Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 19 décembre 2023 (suivie du Noël du Grand Conseil), point 11 de l'ordre du jour

Texte déposé

Contrairement à la majorité des cantons romands (Genève, Jura, Neuchâtel ou encore le Valais), le Canton de Vaud ne prévoit pas dans sa loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP) l’introduction de députées suppléantes et de députés suppléants.

Il en résulte une vacance non négligeable du côté de notre législatif lors des séances parlementaires. Si certaines absences peuvent parfois être évitables, l’absence est, dans la grande majorité des cas, totalement indépendante de la volonté de la députée ou du député. Les congés maternité ou paternité, qui seront de plus en plus fréquents au vu du rajeunissement de la fonction, les conflits d’horaire ponctuels entre fonction politique et impératifs professionnels, inhérents à notre système de milice, ou encore les maladies et hospitalisations ne sont que des exemples de problèmes réels qui peuvent survenir et empêcher des personnes de siéger.

Cette situation met ainsi une certaine pression sur les personnes ne pouvant être présentes pour des raisons impérieuses, puisqu’elles savent pertinemment qu’elles feront perdre une voix à leur camp, parfois pendant plusieurs mois dans le cas d’absence de longue durée (congé maternité ou hospitalisation). De plus, le contexte actuel discrimine certains profils (jeunes parents, employées et employés) qui, de par leur situation personnelle, sont davantage sujets aux absences. Tous les bords politiques sont concernés par la question et potentiellement touchés par des absences involontaires.

Le Parlement et les partis ont tout à gagner à avoir le moins de sièges vides durant les sessions du Grand Conseil. De même, le corps électoral vaudois a élu sa députation pour qu’il soit correctement représenté, ce qui implique la présence de tous les membres du Parlement. Ce n’est que respect de la volonté démocratique. Par ailleurs, cela permet également à davantage de profils de participer aux prises de décision, ce qui renforce encore la représentativité de la population. Même s’il est compréhensible que la politique de milice induise inévitablement quelques tracasseries, il est nécessaire que les membres de notre Grand Conseil aient l’opportunité de se faire remplacer en cas d’empêchement, comme dans bon nombre de professions. L’existence d’un modèle de suppléance met quasiment fin aux sièges vides dans les parlements qui ont adopté ce système.

S’agissant d’une motion, le modèle d’application serait laissé au libre choix de notre législatif, qui pourra notamment choisir le mode d’élection des suppléantes et suppléants ou encore leur droit ou non à accéder à certaines commissions, étant entendu que le cœur du problème réside dans les votes au plénum.

 

En conséquence, les signataires de la présente motion demandent une modification des art. 92 et 101 de la Constitution du Canton de Vaud dans le but d’instaurer la notion de député suppléant/députée suppléante, qui permettra la mise en place d’un système de suppléance pour les membres de la députation vaudoise

 

Yannick Maury, Les Vert-e-s

Joëlle Minacci, EP

Circé Barbezat-Fuchs, V’L (Libre)

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Circé Barbezat-FuchsV'L
Céline MisiegoEP
Marc VuilleumierEP
Oscar CherbuinV'L
Valérie ZoncaVER
Joëlle MinacciEP
Jean-Louis RadiceV'L
Sabine Glauser KrugVER
Géraldine DubuisVER
Graziella SchallerV'L
Cloé PointetV'L
Claude Nicole GrinVER
Carine CarvalhoSOC
Elodie LopezEP
Martine GerberVER
Laurent BalsigerSOC
Felix StürnerVER
Anna PerretVER
Aurélien DemaurexV'L
Théophile SchenkerVER
David VogelV'L
Blaise VionnetV'L
Yolanda Müller ChablozVER
Isabelle FreymondSOC
David RaedlerVER
Sylvie PodioVER
Didier LohriVER
Nathalie VezVER

Documents

Rapport de de la commission - 22_MOT_49 - Alexandre Démétriadès

22_MOT_49-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Le débat est repris.                    

M. Alexandre Démétriadès (SOC) — Rapporteur-trice

Les questions que posait cette motion impliquaient deux points fondamentaux. Le premier est de savoir qui l’on choisit pour être suppléant dans le cas d'une absence. Le deuxième grand enjeu est de savoir à quelles conditions il peut y avoir une suppléance. Comme j’ai déjà eu l'occasion de le dire la semaine passée : parler d'un système de suppléance, c’est ouvrir de nombreuses questions différentes. Allons-nous élaborer un système d'élection avec une liste de suppléants comme le fait le Valais ? Ou allons-nous nous contenter d'utiliser les viennent-ensuite ? Quels seraient les droits des personnes suppléantes ? Pourront-elles déposer des objets ? Pourront-elles siéger en commission ? Toute une série de questions qui pourrait se poser avec un enjeu de suppléance.

La commission a joué un rôle d'entonnoir, en demandant clairement une prise en considération partielle qui traite des deux questions évoquées. D'abord, à quelles conditions pourrait-il y avoir une suppléance ? La commission a répondu qu’il s’agirait d’un système de suppléance qualifié pour des absences de longue durée. En l'occurrence, la longue durée concernerait les congés maternité – pas de congés paternité, à ce stade – ou en cas d'accident, de maladie ou d'engagement de service patriotique. La deuxième question concerne la manière de choisir les suppléantes et les suppléants, que la commission propose de choisir parmi les viennent-ensuite déjà présents sur les listes électorales. Par exemple, si un député X qui vient du district de Nyon a une absence de longue durée, la suppléance proviendrait d’un viennent-ensuite du district de Nyon. A ce titre, j'ai une petite précision à l’adresse de la députée Baux qui a évoqué, la semaine passée, la question des sous-arrondissements. Elle demandait comment cela se passerait si, par exemple, il n'y avait qu’un seul viennent-ensuite sur une liste. Il serait tout à fait possible d’avoir le même système et au cas où la personne viennent-ensuite refusait la suppléance, pour savoir qui peut devenir viennent-ensuite, cela passerait par le biais des listes de parrainage qui choisissent les prochains viennent-ensuite. A priori, le système est assez clair notamment pour le remplacement d’un député sur le départ et dès lors, à mon sens, procéder par analogie serait rapide.

Si la motion était prise en considération, nous devrions avoir un décret de modification de la Constitution et pour cela, de convocation du corps électoral. La commission trouverait pertinent qu’en même temps que ce décret, une loi soit soumise au vote populaire. Il s’agirait d’un paquet qui précise les modalités du système de suppléance prévu, avec d’une part l’inscription du principe de la suppléance dans la Constitution et d’autre part une loi qui décrirait précisément les conditions dans lesquelles cela s'appliquerait. Ainsi, la commission vous encourage à soutenir le compromis proposé par la commission et donc la prise en considération partielle de la motion, par 10 voix contre 3 et 2 abstentions.

M. Yannick Maury (VER) —

Comme discuté en commission, dans ce Grand Conseil, en moyenne, il manque entre 12 et 14 personnes par séance plénière. La plupart de ces absences ne sont pas volontaires, mais découlent de situations diverses : des impératifs professionnels inhérents à notre système de milice, des congés maternité, des hospitalisations, voire des devoirs patriotiques. Les Jeunes Libéraux-Radicaux vaudois (JLRV) avaient déjà tenté de régler le problème via une initiative, en 2014. En effet, le système actuel met une certaine pression sur les députés absents, puisqu'ils savent que leur voix est perdue, ce qui peut fausser complètement la donne dans un système où aucun bloc politique n'a de majorité claire et où certains votes se jouent à quelques voix seulement. Le jeu des absences et présences touche tantôt la gauche, tantôt la droite, mais peu importe qui cela touche, c'est problématique dans tous les cas. La plupart des cantons romands – avec et sans district – et certains cantons alémaniques également connaissent une forme de suppléance.

Si la motion était acceptée, l'élaboration du projet de loi serait confiée à la Commission thématique des institutions et des droits politique (Commission thématique des institutions et des droits politiques) et non au Conseil d'Etat, ainsi que cela a été décidé la semaine passée. Je peux peut-être rassurer certaines personnes qui avaient des questions, la semaine passée : puisque le projet de loi serait traité de A à Z par la Commission thématique des institutions et des droits politiques, nous pouvons être certains – j'insiste sur ce point – qu’il conviendra, en tous points et pour chaque article d'application systématiquement, à ce que désire la majorité du Grand Conseil. Dès lors, si certains ou certaines d'entre vous avaient des doutes quant à certains éléments d'application, nous serons totalement souverains dans le domaine. Il n'y a donc aucun risque que le projet issu de la Commission thématique des institutions et des droits politiques ne convienne pas à notre Grand Conseil. Nous votons ici sur un principe et l'application sera votée de façon souveraine par notre organe délibérant. La prise en considération partielle, sur le modèle argovien de suppléance dite qualifiée, est un compromis raisonnable qui tient compte de toutes les remarques faites par les députés, mais également par le Secrétariat général qui était présent en commission, et par Mme Luisier Brodard qui était également lors de la discussion. C’est un compromis que je vous encourage à accepter.

Mme Laurence Cretegny (PLR) —

Si ce Parlement souhaite avoir des suppléants et suppléantes, nous devons revoir sa manière de fonctionner dans son ensemble. Le président de la commission a cité des exemples, mais aucun Parlement ne fonctionne en siégeant un jour par semaine. Je souhaitais également répondre aux personnes qui parlaient de trous dans notre Parlement ainsi que des absences d'un jour ou plus, et j’ai encore quelques questions. Vous parlez des trous qu'il y avait la semaine passée, alors que nous parlons ici d'une suppléance de longue durée… Cela dit, nos collègues étaient absents car nous n'étions pas un mardi et pour certains et certaines, il n'est pas simple de se libérer un jour de plus durant le mois de décembre. Dès lors, les suppléants seront-ils disponibles ? Pour une échéance prévisible, c'est bien, mais qu’en est-il pour les absences dues à des absences maladies – le Covid à l'époque – ou un accident, par exemple ? Si cela arrive un lundi soir, comment faire ? Comment demander à des viennent-ensuite de se tenir prêts pour remplacer des titulaires pendant un, six ou neuf mois, au pied levé ? Dès lors, je pose les questions suivantes qui restent sans réponse alors que vous êtes prêts à renvoyer la motion.

Pour les motionnaires, qu’est-ce qu’un remplacement de longue durée ? Est-ce un remplacement programmé ? De combien de jours au minimum ? Qui se verra verser des indemnités ? Les remplaçants ou également les absents ? En effet, je vous rappelle que lors de maladie, sur présentation d'un certificat médical, les indemnités sont versées aux députés et députées. Je vous rappelle également l'article 18, alinéa 4, de la Loi sur le Grand Conseil (LGC) qui stipule que les indemnités sont dues aux députés lors d'absences pour maternité, paternité ou adoption. Plusieurs questions restent donc sans réponse à ce jour. Or, si nous renvoyons ce projet de motion, le Conseil d'Etat devra présenter un projet de loi basé sur les conclusions. Je vois donc dans cette motion une lourdeur tant administrative que de mise en place. Dès lors, je la refuserai.

Mme Rebecca Joly (VER) —

J'avais pris la parole la semaine passée pour répondre à certains de nos collègues et à certaines de leurs inquiétudes. Je pense que toutes les choses qui ont été soulevées – les problèmes techniques, les questions très pertinentes de notre collègue Céline Baux sur la taille des arrondissements ou des sous-arrondissements et donc la question du pool de remplaçants – sont extrêmement intéressantes et pertinentes. Ces questions devront être résolues par la Commission thématique des institutions et des droits politiques dans le cadre de l'examen de la modification légale induite par cette motion. On parle du renvoi d'une motion et il faudra encore mettre en musique cette suppléance. Je pense que toutes ces questions d'ordre technique seront abordées dans la deuxième phase. Dès lors, je vous invite à renvoyer la motion à la Commission thématique des institutions et des droits politiques pour que nous puissions réfléchir à la façon de rendre le fonctionnement de notre Parlement plus efficient, plus démocratique et plus représentatif des élections.

Il est important que les inquiétudes d'ordre pratique qui ont été soulevées et qui sont tout à fait pertinentes soient traitées dans un deuxième temps. Si nous n’obtenons pas de réponse satisfaisante, ou si nous voyons que c'est inapplicable, il nous sera toujours possible de refuser les modifications légale et constitutionnelle, et de revenir en arrière. Mais il serait vraiment dommage de se priver maintenant de la réflexion sur un enjeu aussi important que la configuration de notre Parlement. Selon moi, elle doit être le reflet des urnes et non le reflet des indisponibilités plus ou moins heureuses de chacune et chacun.  

Mme Joëlle Minacci (EP) —

Je me permets de prendre la parole, puisque j'avais cosigné cet objet. J'aimerais saluer le travail de la commission, parce que l'on constate qu’un compromis a été fait. On sent que des discussions ont mené à délimiter les conditions-cadres de cet objet, à savoir qui suppléerait et à quelles conditions. Le cadre de suppléance est assez restreint et ne concerne que des absences de longue durée. Pour répondre aux questions de Mme Cretegny, le fait de restreindre à des absences de longue durée, d'ailleurs clairement définies, permet une organisation, sur le long terme, avec les personnes qui viendront suppléer.

Il y a en effet de nombreuses questions encore en suspens, mais ici le rôle de la commission n’était pas de définir ce projet dans les moindres détails. La Commission thématique des institutions et des droits politiques va travailler sur cet objet afin de faire une proposition et dès lors, les représentants tous les partis seront de nouveau réunis en commission, justement pour travailler les questionnements qui pourraient être encore en suspens. Mais il me semble qu'en l'état, nous avons déjà un cadre qui satisfait tous les partis, puisque le projet de prise en considération partielle a tout de même obtenu 10 voix, lors de la commission, ce qui montre que les discussions ont abouti à une réponse satisfaisante. Dès lors, je vous encourage à prendre cet objet en considération.

M. Philippe Jobin (UDC) —

En effet, il y a eu beaucoup de discussions en commission. Mon groupe politique votera à l’opposé de la commission, et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, nous risquons d'avoir une création, à deux niveaux. Quels sont les droits des suppléants pour pouvoir remplacer quelqu'un ? Il pourrait aussi y avoir une augmentation potentielle des dépôts. Qu’en est-il de la mise à jour des informations, pour les suppléants, afin qu’ils puissent suivre les débats et être au courant de ce qui se passe ? Deuxièmement, la responsabilité individuelle des élus pourrait être remise en cause, de même que celle des partis qui ont aussi la possibilité de pouvoir statuer sur ce genre de problématiques – les maladies en particulier. Dès lors, mon groupe, dans sa grande majorité, refusera la prise en considération partielle de cette motion.

M. David Vogel (V'L) —

Concernant les questions tout à fait légitimes abordées ici quant à la mise en œuvre, j'aurais tendance à vous dire de faire confiance à la Commission thématique des institutions et des droits politiques. Je ne vous dis pas cela parce que j'en fais partie, mais parce que nous travaillons en bonne intelligence avec tous les partis.

Pour la question logistique, il n'y a pas à trop s'inquiéter. Le problème est beaucoup plus humain : quand un député de votre groupe a une grande maladie qui s'appelle le cancer et qu’il doit s’absenter 2 ou 3 mois, il y a d’abord de l'émotion et du soutien. Mais parfois, cela se prolonge un peu – un mois de plus par exemple. Dès lors, on commence à perdre des voix parce qu'il manque une personne, et s il y a ensuite des discussions internes. Le seul moyen, actuellement, pour qu'un groupe ne perde pas d'une voix – ce qui arrive souvent, dans ce Parlement – c'est la démission. Or, démissionner du Grand Conseil lorsqu'on est malade est une défaite morale ; ce n’est pas un pas vers la guérison. Je vous encourage donc à soutenir cette proposition, qui est comme la Coop : pour moi et pour toi. Cela permettra au malade d'aller plus tôt vers la guérison et à ceux restés au Grand Conseil d'éviter une discussion très pénible.

En effet, que se passe-t-il concrètement ? A un moment donné, le chef de groupe, le président ou la présidente, voire le meilleur ami de la personne malade doit « s'y coller ». Que faut-il faire ? Rendre visite au député en chimio et commencer la discussion en lui disant « Comment va ta chimio ? »  avant de la finir en disant « Tu dois démissionner parce que nous sommes en train de perdre d’une voix, depuis 4 mois, soit depuis que tu n'es pas là ! » Concrètement, c'est ce qui se passe ! Avec les suppléances, on peut s'éviter cette discussion. Dès lors, puisque la suppléance est bonne pour les malades, comme pour les bien-portants qui sont au Grand Conseil, et puisque je ne souhaite en aucun cas avoir cette fameuse discussion « Tu ne voudrais pas démissionner ? » avec quelqu'un qui est en chimio, je vous encourage à accepter cette proposition raisonnable, humaniste et pragmatique.

M. François Cardinaux (PLR) —

Je vais reprendre exactement les arguments du mon préopinant, mais inversés. Lorsqu'on a été engagé pendant 4, 5 ou 6 mois en tant que suppléant, doit-on à nouveau rentrer dans le rang ? En étant là tous les mardis et après avoir effectué son travail, ce serait quelque chose de très difficile. Je ne sais pas lequel des deux démissionnera de l'activité politique, mais c'est une fausse bonne idée. La suppléance n'a rien à voir avec notre Parlement. Il faut s'engager à venir au maximum. S'il y a des cas tragiques, je peux les entendre, mais alors la personne réfléchira si elle veut continuer ou si elle veut réellement passer le relais – et il serait tout à son honneur de se soigner.

Mme Séverine Evéquoz (VER) —

J'aimerais m'exprimer en faveur de la prise en considération de la motion. La commission a été pragmatique en disant que ce n'est pas une suppléance du jour au lendemain – du lundi soir pour le mardi, comme j'ai pu l'entendre tout à l'heure –, mais plutôt pour des congés ou des périodes prolongées – notamment les congés maternité, les personnes qui partent à l'armée ou pour des questions en rapport avec monde professionnel. On a parfois des opportunités de séjour professionnel à l'étranger – cela peut arriver dans la vie d'un député ou d'une députée. J'aimerais que le Grand Conseil puisse faire preuve de flexibilité et entamer la réflexion en Commission thématique des institutions et des droits politiques ; nous pourrons reprendre le débat lorsque la commission nous aura fait des propositions, au moment où l’on parlera de la révision de la Loi sur le Grand Conseil.

Je vous invite donc à la flexibilité et à vous ouvrir à cette réflexion. En effet, les personnes qui sont en congé maternité, notamment, devraient pouvoir être suppléées. Quand on est en congé maternité au travail, on se fait remplacer pour 4 à 5 mois. Pourquoi pas au Grand Conseil ? C'est une question d’égalité et de modernité de notre société. Dès lors, je vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Grégory Devaud (PLR) —

Je m'oppose à ce qui vient d'être dit concernant la modification de la Loi sur le Grand Conseil, puisque nous sommes bien dans le cadre d'une modification constitutionnelle. Dès lors, dans tous les cas de figure, nous devrons proposer une modification et aller devant le peuple pour cela. Ce sera aussi le cas pour l'objet suivant à l’ordre du jour et ce n'est pas la Loi sur le Grand Conseil qui changera cet état de fait.

Sur l'aspect des maladies de longue durée, j'entends l'argument et il est tout à fait intéressant. La vraie question est de savoir, lorsqu'on est malade – par exemple d'un cancer comme l’a dit M. Vogel – si s’imposer des débats politiques est quelque chose de sain pour son rétablissement. Mais c'est peut-être une autre question ? Dans le cas présent – je m'en suis assuré auprès du Secrétaire général et je suis membre de la Commission thématique des institutions et des droits politiques – nous sommes précisément dans le cadre d'une validation de la prise en considération partielle, ou alors du classement. Soit on prend en considération partielle cette motion, comme l'a voulu la commission dans sa conclusion, avec les éléments déjà évoqués et qui concernent principalement le remplacement de longue durée, soit on classe la motion ; il n'y a pas d'autre alternative. Si ce Grand Conseil accepte la prise en considération partielle, la Commission thématique des institutions et des droits politiques ne pourra pas élargir le débat à nouveau et revenir à d'autres possibilités de suppléance. Elle devra se positionner uniquement sur ce cas précis et proposer un projet de décret, respectivement une modification constitutionnelle. Comme le Conseil d'Etat le fait parfois, on pourrait y adjoindre un contre-projet, mais le débat a déjà été fait en commission. J'ai confiance dans le fonctionnement de cette commission, mais si vous renvoyez cette motion, même partiellement, elle ne pourra pas faire tout ce qu'elle souhaite.

Je précise ma position personnelle, qui est un peu particulière : je souhaitais la prise en considération totale. Je suis l’un des deux députés qui, en commission, ont refusé la prise en considération partielle. En effet, de mon point de vue – et peut-être suis-je un peu influencé par ma proximité avec le canton du Valais – un système de suppléance généralisée plutôt qu’uniquement destiné à des cas précis liés à de longues durées pourrait être intéressant. Voici quelques arguments, à commencer par la relève : avec une liste de députés suppléants, souvent jeunes ou moins jeunes, de nouvelles personnes intéressées à la politique et à l'engagement public peuvent s’inscrire sur des listes de députés suppléants, puis peut-être sur la liste principale lors de la législature suivante. Il n'y a pas de catégories A et B, mais simplement un encouragement à l'engagement politique. Le modèle de suppléance est également intéressant en ce qui concerne les connaissances ou les compétences. Toutes et tous, ici, avons des compétences propres, privées, professionnelles et des connaissances sur certains sujets, et nous sommes tous des miliciens, ou à peu de chose près. Défendre le système des suppléances pourrait être intéressant pour un cas particulier, par exemple pour un objet spécifique lié à la santé ou à un aspect juridique ; il pourrait y avoir des suppléants qui maîtrisent mieux une thématique ou une autre. Encore une fois, il n’y a pas de député A ou B, mais seulement de potentielles améliorations de la qualité du débat, ne serait-ce que par les connaissances et compétences des parlementaires.

Je regarde Mme la conseillère d'Etat d’un œil amical, mais nous sommes face au Conseil d'Etat et à l'administration, largement dotée en termes de compétences. Dès lors, ce système aurait pu être intéressant, mais nous n’en sommes pas là puisque le projet a été abandonné par la commission qui a refusé le système de suppléance élargi tel que je viens de vous l'expliquer. Dans sa majorité, la commission propose de prendre la motion en considération partielle avec la prise en compte des absences de longue durée. A titre personnel, et comme une grande majorité de mon groupe, je m'opposerai à cette proposition et je vous encourage à en faire de même.

Mme Cloé Pointet (V'L) —

J’aimerais revenir sur le sentiment de culpabilité que notre collègue Circé Barbezat Fuchs a mentionné la semaine passée. J’étais absente les mercredis de décembre pour des raisons professionnelles et ces deux jours-là, j’ai suivi de loin les débats et surtout les votes comme je le pouvais et avec anxiété ; je craignais d’être responsable d’un vote serré du fait de mon absence, et d’avoir ainsi failli à mon devoir. Evidemment, ce genre d’absence n’entre pas dans le cadre du projet de suppléance, mais le fait de les avoir vécues a renforcé mes réflexions personnelles actuelles.

Je déclare mes intérêts : je suis une femme de 25 ans et je souhaite fonder une famille. En tant que jeune députée, cela veut dire choisir entre prendre son congé maternité, ou y renoncer en partie pour venir voter. Et le congé partiel n’est possible que depuis peu ; auparavant, vous risquiez tout simplement de perdre votre congé maternité si vous mettiez les pieds dans cette salle pour faire valoir vos droits et devoirs de députés. Ou alors, il fallait attendre de ne plus être députée pour avoir des enfants !

Dans le cas d’une personne malade, le choix se résume à prendre le risque de créer un déséquilibre ou à démissionner… Ce n’est pas la meilleure des entrées en matière pour guérir ! Le canton de Vaud vient de vivre le cas d’une conseillère d’Etat qui a dû mettre son mandat de côté pour se concentrer sur sa santé et cette absence a pu se faire de manière planifiée et sereine, malgré la spontanéité de la maladie. Contrairement à ce qui a été dit, un canton similaire au nôtre connaît le système proposé, puisque le canton d’Argovie a 11 districts et qu’il siège soit un mardi sur deux, soit chaque mardi. Et il a réussi à mettre en place un système de suppléance.

Si cette mesure n’a finalement pas d’impact sur la majorité des députés, elle permettra d’éviter que certains votes se fassent en fonction des absences longues durées de type maladie, accident, maternité ou engagement civil, et ainsi de respecter la volonté populaire, mais elle a un énorme impact sur les quelques personnes concernées pendant chaque législature, en laissant la possibilité de se concentrer sur la raison de son absence, sans culpabiliser. Alors, laissons le peuple qui nous a élus et que nous représentons se prononcer sur le sujet.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Nous avons effectivement discuté de cela en Commission thématique des institutions et des droits politiques et, au sein du Conseil d'Etat, nous avons aussi discuté de cette possibilité de suppléance. Je ne vous cacherai pas que le Conseil d'Etat dans son ensemble est plus que réticent à l’idée de suppléance, du moins dans sa version généralisée. Evidemment, la question concerne plutôt le Grand Conseil, mais les arguments émis au sein du collège gouvernemental ne sont pas éloignés de ceux que l'on a pu entendre ici, au Parlement, en termes de responsabilité, d'efficience, et par rapport à votre rôle de députés. Nous nous inscrivons en faux par rapport à ce qui a été dit par M. Devaud, car un député est là pour faire de la politique et non pour être un spécialiste technique, ce pour quoi il y a d'autres personnes. L’important est plutôt d'avoir une personne présente en permanence et qui s'intègre au débat, ce qui permet d'avoir un point de vue politique.

Cela étant, nous parlons ici de la prise en considération partielle d'une motion qui exclut les absences à la carte, ce qui est donc évidemment moins problématique, puisque l'on parle de maladie, de congé maternité ou d'obligation patriotique. Lorsqu'on parle d'obligation professionnelle, nous sommes dans un registre différent puisque l’on parle d’un choix professionnel de partir. De plus, il ne faudrait pas non plus cacher les difficultés pratiques, évoquées par l'un ou l'autre, par rapport à la prise en considération partielle. Cela étant, cela sera votre choix. Encore une fois, le Conseil d'Etat n'est pas « très chaud » par rapport à ce système, mais ce choix vous appartient.

Je rappelle simplement que, si d'aventure ce texte était renvoyé, il faudrait une modification constitutionnelle, qui devra être accompagnée d'une modification légale. Dans ce cadre, nous souhaiterions que la modification constitutionnelle permette de bien comprendre le principe, sans aller dans le détail, à savoir le fait qu’il s’agirait d’un système de suppléance de longue durée, de manière à éviter ensuite les changements de loi qui pourraient être différents de la volonté émise au premier chef. Nous serons donc très attentifs à la rédaction d'un article constitutionnel. Finalement, j'ai un certain devoir de réserve sur cette question. Ainsi que nous l’avons dit, le Conseil d'Etat n'est pas emballé, mais le choix vous appartient. Dans ce cadre, le cas échéant, nous veillerons à ce que les textes soient très clairs pour la population, en tous les cas sur l'article constitutionnel.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

La motion, prise en considération partiellement, est renvoyée à une commission législative par 72 voix contre 58 et 5 abstentions.

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