Point séance

Séance du Grand Conseil du mercredi 23 juin 2021, point 10 de l'ordre du jour

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RC - 20_MOT_158 (maj.)

RC - 20_MOT_158 (min.)

Objet et développement

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M. Eric Sonnay (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Des discours et opinions très diversifiés se sont manifestés lors de la séance de commission. Certains députés sont pour ouvrir la formation aux personnes titulaires d’un permis C et qui ne demandent pas la naturalisation. Cela fait déjà quelques années que ces candidats vivent en Suisse et les demandes de naturalisation sont longues et compliquées. Un député indique que seule l’école de police demande encore la nationalité suisse. Pour les opposants à cette motion, les candidats doivent être Suisses ou titulaires d’un permis C, avec une demande de naturalisation dans les deux ans à venir. Le métier de policier implique de lourdes responsabilités. La police représente la loi, la sécurité et, de par sa mission, les valeurs du pays. C’est le sens inverse de la motion qui prévaut : d’abord le premier pas vers l’intégration, voire la confirmation des valeurs du canton et du pays, pour ensuite être assermenté comme policier. L’autorité s’associe au candidat dans le suivi de sa naturalisation pour s’assurer de l’obtention de son passeport suisse avant l’assermentation.

Suite à ces discussions, il ressort qu’à chaque campagne annuelle de recrutement, sur 450 dossiers, seuls 40 à 50 candidats sont retenus pour la gendarmerie et moins d’une dizaine pour la Police de sûreté et judiciaire. La conseillère d’Etat ajoute que, lors du recrutement, l’Etat veille à la diversité de genre, d’origine et de langue. Les polices du canton possèdent en leur sein beaucoup de gens ayant une double nationalité. La majorité de la commission vous recommande de ne pas prendre en considération cette motion.

Mme Alice Genoud (VER) — Rapporteur-trice de minorité 1

La minorité de la commission préconise le renvoi de cette motion Jean Tschopp intitulée « Plus de diversité dans nos polices » au Conseil d’Etat. La minorité de la commission enjoint le Grand Conseil à accepter cette motion qui vise à permettre aux personnes titulaires d’un permis C de pouvoir travailler à la police. Pour rappel, la situation actuelle qui prévaut implique que, pour pouvoir entrer dans le corps de police, le processus de naturalisation doit être terminé à la fin de la formation. La motion de M. Jean Tschopp a pour vocation d’ouvrir cette formation à toutes les personnes titulaires d’un permis C. Les raisons des minoritaires sont assez simples.

Premièrement, cela permettrait de diversifier le type de parcours et l’expérience au sein de la police et ainsi avoir une plus grande représentativité de la population dans ce corps important pour les toutes les Vaudoises et Vaudois. Il s’agirait d’un véritable atout pour une police de proximité diversifiée. Comme l’a rappelé le rapporteur de majorité, la police est finalement le dernier bastion de l’administration cantonale qui émet encore des restrictions en termes de nationalité pour pouvoir entrer dans l’institution.

Deuxièmement, cette motion s’appuie sur une expérience déjà réalisée avec succès dans d’autres cantons comme Neuchâtel, Jura, Bâle-Campagne et Schwytz. Selon les informations données par la conseillère d’Etat, la police neuchâteloise compte actuellement quatre personnes titulaires d’un permis C, sur un effectif de 412 policiers. Cette donnée prouve que cette motion est proportionnée, permettant à des personnes intéressées par le métier de policier de s’y impliquer tout en n’ouvrant pas trop largement les critères. Aucun canton n’est revenu en arrière, ce qui montre que ce projet est concluant.

Troisièmement, ouvrir la police aux titulaires d’un permis C permettrait à des jeunes qui n’ont pas encore le nombre d’années nécessaires à l’obtention de la naturalisation d’effectuer leur école de police, quitte à se naturaliser dans un deuxième temps. Sachant que les engagements pour la police ne peuvent se faire qu’entre 20 et 32 ans et qu’une ou un jeune ne veut pas forcément changer de carrière s’il ne peut commencer son école de police à la fin de ses études obligatoires, les personnes qui voudraient par exemple postuler à la police se retrouveraient empêchées de le faire. C’est donc tout un vivier de personnes intéressantes, intéressées et avec un parcours diversifié dont la police se prive aujourd’hui. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d’Etat.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Le métier de policier est difficile, exigeant, mais c’est un beau métier. Au cœur de cet engagement, il y a un contrat social entre la population et les agents prêts à assurer notre sécurité. Qu’est-ce qui se passe dans la tête d’un policier lorsqu’il s’introduit dans l’appartement d’un couple pour protéger une femme des coups de son compagnon ? Comment rester impassible face aux insultes de passants éméchés qu’un policier rappelle à l’ordre ? Comment gérer son stress face à un forcené qui décompense en pleine rue muni d’une arme de poing ? Pour exercer ce métier, il faut beaucoup d’abnégation, de sang-froid et un engagement sans arrière-pensée en faveur de la collectivité, parfois jusqu’au péril de sa vie. Notre conviction est que pour faire ce métier, il faut des compétences, soit des aptitudes physiques, une solidité psychologique et des capacités d’analyse. Ecoutons le premier lieutenant-commandant de l’école de police de Colombier, Jean-Daniel Bourquin dans le canton de Neuchâtel – Mme Genoud l’a indiqué, le canton de Neuchâtel est l’un des quatre cantons qui autorisent les personnes titulaires de permis C à devenir policier – qui indique : « Je ne sais pas pourquoi il faudrait être Suisse pour être policier. L’important est de partager les valeurs de ce métier et d’en avoir les compétences. »

Notre conviction est que ces compétences n’imposent pas la couleur d’un passeport. Notre motion demande dès lors de permettre aux titulaires d’un permis d’établissement – permis C – d’exercer le métier de policier. On peut avoir vécu de nombreuses années en Suisse, être parfaitement intégré et avoir envie de servir son pays d’adoption. Nous ne pensons pas que cet engagement impose un passeport suisse. Parler la langue d’un couple qui en est venu aux mains pour un règlement de compte, comprendre ce qui se joue entre de gros bras au cours d’une rixe, peut aussi être un atout lorsqu’on est issu de la même communauté. Saisir les codes culturels d’une communauté étrangère permet de faciliter les contacts et de détendre certaines situations. Les conditions de la naturalisation en vigueur depuis 2014 se sont durcies. En effet, pour être policier dans notre canton, il faut, en plus du permis C, avoir séjourné pendant dix ans en Suisse et avoir entre 20 et 32 ans. Souvent, le temps a manqué à de nombreux prétendants pour accumuler suffisamment d’années pour se naturaliser. Ces femmes et ces hommes sont alors privés d’exercer ce métier et la possibilité de se naturaliser au plus tard au moment de l’assermentation ne résout de loin pas toutes les situations.

En Suisse, quatre cantons permettent déjà aux permis C de devenir policiers : Bâle-Campagne, le Jura, Neuchâtel et Schwytz. Ces cantons se félicitent de cette ouverture. Aucun d’entre eux – Alice Genoud l’a indiqué – n’est revenu en arrière. En Angleterre, en France et dans plusieurs Länder en Allemagne, les ressortissants communautaires – l’équivalent des permis C – peuvent devenir policiers. Ces Etats sont satisfaits de ce système, dans le cadre d’une sécurité coordonnée et adaptée à la criminalité transfrontalière. Aucun de ces pays n’est revenu en arrière. Diversifier les effectifs de police est une force. Cette diversité passe par un renforcement des femmes au sein de nos polices, comme le demandait notre collègue Carine Carvalho, et voici encore un complément avec ce texte. Ces deux textes ont en effet été déposés simultanément et pensés comme un tout. L’ouverture et la diversité de notre canton font son succès et sa vitalité. Les Italiens, Espagnols ou Portugais qui composent notre population travaillent dans le canton de Vaud. Ils paient des impôts, tissent des liens forts avec notre population. Ils tombent aussi amoureux de titulaires de passeport à croix rouge, se mettent en couple et se marient parfois. Donnons un signal clair en faveur de l’ouverture que vit notre canton, renforçons la diversité au sein de notre police, car la renforcer est une force.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Je déclare mes intérêts : j’ai signé la motion de notre collègue Jean Tschopp, car j’estime qu’il est temps de se saisir de ce dossier et d’effectuer une pesée d’intérêts sur ce sujet, afin d’apporter une réponse à la proposition très sensible de notre collègue. En effet, on ne peut pas seulement accepter que les ressortissants titulaires d’un permis C travaillent souvent durement, construisent nos routes et écoles, et paient des impôts. Leurs enfants sont scolarisés, on les forme par le biais d’un apprentissage ou ils suivent une formation académique. Ils peuvent souvent voter et être élus dans leur commune, s’ils remplissent notamment les conditions de résidence. Dès lors, vu le nombre de critères et d’engagements qu’ils remplissent en choisissant de s’installer dans notre pays, il est indispensable que le Conseil d’Etat apporte une réponse à notre collègue, tout en s’interrogeant si une demande de naturalisation devrait être entamée lors de leur entrée à l’école de police. Dans tous les cas, le nombre de candidats titulaires de permis C postulant à la police vaudoise ne priverait pas les candidats suisses compétents de trouver une place en son sein.

M. Philippe Ducommun (UDC) —

En préambule, je déclare mes intérêts : je suis membre de la commission qui a étudié cette motion et inspecteur à la police de Lausanne. L’avantage de siéger sur plusieurs législatures est de revoir des objets qui ont déjà été refusés par le passé et cette motion en fait malheureusement partie. On ne peut pas jeter la pierre au motionnaire, mais juste lui faire remarquer que son texte est insultant envers les policiers suisses et vaudois et infondé pour une bonne partie. En effet, dans son texte, M. Tschopp fait un amalgame hors sujet entre la Suisse et les USA, l’éthique américaine est totalement différente et il serait très mal venu de s’en rapprocher. De plus, il est peu opportun de mentionner les procédures ouvertes à l’encontre de policiers, alors que rien ne permet à ce jour d’affirmer que des discriminations ou actes racistes ont eu lieu. Il insinue encore que l’ouverture des places de policier aux titulaires d’un permis C vise un accroissement de la diversité. Ce propos est infondé, car toute la diversité possible existe au sein de la population à nationalité suisse. Vous confondez nationalité, étranger et minorité et cela présuppose une certaine tranche de population issue des minorités et moins susceptible d’être suisse.

En réalité, nous devons nous assurer que toute personne, même issue de l’immigration, puisse se faire naturaliser. Actuellement, toute personne avec un permis C peut demander la naturalisation, de surcroît la naturalisation facilitée. Le policier est le garant des lois et des règlements. Il veille à leur respect et aux valeurs de notre pays. S’il existe une réelle motivation des candidats au métier de policier, la procédure de naturalisation ne doit pas être un obstacle, mais l’aboutissement d’une intégration réussie. Finalement, les chiffres insignifiants relatifs aux cantons qui donnent la possibilité aux personnes étrangères de rejoindre la police démontrent l’inutilité de cette motion. On parle en effet de quatre policiers sur 400 à Neuchâtel et de 0 sur 150 dans le Jura. Au nom de groupe UDC, je vous invite à refuser cet objet.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Je souhaite vous faire part du point de vue de Serge Melly, absent aujourd’hui, mais qui m’a prié de prononcer ces quelques mots à sa place et qui sont d’ailleurs partagés par les Libres.

« Monsieur le député, vous avez raison », c’est la phrase la plus anodine qui soit dans un Parlement et pourtant elle fit sensation en cette matinée du 11 septembre 2007. Il s’agissait de la réponse de la toute nouvelle conseillère d’Etat, Jacqueline de Quattro. Elle répondait au député Vuilleumier au sujet de sa motion demandant que les titulaires de permis C puissent exercer le métier de policier. Ces premiers mots de Mme de Quattro jetèrent un trouble, que dis-je un trouble plutôt un petit vent de panique au sein des radicaux : qui diable avait-on élu pour soutenir une motion du POP? Dans cette situation imprévue, c’est le libéral Pierre Rochat qui, avec un certain art oratoire, répondit : « Je salue l’extrême et remarquable ouverture de Mme la conseillère d’Etat. » Tout cela pour rappeler que le problème ne date pas d’hier et que les arguments présentés en 2007 sont encore plus pertinents aujourd’hui. La déclaration de la conseillère nationale PLR garde ainsi toute sa fraîcheur : « Il est vrai que la profession semble de moins en moins attractive et, dans une bonne conjoncture économique, les jeunes se tournent vers d’autres métiers. En plus, il faut aussi admettre qu’il n’est pas inutile d’avoir des possibilités de sensibilités différentes. Vous savez que la citoyenneté est très mélangée, qu’il y a des ethnies et des cultures différentes, je pars de l’idée qu’un policier d’une autre nationalité, bien intégré, peut être un élément de liaison et un facteur d’apaisement dans les opérations policières, si c’est bien fait et bien ciblé. Je suis donc favorable à la proposition de M. Vuilleumier, il s’agira probablement de l’assortir d’un certain nombre de cautèles élémentaires, comme la bonne intégration du policier en Suisse, son intérêt pour notre pays et bien sûr la profession. » Il n’y a rien à ajouter, les Libres soutiendront le renvoi de cette motion au Conseil d’Etat.

M. Marc Vuilleumier (EP) —

Comme M. Christen vient de le rappeler, en 2007, nous avions déposé une motion allant exactement dans le même sens que celle de notre collègue Tschopp dont nous discutons aujourd’hui. Le Grand Conseil l’a traitée en 2009 et l’a rejetée. Espérons que les douze ans qui séparent ces deux motions au but identique auront quelque peu fait évoluer les mentalités ; on peut toutefois en douter lorsqu’on lit le rapport de majorité. Nous continuer à penser – nous le pensions déjà en 2007 et en 2009 – que la police doit être représentative de notre population, que ce soit au niveau du genre, de la culture, des âges, des provenances et des expériences, par exemple. Il s’agit d’une condition pour avoir une police proche de la population, une police qui lui ressemble, en un mot une police de proximité.

Interdire le métier de policier aux titulaires de permis C sous-entend que tous ces habitants qui habitent en Suisse depuis bien longtemps, qui souvent ont des enfants et pour la plupart d’entre eux vont vivre toute leur vie dans notre pays, ne seraient pas dignes de confiance pour être policier ou policière. Ce n’est pas la vision de l’intégration du groupe Ensemble à Gauche et POP. Elargir le bassin de recrutement, avoir une police qui ressemble à la population, bénéficier pour exercer le métier de policier et de policière du plus grand nombre de personnes au niveau des expériences, de la culture et de la provenance, sont des arguments qui nous inciteront à soutenir le rapport de minorité et à renvoyer cette motion au Conseil d’Etat pour que le canton de Vaud rejoigne les cantons révolutionnaires tels que le Jura, Neuchâtel, Schwytz et Bâle-Campagne.

M. Stéphane Masson (PLR) —

Lorsqu’on sait qu’il est possible, pour le titulaire d’un permis C, d’être municipal, responsable du dicastère de la police d’une commune, donc chef de la police des lieux, la motion de notre collègue Tschopp paraît légitime. J’aimerais toutefois lui opposer les arguments suivants. La tâche de l’élu municipal et politicien n’est pas d’ordre régalien. Il s’agit de prendre des décisions d’ordre général, de gérer un dicastère, mais il n’a pas, in fine, la même responsabilité que celle du policier. Sans vouloir entrer dans la différenciation policier-gendarme, à l’heure où la question d’une police unifiée se pose, je constate – comme M. Ducommun – que, d’une façon générale, le gardien des forces de l’ordre exerce la défense du territoire et veille au respect des lois. Cette distinction de la nature des tâches est importante, car elle nous permet de soutenir que l’abandon de l’exigence de la nationalité suisse pour un futur policier ne se justifie pas. Ce n’est pas parce que le Directeur de la NASA n’est jamais allé sur la lune que tout pilote peut devenir astronaute. Il est en effet juste d’exiger d’un aspirant policier-gendarme qu’il soit de nationalité suisse, ce qui implique d’être astreint au service militaire ou à la Protection civile, devoirs naturels à mes yeux, eu égard aux droits et responsabilités octroyés à nos corps de police. Pour toutes ces raisons, je vous invite à ne pas soutenir la motion de M. Tschopp et de rejoindre ainsi les conclusions du rapport de majorité.

Mme Carine Carvalho (SOC) —

Je voulais revenir sur les propos qui ont été tenus et également m’exprimer en tant que citoyenne vaudoise et naturalisée. Il est vrai qu’il s’agit d’un parcours long et souvent indépendant de notre volonté. Le parcours de la naturalisation doit être différencié du parcours de l’intégration ; on peut être très bien intégré en Suisse et dans notre canton sans avoir accès à la naturalisation, et ce pour diverses raisons telles que l’isolation dans le pays d’accueil, les ressources financières ou encore parce que le pays d’origine ne délivre pas les documents nécessaires à la naturalisation en Suisse. Ma naturalisation a ainsi pris plus de quatre ans et elle est intervenue lorsque j’entrais sur le marché du travail. Si j’avais eu l’aspiration de devenir policière à ce moment-là, je n’aurais pas pu, car j’aurais été loin d’avoir obtenu le permis C et ensuite la naturalisation. Il faut aussi indiquer qu’il y a une sorte de petit biais dans les discussions que nous menons actuellement. En effet, le rapport de majorité cite quelques chiffres de personnes faisant partie de l’effectif des polices dans les cantons qui acceptent les permis C. Or, il s’agit plus d’une question de processus. Une personne peut très bien avoir postulé à la police alors qu’elle était titulaire d’un permis C, mais s’être fait naturaliser par la suite. Ainsi, le fait de supprimer ce type d’obstacle est un outil relativement efficace pour l’intégration et pour promouvoir la naturalisation.

M. Ducommun l’a indiqué : les personnes naturalisées sont les bienvenues dans la police et je l’espère bien, puisque l’expérience d’avoir vécu la migration et d’avoir peut-être une connaissance langagière ou des autres coutumes, une certaine ouverture au dialogue interculturel, peuvent être très bénéfiques pour notre police. Il est vrai que nos jeunes Vaudoises et Vaudois qui aspireraient à entrer dans la police ne le pourraient pas en raison d’obstacles formels. Nous vous démontrons aujourd’hui qu’il est opportun de faire sauter cet obstacle formel pour pouvoir donner à la police tous les talents dont elle a besoin pour mener à bien les défis actuels.

M. François Cardinaux (PLR) —

Je rappelle tout d’abord que la police a aussi une spécialité : elle n’est pas une personne normale, puisqu’elle porte une arme. Cette arme sert à protéger le citoyen. J’ai entendu ce qui a été dit et il est vrai que le métier est difficile. Toutefois, on ne peut pas armer des gens qui ne sont pas des citoyens helvétiques. Pour moi, il s’agit d’un fait normal et je ne veux pas donner des armes à des personnes qui ne sont pas suisses. (Brouhaha.)

Mme Nathalie Jaccard (VER) —

Suisses, permis C, permis B, c’est égal. La nationalité ne fait pas le bon policier, c’est l’engagement qui compte, l’envie de se mettre au service de la population, la patience, la bienveillance, le respect de la loi et la loyauté. Respecter les lois et la loyauté n’est pas une question de nationalité. On peut ne pas avoir le nombre d’années suffisantes, mais se sentir intégré et vouloir se mettre au service de la loi. Être policier est d’abord une question de vocation et non une question de nationalité. Permettez-moi de vous citer l’exemple d’une jeune femme française qui a effectué un master en sciences criminelles à l’Université de Lausanne, qui souhaitait ardemment rejoindre les rangs de la Police cantonale vaudoise. Malheureusement, à cause des règles en vigueur dans ce canton et parce qu’elle n’avait pas le nombre suffisant d’années d’établissement, cela lui a été refusé. Mais, heureusement, Neuchâtel, plus tolérant et ouvert, l’a engagée à leur plus grande satisfaction et maintenant tant pis pour nous. Pour que de bons éléments et de futurs policiers et policières dévoués puissent se mettre au service de la population de notre canton, les Verts vous encouragent à renvoyer cette motion au Conseil d’Etat.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

Je souhaite intervenir brièvement suite à la comparaison entre les pouvoirs d’élus étrangers au niveau des municipalités et ceux des policiers. Monsieur Masson, je ne peux pas approuver vos propos, un élu au niveau communal n’ayant pas qu’un pouvoir général. Ce dernier a de réels pouvoirs de décision et le syndic a même des pouvoirs de police. La Municipalité peut aussi prendre des décisions qui concernent directement les administrés, notamment des pouvoirs en matière de permis de construire, d’aménagement du territoire ou d’autres types d’autorisation au niveau du commerce. A ce niveau, des pouvoirs importants sont donnés à des personnes qui ne sont pas de nationalité suisse et on peut les comparer à des pouvoirs de police.

Quant à l’argument de M. Cardinaux sur le port d’arme, j’aimerais rappeler que les personnes étrangères peuvent bénéficier d’un port d’arme et elles peuvent aussi pratiquer des métiers de la sécurité, notamment les agents de sécurité. Je me demande même si certains agents de sécurité qui patrouillent devant les Etablissements de la Plaine de l’Orbe (EPO) avec des fusils relativement impressionnants ne sont pas d’origine ou de nationalité étrangère. Cela doit sûrement être le cas. Le personnel effectuant du convoyage de fonds peut également être armé. Ce n’est dès lors pas un très bon argument. En effet, ce n’est pas parce que l’on est suisse ou de nationalité étrangère que l’on va utiliser son arme de manière abusive. Les deux arguments que nous avons entendus tout à l’heure ne sont pas pertinents et je vous propose donc d’accepter la motion de M. Tschopp.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

J’ai une question à l’adresse de M. Tschopp : le paragraphe commençant par le présumé meurtre de Georges Floyd était-il absolument nécessaire ? Cela n’amène strictement rien. Il suffisait de dire la même chose que Marc Vuilleumier. Notre canton compte plus de 20% d’étrangers. Les permis C sont souvent très bien intégrés. Il n’est dès lors pas nécessaire d’aller chercher des prétextes provenant des USA pour prouver que les personnes titulaires d’un permis C peuvent être policiers ou policières. Par la suite, il est toujours opportun d’effectuer une petite enquête dans le pays d’origine du candidat, car cela peut réserver quelques surprises. Il faut en outre exiger de bien parler le français, car cela devient pénible dans d’autres milieux non policiers. En pensant aux nombreux Suisses accueillis par la Légion étrangère pendant des dizaines d’années et qui ont trouvé leur rédemption, je soutiendrai cette motion. Je ne comparerais pas la Légion étrangère à la gendarmerie, mais, à un moment donné, s’il y a une loyauté et une volonté de servir, c’est déjà un argument important. Je n’étais pas là en 2009, mais j’aurais volontiers soutenu l’idée de Mme de Quattro.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Nous arrivons gentiment au terme de ce débat. Je n’ai pas entendu l’argument qui est finalement au cœur de cette demande, soit celui des compétences. Est-ce parce que nous sommes titulaires d’un permis C que nous sommes a priori moins compétents qu’un Suisse pour faire ce métier ? Non, je ne crois pas. Il faut le dire et le redire, le métier de policier consiste d’abord à en protéger les valeurs et en avoir les compétences. Les cantons et les Etats qui ont fait cette expérience ne sont pas revenus en arrière. Montrer qu’il n’y a pas un plafond de verre est aussi un symbole important. J’ai d’ailleurs été approché par des personnes qui vivent ici depuis très longtemps et qui m’ont indiqué qu’il s’agissait d’un empêchement, alors qu’elles étaient pourtant très motivées et déterminées à pouvoir exercer ce métier.

S’agissant des propos de M. Cardinaux, je ne suis pas sûr de les avoir compris. S’il demande réellement de réserver le port d’armes aux Suisses et de l’exclure pour les étrangers, je lui laisse la responsabilité de ses propos. Cela reste toutefois relativement discriminant de mon point de vue. En effet, la loi autorise le port d’armes, indépendamment de la nationalité. Mais cela reste un autre sujet.

Pour répondre à M. Masson, la loi permet à des élus étrangers d’être municipaux, de siéger dans des conseils communaux, voire même d’être syndic. Comme l’a bien dit Mme Genoud, le métier de policier est le seul qui exige la nationalité suisse. Pour être précis, il y a aussi le métier de juge. Toutefois, le métier de policier reste un des rares métiers à l’exiger.

Quant à M. Ducommun, il faut beaucoup de mauvaise foi pour soutenir que cette proposition est insultante. Le texte commence par indiquer et insiste sur la nécessité, l’exigence, la reconnaissance que nous devons avoir vis-à-vis de nos policiers qui font un métier exigeant, difficile et nécessaire.

Pour la question du racisme, elle n’est pas limitée à une profession, quelle qu’elle soit. Le racisme est un phénomène international. Il faut le dire, le combattre et il faut aussi entendre des associations telles qu’Amnesty International ou la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation dire qu’il augmente. Il faut aussi reconnaître que le racisme peut parfois être inconscient ; on peut faire quelque chose de raciste sans l’être soi-même. Il y a des procédures en cours et il ne nous appartient pas ici de les commenter. Il est toutefois sûr que lorsqu’on renforce la diversité au sein d’un corps de police, lorsqu’on a plus de femmes ou de permis C, les dynamiques changent et cela est valable, quels que soient le métier et la profession. Lorsque vous renforcez la diversité – oui monsieur Ducommun, il y a déjà de la diversité, mais la demande de mon texte et de celui de Mme Carvalho vise bien à la renforcer – vous réduisez aussi les risques de discrimination, et ce même si c’est le cas des minorités ou à la marge. Ces risques existent et ils peuvent avoir des conséquences désastreuses. Il faut le dire et le redire. Un peu plus loin dans l’ordre du jour, nous aurons un autre texte qui expose d’autres demandes pour intégrer ces thématiques, et jusque dans la formation.

Dans tous les cas, je vous invite à soutenir ce texte. Je remercie les députés de différents bords politiques, mais aussi M. Vuilleumier qui, il y a plus de dix ans – je n’étais pas encore au Grand Conseil – avait déjà fait cette proposition. M. Christen nous a rappelé ces débats, mais aussi l’engagement de Mme de Quattro qui voyait cette demande d’un bon œil. Nous n’avons rien à perdre ; bien autre contraire, nous avons tout à gagner à renforcer la diversité au sein de nos corps de police.

Mme Valérie Induni (SOC) —

Je serai extrêmement brève, mais je voulais revenir sur la question du port d’armes. En effet, les sociétés privées de sécurité sur notre territoire peuvent fournir du service armé. J’ai dernièrement lu une annonce d’emploi d’une de ces sociétés qui mentionne notamment la nationalité suisse, les permis C et B, une activité lucrative autorisée depuis plus de deux ans, en cas d’Etat tiers, ou encore les ressortissants UE/AELE. Ces entreprises privées ont ainsi une grande ouverture à beaucoup de nationalités et il est donc surprenant que notre police cantonale ne prévoie pas cette possibilité. Il est d’ailleurs encore indiqué dans cette offre d’emploi qu’une « honorabilité irréprochable », soit des contrôles d’extraits de casier judiciaire ou encore du registre des finances, sont exigés de tout candidat. Il est temps pour notre canton de donner accès à la police à cette même diversité de personnes, du moment qu’elles sont d’une honorabilité irréprochable et ont l’envie de servir leur canton.

M. Daniel Ruch (PLR) —

J’ai une question à l’intention de Mme la conseillère d’Etat : lors du recrutement de nouveaux policiers, y a-t-il pléthore de candidats ou, au contraire, en manque-t-on ?

Mme Aliette Rey-Marion (UDC) —

J’ai entendu, par le biais de mes préopinants, que la procédure de naturalisation était difficile. Cela fait dix ans que je suis Municipale à la commune de Lucens et que je m’occupe des naturalisations. Dans ce cadre, je peux affirmer que, depuis avril 2018, date à laquelle la loi a changé, cette procédure est désormais très simple. Il suffit de remplir toutes les conditions demandées, c’est-à-dire le permis C, avoir séjourné en Suisse depuis dix ans, séjourner deux ans dans le canton de Vaud dont une année précédant la demande, plus quelques documents administratifs. Il y a ensuite parfois un test de français, ce qui est tout à fait normal. Enfin, il y a une sorte d’examen à passer devant les communes, pour lequel vous trouvez toutes les questions et réponses sur le site de l’Etat de Vaud. Il suffit donc d’étudier ces questions et de s’intéresser à nos us et coutumes de façon à pouvoir vivre correctement dans notre pays. En remplissant toutes ces conditions, la naturalisation est allégée avec la nouvelle loi. S’il l’on veut réellement intégrer un corps de police dans notre canton et pour être crédible jusqu’au bout, il est indispensable d’avoir ce papier et de prouver que l’on est bien intégré. Je vous prie donc de suivre le rapport de majorité.

Mme Pierrette Roulet-Grin (PLR) —

Cette proposition demande une modification de la Loi sur l’organisation policière vaudoise, à son article 25, alinéa 3, qui précise aussi l’âge pour entrer dans un corps de police. L’intégration d’une personne est importante et celle qui veut se naturaliser a désormais toutes les possibilités de passer cette procédure sans encombre, ce n’est donc même pas un écueil pour la personne habitant ici depuis un certain nombre d’années. La personne qui veut vraiment faire quelque chose peut très bien le faire, dans les temps et dans les conditions qu’il faut. J’ai enfin une question à l’intention de Mme la conseillère d’Etat : est-ce que les personnes qui ont vécu peut-être la plus grande partie de leur vie à l’extérieur de notre pays font l’objet d’une enquête dans leur pays d’origine ? Je remercie d’ores et déjà Mme la conseillère d’Etat de sa réponse et je m’opposerai à cette modification de loi.

M. Eric Sonnay (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Je souhaite juste dire à M. Tschopp, lequel a mentionné que les titulaires de permis C ne peuvent pas être policiers, que cela est faux. Il y a 350 candidats à chaque campagne de recrutement ; on en prend une cinquantaine et il y a toujours un ou deux permis C qui demandent une naturalisation pendant la formation à l’école. Je vous recommande donc de suivre le rapport de majorité et de refuser cette motion.

M. Stéphane Masson (PLR) —

Je serai bref, mais je souhaite rappeler à M. Tschopp que je n’ai pas manqué de relever le fait que le titulaire d’un permis C pouvait être municipal ou syndic, fonctions qui, comme l’a dit M. Mattenberger, impliquent des pouvoirs de police, mais pas l’usage de la force, celle-ci étant réservée aux policiers et aux gendarmes. L’usage de la force est, par définition, un acte violent et il répond à la mission de la police qui consiste, comme vous l’avez relevé monsieur Tschopp, à protéger des valeurs. C’est précisément parce que les policiers protègent des valeurs qu’il est juste et normal d’attendre d’eux qu’ils soient de nationalité suisse. Je vous invite donc à suivre le rapport de majorité.

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d'État

J’ai quelques chiffres à présenter, puisqu’on me les a demandés. Pour le recrutement pour l’école d’aspirants 2020-2021, nous avons reçu 437 dossiers et nous en recrutons grosso modo une bonne trentaine, donc 25 gendarmes uniformés et huit à dix pour la Police judiciaire. En ce qui concerne les enquêtes, elles sont faites y compris pour les candidats suisses. Il s’agit d’une enquête d’honorabilité, de sécurité et, concernant les candidats qui viennent d’autres pays, nous procédons à une enquête auprès des pays concernés. Pour la France et pour les pays européens, les démarches ont lieu au travers des organismes intercantonaux. Des enquêtes sur les candidats européens ont donc bien lieu, si cela peut vous rassurer. Sur nos 450 candidats, 23 étrangers tous continents confondus – Europe, Afrique, Asie et Amérique – ont postulé pour l’école d’aspirants 2020-2021. L’année précédente, nous avions engagé deux étrangers en phase de naturalisation. La police est ouverte, elle a besoin de gens qui parlent d’autres langues et qui viennent d’autres horizons. Le député Vuillemin parlait de représentativité de la population vaudoise, laquelle est multiculturelle. La police a besoin d’avoir des représentants de cette multiculturalité. Je le répète encore une fois, la police ne bâcle pas son travail, elle est ouverte et elle a besoin de personnes intégrées.

La démarche qui est proposée aujourd’hui vous appartient, le Conseil d’Etat ne s’est pas prononcé à ce sujet. Cette démarche poursuit toutefois les discussions que vous avez menées tout à l’heure sur l’ouverture, sur les femmes, les minorités, etc. Pour la police, ce n’est pas un problème, dès lors qu’il y a de toute façon cette ouverture et ce besoin de représentativité. Pour répondre au député Mattenberger, je confirme que le personnel des entreprises de sécurité peut être titulaire du permis C, mais il doit répondre aux mêmes critères d’honorabilité, de sécurité et de fiabilité qui sont exigés lors du recrutement. Il en va de même pour les établissements pénitentiaires qui engagent du personnel de sécurité. Pour les agents de détention, nous recrutons des personnes titulaires de permis C. Il y a plusieurs mots à retenir de ce que je viens de dire : représentativité, intégration et ouverture.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 61 voix contre 58 et 2 abstentions.

M. Alexandre Démétriadès (SOC) —

Je demande un vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est soutenue par au moins 20 députés.

Que celles et ceux qui suivent la majorité de la commission et souhaitent classer cette motion votent oui et que celles et ceux qui souhaitent la prendre en considération votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 65 voix contre 58 et 1 abstention.

*insérer vote nominal

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