Point séance

Séance du Grand Conseil du mercredi 23 juin 2021, point 18 de l'ordre du jour

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M. Felix Stürner (VER) — Rapporteur-trice

En préambule, le motionnaire indique avoir déposé ce texte en raison de l’évolution technologique de ces dix dernières années. Selon lui, cette technologie reste relativement mal comprise et entraîne des problèmes de société : perte de lien social, addictions, baisse des capacités cognitives ou encore troubles du sommeil. Pour cette raison, sa motion demande que les problématiques liées aux technologies numériques soient abordées à l’école, notamment par la mise en place d’une pyramide du savoir. Autrement dit, les informations liées au numérique seraient expliquées dans le cadre scolaire, puis relayées au sein des familles. L’autre objectif serait d’établir un support public regroupant les diverses informations mises à jour régulièrement en fonction de l’évolution technologique. Dès lors, il lui paraît urgent de se doter de tels outils, puisque ces problématiques ont des conséquences immédiates, comme le cyberharcèlement. La sensibilisation doit donc être efficace et se faire le plus tôt possible.

Du côté du Conseil d’Etat, dans sa prise de position, la cheffe du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture indique que, contrairement à ce qu’indique le motionnaire, le département se préoccupe déjà de ces questions, tant sur le plan pédagogique que préventif, puisque ces questions sont centrales dans le cadre du déploiement de l’éducation numérique. La première approche est de type pédagogique. Pour ce faire, la philosophie générale du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture s’oriente vers une sobriété du numérique qui nécessite un encadrement bienveillant, un accompagnement pluridisciplinaire et une formation adéquate selon l’âge de l’enfant. Diverses mesures sont mentionnées, je vous passe les détails sur lesquels nous pourrons revenir ensuite. La seconde approche concerne plus précisément la prévention en général. A cet égard, l’Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire (UPSPS) s’oriente principalement suivant deux axes :

  1. les réseaux sociaux et les écrans : mis en place depuis 2016, il touche près de 30’000 élèves ;
  2. le harcèlement et le cyberharcèlement : plus de 1000 projets ont été mis en œuvre au sein des établissements scolaires depuis 2016 également.

Dans les faits, les élèves reçoivent déjà un carnet de suivi « Médias, images et technologies de l’information et de la communication » (MITIC) qui a été développé pour chacun des trois cycles de la scolarité obligatoire, de sorte qu’elles et ils puissent attester de l’évolution dans leur apprentissage concernant l’analyse des médias, l’initiation aux règles de sécurité relative aux données personnelles, ainsi qu’au cyberharcèlement en lien avec le Plan d’études romand (PER). De plus, des chartes pour les trois cycles sont actuellement mises en place et révisées de façon permanente afin d’être systématiquement tenues à jour. L’ensemble de ces documents montre donc que les supports écrits ne manquent actuellement pas et que le département se préoccupe de ces problématiques.

Au cours de la discussion générale, divers aspects de l’éducation aux outils numériques ont été abordés, telle la prévention en matière de protection des données en lien avec le profilage du client, ainsi que le vol et le piratage des données personnelles. Un jeu gratuit sur la toile permet notamment d’intégrer ces questions. Par ailleurs, il est précisé que l’UPSPS est chargée de réagir rapidement aux évolutions technologiques, de façon à constamment adapter le message de prévention aux situations, tout en tenant compte de l’âge des élèves, puisque les risques ne sont pas similaires. Il est également demandé que le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture organise davantage de formations pour les enseignantes et enseignants, étant donné que nombre d’entre eux ont du retard par rapport à leurs élèves en matière de nouvelles technologies. Du budget de 30 millions alloués dans le cadre de l’exposé des motifs et projet de décret sur l’éducation numérique, deux tiers sont attribués à la formation des enseignantes et des enseignants.

Quant au plan d’action contre le harcèlement et le cyberharcèlement mis en place depuis 2015, il vise à prémunir autant que possible les jeunes des dangers de manière générale, quand bien même il n’est évidemment pas en mesure d’anticiper les dangers à venir. Par ailleurs, il s’avère que l’espèce de centralisation souhaitée par le motionnaire est déjà effective, puisque la boîte à outils provient du département et que chaque établissement scolaire la décline en fonction de ses propres besoins.

Au terme de la discussion et sur incitation de diverses et divers intervenants qui suggèrent le retrait ou la transformation de la motion en postulat, l’auteur du dépôt accepte cette dernière solution. Lors du vote de la commission, la transformation de la motion en postulat a été acceptée par 7 voix contre 6 et 2 abstentions.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Yann Glayre (UDC) —

Malgré les deux ans qui nous séparent du dépôt de ce texte, le sujet est plus que jamais d’actualité. Nous voyons actuellement un peu plus clair par rapport à l’enseignement du numérique, puisque l’on s’approche du moment où des périodes d’enseignement seront introduites dans les classes du niveau postobligatoire. Si l’on peut évidemment être satisfait de cette évolution, l’horizon n’est pour autant pas très clair pour l’école obligatoire. Ce postulat sera l’occasion pour le Conseil d’Etat de nous informer de la manière dont il compte mettre en pratique les éléments figurant au PER et notamment les différences qu’il y aura entre l’école obligatoire et le postobligatoire. Concernant l’aspect de la brochure explicative, il est évident que la rédaction d’une brochure d’hygiène numérique et sa diffusion massive ne serait que positive pour transmettre le savoir sensibilisé à certaines pratiques. Les milieux associatifs pourraient également bénéficier de la création d’une telle brochure.

Je suis personnellement assez inquiet par rapport à certaines pratiques répandues qui ont des conséquences directes sur la société. Par exemple, la sollicitation de services de livraison par application. Si aujourd’hui une entreprise décide de publier une application permettant d’effectuer des livraisons de produits, il ne faudra pas plus que quelques jours avant que les premières personnes en quête de revenus ne deviennent des travailleurs précaires, rémunérés au lance-pierre et évidemment hors du système de protection des travailleurs. Le temps de réaction des politiques étant celui que nous connaissons, la seule solution pour éviter ce cas de figure est la sensibilisation. Chaque jeune ayant été sensibilisé aura pour réflexe de se poser la question des conditions de travail des personnes répondant derrière ces applications et pourra sensibiliser ses amis et sa famille en leur conseillant de ne pas utiliser ces services. Il s’agit d’un simple exemple des conséquences du manque de sensibilisation sur un aspect numérique précis. Il me paraît évident de faire ruisseler l’information sur la société en commençant par le contexte scolaire. C’est impératif. Afin de faire un pas dans une direction plus responsable d’utilisation des outils numériques, je vous invite à soutenir ce postulat.

Mme Sabine Glauser Krug (VER) —

Le traitement de cette motion intervient bien tard : il aura fallu deux ans pour traiter ce sujet dit urgent par le motionnaire. Au moment de son renvoi en commission, le Conseil d’Etat n’avait pas encore communiqué sur ce qu’il avait déjà mis en place pour éviter les expériences compliquées, voire traumatisantes, liées à l’utilisation des Smartphones, applications et réseaux sociaux. Lors de la séance de commission, nous avons eu quelques exemples parmi de nombreuses mesures au niveau cantonal. Depuis, la Conférence intercantonales de l'instruction publique (CIIP) a pris ce dossier en main et, l’année dernière, elle a même mis en consultation l’avant-projet de plan d’étude concernant l’éducation numérique. Elle se penche d’ailleurs déjà sur la question des moyens d’enseignement. Nous savons donc maintenant que le Conseil d’Etat et le niveau intercantonal se préoccupent sincèrement de cette problématique. En ce sens, j’aimerais leur exprimer ma gratitude. Tout cela est rassurant et il est certainement vrai que, à l’heure actuelle, l’objet que nous traitons sous la forme de motion n’a plus vraiment de sens. Par contre, il est très intéressant sous sa forme de postulat. Pour rappel, il demande d’étudier la pertinence d’élaborer une brochure explicative régulièrement mise à jour concernant les problématiques liées à l’utilisation de Smartphones, applications et réseaux sociaux. Il interroge aussi sur l’opportunité de mettre en place des cours récurrents sous une forme à définir. Ainsi, s’il est transmis au Conseil d’Etat, la réponse sera aussi l’occasion d’étudier l’efficacité des mesures déjà mises en place. Si ces mesures étaient déjà en place lors du dépôt de la motion, leur évaluation qualitative permettrait de les améliorer, le cas échéant, car il y a manifestement encore des souffrances.

De plus, il me semble absolument indispensable de se pencher sur la question de l’évolution des moyens d’enseignement et de sensibilisation. Le domaine numérique évolue à une vitesse vertigineuse et il est donc essentiel de développer un modèle d’outil qui puisse suivre ce rythme afin de ne pas laisser les jeunes démunis face à de nouveaux risques. Finalement, ce serait aussi l’occasion pour le Conseil d’Etat de nous informer sur la forme qui se profile pour l’école numérique aux différents cycles en réponse au deuxième point. Vous l’aurez compris, je pense que ce postulat est l’occasion de clarifier et valoriser l’expérience de notre canton, précurseur dans ce domaine, et d’optimiser les mesures entreprises. Je vous encourage donc, ainsi que d’autres collègues Verts, à renvoyer cette motion transformée en postulat au Conseil d’Etat.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Le scénario de ce débat est connu. D’aucuns vont nous dire que tout va très bien, que le département n’a pas attendu M. Glayre pour agir, ce qui est d’ailleurs vrai, que plein de choses se font, que le postulat enfonce des portes ouvertes, que leur conseillère d’Etat est formidable – ce dont nous ne doutons pas – que sa prédécesseure l’était aussi, qu’il faut faire confiance au Conseil d’Etat, sans compter que nous avons des jeunes formidables qui peuvent faire face aux défis, tous des virtuoses des outils numériques, qu’il ne faut pas charger l’administration d’un énième postulat, que les jeunes ont une distance critique par rapport à ces outils, qu’il faut leur faire confiance, qu’ils savent gérer, qu’ils peuvent très bien se passer des outils numériques durant huit heures, alors que – douce ironie – l’Etat de Vaud veut remplacer les décadents tableaux noirs ou blancs par des écrans numériques.

En juin 2019, le groupe des LIBRES avait soutenu le renvoi direct au Conseil d’Etat de la motion Glayre. La majorité de ce Parlement en avait décidé autrement. Six mois plus tard, la commission chargée de le traiter tenait séance. Encore six mois plus tard, la commission rendait son rapport et nous voilà aujourd’hui, après deux ans, enfin en situation de décider ou non de renvoyer ce texte au Conseil d’Etat. C’est donc un retour à la case départ. Nous voilà confrontés à la même question. Quelle efficacité, que de temps perdu ! C’est tout de même formidable cette propension de notre Parlement à s’autosaborder et son incapacité à jouer le rôle d’aiguillon pour stimuler le Conseil d’Etat et l’administration.

Notre collègue Glayre avait pourtant fait à l’époque une description précise et documentée des rapports de dépendance que créent les outils digitaux. Au nom des LIBRES, j’avais alors déclaré, il y a deux ans : « Le problème est connu et le Conseil d’Etat en est conscient. Le problème doit faire rapidement l’objet de mesures. » Alors, quand je vois la vitesse avec laquelle nous travaillons lors d’un renvoi en commission, je me demande si nous serons capables de traiter la proposition de M. Glayre avant le traitement de l’exposé des motifs et projet de décret que nous a annoncé Mme Amarelle. Je proposais donc d’accélérer le processus au moyen d’un renvoi direct au Conseil d’Etat, ce qui aurait permis à ce dernier de répondre dans le cadre de l’exposé des motifs et projet de décret annoncé, mais pour cela il était important qu’il soit saisi de cet objet avant que le projet de décret annoncé ne soit déposé. Le résultat est à la hauteur de mes craintes : le Conseil d’Etat a été très rapide ; nous avons voté à la fin de l’année 2019 ce fameux projet de décret comprenant une enveloppe budgétaire de 30 millions de francs pour les trois premières années de sa mise en œuvre. Pendant ce temps, la proposition de notre collègue s’est perdue dans les arcanes procédurières. Certes, un bout de chemin a été fait et nous remercions à ce titre le Conseil d’Etat, la cheffe du département et ses collaborateurs. Nous sommes sur la bonne voie, mais nous estimons que ce n’est pas suffisant, qu’il faut redonner un petit coup d’aiguillon et nous soutiendrons donc le renvoi de ce texte au Conseil d’Etat.

M. Vincent Keller (EP) —

Cela a été dit, la motion que nous traitons aujourd’hui a été déposée il y a plus de deux ans, ce qui en fait – vous en conviendrez – un objet particulièrement baroque, voire gothique, eu égard à la rapidité des transformations techniques et surtout sociétales s’agissant du numérique pendant cette période. Sur le fond, M. le député Glayre pose une question simple : quelles sont les conséquences sur la santé publique de l’utilisation massive du Smartphone chez les élèves, donc des adolescentes et des adolescents vaudois ? Il demande, même si sa motion transformée en postulat date de 2019, la création d’une brochure explicative utile à la mise sur pied d’un cours annuel sur une forme à définir pour sensibiliser les écoles à ces problématiques, en prenant la brochure explicative comme support de cours. M. Glayre et plein de bonnes intentions – et c’est bien – mais ce qui l’est moins, c’est de vouloir se substituer aux professionnels, notamment ceux de l’enseignement et évidemment aux parents. Vous nous connaissez, il est assez rare que le groupe que je représente salue une décision du Conseil d’Etat. Ici, nous avons l’occasion de le faire : la commission relève dans son rapport les actions du Conseil d’Etat qui sont déjà mises en œuvre pour aller dans le sens de la motion transformée en postulat de notre collègue Glayre. En deux mots, il s’agit de l’éducation numérique qui est enfin mise en œuvre dans ce canton. Il est relativement clair que, dans ce cadre-là, toutes les interrogations et craintes de notre collègue Glayre seront évidemment abordées par les enseignantes et les enseignants, si ce n’est pas déjà le cas. L’un des buts principaux de l’éducation numérique, c’est justement de réussir à apporter aux élèves de ce canton les outils intellectuels et les connaissances pour qu’ils soient les citoyens de demain. Mon groupe a toujours été pour la prévention et quel meilleur endroit pour le faire que l’école ?

Encore un point : une brochure à destination des élèves, mais une brochure en papier ? Ils ne la liront jamais. Pourquoi ne pas prévoir un site Internet qui existe probablement déjà ? J’irai même plus loin – les études « Jeunes Activités Médias – Enquête Suisse » (JAMES) le disent – pour toucher les jeunes, il faut utiliser les réseaux sociaux, mais là, j’en conviens, c’est le serpent qui se mord la queue. Le groupe Ensemble à gauche et POP vous propose de classer ce postulat.

M. Nicolas Croci Torti (PLR) —

En préambule, je déclare mes intérêts : vous savez que je suis doyen dans un établissement scolaire vaudois. Je remercie le député Keller pour son intervention qui contenait la plupart des arguments que je voulais énoncer. Il a évoqué un point sur lequel j’aimerais m’arrêter : je crois que l’école ne peut pas guérir tous les maux. Cela a été dit, les actions de prévention sont nombreuses et variées, pas seulement en ce qui concerne le numérique.

Monsieur Christen, je suis navré, mais effectivement le département et l’école n’ont pas attendu le postulat Glayre pour réagir et pour faire de la prévention par rapport au numérique. J’aimerais aussi rappeler le rôle des parents. Je rappelle que l’école vient en appui à l’éducation apportée par les parents à leurs enfants ; elle n’est pas là pour remplacer cette éducation, même si elle prend une part importante dans ce processus. Aujourd’hui, je crois que tout est entrepris, la plupart des actions proposées ou déjà mises en place suffisent à mon avis et je crois que ce postulat n’apportera rien de plus. Je pense en revanche que le département pourra communiquer sur les différents résultats, mais il n’a pas besoin d’un postulat pour cela. Je vous invite donc également à classer ce postulat.

Mme Delphine Probst (SOC) —

Effectivement, ce texte a été déposé en raison de l’évolution technologique de ces dix dernières années et les conséquences sur le quotidien de toutes et tous. Pour le motionnaire, il paraissait urgent de se doter d’outils, notamment concernant le harcèlement et le cyberharcèlement. Lors de la discussion en commission, nous avons appris que le département se préoccupe de ces questions, tant sur le plan pédagogique que préventif, puisqu’elles sont centrales dans le cadre du déploiement de l’éducation numérique. Toutes les informations concernant les réseaux sociaux, les écrans, le harcèlement et le cyberharcèlement sont détaillées de manière très claire dans le rapport de la commission. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste est unanimement contre le renvoi de ce texte au Conseil d’Etat.

M. Jérôme Christen (LIBRE) —

Mon collègue Croci Torti pense que les parents vont pouvoir faire l’éducation numérique de leurs enfants. Je ne suis pas particulièrement doué dans ce domaine, mais je ne suis pas un manche non plus et je peux vous assurer que, en matière d’éducation numérique, ce sont plutôt mes enfants – qui ont respectivement 19 et 16 ans – qui me font la leçon. Je pense que nous faisons fausse route.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 54 voix contre 36 et 12 abstentions.

 

 

 

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