal, la révision du plan directeur territorial par exemple se prêtent idéalement aux délibérations d’une conférence citoyenne, en mesure d’émettre des recommandations qui façonnent la politique gouvernementale. L’Allemagne, l’Autriche, la Grande-Bretagne, le Danemark, les Pays-Bas et la France ont éprouvé largement ces conventions ou forums de consensus.

 

B.     La participation institutionnalisée se répand en matière d’aménagement du territoire en particulier. Si l’article 2 de la LATC prévoit que « les autorités veillent à informer et à faire participer la population », la loi n’indique rien sur la manière d’impliquer les gens dans l’élaboration des projets. Une campagne d’information ou une simple consultation ne suffit pas. Le projet Métamorphose à Lausanne ou le plan d’affectation de Lavaux ont donné lieu à des ateliers participatifs plus ou moins ouverts. EspaceSuisse (ex-ASPAN) a même normalisé une démarche participative à la disposition de (petites) communes : l’atelier village, que Faoug a expérimenté avec des spécialistes, après des localités bernoises. Nombre de propositions sont sorties des discussions, en vue de densifier raisonnablement autour de la gare. Renens a requalifié sa place du Marché, en écoutant ses habitantes et habitants avec succès, et aménage désormais l’avenir d’un de ses quartiers, en clarifiant les objectifs et les règles pour les délibérations des personnes concernées.

 

C.      Des démarches participatives sont parfois utilement guidées, notamment pour promouvoir la réalisation de projets portés par des jeunes, sous l’égide de « J’ai un projet » par exemple. Le Centre vaudois d’aide à la jeunesse a édité en 2019 un Guide pratique no 9 « Pour mettre en œuvre une démarche participative ».

 

D.     Porto Alegre, Grenoble, Paris, Madrid, Bruxelles, Cologne, New York développent à leur tour des budgets participatifs. Il s’agit d’allouer quelques ressources de l’Etat ou de la commune à des projets qui sont conçus et gérés par les habitants de quartier. Poussée par des postulats venus de tous les bords politiques, la ville de Lausanne vit aujourd’hui la deuxième édition de ses budgets participatifs attribués à neuf projets, départagés parmi 26 propositions par 4000 votantes et votants. La démocratie locale s’ouvre ainsi à d’autres formes de citoyenneté, orientées vers l’animation interculturelle, l’action sociale ou la transition écologique. Complémentaires, les contrats de quartier ont permis de créer une liaison piétonne pour les enfants, un plantage, l’aménagement d’un escalier, la réhabilitation d’une ligne de bus, la rénovation d’un terrain de sport, la signalétique, des tronçons tranquillisés, une rencontre police-jeunes, etc. dans deux quartiers lausannois.

 

E.      Rappelons en vrac d’autres démarches inspirantes. La motion populaire permet à un groupe de citoyens d’émettre une proposition formalisée soumises au parlement dans plusieurs cantons (FR, SH, etc.). Le canton de Genève a conduit des ateliers citoyens et ouvert une plateforme numérisée capable de recevoir tous les avis et suggestions de personnes intéressées, permettant de corriger tel ou tel aspect du projet de loi concernant l’avenir digital. A Yverdon-les-Bains, les gens peuvent signaler sur une application les défectuosités des luminaires ou d’autres problèmes matériels, par exemple sur des places de jeux. Le CHUV améliore ses prestations grâce à son service de médiation aussi qui, à partir des doléances de patients, percute le corps médical et la chaîne de soins dans sa globalité. En interne, la réorganisation du DSAS en 2018 a impliqué 60 collaboratrices et collaborateurs sur quatre journées, sans oublier les apports de partenaires extérieurs : des idées fortes sont et seront mises en œuvre – et la culture départementale en sort renforcée.

Le terreau semble fertile à de nombreuses initiatives qui révèlent un attachement des citoyennes et des citoyens à s'investir, à contribuer à l'amélioration du cadre de vie comme à la transition écologique et sociale. Ces démarches renouent les liens de confiance entre habitants et autorités publiques.

 

Le présent postulat invite le Conseil d’Etat à rendre compte des opportunités d’encourager les meilleures formes de démocratie participative, pour élaborer ensemble des solutions consensuelles et légitimes sur des thématiques controversées ou délicates.

 

 

[1]Prospective - VD.CH sous le dtitre : Démocratie et nouvelles formes de participation

[2]https://forumcitoyen.ch

 

Conclusion

Renvoi à une commission sans 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Alice GenoudVER
Olivier Epars
Claire RichardV'L
Maurice Mischler
Hadrien BuclinEP
Jean TschoppSOC
Yvan LuccariniEP
Léonard Studer
Anne Baehler Bech
Vincent KellerEP
Séverine EvéquozVER
Anne-Laure Métraux-BotteronVER
Jean-Marc Nicolet

Documents

21_POS_3-Texte déposé

Rapport de majorité de la commission - 21_POS_3 - Grégory Devaud

Rapport de minorité de la commission - 21_POS_3 - Muriel Thalmann

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Grégory Devaud (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La Commission thématique des institutions et des droits politiques s’est réunie le 28 mai 2021 à la Buvette du Parlement, en marge de l’examen de la Loi sur l’exercice des droits politiques. Nous avions deux sujets à traiter ce jour-là, celui-ci et un autre traité précédemment par notre Grand Conseil. Mme la conseillère d’Etat Christelle Luisier Brodard a participé à cette séance, ainsi que MM. Jean-Luc Schwaar, directeur de la Direction générale des affaires institutionnelles et communales (DGAIC) et son collègue Théophile von Büren, juriste dans la même unité. Les notes de séance ont été rédigées par le secrétaire de la commission, M. Jérôme Marcel, que je remercie grandement pour son aide.

Pour rappel, le postulant indiquait que son texte s’inscrivait clairement dans le respect de nos institutions. Selon ses termes, il ne s’agit pas de modifier notre démocratie représentative semi-directe, mais bien de la vitaliser avec des outils complémentaires. Différents outils sont proposés dans le postulat, que je vous rappelle en vrac et de manière non exhaustive :

  • des conférences ou assemblées citoyennes, parfois tirées au sort ;
  • une participation active des citoyens plus institutionnalisée ;
  • des démarches participatives, parfois guidées ;
  • et surtout la possibilité pour l’Etat ou les communes d’attribuer des budgets participatifs.

Des exemples nous ont été donnés, qui figurent dans le postulat, tels que les contrats de quartiers. Enfin, il y a des éléments de démarche dite inspirante, avec la motion populaire, des possibilités de plates-formes numérisées ou encore des éléments de signalement connus ici ou là sur les sites internet des communes notamment, signalant par exemple des défectuosités de matériel public, ou encore des possibilités de médiation. Les outils sont donc variés et l’objectif du postulat est de les mettre en exergue, déjà au moment du dépôt, puis par le présent débat et, le cas échéant, par une prise en considération. A tout le moins, il s’agit d’en faire la publicité et l’objet du présent débat est de mettre en exergue tous ces éléments, et de rappeler tout ce que l’on a à gagner à chercher des consensus.

Je rappelle la position exprimée par le Conseil d’Etat en commission. Effectivement, il est noté que la démocratie évolue et que, la plupart du temps, les démarches de démocratie participative sont utilisées principalement pour des questions de légitimité et de consensus, qui sont les arguments essentiels pour mettre ce type de démarche en avant dans des politiques publiques, car les modes participatifs sont très intéressants dans certains cas. Un travail important a été fait au niveau cantonal, avec en particulier l’étude publiée par Statistiques Vaud qui est citée à la fois par le Conseil d’Etat et par le postulant. Un travail important a donc déjà été fait du côté de l’Etat et aussi du côté des communes. Suivant la taille des communes, certains objets et situations conduisent ici ou là les communes à faire appel à des possibilités d’assemblées citoyennes, soit au travers de leur Conseil général, soit de manière plus citoyenne ou participative, par exemple pour des plans climat ou pour d’autres études, guides ou démarches participatives, selon les situations.

En conclusion – et c’est également la conclusion de la majorité de la commission – le Conseil d’Etat ne met pas en cause l’intérêt des démarches participatives, mais il est perplexe quant à la demande de dresser un rapport supplémentaire sur cette question déjà étudiée et mise en œuvre. Une courte majorité de la commission a donc exprimé son sentiment que les choses se font ou ont été faites, que les outils existent tant au niveau cantonal que dans les communes, que la plupart du temps, les textes légaux intègrent ces processus – j’ai cité l’exemple de la LATC – et que les outils à disposition sont connus des administrations cantonale et communales, ne nécessitant ainsi pas de nouvelle mise à jour à court ou à moyen terme, ou d’autre forme de publicité que celle que nous faisons cet après-midi. Ainsi, par 8 voix contre 7, la commission recommande au Grand Conseil de classer le postulat.

Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

S’il est vrai que notre démocratie représentative semi-directe offre un cadre solide, les commissaires de la courte minorité estiment qu’il est souhaitable de l’enrichir en utilisant les instruments éprouvés de la démocratie participative. On le voit dans certaines collectivités publiques qui appliquent déjà les instruments de la démocratie participative :

  • en organisant des ateliers qui permettent d’intégrer les personnes intéressées dans la révision d’un plan directeur, d’un plan partiel d’affectation, d’un plan de quartier ;
  • en organisant des conférences citoyennes permettant d’élaborer des recommandations qui peuvent, par exemple, être intégrées dans le cadre de la prochaine génération d’un plan climat ;
  • en organisant un panel chargé de réfléchir aux pour et aux contre d’un objet soumis en votation, afin d’augmenter la participation à la votation en question ;
  • par la nomination d’une personne chargée d’élaborer des démarches participatives et d’alimenter une plate-forme largement partagée afin de multiplier ce type de projet et d’impliquer les citoyennes et les citoyens.

On le voit, les démarches participatives permettent d’intégrer des catégories de personnes qui s’abstiennent ou ne peuvent pas prendre part aux votes. Elles permettent de trouver de consensus sur des sujets complexes ou controversés, d’élaborer des solutions consensuelles et légitimes sur des thématiques délicates ou controversées et d’assurer une meilleure légitimité des processus de décision.

Les commissaires de minorité vous invitent donc à soutenir ce postulat qui demande au Conseil d’Etat de faire un usage plus fréquent des instruments de la démocratie participative.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Le canton gagnerait à utiliser davantage les modes participatifs que l’historien Olivier Meuwly a recensés dans une étude publiée par Statistiques Vaud. Ecouter les gens, consulter les personnes intéressées, prendre en considération les avis qui s’expriment, c’est redonner confiance à des femmes et des hommes moins proches de nos institutions. C’est leur faire prendre conscience des conditions parfois compliquées de notre démocratie, leur donner envie d’exercer leur droit de vote, même lors des élections cantonales, au premier comme au second tour. Autour d’une révision du Plan directeur ou d’un futur Plan d’affectation cantonal, des ateliers préparatoires peuvent s’élargir à tous les milieux intéressés. Je sais qu’ils sont en partie déjà entrepris et je félicite les personnes qui en sont à l’initiative.

Il importe, ensuite, de rendre compte et d’expliquer pourquoi certaines propositions n’ont pas été retenues, pourquoi d’autres ont évolué vers des solutions plus convaincantes. Qui dans cette salle n’a jamais reconnu qu’une autre voie s’avérait finalement meilleure que la suggestion initiale ? Des conférences ou assemblées citoyennes réunissent des personnes intéressées, issues de régions, de genres, de classes d’âge représentatives des Vaudoises et des Vaudois, elles sont tirées au sort et entendent des spécialistes d’horizons différents, avant qu’elles soumettent des propositions consensuelles à l’exécutif. L’EPFL et la Business School de Lausanne ont mis sur pied une telle assemblée, sur le campus, pas plus tard qu’hier. Le président du Conseil d’Etat genevois, M. Serge Dal Busco participait il y a huit jours à un forum citoyen que nos voisins genevois présentent comme « Une place centrale où se rencontrent habitantes et habitants, politiques et personnes d’influence, pour débattre de la chose publique. »

Les budgets participatifs permettent à des communautés de résidents et à des groupes de réaliser ensemble des projets culturels et sociétaux dont bénéficient des villages, par exemple. Certes, l’étude préfacée par le conseiller d’Etat Pascal Broulis est détaillée. Ce qu’il faut, désormais, c’est utiliser et pratiquer ces outils et espaces différents. L’Etat profitera de la démocratie participative afin de légitimer son action et d’enrichir ses projets. Je vous remercie d’enrichir et de transmettre mon postulat.

Mme Aliette Rey-Marion (UDC) —

Oui, tout évolue et même la démocratie ! Le système de milice que nous connaissons, dans notre pays, permet une grande proximité avec les citoyens et leur donne la possibilité de s’exprimer régulièrement par leur vote. Les modes participatifs sont intéressants, dans certains cas, soit au niveau cantonal ou communal, suivant la taille des communes. Ces démarches sont assez nouvelles et, suivant la taille des communes, toujours plus demandées ou intégrées aux diverses réflexions. Cela permet quelquefois de faire passer un grand projet en y consacrant certes un peu plus de temps, mais en y associant les citoyens, les débats s’en trouvent plus sereins et sont souvent positifs. D’après les explications de Mme la conseillère d’Etat, il n’est cependant pas nécessaire d’en rajouter, alors qu’il existe déjà des guides et outils variés. Il suffit de s’organiser en conséquence. La plus grande partie du groupe UDC soutiendra le rapport de majorité, c’est-à-dire le classement du postulat.

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

Le groupe PLR va suivre le rapport de majorité qui demande le classement du postulat. Aujourd’hui, ainsi qu’il a déjà été dit plusieurs fois, les possibilités d’actions participatives sont largement suffisantes, aussi bien au niveau cantonal que communal. La volonté du postulant de vouloir encore renforcer l’échange avec les citoyens et citoyennes est une bonne chose, ou en tout cas une très belle chose. Je pense qu’il est toujours intéressant de discuter de soucis et de problèmes qui concernent tout le monde, mais nous devons aussi reconnaître que notre système de milice permet et favorise déjà cette proximité. Au niveau cantonal, les outils sont déjà bien en place. En effet, les grands projets bénéficient d’une bonne transversalité au niveau de la consultation avec la société civile. Chaque fois qu’il est nécessaire, le processus de la consultation est mis en place et les exemples, dans le canton, sont nombreux. Pour les communes, c’est un peu différent en fonction de la taille de la commune, de son organisation politique, et de l’importance du dossier. Là également, les communes ont toute l’autonomie souhaitée – et Dieu sait que ce propos m’est cher – pour activer un mode participatif.

Le postulant parle du Forum du Grand Genève, qui est un grand round de négociations et de discussions. Personnellement, j’ai participé à ce forum et je peux vous garantir que l’on y parle et discute beaucoup, mais cela fait une dizaine d’années que rien de concret, qu’aucun projet n’en est sorti, du moins jusqu’à aujourd’hui. En résumé, avant d’aller encore plus loin, utilisons déjà pleinement et complètement les outils que nous avons déjà. Il faut aussi garder à l’esprit que, dans notre canton, pour un dossier en négociation et qui doit aboutir à une réalisation, la moyenne est de dix ans et certains projets mettent plus de vingt ans avant d’être réalisés. Alors, si l’on ajoute encore des couches supplémentaires, je vous laisse imaginer que certains projets ne verront jamais le jour, uniquement parce que l’on ne fait que d’en discuter. Le PLR suivra bien sûr le rapport de la majorité de la commission.

Mme Sylvie Pittet Blanchette (SOC) —

La démocratie participative, ce n’est pas juste dire « je pense, je propose et je mets en consultation et tu dis ce que tu en penses, j’accepte ou non tes propositions et je mets au vote. » Très schématiquement, c’est notre forme de démocratie participative actuelle, celle que viennent de décrire mes préopinants. Mais cette démocratie – soit le fait de consulter – n’est qu’un minuscule bout de ce que pourrait être une vraie démocratie participative ! Je veux parler ici, par exemple, de la co-construction – le construire ensemble – qui permet à la population de se reconnaître dans des projets, des décisions et démarches qui permettent de rassembler la population. Dans ce domaine, le canton est encore en déficit de pratique. Les démarches peuvent être initiées au niveau de la population, en général, mais également à l’interne, dans les relations que l’Etat entretient avec ses collaborateurs, et à chaque démarche correspond une méthode différente. Que l’on parle de worldcafés, de forums, de safaris urbains, de portraits en creux, etc. – je m’arrête ici parce que je jargonne – montre bien que le domaine des actions participatives s’est énormément développé ces dernières années et que de nombreux outils ont enrichi les professionnels qui se sont formés pour cela.

Notre démocratie a besoin de la mobilisation de notre intelligence collective, pour que la population s’implique mieux. Les gens ont besoin de se sentir reconnus ; ils sont les experts de leur terrain, de leur quotidien, et ont besoin de retrouver une confiance envers les décisions prises. Améliorer nos démarches participatives permet également que les projets soient portés par tous, que les décisions reflètent un éventail plus large de préoccupations et de valeurs, et font diminuer les oppositions. On améliore ainsi l’action publique. Pour toutes ces raisons, je vous invite à soutenir le rapport de minorité et à transmettre ce postulat au Conseil d’Etat pour une étude plus approfondie des opportunités de démocratie participative dans notre canton.

Mme Elodie Lopez (EP) —

Le groupe Ensemble à gauche et POP soutiendra le rapport de minorité et vous encourage à faire de même, soit à transmettre le postulat au Conseil d’Etat pour faire davantage de pas en avant, vers plus de démocratie participative. A entendre les positions exprimées par le Conseil d’Etat et par mes préopinants qui s’opposent à la transmission du postulat, on a l’impression que les choses se font ou ont été faites et qu’il faut maintenant circuler, car il n’y a plus rien à faire. Aujourd’hui, je crois pourtant que nous nous orientons vers une culture de la participation et que le processus est en route. On constate que des projets se font dans les communes et aussi au niveau cantonal, mais c’est en train de se construire et on ne peut pas dire, aujourd’hui, qu’il ne reste plus de pas à faire ou d’enseignement à tirer de ce qui s’est produit ici ou là et qui pourrait profiter à tout le monde.

J’ai aussi entendu que notre système de milice allait très bien, mais quand on a moins de 35 % de participation lors d’élections cantonales ou de votations, j’ai pourtant l’impression que cela montre qu’il reste des choses à faire pour que la population se sente concernée et investie des projets publics. C’est la raison pour laquelle il me semble que certains éléments peuvent encore être améliorés. Enfin, j’ai aussi entendu que les types actuels de démarches participatives étaient largement suffisants, avec par exemple les processus de consultation. J’aimerais souligner ici que faire de la consultation dans un projet, ce n’est pas faire des démarches participatives. Ces dernières reviennent à intégrer des parties et des personnes en amont des projets, avant même le processus de consultation.

Nous avons aussi entendu un argument de la part de l’UDC qui nous disait qu’entamer des démarches participatives prend plus de temps. Effectivement, cela prend plus de temps dès que l’on prépare le projet et donc que l’on prépare l’intégration d’autres avis. Par contre, cela permet de gagner du temps, car plus les gens sont investis en amont, moins on a ensuite d’oppositions dans la population, de projets de procédures d’opposition à lever ou de blocages concernant des projets qui, ensuite, ne peuvent jamais voir le jour. Finalement, c’est donc un gain de temps. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons vivement à suivre le rapport de minorité et à renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

C’est quand même curieux : notre démocratie directe nous donne, à nous citoyens de nos communes, quantité de moyens d’intervention ou de faire valoir nos désidératas – droit d’initiative, de référendum, de pétition. Or, lorsqu’il s’agit de se prononcer, notamment pour une chose importante telle qu’une élection du gouvernement du canton pour cinq ans, seul un citoyen sur trois se donne la peine de voter, alors qu’il peut le faire à domicile. Donc, les conférences citoyennes vantées par le postulant feront que les gens se déplaceront pour aller débattre ensemble ? Effectivement, la démocratie devient participative lorsque les intérêts directs d’une frange de la population ou d’un quartier sont en jeu, par exemple à l’occasion d’un plan de quartier, mais sinon, c’est difficile. Lausanne a essayé : il y a des fourmillements d’idées qui vont dans tous les sens, mais une fois qu’on a fait le tri et sorti la substantifique moelle, on se rend compte que par rapport à ce qui se débat dans une assemblée de commune – conseil communal ou général – il n’y a rien de nouveau. Il nous apparaît donc que cette forme moderne et locale de soviets est peu compatible avec les assemblées de communes ; elles donnent à leurs membres l’illusion de la décision, mais en fait, elles les frustrent par rapport aux compétences des conseils déjà nommés. Cette forme de miroir aux alouettes ne peut être que trompeuse dans sa détermination et nous ne sommes donc pas favorables à cette forme nouvelle de démarche participative.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Vous avez devant vous – avec Jean-Luc Chollet et quelques autres, vu notre âge – ceux qui ont fait partie de la première vague qui a cru qu’il fallait améliorer la participation des citoyens. Fin des années septante et début des années huitante : les conflits de logement, les nouveaux quartiers de la ville de Lausanne, faisaient qu’on ne se sentait ni entendu ni compris. C’est la restauration d’un centre de loisirs de quartier au grand dam de la municipalité de Lausanne de l’époque, la création d’une deuxième ludothèque en Suisse romande : beaucoup d’activités participatives auxquelles nous avons sincèrement cru et nous ne le regrettons pas. Ensuite, tout cela s’est tranquillement essoufflé, comme d’habitude, et nous sommes finalement retombés dans ce qui fonctionne encore le mieux : ce qui est constitutionnellement et légalement établi.

Pourtant, je n’en veux pas à la nouvelle génération de penser que l’on peut retenter cette expérience participative. Je lui conseille vivement de la mettre sur pied, d’en mesurer tous les aléas et d’en tirer toutes les conséquences, avant de se rendre compte, dans trente ans, une nouvelle génération viendra dire : «On n’a jamais pu participer et ce serait bien le moment de faire quelque chose de participatif. » Ainsi va le monde et finalement c’est ainsi que chacun participe tout en sachant pertinemment bien qu’à la fin, ce n’est peut-être pas l’Allemagne qui gagne, comme au foot, mais c’est toujours la Constitution, les lois, le Grand Conseil, le Conseil d’Etat, les conseils communaux et les municipalités, parce qu’ils restent les lieux où l’on peut le mieux faire passer ses idées, même si c’est parfois compliqué, je l’admets.

M. Gilles Meystre (PLR) —

Beaucoup de choses ont déjà été dites et je pense effectivement que l’on n’a pas attendu M. Zwahlen pour mettre en place une démocratie participative, puisqu’elle fait partie de l’ADN de notre pays, à travers tous les outils participatifs. Qu’ils s’appellent pétition, référendum, initiative, droit de recours, et j’en passe ; cela fait très longtemps qu’on les exerce et qu’on les connaît. Je pense que l’expérience doit aussi nous servir et l’expérience de la démocratie pseudo-participative lausannoise nous démontre que, finalement, on aboutit plus à de la déception qu’à de la participation. On peut évidemment parler de l’Agenda 21 auquel j’ai participé, il y a près de 20 ans – je regarde Marc-Olivier Buffat qui y avait aussi participé. On peut aussi parler de Metamorphose, ou d’un exemple très concret qui concerne ma branche : l’Auberge de Sauvabelin. La commune se grattait la tête pour savoir que faire de cette auberge ; fallait-il la raser pour mieux voir non la mer, mais le lac ? Ou fallait-il la rénover ? Telle était la question posée dans un atelier participatif. Vous pensez bien que les participants ont tous conclu qu’il fallait la raser. Et voilà un outil – l’atelier participatif – dont le résultat est entré directement en contradiction avec un autre outil que l’on connaît depuis longtemps, à savoir la pétition. Quelques mois plus tard, une pétition demandait exactement l’inverse, à savoir le maintien de l’auberge. La municipalité s’est trouvée dans un beau pétrin à vouloir faire participer la population, d’un côté, mais sans lui enlever ses outils, qui peuvent amener au résultat contraire. On a là la démonstration des contradictions auxquelles pareil bricolage peut aboutir.

Je vous invite à ne pas entrer en matière. Je crois très franchement que pareils ateliers et démarches sont plus souvent source de frustrations et de promesses que l’on n’arrive pas à tenir, parce que les outils qui subsistent depuis longtemps peuvent contredire les résultats des assemblées participatives. Nous avons tout, aujourd’hui, pour faire participer les gens et s’ils ne le font pas, ce n’est pas forcément parce qu’on les empêche de participer ou qu’on est trop éloignés d’eux, mais peut-être aussi parce que cela ne va pas si mal. Je sais qu’il n’est pas politiquement correct de le dire alors que l’on a plutôt tendance à pleurer sur la faible participation aux élections et votations, mais on ne peut s’empêcher d’évaluer cette hypothèse. Pour toutes ces raisons, je vous invite à ne pas entrer en matière sur le texte de M. Zwahlen.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

J’entends bien les exemples donnés et les difficultés rencontrées. L’important, me semble-t-il, est de pouvoir associer les milieux intéressés à des projets d’une certaine importance. M. Gilles Meystre a donné l’exemple d’une pétition qui circule après coup. Bien sûr, cela fait partie des incidents que l’on rencontre parfois. Il n’empêche que si vous avez su consulter les milieux directement concernés – en l’occurrence le Chalet-à-Gobet – vous avez aussi de meilleures chances pour approfondir les réalisations et pouvoir affiner et enrichir le grand projet conduit par le canton ou par un assemblage de communes. Ce qui importe, parmi les différents instruments recensés par Olivier Meuwly, est de savoir les utiliser à bon escient et ainsi de rester à l’écoute des personnes qui ont quelque chose à dire et à suggérer sur le projet initial. Il ne faut pas balayer trop rapidement ces outils qui permettent d’approfondir le processus démocratique, tout en le maintenant. Vous l’avez entendu du rapporteur de majorité : il n’est pas question de mettre en cause nos différents conseils, parlements et exécutifs responsables. En revanche, il est bien plus profitable de pouvoir tenir compte des avis des milieux concernés pour qu’un projet passe la rampe. Comme l’ont très bien dit notre collègue Sylvie Pittet Blanchet et d’autres, ces projets sont mieux à même de convaincre et ainsi d’éviter, par exemple, un référendum local ou cantonal. C’est ainsi, je crois, que nous allons de l’avant et qu’il vaut la peine de pousser nos instances cantonales à s’inspirer de ces outils énumérés dans l’étude de Statistiques Vaud.

Mme Céline Misiego (EP) —

J’aimerais revenir sur les propos de notre collègue Gilles Meystre : je suis d’accord avec toutes les critiques que vous avez faites. Mon seul point de désaccord : vous appelez cela démocratie participative, alors qu’il s’agit d’une consultation. Je ne vous exposerai pas longuement la différence entre consultation et participation, mes collègues l’ont fait. Simplement, à mon sens, la participation implique que l’on participe complètement y compris à la décision finale. En ce sens, l’exemple qu’il fallait montrer, à Lausanne, est celui des budgets participatifs. Et vu qu’apparemment, dans cette assemblée, nous n’arrivons même pas à être d’accord sur ce qu’est la démocratie participative et la consultation, je pense que le postulat a tout son sens et peut nous éclairer.

Mme Rebecca Joly (VER) —

(Exclamations et brouhaha.) J’avoue que je ne pensais pas prendre la parole pendant ce débat, mais certains propos m’ont semblé heurtants. Et finalement, en tant que femmes, nous nous posons beaucoup trop la question alors que vous, messieurs, « vous l’ouvrez tout le temps ».

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

S’il vous plaît, madame la députée !

Mme Rebecca Joly (VER) —

J’ai trouvé étrange et interpellant, dans les propos de mes préopinants, cette crainte de la participation et le fait de demander son avis à la population ; j’estime que ce n’est pas un message positif qu’on envoie aux gens. J’estime en effet que nous devons entendre la population qui nous dit qu’être consultée par la voie des urnes et des élections n’est pas forcément un mode qui lui suffit. Concrètement, au contraire, elle a besoin de nouveaux cadres et de nouvelles façons de prendre des décisions, afin de participer à la décision le plus en amont possible. Car c’est là que les démarches participatives prennent le sens le plus accru. Concrètement, les démarches participatives ne ressemblent plus à celles que l’on faisait il y a dix ou quinze ans ; elles se sont professionnalisées, des études aident à les cadrer et à les encadrer, à les développer et à les faire grandir : en fait elles accompagnent tout le processus décisionnel d’une collectivité de A à Z et guident aussi la collectivité dans le cadre de la démarche.

Il est clair que si on commence une démarche participative en n’ayant pas envie de consulter et en sachant déjà quelle sera la solution à la fin, cela ne va pas marcher ; c’est une évidence. Il faut avoir la volonté de trouver et de développer un projet avec toutes les personnes concernées. Il faut surtout ne pas avoir d’a priori trop fermés sur la solution qui doit émerger de la démarche – et même au contraire, sans quoi elle ne peut pas fonctionner. Aujourd’hui, des preuves scientifiques montrent que les projets qui ont consulté le plus en amont sont plus durables, mieux acceptés et fonctionnent mieux sur le long terme et que, du coup, cela marche. Aujourd’hui, on a une demande et de plus en plus de communes font appel à des bureaux spécialisés en démarches participatives et cherchent à utiliser ces outils. Le canton de Vaud est très en retard sur ce point par rapport à d’autres cantons tels que Genève, Berne ou Fribourg, qui ont déjà beaucoup plus développé les outils mis à la disposition de leurs communes. Le train va partir et la question est de savoir si l’on veut l’accompagner ou non et laisser le train devenir fou. Je pense qu’on a tout intérêt à essayer de l’accompagner le plus possible, car les démarches auront lieu de toute façon. C’est pourquoi je vous encourage à suivre le rapport de minorité.

M. François Cardinaux (PLR) —

J’aimerais tout d’abord revenir sur un événement clair et net : la plupart d’entre nous viennent d’être réélus par des gens qui ont envie que nous participions ici, avec nos voix, à une manière de travailler. Ce que l’on peut faire en amont, nous devons le faire, mais ce n’est pas automatiquement à une commission de décider comment l’on fait et surtout pas à notre gouvernement de devoir revenir faire deux fois la démocratie qu’il fait déjà très bien. Enfin, je pense que nous devons aussi nous demander s’il est utile, chaque fois, d’ouvrir à tous un débat qui a déjà été fait, refait et souvent très bien fait. Ne créons pas une usine à gaz et refusons ce postulat. Nous pourrons ainsi le classer et aller de l’avant d’une manière sobre, claire, nette et allant dans le sens de notre mission : être les représentants de ceux qui nous ont élus.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

A l’instar de ma collègue Joly, je n’avais pas prévu de prendre la parole dans le cadre de ce débat, mais les propos qu’elle a tenus m’intéressent. J’aimerais avoir une preuve par l’acte, et qu’elle nous parle par exemple de la Commune de Prilly et de sa démarche participative par rapport aux suppressions de places de parc et de la mise en place d’un ponton. J’aimerais vous entendre, madame Joly, sur la manière dont vous avez géré la démarche participative, de votre côté. Merci pour votre réponse.

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Monsieur Cardinaux, on aime l’usine à gaz et on s’en nourrit ! Au s’autoalimente avec l’usine à gaz, car tant qu’on en fait partie, on existe – j’usine à gaz donc j’existe ! Pour entrer dans le débat et corroborer ce que vous dites, je rappelle que, suite à la création du Parc naturel périurbain du Jorat, la première décision prise fut de confier des mandats à des étudiants de l’UNIL pour aller interroger les promeneurs, savoir ce qu’ils cherchent dans les bois du Jorat et ce qu’ils désirent en s’y promenant. Voilà comment on crée certainement des emplois, mais en matière d’usine à gaz, on ne fait pas mieux !

Mme Sabine Glauser Krug (VER) —

Depuis maintenant cinq ans que je suis députée, de plus en plus, quand on étudie un texte de loi en commission, j’éprouve de la frustration à me dire que le texte qui nous est proposé ne va pas assez loin. Peut-être que législature après législature, à coups de petites modifications de texte en fonction d’une demande venue en amont, par exemple du niveau fédéral, on modifie un petit peu les lois ? En fait, je trouve très frustrant de ne pas pouvoir reprendre une loi à sa base afin de pouvoir la travailler de manière constructive et surtout innovante. J’estime donc qu’il nous faut actuellement une consultation en amont, que nous n’allons pas faire nous-mêmes, en tant que députés. Notre travail à nous est de nous intéresser à des lois qui nous sont proposées et qui ont été étudiées des mois, voire des années, par le Conseil d’Etat et ses services. A notre niveau, si l’on commençait à vouloir entièrement changer les lois, ce serait extrêmement frustrant pour tous ceux qui y ont travaillé. Par contre, consulter en amont les personnes les plus concernées et ne pas leur demander seulement ce qu’elles veulent, mais les mettre en confrontation les unes avec les autres – puisqu’il y a généralement plusieurs aspects en confrontation dans ces lois – cela permet de trouver des consensus en amont, et surtout de trouver des idées innovantes capables de réellement rassembler. Je trouve en effet très frustrant de voter aujourd’hui des lois qui passent, dans notre plénum, à une voix près et qui risquent potentiellement de déplaire à près de 50 % de la population.

Je soutiendrai le rapport de minorité, aussi dans l’espoir que, dans l’avenir, on arrive à trouver des projets de loi qui obtiennent des majorités parlantes et qui fassent sens, au sein de notre plénum.

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

Nous faisons de la sculpture sur nuages ! J’aimerais revenir dans la réalité, le concret et la vie du quotidien. On consulte quand ? On consulte avant ? Ou dès qu’il y a un projet ? Ou c’est la consultation qui amène le projet ? C’est impossible ! S’il y a un projet, la consultation rassemble souvent les personnes intéressées parce qu’elles n’apprécient pas le projet et le plus souvent parce qu’elles veulent s’y opposer – c’est assez fréquent. Si on démarre avec une feuille blanche et demande à chaque citoyen : « Allez-y, faites-nous un projet de quelque chose, quelque part » cela n’amène que des frustrations. Il est tout simplement impossible d’aller plus loin que ce qui est déjà en place aujourd’hui et qui fonctionne très bien.

Il faut arrêter d’essayer d’inventer un truc qui ne peut pas fonctionner ! Il faut être réaliste. Il y a aussi un regard à avoir sur des projets mis en avant par l’exécutif des communes ou alors par d’autres organes, mais un projet qui existe et a vocation à se présenter devant une enquête publique. Et souvent, une discussion a lieu à ce moment-là avec tous les partenaires. Ce sont des phases importantes. Mais je répète qu’un projet prend dix ans, dans ce canton ; dix ans d’études, c’est la moyenne du canton de Vaud et je pense que c’est tout à fait raisonnable : on ne fait pas des projets « à l’arrache » et en cachant des choses. C’est connu de tout le monde et nous avons tous les outils pour bien faire. Mais j’entends que nous sommes en train de parler de choses totalement irréelles.

Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

J’interviens en mon nom propre et non en tant que rapporteuse. Je souhaitais redonner des perspectives à M. Chollet et lui dire qu’il devrait plutôt accepter ce postulat. En effet, il regrette le faible taux de participation. Or, justement, on l’a vu à Sion et aussi à Genève : il est possible d’améliorer le taux de participation en mettant en place le genre de panel citoyen dont nous avons déjà parlé. Je pense donc que si M. Chollet acceptait ce postulat, il redonnerait aussi des perspectives au taux de participation.

M. Grégory Devaud (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

A titre personnel tout d’abord, nous avons entendu beaucoup d’éléments, dont la sculpture sur nuages et l’usine à gaz, ou d’autres et j’estime qu’il faut recentrer le débat. Je ne suis pas certain que les outils à disposition tels que les consultations ou des démarches participatives – actives ou passives – soient réellement remises en question. Le vrai débat est : sont-elles réellement utilisées ? Et qu’est-ce que le postulat apportera de plus à ces démarches ? A titre personnel, alors que je suis en charge des espaces publics et de l’urbanisme dans ma ville depuis dix ans, de telles démarches ont été nombreuses et actives. Elles ont parfois associé les citoyens jusqu’à la construction d’un projet et même, très récemment, on a imaginé les associer aussi à la réalisation. Il n’y a là aucune volonté d’économie, mais une volonté d’avoir des ateliers citoyens, ici pour un espace vert, là peut-être pour poser quelques pavés, pour poser sa touche à ce qui a été co-construit par les citoyens, jusque sur le terrain, et pouvoir dire à ses enfants et petits-enfants : « J’ai moi-même réalisé ceci, posé ces pavés, planté cet arbre, etc. »

Je pense donc que ces éléments se font et j’appelle d’ailleurs tous les députées et députés actifs dans leur commune ou dans d’autres institutions à faire appel à ces démarches, car elles sont vraiment positives. Elles sont cadrées, et même si l’on est parfois un peu déçu de la participation, c’est un fait, c’est toujours assez positif et généralement, la confrontation amène à l’amélioration et à l’intelligence collective. Je tenais donc à le rappeler et à dire que des éléments se font déjà. J’ai moi aussi ressenti le désarroi dont a parlé Mme Glauser Krug quant aux textes de loi, mais très récemment, Mme la conseillère d’Etat avec tout le Conseil d’Etat lançait une préconsultation sur la Loi sur les communes. Cela m’a d’ailleurs surpris, car il s’agit d’une démarche innovante, mais il y a une préconsulation et ensuite une consultation, qui pourra ensuite terminer au travers des filtres de l’Etat jusqu’au Conseil d’Etat et finalement à notre plénum. Une démarche est donc réellement entreprise en amont, avec ici les partenaires que sont par exemple les communes, mais aussi les partenaires sociaux, de défense et de protection de l’environnement ou encore de promotion de la mobilité.

Ainsi, des éléments existent déjà sur le terrain et, à titre personnel, mais également au nom de la majorité de la commission, je pense pouvoir dire qu’il n’y a pas de remise en question de la possibilité et de l’ensemble de la boite à outils qui existe avec tous ces outils. La question importante est donc la suivante : qu’est-ce que ce postulat amènera de plus s’il est transmis au Conseil d’Etat, si ce n’est les cinquante minutes de publicité pour toutes ces démarches que nous venons de faire ? J’ajoute une couche de publicité et j’encourage tout un chacun à les intégrer dans les démarches de construction de tel ou tel projet, mais je vous encourage aussi à classer ce postulat, puisque la boite à outils existe et qu’il suffit de s’en saisir.

Mme Sylvie Pittet Blanchette (SOC) —

Je ne vais pas revenir sur ce que j’ai dit tout à l’heure, mais rebondir sur ce que vient de dire mon préopinant. Après tout ce que j’ai entendu, je pense qu’il y a beaucoup de méconnaissance de ce domaine. Je ne puis que vous encourager à suivre la formation organisée par l’Union des communes vaudoises (UCV) « Réussir un processus participatif » qui permet de mieux appréhender toutes ces démarches, ainsi que vient de le dire M. Devaud. C’est une publicité de plus, mais il me semble vraiment important que chacun puisse mieux comprendre et mieux appréhender ces problématiques. Chacun doit améliorer sa boite à outils et c’est pourquoi je vous encourage à renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat, parce que l’Etat doit lui aussi pouvoir nous expliquer quels sont les outils qu’il va pouvoir mettre en place.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Conseiller-ère d’Etat

Merci pour ce débat très démocratique sur la démocratie participative. Je pense que nous sommes en effet toutes et tous attachés à notre système démocratique et nous savons tous qu’il peut évoluer. Ainsi que cela a été clairement dit par le rapporteur de majorité, je pense qu’il est faux d’opposer les outils traditionnels de notre démocratie directe aux outils de démocratie participative. Si, du côté du Conseil d’Etat, nous nous opposons à ce postulat et proposons son classement, ce n’est pas parce que nous sommes opposés à utiliser de nouveaux outils, mais parce que nous estimons que ce postulat n’apporte rien de plus par rapport à ce qui se fait déjà – et qui par ailleurs doit aussi évoluer, j’y reviendrai. Pour nous, l’idée n’est pas d’avoir une étude supplémentaire, mais bel et bien d’implémenter les outils supplémentaires de démocratie participative dans nos politiques sectorielles, de la manière la plus pragmatique et appropriée possible, chaque fois que cela se révèle opportun, par exemple sur le Plan directeur cantonal – j’y reviendrai.

Je voudrais tout d’abord rappeler qu’effectivement, dans notre pays, nous avons la chance d’avoir des outils traditionnels de démocratie. Nous avons un système de milice qui permet la proximité entre les élus et la population ; nous avons un système fédéraliste qui permet d’éviter la centralisation du pouvoir et donc d’avoir des décisions de proximité à tous les échelons, du fédéral aux cantonal et communal. Et nous avons les outils démocratiques que sont le vote, le référendum, l’initiative, etc. Nous avons donc déjà un système très intéressant sur ce plan, même si l’on peut parfois regretter les faibles taux de participation. J’ai coutume de dire que la démocratie ne s’use que quand on ne l’utilise pas.

Par rapport à la démocratie participative, le texte du postulat demande de rendre compte des opportunités de démocratie participative et d’encourager les meilleures formes de celle-ci. Sur ces deux éléments, je vous invite à classer le postulat, parce qu’en fait, ce serait une étude de plus par rapport à des éléments qui existent déjà. Concernant le premier élément « rendre compte des opportunités », une étude a été citée plusieurs fois. Or, cette étude prospective réalisée en 2020 sous l’égide de Statistiques Vaud n’a rien d’un alibi ! En effet, cette étude d’une centaine de pages permet de retracer l’historique de la démocratie participative, ses enjeux, ses outils et, respectivement, les défis majeurs en cette matière. Dans ce cadre, des recommandations sont faites notamment sur les outils, mais ils sont un petit élément parmi d’autres que nous connaissons et j’y reviendrai également. Les deux enjeux indiqués par ailleurs comme prioritaires sont l’e-voting avec tout ce qui touche à la numérisation de la démocratie, et tout ce qui touche à la formation, notamment des jeunes, en lien avec la vie démocratique et l’appréhension de ces outils. Je vous invite donc à lire cette étude fort intéressante.

S’agissant des opportunités, ainsi qu’il a été dit, il y a plusieurs niveaux institutionnels, soit les communes et le canton. Sur le plan communal et de l’autonomie des communes, une série de guides existe déjà sur les outils de démocratie participative – et je n’entends pas par là uniquement la consultation. Nous parlons d’information, de consultation et de concertation, soit aussi de co-construction avec la population. Dans ce cadre, les communes disposent de la boite à outils nécessaire pour appréhender la matière de la manière la plus proche de leur taille et de leurs préoccupations. Ce n’est en effet pas la même chose d’être à Lausanne, par exemple en mettant sur pied un budget participatif, ou d’être dans une commune à Conseil général où l’ensemble de la population peut déjà s’exprimer dans ce cadre. Ce ne sont donc ni les mêmes outils ni les mêmes solutions ou recommandations. Des guides existent pour tout cela et pour l’autonomie communale, je pense que ces démarches sont très intéressantes pour les communes. Notamment pour les grands projets d’aménagement du territoire, on voit à quel point les projets de densification, typiquement, sont compliqués émotionnellement et techniquement. Dans ce domaine, nous avons de plus en plus recours à de véritables outils de démocratie participative.

Quant au canton, si je m’oppose à une étude supplémentaire, c’est parce que le Conseil d’Etat estime que nous avons déjà une boite à outils, qu’il ne sert à rien de refaire une étude qui existe déjà, mais qu’il s’agit plutôt de mettre en œuvre les outils qui existent. Je vous donne un exemple qui relève de mon département et qui a été souvent cité : le Plan directeur cantonal. C’est un outil fondamental que nous sommes en train de revoir avec l’objectif qu’il soit complètement révisé d’ici à 2025. Ce plan aura des incidences territoriales fondamentales dans le cadre des nouvelles politiques publiques, à la croisée des intérêts entre économie, écologie et phénomènes sociétaux, soit typiquement la manière dont on concilie le développement et la préservation, dans notre canton. Dans ce cadre, il est prévu de faire de l’information à des groupes de concertation, aux entités publiques territoriales – les régions, les communes, les organismes régionaux, les agglomérations – et aussi de l’information à la population. Il est également prévu de faire de la consultation ainsi que de la concertation sur les trois niveaux et à chaque phase de manière différente : au moment de l’état des lieux, des enjeux, des orientations, de la rédaction et de la procédure d’approbation. Nous voyons bien qu’il s’agit de politiques publiques fondamentales, avec la nécessité de concilier des intérêts majeurs qui peuvent être contradictoires. Il peut donc être nécessaire d’approcher la population sous ces formes, soit de manière organisée par rapport à des groupes d’intérêt, soit par rapport à des ateliers participatifs avec la population, dans toutes les régions, car je pense que nous irons dans chaque district à ce sujet. Nous préférons prendre le temps de faire tout cela, plutôt qu’une étude qui existe déjà et qui ne pourra pas redonner des solutions générales pour tous les objets. Ce n’est pas la même chose de faire de la démocratie participative sur un plan directeur ou sur d’autres objets de politique sectorielle.

En synthèse, nous sommes attachés à la démocratie directe et à la démocratie participative. Les études ainsi que les outils existent et nous allons les mettre en œuvre en fonction des politiques publiques sectorielles, de manière pragmatique, en faisant de l’information, de la consultation et de la concertation. En conséquence, je vous invite à classer le postulat.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 73 voix contre 54 et 5 abstentions.

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