Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 26 mars 2024, point 14 de l'ordre du jour

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Rapport de la commission - 23_PET_4_Elodie Lopez

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Mme Elodie Lopez (EP) — Rapporteur-trice

La Commission thématique des pétitions s’est réunie en septembre dernier pour traiter de cette pétition. Je tiens à remercier Mme Marie Poncet Schmid pour la tenue des notes de séance, grandement utiles à l’établissement du rapport. En préambule, je dois apporter une précision concernant les commissaires présents lors des séances de commission. Nous essayons toujours de prendre nos précautions lorsque des commissaires ont signé les pétitions soumises à la discussion pour éviter qu’ils siègent ou votent. C’est la raison pour laquelle deux commissaires se sont récusés lors des votes sur la pétition. Je dois encore m’excuser auprès de M. Jean-Louis Radice qui a été oublié dans le rapport, alors qu’il faisait partie des commissaires présents lors de la séance de la commission.

La commission a auditionné une délégation des pétitionnaires. La pétition, munie de 705 signatures, concerne les attaques de loup dans la Broye vaudoise et fribourgeoise ; elle a également été déposée au Grand Conseil fribourgeois. Elle fait état de plusieurs attaques de loups sur des animaux de rente dans les districts de la Broye vaudoise et fribourgeoise. Elle relaie plusieurs observations du loup dans la région et mentionne qu’il serait regrettable que des éleveurs mettent fin à leur activité à cause du découragement, ne se sentant pas entendus et soutenus à la suite des attaques qui se multiplient. Elle explique aussi que si les indemnités sont une bonne aide, elles ne remplacent pas un animal que l’éleveur aime et dont il prend soin. La pétition demandait donc au Conseil d’Etat d’entreprendre des démarches urgentes pour éliminer les loups dans la région de la Broye vaudoise et fribourgeoise, respectivement en plaine, cela pour la sécurité des habitants et pour le respect des animaux et des éleveurs de bétail. Cette pétition ne demande pas la mise à mort des animaux, mais qu’en cas d’attaque sur des animaux de rente, un dispositif de piège soit mis en place pour capturer le loup sans le mettre à mort.

Lors de l’audition des pétitionnaires, plusieurs informations ont été portées à la connaissance de la commission, notamment un historique concernant le retour du loup sur le territoire suisse, des éléments liés au cadre légal et des problématiques spécifiques à la région de plaine, plus peuplée que la montagne et dans laquelle il est plus difficile de mettre en place des mesures de protection. La commission a été attentive aux difficultés liées aux mesures de protection, ainsi qu’à l’électrification des parcs qui doivent être dotés de fils électriques dans des lieux – en lisière de forêt, par exemple – où la présence de branches, de feuilles et de ronces empêche le maintien d’une tension minimale constante. Cela a un impact sur le fait de recevoir ou non des indemnités lorsque des bêtes sont tuées par le loup. En effet, si l’électrification du parc ne correspond pas aux normes, cela peut mettre à mal l’indemnité.
Certains éléments liés à la détention des chiens de protection ont aussi été portés à la connaissance des commissaires : les démarches pour obtenir des chiens de protection type « patou » sont longues et compliquées ; il est difficile d’en obtenir en plaine, parce qu’ils sont souvent destinés en priorité aux estivages. Il s’agit d’un élément important puisque le contexte de plaine est spécifique au dépôt de la pétition. Les pétitionnaires ont encore apporté des éléments liés à l’épuisement des budgets pour les indemnisations. Les représentants de l’Etat ont présenté le cadre légal et les mesures prises par le canton relativement à ces questions.

Plusieurs commissaires se sont exprimés en faveur de la pétition, considérant que la Broye est une région peuplée dans laquelle le loup n’a pas sa place. Ils considèrent que la crainte qu’une meute ou une faune urbanisée s’y installe est légitime et doit être prise en compte. Les commissaires ayant soutenu la pétition estiment qu’il faut protéger les troupeaux de bovins, mettre en place des conditions pour que les éleveurs puissent travailler, que les dispositions légales sont insuffisantes. Ils estiment par exemple que l’adaptation de l’Ordonnance sur la chasse proposée récemment pour imposer des quotas d’abattage pour éliminer 60 % des loups serait une solution. Certains commissaires estiment qu’on ne dispose pas encore de toutes les solutions pour épargner le loup et lui permettre de trouver un espace vital, tout en répondant au mieux aux problèmes rencontrés par les éleveurs. Ils estiment enfin que les cas d’attaque dans lesquels la présence du loup n’est pas reconnue devraient aussi être comptabilisés par le canton, ce qui n’est pas le cas actuellement.

D’autres commissaires, bien que sensibles à la détresse du monde agricole, refusent le renvoi de la pétition au Conseil d’Etat pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le Conseil d’Etat a déjà exposé sa position à travers les explications livrées par la Direction générale de l’environnement (DGE) : la capture du loup n’est pas envisageable dans ce cas précis, le cadre géographique de la pétition étant limité à la Broye alors que la problématique est plus large. Des mesures de régulation et de protection – dont de nouvelles mesures comme le collier – sont en cours et le canton devrait les soutenir plus fermement. Ils estiment aussi que plusieurs éléments de la pétition sont problématiques, par exemple, le fait d’indiquer que le loup s’attaquera à l’être humain, ou que le cadre légal a déjà été amélioré en juillet 2023. Ils jugent la pétition trop restrictive dans la manière de considérer le problème, alors que le Conseil d’Etat entend renforcer les efforts et les mesures, notamment en matière de personnel à disposition pour réguler le loup.

Finalement, la commission a souhaité émettre le vœu suivant à l’attention du Conseil d’Etat : « La commission entend l’inquiétude et les réclamations des personnes touchées par la présence du loup dans la Broye et souhaite que le Conseil d’Etat y donne réponse dans le cadre légal. » Ce vœu a été accepté à l’unanimité par la commission. Par 5 voix contre 4, cette dernière recommande également au Grand Conseil de prendre cette pétition en considération et de la renvoyer au Conseil d’Etat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Jean-François Cachin (PLR) —

Le groupe PLR a pris connaissance de cette pétition et du rapport de la commission. Il est sensible aux demandes des pétitionnaires et souhaite que le Conseil d’Etat prenne des mesures afin de limiter le nombre de meutes. Le groupe PLR est favorable au vœu voté par les membres de la commission, tout comme il est favorable à la prise en considération de la pétition et à son renvoi au Conseil d’Etat.

M. Pierre-André Pernoud (UDC) —

Force est de constater qu’un loup ou qu’une meute n’a pas sa place en milieu urbanisé. La protection des troupeaux face aux loups en zone de plaine – par excellence zone d’activité d’élevage, de production laitière et d’engraissement – est totalement disproportionnée. Les dégâts occasionnés dernièrement en zone de plaine démontrent clairement que ce canidé n’a pas sa place en zone à forte densité de population. Le groupe UDC vous suggère d’accepter cette pétition.

Mme Valérie Zonca (VER) —

Nous avons déjà beaucoup parlé du loup dans cet hémicycle, je serai donc brève. Le groupe des Verts soutient avec ferveur tous les outils permettant d’améliorer la cohabitation avec le loup, mais il ne peut pas soutenir une pétition qui demande son élimination d’un territoire dans lequel il n’aurait soi-disant pas sa place, comme cela figure dans la pétition et comme cela a également été répété dans cet hémicycle. Je rappelle que nous parlons ici d’une espèce menacée et que la pétition proposée va à l’encontre du droit fédéral. Au niveau cantonal, le Plan loup est en marche et le Conseil d’Etat est proactif dans cette problématique. Il faut maintenant laisser les mesures du Plan loup se déployer pour pouvoir constater leurs effets. Ainsi, cette pétition brouille les pistes et elle est contre-productive. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à agir comme le canton de Fribourg, qui a reçu la même pétition et qui l’a classée.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Le Parti socialiste ne soutiendra pas non plus cette pétition qui demande de prendre des mesures immédiates afin d’éliminer les loups dans la région de la Broye. La fin de cette phrase nous laisse pantois ! Nous ne comprenons pas qu’un texte présenté au Grand Conseil mentionne sans nuance que le loup s’attaquera à l’être humain ; nous trouvons cela problématique. A priori, le loup va s’attaquer à des animaux.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat a effectivement présenté son Plan loup indiquant toutes les mesures qu’il entend déployer pour que les animaux d’élevage ne soient pas – ou beaucoup moins – égorgés ou tués. Cela prend du temps, demande des moyens et du personnel supplémentaire. De notre point de vue, la pétition arrive trop tard, puisque le Plan loup a déjà été publié et qu’il détaille toutes les mesures que le Conseil d’Etat entend déployer pour combattre les attaques du loup à l’encontre des animaux d’élevage. C’est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas cette pétition et vous demandons de la classer.

M. Vincent Keller (EP) —

Monsieur le député Pernoud, le groupe Ensemble à Gauche et POP est forcé de constater que le loup peut cohabiter avec l’être humain. Comme l’ont dit mes deux préopinants, le Conseil d’Etat et le canton ont mis en place un plan d’action dont les résultats sont attendus prochainement. Cela dit, il serait vraiment dommage d’empêcher le loup de visiter l’Abbatiale de Payerne qui est magnifique. Nous proposons également de classer cette pétition.

M. José Durussel (UDC) —

Monsieur Keller, j’estime qu’il ne faut pas trop rigoler avec ce sujet ; il faut aussi penser aux éleveurs touchés par ces attaques. Parfois, ils doivent achever des animaux agonisants ou attendre l’arrivée d’un vétérinaire. Ce n’est pas de la rigolade, cher collègue !

Cette pétition émane de la Broye, de la région Payerne-Avenches. Il y a eu un cas d’attaque dans la région d’Echallens, un autre dans la région d’Orbe et encore un à Grandson, plus récemment. A Vallorbe, cela va reprendre tout soudain… et je ne parle même pas de la région de Nyon. Chers collègues, lorsqu’il y aura une vraie attaque à Sauvabelin, quelles seront vos réactions ?

Mme Elodie Lopez (EP) — Rapporteur-trice

J’interviens rapidement pour corriger une erreur : tout à l’heure, j’ai dit que le vœu de la commission avait été accepté à l’unanimité des membres de la commission, mais en réalité, il a été accepté par 8 voix contre 1.

M. Loïc Bardet (PLR) —

Je déclare mes intérêts : comme vous avez pu le lire dans le rapport, j’étais pétitionnaire et présent au début de la séance de la commission. De ce fait, je ne comptais pas forcément prendre la parole cet après-midi, mais vu le ton sarcastique de notre collègue Keller, je me permets de souligner que comme vous avez certainement pu le lire dans les journaux, le loup en question – M 212 – n’ira certainement pas visiter l’Abbatiale de Payerne. Depuis lors, d’autres loups ont sévi dans les régions de plaine. Nous avons détéecté la présence de M 121 à Poliez, dont nous avons pu discuter dernièrement. D’autres loups – comme M 314 cité dans le rapport de commission – continueront certainement à se promener en région de plaine. Comme vous avez pu le lire dans le très bon rapport de commission, en plaine, il est plus difficile de mettre en place des mesures de protection. Il est déjà difficile de mettre en place de telles mesures dans les régions d’estivage, mais c’est encore plus difficile en plaine, notamment en raison d’une population plus importante et de la difficulté de cohabiter avec les chiens de protection. De ce fait, je trouve que le vœu voté par la commission est très intéressant et je vous appelle à le soutenir. Enfin, comme la majorité de la commission, je vous encoure à renvoyer cette pétition au Conseil d’Etat.

M. Vassilis Venizelos (CE22-27) — Conseiller-ère d’Etat

Le Conseil d’Etat comprend les préoccupations et les inquiétudes exprimées par les pétitionnaires et par certains députés. En effet, le 3 janvier dernier, la dépouille d’un loup braconné a été trouvée dans le village d’Oleyres. Comme il s’agit précisément du loup ciblé par la pétition, nous pouvons donc considérer que cette dernière est sans objet. Une plainte a été déposée auprès du Ministère public et une enquête est en cours. Nous savons qu’une arme à feu a été utilisée. Naturellement, le Conseil d’Etat dénonce ce type de comportement : de tels actes sont inadmissibles, même si nous comprenons la pression à laquelle sont soumis les éleveurs. L’exemple de Poliez-Pittet a été cité : une décision de tir a été prise très rapidement ; elle est en cours d’exécution. Le Conseil d’Etat prend la situation très au sérieux, mais il ne peut pas accepter que du braconnage se déploie sur son territoire. Nous espérons vivement que les coupables seront identifiés prochainement.

Enfin, j’accueille évidemment très volontiers le vœu exprimé par la commission. J’entends l’inquiétude et les réclamations, mais encore une fois, il est trop tard pour entreprendre une action afin de se débarrasser du loup incriminé dans cette pétition. Cette dernière est donc sans objet.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend la pétition en considération par 65 voix contre 51 et 9 abstentions.

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