Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 30 avril 2024, point 2.9 de l'ordre du jour

Texte déposé

Alors qu’un développement encourageant de la vente directe auprès des agricultrices et agriculteurs avait été constaté durant la période affectée par les restrictions COVID, cette tendance semble malheureusement depuis s’être essoufflée, voire inversée. Plusieurs exploitations indiquent en effet une baisse de fréquentation inquiétante de leurs magasins à la ferme et autres points de vente directe[1]. Et alors que d’autres continuent à bénéficier d’une clientèle fidèle[2], notamment grâce à une localisation proche des centres urbains, l’impact de ces difficultés et fermetures sur tout ce qui compose le tissu économique local (agriculture vaudoise, petites exploitations, artisanes et artisans, etc.) est indéniable. A fortiori dans la mesure où nombre de ces producteurs locaux et productrices locales ont réalisé des investissements importants pour précisément développer leurs lieux de vente directe et n’ont pas ou que peu augmenté leurs prix dans le contexte inflationniste actuel[3]. Voyant leurs revenus issus de la vente directe réduits et leurs investissements difficilement rentabilisés, les agricultrices et agriculteurs peuvent être placés dans une situation économique et personnelle difficile du fait de cette baisse, avec toutes les conséquences financières et sociales que cela comporte.

 

Les raisons pouvant expliquer cette baisse d’attractivité et de fréquentation des lieux de vente directe sont nombreuses et multifactorielles : la baisse du pouvoir d’achat, la limitation du temps à disposition compte tenu de la réduction des possibilités de télétravail ou encore la modification des intérêts et considérations en termes d’achat ne sont que certains des éléments usuellement mis en avant pour analyser cette tendance. Une tendance qui, on peut l’espérer, n’est que passagère, mais qui doit nous amener d’ores et déjà à évaluer les obstacles réglementaires qui peuvent exister aux activités de vente directe et de magasins à la ferme, ainsi que les moyens pour le Canton d’intervenir dans ce cadre. Ceci d’autant plus considérant que, dans son Rapport sur l’orientation future de la politique agricole, le Conseil fédéral a souligné que « la vente directe et les circuits courts sont des tendances de consommation actuelles »[4].

 

Cette problématique est particulièrement importante pour le Canton de Vaud, compte tenu de la place de l’agriculture dans son économie ainsi que dans son tissu social et local. La vente directe et les circuits courts ont notamment été mis en avant par le Conseil d’Etat comme des éléments importants non seulement pour promouvoir l’image de l’économie agricole vaudoise et l’attractivité du monde rural, mais aussi pour assurer la promotion des produits agricoles vaudois[5]. Or, avec des débouchées de vente directe et de diversification des revenus qui sont limitées, de nombreuses petites exploitations abandonnent leurs activités ou n’ont d’autres choix que de se regrouper, entraînant une augmentation des « grandes » exploitations (> 50 ha) au détriment des structures plus petites et familiales[6]. En outre, depuis 2016, une baisse constante des exploitations vaudoises est constatée, en ligne avec une évolution similaire au niveau national qui doit nous inquiéter[7]. Et impose que des simplifications soient prises.

 

Dans sa réponse à l’interpellation David Raedler et consorts « Des circuits-courts à souffle court, voire à bout de souffle ? » (23_INT_14), le Conseil d’Etat a partagé les constats qui précèdent, tout en notant que la baisse d’intérêt remarquée portait spécifiquement sur la vente directe et non sur la consommation de produits locaux. En effet, la grande distribution offre également dans une certaine mesure des débouchées à la vente de tels produits. Une situation qui n’est cependant pas satisfaisante, dans la mesure où – là aussi comme relevé par le Conseil d’Etat – les marges importantes appliquées par les grandes surfaces portent directement atteinte aux revenus des agriculteurs et agricultrices.

 

En parallèle, il peut être constaté que les marchés en ville se portent encore bien et que les consommateurs et consommatrices s’y rendent encore en nombre, profitant ainsi d’un accès à des produits frais et, pour une majorité, locaux. Vu la baisse de fréquentation constatée pour les magasins à la ferme, il y a cependant lieu de craindre qu’une évolution similaire puisse affecter les marchés citadins – avec des conséquences très négatives pour les agriculteurs et agricultrices.

 

Fort de ce constat, afin de soutenir au mieux l’agriculture vaudoise et d’assurer des revenus minimaux nécessaires aux agricultrices et agriculteurs, il convient pour le Canton de se montrer proactif à la fois dans l’analyse de la problématique liée à la baisse d’intérêt pour la vente directe et des moyens de soutenir celle-ci. A titre d’exemple, l’on peut s’interroger quant à l’impact de la législation fédérale applicable aux magasins à la ferme[8] (notamment s’agissant des conditions très strictes liées à la provenance des produits vendus) sur le choix des consommateurs et consommatrices de privilégier les grandes surfaces où l’essentiel des produits souhaités sont rassemblés, et de l’intérêt d’agir à ce niveau. De même, la possibilité de mettre en place des incitatifs visant à privilégier les circuits-courts et la vente directe, à l’image de ce qui avait été fait durant la période du coronavirus avec les bons WelQome, pourrait constituer une solution simple de promotion et de soutien à la branche[9].

 

Dans l’ensemble, les problèmes affectant la vente directe sont évidents et il est maintenant temps pour le monde politique vaudois de se saisir de ce point afin d’en identifier les causes et de trouver les solutions applicables.

 

A la lumière de ce qui précède, les signataires demandent respectueusement au Conseil d’Etat d’établir un rapport lié à la vente directe de produits agricoles et aux magasins à la ferme, par lequel les motifs de la baisse de fréquentation sont identifiés et des solutions de soutien et de promotion sont proposées.

 

***

 

[1]https://www.lacote.ch/vaud/la-cote/nyon-district/gingins/les-marches-paysans-de-la-region-sont-a-la-peine-1247050; https://www.rts.ch/info/economie/14219006-les-petits-maraichers-suisses-sont-obliges-de-brader-leurs-legumes-cet-ete.html.

[2]https://www.24heures.ch/le-terroir-nest-pas-en-crise-meme-si-terre-vaudoise-a-ferme-972139648089.

[3]https://www.24heures.ch/les-paysans-veulent-ranimer-la-flamme-de-la-vente-a-la-ferme-715369018064.

[4] Conseil fédéral, Orientation future de la politique agricole, Rapport du Conseil fédéral en réponse aux postulats 20.3931 de la CER-E du 20 août 2020 et 21.3015 de la CER-N du 2 février 2021, 22 juin 2022, p. 4 et 39 ss.

[5] Rapport du Conseil d’Etat au Grand conseil sur la politique et l'économie agricoles vaudoises et l'évaluation des améliorations foncières, 21_RAP_52, septembre 2021, Tableau 15, p. 49.

[6] Voir les chiffres sur les structures d’exploitation dans le rapport Prométerre, « Observatoire économique », Janvier 2022, p. 3 et 6.

[7] Observatoire économique, p. 6.

[8] Art. 16a de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (« LAT ») et 34 al. 2 de son Ordonnance d’application (« OAT »).

[9] Voir à ce sujet le projet genevois des « bons du terroir » ; https://www.20min.ch/fr/story/geneve-plusieurs-partis-sallient-pour-relancer-les-bons-du-terroir-103092249.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Yannick MauryVER
David VogelV'L
Alice GenoudVER
Anna PerretVER
Nathalie JaccardVER
Valérie ZoncaVER
Cédric EchenardSOC
Laurent BalsigerSOC
Sébastien CalaSOC
Felix StürnerVER
Nicolas BolayUDC
Sandra PasquierSOC
Claire Attinger DoepperSOC
Céline MisiegoEP
Thanh-My Tran-NhuSOC
Cédric RotenSOC
Oscar CherbuinV'L
Muriel ThalmannSOC
Alberto MocchiVER
Théophile SchenkerVER
Maurice NeyroudPLR
Blaise VionnetV'L
Yves PaccaudSOC
Vincent KellerEP
Jean-Bernard ChevalleyUDC
Alexandre RydloSOC
Isabelle FreymondSOC
Géraldine DubuisVER
Martine GerberVER
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