Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 8 novembre 2022, point 13 de l'ordre du jour

Texte déposé

À l’approche de l’hiver, la crise énergétique se précise. Sans mesure rapide de soutien, ses conséquences pourraient être dramatiques pour plusieurs employé·e·s et entreprises. Cette crise nous rappelle l’importance de multiplier les efforts pour nous libérer des énergies fossiles en investissant dans les énergies renouvelables et notre autoapprovsionnement.

 

La Confédération a explicité le dispositif de l’organisation pour l’approvisionnement en électricité en cas de crise (OSTRAL). Sur cette base, le Conseil fédéral peut ordonner un certain nombre de mesures portant sur la production et la consommation d’électricité:

 

-Appels aux économies d’électricités volontaires
-Restrictions de consommations et interdictions d’utilisation de certains équipements (jacuzzi, enseignes lumineuses, appareils superflus)
-Contingentement (p. ex. baisse de 30% de l’électricité normalement employée)
-Délestage (p. ex. coupures périodiques de type 4h sans électricité, 8h avec).

 

Au mois d’octobre, le Conseil d’Etat vaudois a adopté un décret visant à diminuer la consommation d’électricité liée à l’éclairage des bâtiments non résidentiels et des enseignes lumineuses doublé d’un second. Un autre décret ordonnant aux gestionnaires de réseaux de distribution la transmission de données relatives aux consommateurs dont la consommation dépasse 100 000 kWh/an d’électricité ou 1 000 000 kWh/an de gaz a été publié.

 

Ces mesures d’économie d’énergie des entreprises et des ménages sont indispensables. Pourtant, nous n’avons absolument aucune garantie qu’elles suffiront. Les spécialistes énergétiques évaluent une pénurie d’électricité comme plausible cet hiver. D’ailleurs, les facteurs qui ont conduit à cette situation pourraient se reproduire les hivers suivants (situation géopolitique instable, dépendance à l’étranger pour notre approvisionnement en énergie, guerre en Ukraine). D’une part, notre pays consomme plus d’électricité en hiver qu’elle n’en produit. D’autre part, les approvisionnements manquants dépendent en large partie du nucléaire français, dont la moitié des centrales sont à l’arrêt. Par ailleurs, la problématique du gaz à importer fragilise notre pays.

 

Des contingentements, voire des délestages auraient des effets dramatiques pour notre pays et en particulier pour les emplois et les entreprises. Les entreprises et les PME en particulier ne sont pas égales face aux économies d’énergie attendues. Pour certaines d’entre-elles, une part essentielle d’énergie est incompressible et indissociable de leur production. Ces entreprises seront les plus durement affectées par les hausses vertigineuses du prix des énergies. Plusieurs d’entre-elles, parmi les PME notamment pourraient bien ne pas survivre à cette crise, provoquant faillites, pertes d’emplois, chômage ou recours à l’aide sociale. Rappelons au passage que plusieurs entreprises n’ont pas encore été en mesure de rembourser leur prêt COVID-19. Par ailleurs, pour les entreprises qui ont pris le risque de s’approvisionner sur le marché libre de l’électricité, les hausses de tarif sont vertigineuses: cet été les prix ont augmenté de plus de 2000%. Le personnel de ces sociétés n’a évidemment pas eu son mot à dire quant au choix du type d’approvisionnement en énergie (entreprise publique ou marché libre) de leur employeur et pourrait en subir directement les conséquences en cas de perte d’emploi.

 

Malgré ces risques tangibles pour l’emploi et les lancements d’alertes de nombreuses PME, aucune mesure spécifique n’a pourtant été prévue pour faire face aux difficultés du monde du travail dans cette situation de crise énergétique. Cette situation de flottement est préoccupante. La pandémie de COVID-19 nous a appris que de l’anticipation, de la réactivité et de la souplesse étaient indispensables pour adopter des mesures de soutien pour des employé·e·s et entreprises privées de leur outil de travail. À ce jour, seul le chômage partiel, à savoir les réductions des horaires de travail (RHT) est en place. Pourtant ces RHT ont aussi leurs limites: elles sont envisageables uniquement dans les secteurs pour lesquels le télétravail est impossible. Par ailleurs, les RHT excluent notamment les travailleurs et travailleuses engagés en contrat de durée déterminée et les apprenti·e·s du cercle des ayant-droits. S’agissant du télétravail, s’il devait être imposé pour limiter les consommations d’énergie des entreprises, d’importants reports de charge importantes en résulterait pour le personnel, sachant que le ménage sera déjà durement affecté par des hausses records du prix de l’électricité et des frais de chauffage et d’eau chaude.

 

Avancée par le directeur de la Société électrique des forces de l’Aubonne, l’idée d’une bourse de l’énergie fait son chemin. Certaines entreprises en capacité de le faire renonceraient à consommer de l’électricité pour permettre à d’autres pour lesquelles le contingentement est difficile (dans l’hôtellerie-restauration ou parmi les petits commerçants par exemple) de le faire. Cette bourse de l’énergie nécessite l’adoption d’une base légale. Par ailleurs, les entreprises qui ont accepté le risque de se procurer sur le marché libre font face à des hausses du prix de l’électricité allant jusqu’à 5, 10, voire 15 fois le montant qu’elles payaient auparavant. Pour ces entreprises, un pool de fournitures d’électricité (PFE) pourrait être mise sur pied pour permettre aux entreprises de s’approvisionner sur le marché libre. Ce pool aurait pour objectif de fournir à long terme à ces entreprises de l’électricité à un tarif stable reflétant les coûts de production et d’achat d’énergie. En contrepartie, les entreprises qui choisissent ce PFE auraient l’obligation de s’y fournir durant 10 ans. Une motion en ce sens intitulée « Création d’un modèle facultatif d’approvisionnement garanti en électricité pour les entreprises » a été déposée le 29.09.2022 par le Conseiller national vaudois Roger Nordmann. Par ailleurs, un groupe de travail interdépartemental de la Confédération constitué autour du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) réfléchit à un retour des entreprises du marché libre dans le service universel assorti de certaines conditions.

 

Enfin, la crise du COVID-19 a montré une certaine agilité de notre canton pour l’adoption d’indemnisations pour cas de rigueurs au motif que les entreprises ne devaient pas supporter leur mise en faillite ou leur disparition en raison d’une crise sanitaire dont elles ne pouvaient être tenues responsables. La crise de l’énergie est différente de celle du COVID-19. Néanmoins, certaines de ses conséquences pour l’emploi pourraient être similaires. Pour les entreprises rentables financièrement, dont l’existence serait menacée du fait de la crise énergétique malgré les mesures adoptées, des aides pour cas de rigueur sont à envisager.

 

Au vu de la crise énergétique en cours et des menaces qu’elles font peser sur l’emploi, le tissu économique et les PME en particulier, les membres du Grand Conseil soussignés adressent les questions suivantes au Conseil d’Etat et le remercient d’avance pour ses réponses:

 

1. Face aux risques de pertes d’emplois, voire de faillites d’entreprises et de PME, quelles démarches le gouvernement vaudois a-t-il entrepris ou prévoit-il d’effectuer pour évaluer la situation et les besoins en lien notamment avec les partenaires sociaux et les gestionnaires de réseaux de distribution ? Qu’est-ce qui ressort de cette évaluation ?

 

2. Le Conseil d’Etat a-t-il approché la Confédération pour relayer les demandes des partenaires sociaux et des milieux concernés pour préserver les emplois et éviter des fermetures d’entreprises?

 

3. S’agissant des réductions de l’horaire de travail (RHT ou chômage partiel): quelles sont les adaptations nécessaires du dispositif à demander à la Confédération pour faire face au risque de pénurie d’énergie et à l’élargissement des ayant-droits aux indemnités ?

 

4. Quel cadre, incitatifs ou recommandations le Conseil d’Etat peut-il mettre en place pour permettre le recours au télétravail comme mesure destinée aux économies d’énergie pour les employeurs tout en veillant à la prise en charge des frais professionnels et de consommation d’énergie pour le personnel ?

 

5. Quelles autres mesures le Conseil d’Etat prévoit-il de prendre ou de demander à la Confédération d’adopter pour apporter les aides nécessaires à la préservation des emplois face à la crise énergétique: bourse de l’énergie, pool de fournitures d’électricité pour les entreprises sur le marché libre, indemnisations pour cas de rigueur, recours au fonds cantonal de soutien à l'industrie, autres ?

 

6. Pour que ce risque de pénurie ne se prolonge pas des années, quelles aides concrètes et immédiates le Conseil d’Etat peut-il apporter aux entreprises pour faciliter et accélérer fortement les mesures d’efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables respectueuses de l’environnement de manière à leur donner accès à une énergie locale et durable à un prix stable, à assurer notre approvisionnement énergétique et à réduire notre dépendance à l’étranger ?

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Isabelle FreymondSOC
Claude Nicole GrinVER
Céline MisiegoEP
Yves PaccaudSOC
Cendrine CachemailleSOC
Muriel ThalmannSOC
Yannick MauryVER
Théophile SchenkerVER
Valérie ZoncaVER
Sandra PasquierSOC
Oriane SarrasinSOC
Romain PilloudSOC
Denis CorbozSOC
Thanh-My Tran-NhuSOC
Felix StürnerVER
Monique RyfSOC
Sébastien CalaSOC
Géraldine DubuisVER
Carine CarvalhoSOC
Cédric RotenSOC
Claire Attinger DoepperSOC
Alberto MocchiVER
Sylvie Pittet BlanchetteSOC

Document

22_INT_156-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Jean Tschopp (SOC) —

Face à la crise énergétique, les petites et moyennes entreprises (PME) sont préoccupées. Plusieurs ont déjà exprimé leur détresse, inquiètes pour le maintien des emplois et parfois même pour leur survie. Les entreprises ne sont pas égales face à leur consommation d’énergie. Certaines PME peuvent basculer vers le télétravail et, dans ce cas, nous attendons une participation à la prise en charge des frais professionnels des salariés, à commencer par les frais d’électricité et de chauffage. Pour d’autres entreprises, notamment dans le domaine industriel, il est impossible de basculer en télétravail et la réduction de leur consommation est très difficile. On peut penser aux boulangeries, par exemple, ou encore aux brasseries.

Le prix de l’électricité augmente de 50 %, parfois de 60 % pour les entreprises s’approvisionnant auprès de fournisseurs publics. Quant à celles qui ont pris le risque de s’approvisionner sur le marché libre, des hausses de prix délirantes pourront aller jusqu’à 1000 %. Le personnel de ces entreprises n’a évidemment pas eu son mot à dire quant au type d’approvisionnement, mais il serait le premier à subir les conséquences de pertes d’emplois, comme nous le rappelait notre collègue Valérie Induni dans une résolution récente. Dans un contexte d’inflation sans précédent, la semaine passée, le Conseil fédéral et le département de Guy Parmelin se sont trouvé des excuses pour n’adopter aucune mesure de soutien aux ménages qui peinent à faire face à la hausse des dépenses ; il n’y a pas non plus de mesures pour les PME. Dans ce contexte de crise, le programme de législature de la nouvelle majorité bourgeoise du Conseil d’Etat n’apporte pas de mesure concrète d’aide en matière d’emploi et de soutien aux employés.

Notre interpellation réclame donc une approche des partenaires sociaux et des gestionnaires des réseaux de distribution pour entendre leurs demandes pour surmonter la crise énergétique. Nous savons d’ailleurs que cette dernière sera reconduite en 2024, avec des risques de contingentement, voire de délestage. Quant aux mesures concrètes, elles peuvent aller des réductions des horaires de travail, au télétravail avec une participation aux frais professionnels des employés ; on peut aussi citer une Bourse de l’énergie ; on peut penser au retour – sous condition d’y rester – vers le service universel et le service public, pour les entreprises qui s’approvisionnent aujourd’hui sur le marché libre ; ou encore au Fonds cantonal de soutien à l’industrie. Enfin, avant toute chose, les PME ont besoin d’aide pour s’engager vers les énergies renouvelables pour assurer leur approvisionnement et la stabilité des prix, pour nous libérer des énergies fossiles et pour réduire notre dépendance à l’étranger. En cette période tourmentée, tout ce qui est en notre pouvoir doit être entrepris pour le maintien des emplois.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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