Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 29 mars 2022, point 20 de l'ordre du jour

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Rapport de majorité de la commission - 21_PET_4 - Olivier Petermann

rapport de minorité de la commission - 21_PET_4 - Pierre Zwahlen

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M. Olivier Petermann (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Les pétitionnaires demandent au Conseil d’Etat et au Grand Conseil ce qui suit :

  • tolérance pour les actions d’occupation des militant-e-s qui protégeaient la colline du Mormont ;
  • suspension de la décision d’autoriser l’exploitation par Holcim de la parcelle de la Birette ;
  • classement du reste de la colline du Mormont en « zone protégée » ;
  • création d’un fonds permettant la reconversion des travailleurs de Holcim qui ne souhaitent plus participer à la destruction de la biodiversité.

De l’avis des pétitionnaires auditionnés par la commission, le Mormont est une région riche en biodiversité menacée de destruction pour fabriquer du ciment, alors que la Suisse est le plus grand consommateur de ciment parmi les pays d’Europe. Le membre du comité de l’association « Sauvons le Mormont » explique qu’il relève la population des batraciens transitant annuellement. Il constate qu’en dix ans, ils sont passés de 3000 à 250 animaux. Ce constat illustre la nécessité de protéger ces biotopes et de prendre des mesures pour protéger la richesse animale.

Lors de la discussion avec les pétitionnaires, il est demandé quel est exactement le but de la pétition, qui porte tant sur l’écosystème que sur des éléments très politisés. Il est répondu que l’objectif est compris dans les quatre demandes de la pétition : essentiellement la protection de ce haut lieu de la biodiversité en Suisse. Un commissaire, lisant que la pétition « demande la création d’un fonds permettant la reconversion des travailleurs d’Holcim qui ne souhaitent plus participer à la destruction de la biodiversité », demande comment fonctionnera ce fonds. Il est répondu que les parlementaires décideraient des modalités. Un commissaire relève que la pétition met l’accent sur la biodiversité et demande comment la suspension de l’autorisation d’exploitation du plateau de la Birette pourrait être mise en oeuvre. Il est répondu que les pétitionnaires souhaitent que cette parcelle ne soit pas exploitée afin d’éviter la destruction d’un lieu où poussent de nombreuses espèces d’orchidées. Les pétitionnaires souhaitent que cette décision soit assortie d’un effet suspensif, car Holcim pourrait d’ores et déjà commencer à exploiter cette parcelle, même si l’entreprise affirme attendre la décision du Tribunal fédéral (TF).

Lors de l’audition des représentants de l’Etat, concernant la demande de « suspension de la décision d’autoriser l’exploitation par Holcim de la parcelle de la Birette », il est rappelé que le Grand Conseil a accepté la révision du Plan directeur des carrières (PDCar), le 16 juin 2015, lequel prévoit l’extension de la carrière. À la suite de cette adoption par le Grand Conseil, des décisions ont été rendues par le département en 2017 avec un recours partiellement admis, puis le 7 janvier 2019 avec différents éléments tels le plan d’extraction et le permis d’exploiter. La demande de suspension de la décision d’autoriser l’exploitation ne peut donc être prise par le canton, car les décisions sont entrées en force et font l’objet de recours au TF.

Du point de vue des représentants de l’Etat également, la demande de « classement du reste de la colline du Mormont en zone protégée », est déjà réalisée, comme le montrent les buts environnementaux du Plan d’affectation cantonal du Mormont (PAC Mormont) :

  • la sauvegarde des milieux biologiques propres au Mormont ainsi que de ceux de valeur en ce qui concerne la flore et la faune ;
  • la protection et le respect de la morphologie générale du site ;
  • la conservation de milieux forestiers aux contours découpés du point de vue paysager ;
  • la conservation et la mise en valeur du patrimoine historique, archéologique et architectural ;
  • la suppression ou l’atténuation, dans la mesure du possible, des atteintes nuisibles découlant d’interventions antérieures.

Le périmètre du Mormont est protégé par deux outils : un inventaire fédéral et un plan d’affectation cantonal. Le Secrétaire général du Département de l’environnement et de la sécurité intervient sur les deux autres demandes de la pétition — « tolérance pour les actions d’occupation des militantes et militants qui protégeait la colline du Mormont » et « création d’un fonds permettant la reconversion des travailleurs d’Holcim qui ne souhaitent plus participer à la destruction de la biodiversité ». Concernant la première demande, il ressort que 93 manifestants ont été interpellés, dont 49 ont comparu devant les procureurs en charge des investigations pénales, parmi lesquelles 45 ordonnances de condamnation pénale immédiate. Il est relevé que la compétence relève du Ministère public, dont l’indépendance juridictionnelle est garantie. Concernant la création d’un fonds, il relève que nul ne connaît l’issue de la procédure en cours devant le TF. Il est possible que l’exploitation de la Birette soit autorisée, en quel cas cette question ne se pose pas.

Lors de la discussion avec les représentants de l’Etat, il est demandé si, une fois l’exploitation terminée, il est prévu de combler les secteurs excavés. Il est expliqué que l’engagement pris vis-à-vis de la Confédération, une fois le plan d’extraction de la Birette terminé, est le remplissage avec des matériaux d’excavation non pollués. Vu les besoins en lieux de stockage dans le canton, il serait contre-productif de ne pas profiter de ces moyens d’entreposage. Un commissaire demande s’il serait possible de mener de front l’exploitation de la Birette et le remblaiement des parties précédemment exploitées. Il est répondu que cela a été discuté : à priori c’est envisageable.

Lors de la délibération, pour la majorité de la commission, le remblaiement n’était pas forcément l’option retenue à l’époque, car on imaginait que d’autres espèces coloniseraient. Il est aussi relevé que ce ne sera pas simple de remblayer ce site, surtout au vu des espèces qui le colonisent déjà – milieux pionniers. La majorité des commissaires estime que la pétition est dirigée contre une entreprise, l’écologie étant un prétexte. Les termes utilisés relevant de la biodiversité sont galvaudés. Les pétitionnaires critiquent fortement Holcim, mais demandent la tolérance quant aux occupations de terrains privés. La majorité des commissaires trouve cela déplacé, comme la création d’un fonds de reconversion pour les travailleurs d’Holcim qui ne souhaitent plus participer à la destruction de la biodiversité. Ces commissaires précisent que le Canton et la Confédération ne délivrent pas de permis d’exploitation à tout va, et qu’entre ce qui est dit et ce qui est demandé il y a une trop grande différence. Concernant la position de la minorité de la commission, je vous renvoie au rapport de minorité.

En conclusion, par 5 voix contre 5 et 2 abstentions, la commission recommande au Grand Conseil de classer la pétition.

M. Pierre Zwahlen (VER) — Rapporteur-trice de minorité

La minorité prend partiellement en considération la pétition pour le classement du reste de la colline du Mormont en zone protégée. Les trois autres demandes de la pétition relèvent, en effet, de la justice ou de l’industrie du ciment. Les tribunaux se prononcent sur les actions d’occupation des militantes et militants – le TF jugera de la décision d’autoriser l’exploitation de la parcelle de la Birette. Et l’industrie, de son côté, conviendra, cas échéant, d’un fonds permettant la reconversion des travailleurs de LafargeHolcim qui ne souhaitent plus participer à la destruction de la biodiversité. Ainsi, seul le classement en zone protégée est pris en considération par la minorité.

La délégation des pétitionnaires, composée d’un membre du comité de l’Association de sauvegarde du Mormont et du président de l’association Ecologie et Altruisme, a relevé le patrimoine naturel exceptionnel de la colline, située entre deux plaines autrefois alluviales et les bassins versants du Rhin et du Rhône. Selon les relevés des batraciens en transit, en dix ans le nombre de ces animaux est passé de 3000 à 250 par année. Haut lieu de la diversité animale du canton, la colline compte plus de 500 espèces réparties entre les principaux groupes de la faune. Incluant des forêts à essences très diversifiées, le Mormont abrite aussi 33 espèces de mammifères de toutes tailles. Sept sont citées dans la liste rouge des animaux menacés en Suisse, ainsi que dans la liste des espèces prioritaires pour notre pays. On peut y observer la belette, le chamois, le chevreuil, le chat sauvage et le cerf. Le nombre de 82 espèces d’oiseaux y vivent ou y transitent, selon la liste d’espèces potentielles de la Station ornithologique de Sempach : 32 d’entre elles figurent sur la liste rouge des oiseaux nicheurs menacés de Suisse et 17 présentent une priorité de conservation élevée pour notre pays. Le faucon crécerelle, le hibou moyen-duc, la chouette hulotte, l’alouette des champs y sont observés. Le climat chaud et sec de la colline et la diversité des habitats conviennent aux besoins des reptiles comme la couleuvre à collier, la coronelle lisse ou encore le lézard agile. Les forêts thermophiles du Mormont servent de site d’hivernage aux batraciens de la région. Le climat particulier est propice à 238 espèces d’insectes –dont 75 sont menacées dans notre pays – qui apprécient la chaleur. Relevons parmi elles le thécla du prunelier, un papillon brun et orangé proche de l’extinction dont quelques images figurent dans le rapport de minorité.

La flore du Mormont comprend de nombreuses espèces rares, dont 23 d’orchidées. Comptant plus de 900 espèces végétales, le site est considéré comme l’un des hauts lieux botaniques du canton de Vaud. La morphologie particulière du massif, la flore et la faune très diversifiées, ainsi que la richesse en associations forestières rares ont justifié l’importance nationale du site et son inscription à l’inventaire fédéral. Etendre l’exploitation cimentière fragilise ce site d’une biodiversité exceptionnelle dans notre canton. Il importe donc de beaucoup mieux protéger cette colline devenue joyau du patrimoine naturel vaudois.

Trois demandes de la pétition ne relèvent plus des autorités exécutive et législative du canton. Par conséquent, la minorité de la commission recommande au Grand Conseil de prendre la pétition partiellement en considération, en vue de classer le reste de la colline du Mormont en zone protégée.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Pierre-François Mottier (PLR) —

La pétition est dirigée contre une entreprise. L’écologie et la biodiversité sont une mauvaise excuse. Le rapport de minorité demande de prendre partiellement en considération la pétition afin de classer le reste de la colline du Mormont en zone protégée. A ce jour, seule la Birette figure dans le PDCar. Cette zone fait l’objet d’un recours au TF. Pour rappel, le reste de la colline est protégé via deux outils : l’inventaire fédéral des paysages qui fait le double de la parcelle et par le plan d’affectation cantonal qui englobe aussi l’exploitation et l’ensemble du site du Mormont. Ces deux périmètres ne sont pas en opposition ; ils se complètent et ont été établis conjointement par les administrations cantonale et fédérale. En acceptant même partiellement la pétition, vous remettez en question la crédibilité des instances cantonales et fédérales, qui ont établi les buts environnementaux afin de concilier l’exploitation et la biodiversité du Mormont. Vous les désavouez, alors que dans le PAC Mormont figurent la sauvegarde des milieux biologiques et de valeur concernant la flore et la faune, le respect et la protection de la morphologie du site, la conservation des milieux forestiers, la conservation et la mise en valeur du patrimoine historique. Comment peut-on remettre en doute ces études, les décisions et le suivi de l’administration fédérale et cantonale ? A croire qu’ils n’y connaissent rien.

Relevons également que le Grand Conseil a voté et va encore voter des crédits pour des constructions publiques de grande envergure, comme le CHUV ou le futur métro. Je ne vois pas comment on pourrait remplacer le béton dans ces constructions. Pour ma part, la production de ciment local devrait être une priorité et un intérêt publics prépondérants. C’est pourquoi, au nom du groupe PLR, je vous recommande de suivre la majorité de la commission et de ne pas prendre en considération la pétition.

M. Pierre-André Pernoud (UDC) —

Les demandes de la pétition mettent en évidence des problématiques liées, pour la plupart, à des autorisations d’extension de la carrière du Mormont adoptées par le Grand Conseil en 2015. Plusieurs recours sont en cours de traitement auprès du TF, le canton n’est donc plus compétent en la matière. Les buts environnementaux du Mormont sont définis par un inventaire fédéral et le PAC Mormont.

La pétition demande également une meilleure tolérance face aux zadistes. C’est relativement cocasse, si l’on met en relation les quelque 750 m3 de déchets occasionnés par les occupants avec le maintien de la biodiversité sur ces lieux. Le groupe UDC ne soutiendra pas cette pétition.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je ne répèterai pas ce que j’ai déclaré précédemment, que je maintiens, et ce qui a été dit concernant la compétence du Grand Conseil et celle du Conseil d’Etat quant au plan d’affectation, qui a déjà été voté.

A la suite de la longue liste d’espèces dressée par notre collègue Zwahlen, je répète qu’il s’agit de l’éternel problème de l’équilibre entre activités humaines et préservation de la nature. Le même problème, sous d’autres aspects, se pose avec les éoliennes. Mme la conseillère d’Etat le sait bien. Les expertises devaient déterminer si et dans quelle mesure certaines espèces pouvaient être touchées par ces installations. Il s’agit aussi du même problème avec certains barrages, en particulier celui du Grimsel. C’est un vrai problème. Ce problème n’est pas seulement celui du Mormont, même s’il est spécifique.

Je contredis totalement M. Venizelos selon qui il est plus facile de démolir et de reconstruire que de rénover. J’ignore d’où vous tirez cela ; c’est complètement faux. Je suis président d’une fondation immobilière qui a une trentaine d’immeubles anciens, très difficiles et complexes à rénover avec des loyers entre 20 et 30 % en dessous du marché. On fait l’effort de rénover, car il est beaucoup plus compliqué de démolir et de reconstruire. Je fais l’impasse sur les immeubles qui peuvent très difficilement être rénovés, ce pour des questions techniques.

Par ailleurs, on nous dit vouloir construire autrement. J’aimerais que l’on nous explique comment. L’année dernière, les entreprises de construction n’avaient plus de bois de coffrage et devaient utiliser de vieux coffrages, ce qui ne se faisait plus depuis environ cinquante ans. Certes, la filière bois existe, mais parfois des ruptures surviennent, comme dans d’autres approvisionnements. Ce n’est pas si simple.

Encore, la formation est fondamentale pour l’avenir de notre société et l’emploi de notre jeunesse. En effet, pour construire autrement, il faudra des personnes formées dans les métiers de la construction. Là, nous avons plusieurs années de retard. Il faudra aussi mettre le turbo et retrouver des gens qui façonnent les choses différemment, ce qui sera évidemment plus compliqué que de couler 1 m3 de béton. Prêtons donc attention à la question de la formation. C’est bien joli de faire des propositions pour sortir du ciment, mais il faut en connaître les conséquences. Finalement, la question du coût est importante, car on ne peut pas se permettre de construire des immeubles avec des loyers pas supportables pour la majorité de la population.

M. Daniel Develey (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis membre de la commission qui a examiné le PAC Mormont. En complément au rapport de majorité, je souhaite mettre en évidence quelques mesures de protection proportionnées. L’ancienne carrière Testori, fermée en 1953, est devenue depuis les années 1970 une réserve naturelle à orchidées et serpents rares, dont l’entretien est confié à un botaniste réputé. L’ancienne carrière a servi de modèle pour l’établissement du plan de renaturation future de la carrière actuellement en exploitation. Lors de chaque avancée de la carrière, toutes les terres végétales sont méticuleusement conservées en vue de leur réemploi sur le site. Notamment, dans le cadre de reboisement à proximité de la carrière en 1919, 6000 chênes et autres espèces indigènes ont été plantés en une fois à partir de glands provenant de la colline du Mormont. L’exploitation mène des plans d’action « Fleurs rares », dont un projet « Flore ségétale », en partenariat avec l’Office fédéral de l’agriculture, au cœur de 10 ha de céréales anciennes biologiques. De plus, une surface de 7 ha réensemencée en fleurs de foin compte parmi les plus belles prairies fleuries de la région. Je vous invite donc à classer la pétition.

M. Pierre Zwahlen (VER) — Rapporteur-trice de minorité

J’ai bien entendu les différentes interventions qui demandent de classer la pétition. La diversité naturelle de cette colline n’est pas un prétexte, je le dis à notre collègue Mottier. Vous avez entendu la liste merveilleusement longue des espèces végétales et animales qui se trouvent ou circulent sur la colline. C’est un lieu de passage très important et un joyau que nous ne pouvons pas excaver sans fin.

Certes, il y a des besoins pour la construction. Des formations sont déjà en cours, lancées notamment par la Société suisse des entrepreneurs qui souhaite aussi des changements de culture dans la construction et les filières de formation pour les métiers de la rénovation énergétique, et dans l’utilisation de matériaux durables. Bien sûr, c’est un enjeu. Notre parlement doit dessiner de claires options dans le sens de la préservation de la nature.

Nous avons eu un long débat ce matin sur le loup. Le premier prédateur sur la planète est encore l’être humain. A cet égard, nous avons un devoir de circonspection à l’égard de tout ce qui relève de la diversité naturelle. Dans ce sens, la minorité de la commission vous appelle à prendre en considération l’une des demandes des pétitionnaires, à savoir le classement en zone protégée du reste de la colline.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la pétition par 68 voix contre 53 et 1 abstention.

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