Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 19 décembre 2023 (suivie du Noël du Grand Conseil), point 19 de l'ordre du jour

Texte déposé

L’affaire du mouvement messianique Lève Toi relance le débat sur les gardes-fous à mettre en place pour se défendre des dérives sectaires. Le pasteur de ce mouvement est accusé de pressions financières et psychologiques. Depuis les années 2000 et jusqu’en juin 2022, les réunions se déroulaient à l’intérieur d’une cure de notre région et propriété de l’Etat.

 

Et pourtant dans la réponse à mon interpellation déposée en 2021 et qui s’inquiétait de voir une recrudescence possible des mouvements sectaires durant la pandémie, le CE n’en n’a pas fait mention.

 

Au contraire, il fait état d’axes forts du dispositif vaudois de lutte contre la radicalisation et les extrémismes violents en mentionnant la formation proposée aux professionnels de l’ACV et des communes. Son objectif est de fournir aux participants des outils pour comprendre les mécanismes d’endoctrinement et être capable de les détecter dans le cadre de leur contact avec les citoyens. Et malgré cela, les plaintes et la fuite du pasteur n’a pas eu lieu à la suite d’une plainte déposée par la Commune en question.

 

Dans sa réponse,  Le CE  reconnaît cependant que des analyses plus fines doivent être menées afin de produire des résultats fiables et argumentait qu’à la mi-2021, le recul n’était pas suffisant pour pouvoir se déterminer clairement.

Le Centre intercantonal d’information sur les croyances, financé par le Canton de Vaud pour observer l’évolution du paysage religieux, n’a, lui, publié qu’une note en mars 2021 qui soulève des questions quant à l’effet de la pandémie sur les pratiques spirituelles plus qu’elle n’apporte de réponses.

En France, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) relève une augmentation importante des cas en 2021 par rapport à 2022, et même un quasi-doublement entre 2015 et 2021. Le gouvernement y prévoit, début 2023, des assises des dérives sectaires[1]. En Suisse alémanique, l’organisation InfoSekta, financée par plusieurs cantons dont celui de Zurich, signale un contexte post-pandémique malheureusement propice aux manipulations organisées par des gourous[2].

 

Aujourd’hui, l’actualité rattrape donc le manque de clairvoyance de l’Etat face à cette question. Le contexte post-pandémique semble bel et bien favorable aux sectes.

Face aux gourous ou prophètes auto-proclamés il demeure important vis à vis de l’ensemble de la population vaudoise  de vérifier si des dérives ont encore  lieu , et si oui de quelle ampleur et quelles sont les actions que l’Etat peut mener pour les combattre et nous protéger.

Ces dérives sont anxiogènes et face à des personnes fragiles et/ou isolées, le risque d’extorsions et d’arnaques en tous genre reste très préoccupant.

 

Des analyses plus fines sur ces questions doivent être menées pour produire des résultats fiables. Il s’agit en effet  de bien saisir les risques de dérives – les comprendre, les cerner , les étudier pour pouvoir les combattre -puis en tirer des informations.

 

 

Ainsi , j’ai l’honneur de demander au CE de produire un bref rapport qui analyse les risques de recrudescence des dérives sectaires dans notre canton et qui propose un plan d'actions des mesures nécessaires pour protéger les victimes d’isolement social, de rupture avec le milieu familial ou d’abus physiques et sexuels liés à la radicalisation et à l’endoctrinement .

 

 

Lausanne, novembre 2022                                                   Claire Attinger Doepper

 

[1] https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/missions/actualites/rapport-annuel-de-la-miviludes-le-gouvernement-se-mobilise-face-à-la-hausse-inqu

[2] https://www.infosekta.ch/media/uploads/JB_infoSekta_2021.pdf

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Laurent BalsigerSOC
Sandra PasquierSOC
Patricia Spack IsenrichSOC
Isabelle FreymondSOC
Muriel ThalmannSOC
Didier LohriVER
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Valérie ZoncaVER
Cendrine CachemailleSOC
Martine GerberVER
Yannick MauryVER
Julien EggenbergerSOC
Circé Barbezat-FuchsV'L
Alberto MocchiVER
Romain PilloudSOC
Pierre WahlenVER
Théophile SchenkerVER
Valérie InduniSOC
Elodie LopezEP
Jean-Louis RadiceV'L
Yves PaccaudSOC
Marc VuilleumierEP
Géraldine DubuisVER
Kilian DugganVER
Aude BillardSOC
Nicola Di GiulioUDC
Josephine Byrne GarelliPLR
Monique RyfSOC
Felix StürnerVER
Sylvie PodioVER
Nathalie JaccardVER
Pierre ZwahlenVER
Vincent JaquesSOC
Alice GenoudVER

Documents

Rapport de la commission - 22_POS-65 - Denis Dumartheray

22_POS_65-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Denis Dumartheray (UDC) — Rapporteur-trice

La commission traitant du postulat Claire Attinger Doepper s’est réunie le 24 avril 2023 en présence du conseiller d’Etat Vassilis Venizelos, accompagné de M. Jean-Luc Schwaar, directeur général de la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC), de M. Serge Terribilini, préfet de Lausanne, et de Mme Catherine Ayoub, secrétaire générale adjointe du Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité. M. Jérôme Marcel, secrétaire de commission, assisté de M. Benjamin Ansermet, assistant de commission, ont établi les notes de séance. Ils en sont remerciés.

Suite à l’affaire de Ballaigues dans les années 2000 et une interpellation déposée en 2021 concernant l’influence des sectes et gourous dans le cadre du Covid-19, la réponse du Conseil d’Etat avait signalé les informations fournies au personnel communal, mais il manquait de recul pour fournir des résultats fiables. Le Centre intercantonal d’information sur les croyances (CIC), financé en partie par le canton, a enregistré en 2021 une augmentation des demandes de victimes de 50% environ. La postulante souhaite effectuer un nouveau point de la situation sur le soutien aux personnes concernées et évaluer éventuellement les moyens à disposition, ainsi que l’influence des sectes.

M. le conseiller d’Etat informe que le canton s’est doté, depuis 2018, d’un dispositif de prévention des radicalisations et des extrémistes violents. Il précise que peu de cas de dérives sectaires ont été signalés par rapport à d’autres formes de radicalisation et d’extrémisme. Il précise être prêt à répondre au postulat pour rappeler les mesures mises en place et mettre à jour les constatations. Pour le plan d’action, le dispositif mis en place répond actuellement aux attentes.

Le préfet de Lausanne nous a précisé que le dispositif vaudois accompagne des situations concrètes, contrairement au CIC qui lui a un rôle d’observation et de documentation. Le dispositif vaudois est composé de deux étages, un étage stratégique et un autre opérationnel. M. le directeur général précise le processus de reconnaissance des sectes. La discussion générale laisse apparaître divers axes, en particulier l’accès aux locaux, grandes salles, salles de réunion – entre autres – aux mains des communes et des paroisses. L’information aux communes et aux paroisses, ainsi que la recommandation de l’utilisation du portail POCAMA, est un des axes importants de prévention. Un autre axe est la prévention en général, mais en particulier en milieu scolaire. M. le conseiller d’Etat nous a précisé que la prévention en milieu scolaire est un axe fort de la plateforme vaudoise. L’axe du soutien aux victimes a notamment été évoqué, ainsi que de connaître ce qui se fait également à l’étranger. Suite à la discussion, la commission recommande à l’unanimité de prendre en considération ce postulat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Décidément, les sectes n’arrêtent pas de faire parler d’elles. Pour preuve, il suffit de penser aux affiches du mouvement raëlien à la gare de Lausanne et aux légitimes réactions que cela a créées. J’y reviendrai. Cette actualité recentre la question des sectes et de leur activité, qui doivent faire l’objet de réflexions et de mesures. A n’en pas douter, l’Etat a toute sa place dans cette réflexion. Pour mémoire, mon postulat demande d’analyser les risques de recrudescence des dérives sectaires dans notre canton et propose un plan d’action de mesures nécessaires pour protéger les victimes d’isolement social, de rupture avec leur milieu familial ou d’abus physiques et sexuels liés à la radicalisation et à l’endoctrinement.

Concernant le plan d’action, différentes mesures de prévention doivent être développées et mises en œuvre en priorité, comme renforcer l’accueil et le soutien des victimes et leurs proches, une mesure qui reste essentielle. En effet, un guichet ressources, physique et téléphonique, pour répondre et accueillir les personnes qui se sentent dépassées par l’emprise qu’elles subissent, et bien entendu, pour permettre aux familles proches des victimes d’être soutenues, informées et orientées. Concernant le CIC, il faut ajouter que l’augmentation de 50% des demandes d’aide concernent particulièrement les groupes conspirationnistes et les thérapies alternatives.

Aujourd’hui, et comme annoncé à l’instant, je me permets de revenir sur le point d’actualité qui a fait l’objet de réaction ces derniers jours. Il s’agit de la publicité du mouvement raëlien, qui affiche « Révolution pour une humanité pacifique, accueillir les extraterrestres dans une ambassade ». On croit rêver ! Contre toute attente – et une immense incompréhension – cet affichage a été validé par la Société générale d’affichage (SGA) et par les CFF, en octobre dernier. Et cela malgré le fait qu’en 2001, il y a plus de 20 ans, à Neuchâtel, le mouvement raëlien s’était vu refuser l’autorisation de coller des affiches. Cette décision avait en plus été confirmée par la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg, qui a corroboré les déclarations des autorités suisses, qui disaient alors : « Il est indispensable, pour la protection de la santé et de la morale et pour la prévention du crime, d’interdire la campagne d’affichage au mouvement raëlien ». Dès lors et malgré ces décisions de la Cour européenne, et si à la gare de Lausanne ces publicités sont affichées en toute légalité, on est loin d’être rassurés sur les mesures cohérentes prises pour protéger la population de dérives sectaires. Il s’agit peut-être aussi de redéfinir ce que sont les dérives sectaires, pour mieux cibler les actions de prévention et développer une stratégie de lutte adaptée et cohérente.

Je le rappelle, mon postulat a été provoqué par le mouvement messianique « Lève-toi » qui était accueilli dans une cure appartenant à l’Etat de Vaud. Le pasteur, accusé de pression financière et psychologique, a disparu. Dès lors, les dérives sectaires restent une menace et restent d’actualité. Leurs emprises peuvent peser sur une certaine population. Il s’agit aujourd’hui d’établir un plan d’action qui traite de leur influence sur la population. Je vous remercie de prendre en considération ce postulat.

Mme Laurence Bassin (PLR) —

Les motifs et inquiétudes de la postulante sont légitimes face à la présence sournoise et ambiguë de mouvements sectaires qui ont une emprise négative sur une population fragilisée. Malgré les dispositions efficaces prises par l’Etat – comme le dispositif de prévention des radicalisations « Rhizome » et le CIC – la commission a accepté à l’unanimité de renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat, afin de connaître les raisons qui font de la Suisse une terre d’accueil pour les mouvements religieux, mais aussi afin de pouvoir étudier ce qui se fait à l’étranger sur l’interdiction de la manipulation de la santé mentale. De ce fait, le groupe PLR recommande le renvoi de ce postulat au Conseil d’Etat.

M. Vassilis Venizelos (CE22-27) — Conseiller-ère d’Etat

Je remercie la postulante pour son dépôt ainsi que la commission pour ses débats, ce qui nous permet de mettre en lumière le dispositif vaudois qui existe depuis 2018, avec sa plateforme de prévention de la radicalisation. Pour rappel, cette plateforme a fait l’objet d’un décret en 2018. Ce décret a été prolongé quelques années après et prendra fin en 2024. Evidemment, pour le Conseil d’Etat, il serait important de pouvoir prolonger ce dispositif qui est observé partout en Suisse et en Europe. C’est un exemple qui est souvent cité. A l’heure où je vous parle, il y a, dans le canton de Vaud, un peu moins de 175 cas suivis par le dispositif de prévention de la radicalisation, avec évidemment différents profils. Nous travaillons avec différents partenaires. Le CIC est subventionné, cela a été cité par la députée Attinger Doepper. Il existe aussi une help line sur laquelle on peut s’appuyer dans certaines situations. Par ailleurs, un travail très étroit est mené avec les écoles et les différentes églises concernées.

Ainsi, le canton fait largement sa part avec ce dispositif de prévention de la radicalisation. Nous reviendrons prochainement avec une proposition pour prolonger ce dispositif qui fonctionne bien et qui est très utile pour prévenir les cas de radicalisation. En revanche, je vous rends attentifs à deux droits fondamentaux qui sont inscrits dans notre Constitution – la liberté d’expression et la liberté de croyance – qui fixent les limites d’intervention de l’Etat dans ces différentes situations. Ce postulat vient en quelque sorte encourager le dispositif mis en place et porter cet élan décidé politiquement en 2018 et qu’il est temps, à notre sens, de pérenniser à travers une structure renforcée. Nous reviendrons donc avec ce sujet, dans le courant de l’année 2024, pour que cette plateforme de prévention de la radicalisation puisse poursuivre ses activités ces prochaines années.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération à l’unanimité.

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