Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 26 septembre 2023, point 11 de l'ordre du jour

Documents

RC - 23_LEG_122_maj

Texte adopté par CE - EMPL LI PM

RC - 23_LEG_122_min.

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Comme annoncé, nous allons traiter aujourd'hui de divers objets fiscaux ; un traitement en urgence demandé à la Commission des finances par le Conseil d'Etat. Le sujet du jour concerne les personnes morales, un projet de loi qui doit être mis en vigueur le plus rapidement possible. En effet, ce dernier concerne la mise en œuvre de l'imposition minimale introduite par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) acceptée en juin dernier par le peuple par plus de 78 % en votation fédérale. Elle vise à terme à appliquer un taux unique de 15 % aux grandes entreprises selon des critères stricts.

Le Conseil d'Etat propose donc au Grand Conseil de procéder à plusieurs adaptations de la Loi sur les impôts directs cantonaux (LI). D’une part, il s'agit d'introduire dès 2025 un barème progressif pour l'imposition du bénéfice des personnes morales. Pour la tranche du bénéfice net imposable dans le canton de Vaud excédant 10 millions de francs, un taux de 3,75 % est introduit, le taux actuel de 3,1/3 % étant maintenu pour la tranche de bénéfice net imposable dans le canton de Vaud jusqu'à 10 millions de francs. L'entrée en vigueur de cette mesure est prévue au 1er janvier 2025. D’autre part, le Conseil d'Etat propose de faire évoluer dès 2023 l'imposition des réserves latentes au taux distinct vers un amortissement annuel pour le solde de la matière, dit step up. Cette modification permet aux entreprises vaudoises un traitement égalitaire à celles établies dans d'autres cantons concernés : Zurich, Bâle-Ville, Schaffhouse, Zoug et Lucerne. Elle permet ainsi à l'entreprise de réévaluer ses réserves latentes et, les années suivantes, de les amortir en créant des charges fiscalement déductibles. L'entrée en vigueur doit être fixée en 2023, d'où l'urgence de traitement.

Rappelons que cette réforme vise les entreprises à l’activité internationale et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros. Pour la majorité de la Commission des finances, il est extrêmement important de garantir et de renforcer l'attractivité économique du canton, notamment dans le contexte de l'instauration d'une imposition minimale de 15 % des grands groupes d'entreprises. Il s’agit véritablement de rester concurrentiel aux niveaux national et international pour inciter les entreprises à investir, ainsi qu'à maintenir et à créer des emplois dans le canton de Vaud, et ce, tout en renforçant la sécurité juridique. Ces propositions amènent des conséquences financières pour le canton de l'ordre de 45 à 65 millions de francs de recettes supplémentaires et, pour les communes, de l'ordre de 20 à 29 millions. Toutefois, l'impact financier susmentionné doit être considéré avec les réserves d'usage, les estimations se basant sur les chiffres de la période fiscale 2020.

Le débat en commission a principalement porté sur les mesures visant à faire évoluer l'imposition des réserves latentes des entreprises et à introduire un barème progressif des personnes morales, soit l'article 277k. Dans le cadre d'un débat nourri, la majorité de la Commission des finances a notamment soutenu un amendement, qui vous sera présenté plus loin, visant à offrir aux entreprises une option de taxation ou d'amortissement des réserves latentes. Ce dernier permettrait aux entreprises concernées de choisir entre la nouvelle méthode d'imposition ou de conserver, temporairement, la méthode actuelle. Ceci a l'avantage pour les entreprises concernées par l’Anti Global Base Erosion (GloBE) et qui ont des coûts importants liés à la recherche et à l'innovation de rester concurrentielles. Un amendement technique – adopté par l'unanimité de la Commission des finances – a également été déposé par le Conseil d'Etat pour rétablir une erreur de plume à l'article 113.

Enfin, concernant le taux d'imposition minimal de 15 % visé à terme, il dépend de critères stricts qui sont aujourd'hui, toutefois, encore connus sous forme de principes. Votés récemment au niveau fédéral, ils se traduiront prochainement dans une ordonnance. Ainsi, la majorité de la Commission des finances, préoccupée par l'attractivité économique de notre canton et par la nécessité d'une stabilité juridique pour les entreprises, vous recommande par 9 voix contre 5 d'entrer en matière sur ce projet de loi.

M. Kilian Duggan (VER) — Rapporteur-trice de minorité

La minorité était composée de Mme la députée Cherbuin et de MM. les députés Buclin, Dessemontet, Eggenberger, Lohri et votre serviteur. Afin de donner à cette assemblée les aspects importants de ce projet de loi, je tiens à rappeler quelques points utiles pour la discussion, tout en m’essayant à la brièveté.

Premièrement, les réserves latentes représentent la différence entre la valeur du bilan d'une société et la valeur effective de ses actifs ou de ses passifs ; elles sont possibles en droit suisse et protégées par le Code des obligations. Ces dernières se constituent principalement en sous-évaluant la valeur d'un actif ou en surévaluant celle d'un passif. Elles entraînent donc une image économique différente entre la comptabilité externe, proposée aux actionnaires et à l'administration fiscale, et la comptabilité interne qui permet à la direction de prendre des décisions.

Le step-up qui nous intéresse à l'article 277k désigne un écart à la hausse entre la valeur effective d'un actif et sa valeur comptable : une réévaluation à la hausse de la réserve latente. En vertu de l'ordonnance du Conseil fédéral pour l'implémentation de GloBE – pour préserver la substance fiscale nationale – la Confédération prélèvera un impôt complémentaire qui représente la différence entre l'impôt effectif prélevé au niveau du taux cantonal et l'impôt qui serait dû selon le solde d'imposition minimale de l'accord GloBE. Ce prélèvement complémentaire permettra d'éviter qu'une partie de cette substance fiscale – et il faut l'acclamer – soit imposée dans un autre Etat. Le produit de cet impôt sera réparti entre les cantons pour 75 % et la Confédération pour 25 %. Ces 75 % de la part revenant au canton se répartissent en partie sur une base péréquative ; c'est dans ce sens-là que la minorité est sensible à la capacité de l'Etat de Vaud de maintenir sa substance fiscale. Elle vous propose donc de soutenir la modification de l'article 105, alinéa 1.

Concernant la modification du traitement fiscal des réserves latentes, la minorité estime qu'un changement en cours d'exercice n'est pas acceptable. Or, le Conseil d'Etat estime que la réforme fiscale de 2020 justifie cette modification : nous nous inscrivons en faux par rapport à cela. En effet, l'entrée en vigueur de la Réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA) proposait deux façons de traiter fiscalement l'imposition des réserves latentes. La première consistait à imposer de manière séparée à un taux réduit lesdites réserves, y compris le goodwill qu'on appelle une solution à taux spécial. La seconde prévoyait de réaliser les réserves latentes sans incidence fiscale et de les amortir sur la durée. En 2020, lors de l'examen du budget 2021, le Conseil d’Etat avait pour la première fois proposé la solution dite à taux spécial. Ainsi, pendant les périodes fiscales 2021 à 2023, les réserves latentes ont été imposées à un taux spécial, diminuant ainsi la charge fiscale des entreprises concernées. Maintenant, le Conseil d'Etat souhaite modifier la pratique et permettre aux entreprises, dès l'année 2024, d'amortir ces réserves, pour lesquelles elles ont déjà bénéficié d'un taux d'imposition particulièrement avantageux.

Les discussions en commission l'ont montré, le périmètre d'effets de cette modification est somme toute relativement limité, quand d'aucuns pensaient que cela s'imposerait à beaucoup d'entreprises de notre canton. Or, seules les entreprises qui bénéficiaient jusqu'en 2016 de statuts dits « spéciaux », c'est-à-dire principalement des holdings ou des sociétés mères dites sociétés de participation, qui détenaient des participations de leurs sociétés filles, bénéficient ou bénéficieraient de cette modification. L’effet sur notre tissu économique de PME est pour ainsi dire nul.

Enfin, concernant les effets, la minorité de la commission constate que le Conseil d'Etat n'est pas en mesure de quantifier avec précision l'effet financier de ces mesures. Ainsi, il nous semble difficilement acceptable de donner notre approbation à un projet dont l'effet financier n'est pas clairement démontré. En outre, concernant l'amendement de la majorité de la Commission des finances qui sera présenté tout à l'heure, la minorité s'y oppose pour deux raisons. D’abord, le droit fiscal n'est pas un self-service dans lequel on choisit la version la plus favorable selon sa réalité économique. Et, ensuite, les effets de cet amendement n'ont pas pu – jusqu'à aujourd'hui en tout cas – être évalués. Par conséquent et en conclusion, la minorité vous propose, si le Grand Conseil se décide à entrer en matière sur ce projet de loi, d'adopter les articles 105 et 113 amendés, mais de refuser l'article 277k tout comme l'amendement y relatif qui sera déposé tout à l'heure.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

M. Georges Zünd (PLR) —

L’ensemble du groupe est favorable à l’entrée en matière. Nous devons nous adapter à la dynamique rapide de notre temps, des décisions qui se prennent au niveau européen ou fédéral ; se montrer agiles. Nous devons aussi fournir aux entreprises suffisamment de calme et de sérénité. Pour ces raisons, nombre de mes collègues soutiendront favorablement l'amendement proposé. On ne peut constamment changer les règles. Nous devons aussi nous montrer conscients que ces quelques entreprises, holdings, notamment, amènent de l'eau à notre moulin. Par conséquent, je vous invite à soutenir ce projet de loi de manière cohérente.

Mme Amélie Cherbuin (SOC) —

Ce projet propose de modifier la Loi sur les impôts des personnes morales en application des règles proposées par l'OCDE. Des règles qui visent à lutter contre l'érosion de la base d'imposition, en mettant en œuvre un impôt minimum mondial afin de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, à savoir le non-paiement illégal ou le paiement incomplet de l'impôt pour tous les pays. Rappelez-vous, en 2009, la Suisse avait été mise sur liste grise des paradis fiscaux, à l'instar des îles Caïmans ou de Monaco. En 2017, M. Pascal Saint-Amans, alors directeur fiscal de l'OCDE, invité par le Club des 100, nous avait présenté l'avancée du travail permettant de lutter contre l'évasion fiscale des entreprises internationales. S’il y avait encore du travail en Suisse, nous étions néanmoins sur le bon chemin. En 2019, la Suisse est sortie de la liste grise par la mise en place de l'échange automatique des données. A la fin 2021, l'OCDE a proposé d'uniformiser le taux minimum d'imposition à 15 % appliqué aux entreprises multinationales qui présentent un chiffre d'affaires de plus de 750 millions d'euros. Par votation populaire, nous avons accepté que la Confédération prélève le montant qui correspond à la différence entre ces 15 % et le taux en vigueur dans les cantons, afin d'éviter que cet argent soit prélevé par d'autres pays si l'entreprise n'atteignait pas ce taux, du moins le temps pour les cantons d'adapter leur fiscalité. Cette mesure est prévue pour une période transitoire jusqu'en 2029. L'ordonnance concernant les détails de ce prélèvement ne sera pas connue avant 2026, ce qui nous laisse encore dans un certain flou.

Le parti socialiste se montre tout à fait favorable à cette augmentation des impôts pour les multinationales, ce qui pourrait générer une augmentation des recettes fiscales de l'ordre de 45 à 60 millions de francs par période fiscale et, qui plus est, permet de lutter contre la fraude fiscale. Néanmoins, le parti socialiste a plus de peine à se retrouver dans la manière de vouloir maintenir la place économique attractive par des artifices fiscaux, alors que nous devons nous soumettre à cette uniformisation. Le secrétariat de l'OCDE a d'ailleurs recommandé l'utilisation de normes uniformes pour la détermination des revenus de groupe. Dès lors, nous ne pouvons que nous opposer à l'article 277k, qui vise à offrir un outil en dessous de table, permettant de réduire la masse imposable sur laquelle se calculera le 15 %.

Plus concrètement, nous estimons qu'il n'est pas acceptable qu'une entreprise puisse déduire des amortissements liés à des réserves latentes, fictives au demeurant. En effet, qu’est-ce qu’une réserve latente ? Il s’agit d’un montant qui correspond à la différence entre la valeur réelle et celle inscrite au bilan. Cette valeur a dû être réévaluée lors du passage à la RFFA pour mettre tout le monde sur un pied d'égalité, car les réserves latentes font partie du capital propre et sont imposables. Pour faire passer la pilule de cette réévaluation, les entreprises ont alors bénéficié de conditions très favorables fiscalement. Or, maintenant, il s’agirait qu’elles puissent déduire les amortissements de ces réserves fictives. Accepter cela impliquerait de se priver de rentrées fiscales, de surcroît sans répondre à l'esprit d'un impôt mondial uniformisé imposé par l'OCDE.

Enfin, que dire de l'amendement proposé par le PLR qui demande que les multinationales, après avoir caché les réserves latentes puis avoir dû les déclarer, mais en bénéficiant d'un taux très favorable, puissent maintenant choisir de bénéficier d'un taux également préférentiel appliqué lors de la réalisation d'une de ces réserves latentes ? C'est le pompon ! Non, maintenir une attractivité économique dans le canton doit être envisagé sous l'angle de mesures d'accompagnement pour offrir un environnement de travail de qualité. Un train de mesures a été annoncé en ce sens par le Conseil d'Etat pour début 2024, qui nous sera présenté fort des modifications législatives correspondantes.

Le parti socialiste sera attentif à ce que ce train ne comprenne pas de nouvelles mesures érodant la masse imposable des multinationales, mais aille plutôt dans le sens, par exemple, d’un renforcement de l'accueil de jour. Ainsi, le parti socialiste propose de soutenir le rapport de minorité, soit d'adopter le projet de loi, mais de refuser l'article 277k et son amendement, ce qui permettra de générer les rentrées financières et de maintenir une stabilité fiscale d'ici à la fin de la mesure transitoire voulue par la Confédération, en 2029.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

L'article 277k cherche notamment à compenser l'effet de justice fiscale de la réforme GloBE adoptée par les pays de l'OCDE et approuvée par le peuple suisse en juin dernier. La réforme GloBE permet d'imposer les bénéfices des entreprises internationales s’élevant à plus de 750 millions de francs à raison de 15 %. L'article 277k porte sur les réserves latentes. Quelles sont-elles ? Ce sont celles qui sont dissimulées aux actionnaires, au public et au fisc. Elles le sont par dizaines ou centaines de millions de francs, voire de milliards, parfois. Ailleurs, les réserves latentes ne seraient pas admises. Elles seraient investiguées, poursuivies. Ici, elles sont imposées à un taux très bas et privilégié de 2 %, et ce, à l'exemple de l'entreprise Vale, à Saint-Prex, il y a plus de 15 ans.

Depuis plus de 15 ans, une fois installées et exonérées chez nous, plusieurs firmes ont rapatrié leurs bénéfices par millions ou milliards depuis les pays de production, souvent issus de plusieurs continents. Dans le canton, ces multinationales sont accueillies à bras ouverts, accompagnées, chouchoutées parfois, en fermant les yeux sur les conditions dans lesquelles certaines produisent, exploitent la main-d’œuvre au Sud, nuisent à la nature, déforestent, polluent air et rivières. Monsanto ou Chiquita, qui nous ont quittés après la période d'exonération, illustrent ces comportements déloyaux et brutaux sur le plan international.

Les dispositions de l'article 277k, qui sont d'ailleurs obscures dans leur formulation, participent au havre fiscal qui creuse les inégalités mondiales et appauvrissent les enfants et les gens dans les pays moins avancés. Les Verts et les Verts refuseront pour la plupart l'article 277K révisé, rejetteront l'amendement proposé à ce même article, comme le recommande le rapport de minorité particulièrement convaincant. En revanche, Vertes et Verts approuveront l'entrée en matière puis, dans le détail du projet, accepteront les articles 105, 111 et 113 amendés par la commission.

M. Yvan Pahud (UDC) —

En préambule – et cela vaut pour les trois textes que nous allons voter cet après-midi – et à la suite de la forte pression exercée depuis des années par l'UDC et par la droite de ce Parlement, notre groupe politique salue la volonté du Conseil d'Etat d'empoigner le sujet de la fiscalité cantonale. Si, pour les deux prochains textes, il est question de baisses fiscales pour les personnes physiques, ce projet de loi se préoccupe pour sa part des personnes morales, c’est-à-dire de l'imposition des entreprises.

J’aimerais rappeler que ce texte constitue une mise en conformité de la fiscalité des entreprises à la suite de l'acceptation par le peuple de la réforme OCDE. Si les deux autres textes parlent de baisses d'impôt, celui-ci traite d'une diminution des déductions sur les personnes morales, par conséquent plutôt d'une hausse d'impôt qui, selon le texte du Conseil d'Etat, devrait au passage ramener dans les caisses de l'Etat entre 45 et 65 millions supplémentaires. Il est vrai que cette modification fiscale détonne avec le communiqué du Conseil d'Etat datant du 3 juillet dernier par lequel ce dernier signifiait qu'il avait pour objectif de soutenir les entreprises par une fiscalité attrayante. Ainsi, même si à terme, cette réforme pourrait péjorer l'attractivité économique de notre canton, il faut relever que le Conseil d'Etat n’a que peu de marge de manœuvre suite à l'acceptation par le peuple de la réforme OCDE.

Enfin, concernant l'amendement accepté par la majorité de la Commission des finances à l'article 277k, le groupe UDC vous recommande de le soutenir, car il permet d'inciter les entreprises à continuer d'investir dans la recherche et le développement. En conclusion, même s’il est question de « hausse d'impôt » et que celle-ci pourrait à terme péjorer l'attractivité de notre canton, le groupe UDC entrera en matière sur ce projet de loi, puisqu’il conforme notre canton à la volonté populaire.

M. Jerome De Benedictis (V'L) —

J'ai le plaisir de vous communiquer la position du groupe vert’libéral. Conscient de l'importance de ce projet de loi pour confirmer notre participation aux accords GloBE voulus par l'OCDE, le groupe vert’libéral le soutiendra tout comme l'amendement validé par la Commission des finances, dans le but de renforcer l'attractivité de nos entreprises par cette nouvelle loi, qui est déjà une contrainte, comme l'a rappelé mon préopinant.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Une fois n'est pas coutume, le Conseil d'Etat nous soumet une réforme fiscale qui ne consiste pas en de nouveaux allègements fiscaux en faveur des grandes entreprises ou des contribuables les plus aisés. Il est aussi vrai que peu de marge de manœuvre était laissée au Conseil d'Etat, puisque la réforme portée par l'OCDE puis ratifiée par la population suisse s’inscrit dans une volonté de limiter la sous-enchère et la concurrence fiscales féroces auxquelles se sont livrés certains Etats, ces dernières années, à commencer par la Suisse, au profit des grandes multinationales et aux dépens des caisses publiques.

À propos de concurrence fiscale, on peut dire qu'il était temps que nous possédions enfin un cran d’arrêt sous la forme de cet impôt minimal à 15 %, puisque nous avons assisté ces dernières décennies à une véritable dégringolade des taux d'imposition du bénéfice. En effet, au début des années 2000, le taux moyen d'imposition du bénéfice des sociétés au sein des pays de l'OCDE s’élevait encore à 32 %. En 2022, ce taux était tombé à 23 %. Une telle dégringolade de l'imposition des entreprises contribue partout à assécher les ressources publiques, pourtant si nécessaires, à l'heure de l'urgence climatique et de tant d’autres défis ; je pense notamment aux pertes de revenus que subissent les populations avec l'inflation. Cette baisse continue des taux d'imposition contribue à creuser les inégalités et revient à transférer progressivement, insidieusement, la charge fiscale sur la population laborieuse plutôt que sur les grandes entreprises.

Le projet de taux minimal de l'OCDE est donc réjouissant, puisqu'il place enfin un cran d'arrêt à cette spirale vers le bas des taux d'imposition, même si on ne peut que regretter que ce taux minimal ait été finalement fixé très bas, à 15 %. Nous devons ce taux au lobbying intense des petits Etats comme le Luxembourg, l'Irlande, Singapour ou la Suisse. En effet, initialement, dans le projet initial de l'OCDE, ce taux devait plutôt tourner autour de 20 %. Du côté du groupe Ensemble à Gauche et POP, nous espérons sincèrement que, dans les années à venir, l'OCDE et les autres parties prenantes aux négociations fiscales internationales réévalueront ce taux à la hausse. En effet, la contribution des grandes entreprises aux collectivités publiques doit impérativement être augmentée, notamment pour financer les politiques de réduction des émissions de CO2 ou de lutte contre la pauvreté.

Le taux nominal d'imposition dans le canton de Vaud est aujourd'hui très faible, approximativement de 13,7 %. Or, ce dernier est en réalité plus faible encore compte tenu de toutes les déductions introduites ces dernières années. L’augmentation à 15 %, comme cela a été dit, engendrera environ 50 millions de recettes supplémentaires par année. Le groupe Ensemble à Gauche et POP souhaite que ces recettes supplémentaires profitent réellement à la population en étant utilisées notamment pour le développement de politiques comme l'accueil de jour des enfants, l'amélioration de la desserte en transports publics, la prise en charge des personnes âgées ou en situation de handicap – bien sûr, la liste n'est pas exhaustive. Les besoins sociaux liés à la transition énergétique doivent selon nous être prioritaires par rapport à de nouveaux allègements sur le revenu ou la fortune qui profitent avant tout aux contribuables les plus aisés.

Enfin, un dernier mot concernant un aspect du projet de loi, soit cette astuce fiscale portant le nom de step-up. Je ne vais pas revenir de façon détaillée sur l'explication, puisque M. le rapporteur de minorité Duggan, puis Mme Cherbuin et M. Zwahlen ont très bien explicité ses enjeux. Toutefois, comme nous considérons le taux de 15 % comme un minimum déjà très faible, il devient clair que nous nous opposerons à cet article sur le step-up et à la possibilité pour les entreprises de réduire leur taux à titre transitoire jusqu'en 2029. A plus forte raison, nous rejetterons sans hésiter l'amendement de la droite qui vise à maximiser encore la possibilité de recourir à ce step-up par rapport à ce que proposait un Conseil d'Etat pourtant déjà à majorité de droite. Cet amendement, vu son caractère technique, a sans doute été directement rédigé par l'une ou l'autre grande organisation patronale, peut-être le groupement des entreprises multinationales, peut-être la Chambre vaudoise du commerce et de l'industrie (CVCI), peu importe. Malheureusement, certains députés de droite se font souvent les relais très zélés de ces lobbies au sein du Parlement. Reste que cet amendement réduirait considérablement l'augmentation des recettes supplémentaires. En effet, au lieu des environ 50 millions, il s’agirait peut-être de 5 ou 10 millions supplémentaires. C’est une raison suffisante pour le rejeter, d'autant qu'il profiterait exclusivement aux plus grandes entreprises, celles qui ont la possibilité de mettre en œuvre des planifications fiscales très élaborées avec une armée d'optimisateurs fiscaux à leur service.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Pour le Canton de Vaud, le but de cette réforme consiste à s'aligner sur la plupart des cantons, notamment les deux plus grands, ceux de Zurich et de Berne, en lien avec l'abolition des statuts fiscaux et GloBE. Pour sa part, M. Buclin considère que nous sommes inféodés aux grandes organisations. Or, par souci de clarté, l’amendement en question provient simplement d'une discussion du groupe PLR. Il s’agit de permettre aux sociétés d'utiliser le système qui est actuellement à disposition. Nul besoin d’avoir suivi des études de droit très poussées pour voir de quoi il est question, soit de laisser aujourd'hui la possibilité aux sociétés de pouvoir bénéficier du statut actuel – un aspect potestatif – c’est-à-dire d’opter pour la situation actuelle ou de choisir le modèle de step-up, un modèle choisi par de nombreux autres cantons et compatible avec la Loi sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID). Ces statuts permettront à ces opérations de se réaliser jusqu'en 2029, puisqu’ensuite interviendra l’impôt global de 15 %. Nous nous limitons ainsi à nous aligner sur les autres cantons, notamment Genève, Zurich ou Berne.

Pour ma part, je peine à comprendre la haine exprimée à l’encontre de sociétés qui emploient énormément de gens, qui eux-mêmes payent beaucoup d'impôts sur le revenu. Si je peux comprendre que cela vous pose un problème, il s’agit néanmoins d’emplois privés et non publics, de personnes qui collaborent à faire fonctionner notre système, notre économie.

Enfin, pour ma part, je pense que nous devons accepter cette réforme et permettre aux entreprises de choisir entre deux méthodes, et ce, dans l’intérêt du canton.

M. Philippe Miauton (PLR) —

Je déclare mes intérêts comme directeur de la CVCI. Je rassure M. Buclin, j'aurais été très heureux de pouvoir écrire cet article sur les step-up, mais je n'en ai pas les compétences. Je ne pense d’ailleurs pas que beaucoup dans cette salle le puissent, tant c'est complexe.

Vous devriez être heureux ! C'est Kumbaya aujourd'hui ! Deux augmentations, nom d’un petit bonhomme ! Cela rapportera approximativement 55 millions. Pour ma part, j'aurais préféré que cela retourne par un système de vases communicants vers une baisse de l'impôt sur le capital. Cela répondrait ainsi au Plan de législature. Je vous rappelle également que suite à la RIE III, cela aurait été un bon retour sur ce qui s'est passé il y a quelques années ou pour favoriser d'autres baisses fiscales ; mais ce n’est pas le cas. Monsieur Buclin, vous devriez également être heureux, car cela favorisera notamment les crèches ou la transition énergétique.

Vous parlez de l’article 277k, « recherche et développement » comme s’il s’agissait d’un gros mot. Or, cela permet de créer des innovations, de la richesse, des emplois, possiblement de nouvelles entreprises et des sommes qui viennent remplir les caisses. Aujourd'hui, j’estime que votre discours est fort dogmatique, puisque GloBE gomme la concurrence fiscale mondiale. Je m'adresse à la gauche de cet hémicycle : en refusant l’amendement, vous n'empêchez pas une tentative larvée de concurrence fiscale, mais vous empêchez tout simplement de mettre le canton de Vaud sur un pied d'égalité avec d'autres régions, d'autres cantons ; vous sapez son attractivité. En outre, cela n’asséchera pas les rentrées fiscales mais permettra de conserver les entreprises dans ce canton, de financer toutes les politiques que vous souhaitez. Aujourd'hui, alors que vous avez une multitude de raisons d'être satisfait, vous prêchez un dogmatisme qui n’a pas lieu d’être. En effet, inciter les entreprises à regarder ailleurs nous fera « pomme avec le bourg ».

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La majorité de la commission ayant été attaquée par le terme de « lobbyistes zélés » ou relais de « lobbyistes zélés », je me permets de me défendre. Comme deux députés avant moi, je vous rassure, monsieur Buclin, nous savons être indépendants d'esprit et aussi apprécier où figurent les avantages pour le canton plutôt que d’utiliser des termes comme ceux entendus chez une partie de l'hémicycle, comme « caché », « fictif » ou encore « dissimulé ». Je ne considère pas que le but de cette réforme équivaille à parvenir à quelque chose de cet ordre. Ne craignons pas l'attractivité ni les entreprises qui créent des emplois, qui donnent de la formation à nos jeunes ; demeurons compétitifs ! Pour cette raison, la majorité de la Commission des finances, dans sa liberté d'esprit, mais surtout dans son esprit de responsabilité et de liberté, vous incite et vous encourage à accepter l'entrée en matière.

Mme Valérie Dittli (C-DFA) — Conseiller-ère d’Etat

Je vous remercie pour vos différentes prises de position qui démontrent l'importance des débats en matière de fiscalité pour l'attractivité de notre canton et le maintien des équilibres. Vous le savez comme moi, les impôts ont en soi pour seul but de financer les dépenses publiques. Pour notre canton, l’enjeu consiste à trouver les équilibres judicieux entre le développement de politiques publiques de qualité, les charges et les recettes constituées en grande partie par les impôts. La fiscalité est un élément central de l'équilibre budgétaire, car elle est notre source principale au niveau des revenus. Il est bien connu que pour certains on ne baisse pas assez les impôts, alors que pour les autres on s’y emploie trop. Raison pour laquelle ces adaptations fiscales s'inscrivent dans des arbitrages effectués par le gouvernement.

Avec l'instauration de l'imposition minimale prévue par l'OCDE, le canton de Vaud va perdre une grande partie de son attractivité. Ainsi, des mesures sont nécessaires pour la préserver et demeurer compétitif. Améliorer l'attractivité fait partie de l'équation visant à conserver des finances saines et durables, pour préserver nos recettes et ainsi maintenir nos prestations publiques. C’est un aspect d'autant plus important dans un contexte où de nouvelles contraintes budgétaires commencent à émerger. En effet, vous avez toutes et tous pris connaissance du projet de budget 2024 – je l'espère en tout cas – dont nous débattrons en décembre prochain. Nous avons pu le constater avec la réforme de la RIE III, en prenant des mesures adéquates, le canton a mis en place des conditions favorables aux sociétés créatrices d’emploi et de valeur ajoutée pour qu'elles puissent se développer dans un climat de sécurité juridique – une valeur très importante – et passer le cap de ces réformes.

Le retour à un niveau de recettes fiscales légèrement plus élevé qu'avant la réforme est la preuve de son succès, et ce, malgré une baisse des taux. Au nom du Conseil d'Etat, je tiens à remercier la Commission des finances pour son examen attentif de la série de projets de loi sur la fiscalité des personnes physiques et des personnes morales qui vont nous occuper cet après-midi. Il existe un lien entre ces différents textes. Permettez-moi donc de commencer par une petite introduction plus générale avant d’entrer dans les détails du projet de loi concernant les personnes morales.

Dans son Programme de législature et par ses arbitrages politiques, le Conseil d'Etat a acté une baisse fiscale de 250 millions durant la législature et de 270 millions jusqu'en 2028. C'est l'un des axes forts du gouvernement. En juillet dernier, le Conseil d'Etat a posé les premiers jalons et a concrétisé sa vision la semaine passée en détaillant sa feuille de route. Ainsi, l'objectif du gouvernement est clair. Le Conseil d'Etat souhaite prendre des mesures pour soutenir le pouvoir d'achat de toute la population et améliorer l'attractivité économique du canton. Mais l'ensemble du projet est guidé par le souhait de trouver un équilibre. Que ce soit pour les personnes morales ou pour les personnes physiques, les propositions du Conseil d'Etat sont équilibrées, cohérentes et responsables. Le Conseil d'Etat propose une réforme de la fiscalité qui s'inscrit dans les arbitrages trouvés dans le Programme de législature et qui est intégrée dans sa planification financière. Le rôle du Conseil d'Etat consiste à proposer, celui du Grand Conseil à décider. Ainsi, en tant qu'organes législatifs, il relève de votre compétence de décider et de prendre vos responsabilités.

Le premier objet transmis par le Conseil d'Etat au Grand Conseil concerne uniquement les personnes morales. Permettez-moi un bref rappel historique : en 2018, à une large majorité, le canton a introduit une fiscalité très attractive pour les personnes morales qui a porté ses fruits. Je peux aujourd'hui vous dire que la baisse estimée du produit de l'impôt sur le bénéfice telle que présentée dans la brochure de votation n'a pas eu lieu. Au contraire, la réforme de la fiscalité des entreprises, la RIE III, prévoyait dans son projet de loi une perte de 275,5 millions. Nous constatons que deux ans – seulement deux ans plus tard – cette perte est absorbée. Aujourd'hui, le niveau de recette fiscale est même légèrement plus élevé qu'avant la réforme, preuve qu'une baisse fiscale ciblée peut conduire à des recettes supplémentaires pour le canton. Or, avec la réforme OCDE, nous perdons cet avantage : un élément qui s'ajoute entre l'introduction du taux distinct de l'époque et ce que nous proposons aujourd'hui.

Cette réforme comprend deux piliers, dont le premier vise à imposer une part plus importante du bénéfice des grands groupes d'entreprises dans les Etats où ils génèrent de la richesse et non uniquement dans l'Etat où ils possèdent leur siège. Si nous voulons parler de justice fiscale, elle se trouve plutôt là, à mon avis. Le deuxième pilier vise à introduire une imposition minimale de 15 %. Les travaux relatifs au premier pilier ont pris du retard et ne sont pas encore prévus. Pour le deuxième pilier, comme vous le savez, nous avons voté son introduction en juin dernier. Le Conseil d'Etat souhaite dès lors appliquer les principes définis par l'OCDE et le G20 en proposant le même niveau d'imposition pour toutes les entreprises concernées.

Ces prochaines années, nous devrons être très attentifs au développement économique de notre canton et offrir des conditions-cadres qui garantissent une stabilité juridique permettant de pérenniser et de sécuriser les recettes fiscales cantonales et communales. Il est primordial pour nous de rester concurrentiels au niveau national. Le step-up est connu par tous les autres cantons qui ont des sociétés concernées par la réforme OCDE et internationales pour inciter les entreprises à investir et maintenir, respectivement, créer des emplois dans le canton. Le Conseil d'Etat propose dès lors un train de mesures en deux volets, dont les objectifs sont de garantir et de renforcer l'économie, l'attractivité de l'économie du canton, rester concurrentiel au niveau national et international, maintenir des emplois dans le canton de Vaud et renforcer la sécurité juridique pour les entreprises. Avec ce projet, le canton propose également de simplifier les démarches administratives pour ces entreprises.

Les deux volets ont été expliqués par plusieurs membres ou rapporteurs de la Commission des finances, surtout par sa présidente. Je n’ajouterai pas d’autres détails. Pour le deuxième volet, le Conseil d'Etat présentera en début d’année prochaine des mesures de soutien aux conditions-cadres, en faveur de l'économie, des mesures fiscales, d’autres de soutien à la recherche et au développement, des mesures de soutien à la main d'œuvre, à la formation, à l'efficience énergétique, ainsi qu’au renforcement de l'accueil du jour. C'est bien l'ensemble du projet qui permettra au Canton de Vaud de répondre de manière équilibrée à l'introduction des nouvelles règles de l'OCDE. La deuxième étape est bien entendu conditionnée à la première. J'aimerais ici attirer votre attention sur le fait que ces mesures permettent de préserver la compétitivité, particulièrement par rapport aux autres cantons de Suisse. Nous ne sommes pas les seuls à mettre en place un dispositif cantonal visant à accompagner l’entrée en vigueur de l'imposition minimale et, de manière générale, à renforcer et à garantir l'attractivité de l'ensemble de la place économique vaudoise. D'autres cantons, Argovie, Genève, Lucerne, Schaffhouse ou encore Neuchâtel ont mis en place ou sont en train de mettre en place des mesures cantonales. Aussi, pour toutes ces raisons et pour garantir et maintenir l'attractivité ainsi que la compétitivité du canton, je vous remercie au nom du Conseil d'Etat de voter l'entrée en matière sur ce projet de loi et de suivre le rapport de la majorité de la Commission des finances.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise avec quelques abstentions.

Art. premier.

Les articles 105 et 111 sont acceptés à l’unanimité.

Art. 113. –

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Comme déjà annoncé, un amendement a été voté par l'unanimité des membres de la Commission des finances. Il s'agissait d'une erreur de plume qui s'est glissée dans la rédaction de l'article.

« Art. 113. – (…) les réserves ouvertes et les réserves latentes constituées au moyen de bénéfices imposés notammentainsi que celles déclarées au titre (…) »

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’amendement de la commission est accepté à l’unanimité.

L’article 113, amendé, est accepté avec 1 abstention.

Art. 277k.–

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Comme annoncé en introduction, un amendement à l’article 277k a été adopté par 9 voix contre 5. Pour rappel, cela permettrait aux entreprises concernées de choisir entre la nouvelle méthode d'imposition ou de garder l’actuelle, ce qui constitue un réel avantage pour des entreprises qui ont des coûts importants liés à la recherche et à l'innovation, pour rester concurrentielles. La coexistence de deux méthodes est cohérente avec la LHID – comme indiqué plus haut. Ainsi, la majorité de la commission vous propose d'accepter cet amendement.

« Art. 277k – Al. 1 : Les personnes morales, imposées sur la base des articles 108 et 109 de la présente loi, dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2019 (aLI), qui ont déclaré les réserves latentes existant à la fin de cette imposition, y compris la plus-value créée par le contribuable lui-même, peuvent,soit être imposées séparément au taux de 2% lors de la réalisation de ces réserves latentes dans les cinq ans qui suivent, mais au plus tard jusqu’à la période fiscale 2024 comprise, soit amortir ces réserves latentes. »

M. Kilian Duggan (VER) — Rapporteur-trice de minorité

A l'inverse de la majorité de la commission, la minorité vous propose de refuser cet amendement, et ce, pour deux raisons. Premièrement, comme évoqué tout à l'heure, à notre sens, le droit fiscal n'est pas un self-service dans lequel chacun choisit la version la plus favorable en fonction de son activité. Ensuite, l'effet de cet amendement sur les recettes fiscales n'a pas été évalué. A cet égard, pour avoir lu et relu cet article 277k, j'aurais éventuellement une question à adresser à Mme la conseillère d'Etat. Par ailleurs, je rappelle qu’il s'applique uniquement aux sociétés dites de participation, donc des sociétés dont le but principal est de détenir des participations d'autres sociétés, ou des sociétés qui n'ont en Suisse qu'une activité administrative et pas d'activité commerciale. A cet égard, Mme la conseillère d'Etat a parlé de sociétés créatrices d'emplois et qui apportaient beaucoup de valeurs ajoutées. Je souhaiterais savoir quelles sont les entreprises touchées, quel est leur nombre, et quelles sont les recettes fiscales afférentes pour le dernier exercice.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Comme le rapporteur de minorité, je vous invite à refuser cet article et la possibilité de recourir pour les entreprises à cette astuce fiscale, et ce, pour des arguments que j'aimerais exposer afin de répondre aux interventions de certains députés, dont MM. Berthoud et Miauton. Avec un taux de 15 %, la fiscalité suisse reste très compétitive en Europe. En effet, la plupart des pays ont des taux d'imposition sur le bénéfice nettement plus élevés : 20, 25 %, voire 30 % pour certains Etats. Ainsi, nul besoin pour la compétitivité d'aller au-dessous de 15 %, en introduisant ces astuces fiscales.

J'aimerais aussi répondre à Mme Dittli qui vante les baisses d'impôts sur les entreprises comme un moyen de permettre à terme de maintenir les recettes fiscales. Madame la conseillère d’Etat, vous avez indiqué que les recettes de l'impôt sur le bénéfice tournaient autour de 660 millions avant la RIE III et, qu'en 2022, nous avions retrouvé ce niveau. C'est exact. Aux comptes 2022, nous l’avons retrouvé. Cependant, en matière de finances publiques, il ne s’agit pas seulement de raisonner en termes absolus – avec des chiffres absolus – mais plutôt en termes relatifs. Ainsi, au budget 2016, les charges n'étaient pas celles de 2022. En effet, en 2016, les charges s’élèvent à 9,6 milliards, alors qu’en 2022, elles équivalent à 11,3 milliards : parce que l'inflation, parce que la création de postes. Par conséquent, 660 millions en 2022 ne représentent plus que 5,8 % des recettes, des revenus totaux de l'Etat. C'est-à-dire que la contribution des entreprises par l'impôt sur le bénéfice à l'ensemble des revenus de l'Etat n'est plus que de 5,8 % en 2022 contre 6,8 % en 2016.

En termes relatifs, vous constaterez une baisse très nette de la contribution des entreprises aux revenus globaux de l'Etat. Or, en matière de finances publiques, il est important de penser en termes relatifs. Cela démontre qu'en diminuant le taux d'imposition, on obtient une baisse proportionnelle du budget global par la baisse de la contribution des entreprises. Cela permet au moins de nuancer votre propos qui me semble passablement unilatéral.

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

A nouveau, je ne comprends pas pourquoi on parle d'astuce, alors qu’il s'agit simplement d'une mesure proposée, conforme à la LHID. Lors de l'abolition des statuts fiscaux, certains cantons, notamment Berne ou Zurich – si je ne me trompe pas – avaient permis aux sociétés concernées de pouvoir réévaluer les réserves latentes et de les amortir, ou alors de les imposer à un taux distinct, ce que nous proposons aujourd'hui. La concurrence existe ; et la majorité de la commission souhaite sans astuces, mais avec des mesures qui le permettent – en sus des recettes fiscales supplémentaires pour le canton – conserver sur son territoire les entreprises créatrices d’emplois et de formation. Ainsi, les termes négatifs utilisés sur la potentielle volonté de dissimulation n’ont pas leur place ici. Au contraire, il s’agit de mesures claires qui permettront à ces entreprises et au canton de continuer à assurer son rayonnement, et ce, en toute conformité avec la LHID.

M. Philippe Miauton (PLR) —

Très brièvement et sans vouloir interrompre l’élan de la conseillère d'Etat, j’aimerais ajouter que si vous n'êtes pas satisfaits des 15 %, cela risque d’être un peu compliqué. En effet, il faudrait que le Grand Conseil demande à l'OCDE de rehausser les taux… j’imagine que cela ne fait pas tout à fait partie de nos compétences. Ensuite, quant aux chiffres relatifs et à la diminution du pourcentage, cela est peut-être aussi imputable au fait que les entreprises croulent sous les taxes, rencontrent des soucis en lien avec l'électricité, c’est-à-dire une multitude d'éléments qui finissent par alourdir la barque, amoindrir les bénéfices et, de fait, entraîner moins d'imposition sur les bénéfices. Cela revient à savoir qui de la poule ou de l’œuf… Je crains malheureusement qu’il en incombe aussi aux politiques que vous menez, visant à constamment taxer et imposer, ce qui amène les entreprises à partir.

Mme Valérie Dittli (C-DFA) — Conseiller-ère d’Etat

J'aimerais encore rapidement répondre aux questions posées par le député Duggan. En totalité, comme nous l’avons annoncé, ces deux mesures rapportent au canton entre 45 et 65 millions. La mesure discutée dans cet article rapporte, selon nos estimations, 20 millions. En revanche, la situation actuelle prend de toute façon fin à la fin de l'année 2024 – même si vous votez cet amendement. Il est difficile de dire quelle société va opter pour quelle solution, puisque nous ignorons les réserves latentes des différentes sociétés. Je rappelle également qu’il s’agit de réserves latentes au bilan, déclarées – si j'ose le dire ainsi – lors de la sortie des statuts spéciaux, à l'époque. En conclusion, il est très difficile de dire combien de sociétés vont opter pour quelles solutions.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’amendement de la majorité de la commission est accepté par 79 voix contre 63 et 1 abstention.

Mme Elodie Lopez (EP) —

Je demande le vote nominal.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent l’amendement de la majorité de la commission votent oui ; celles et ceux qui le refusent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’amendement de la majorité de la commission est accepté par 81 voix contre 62.

*insérer vote nominal

L’article 277k, amendé, est accepté par 82 voix contre 62.

Mme Céline Misiego (EP) —

Je demande le vote nominal.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent l’article 277k amendé votent oui ; celles et ceux qui le refusent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’article 277k, amendé, est accepté par 82 voix contre 62.

*insérer vote nominal

Les articles 2 et 3, formule d’exécution, sont acceptés à l’unanimité.

Le projet de décret est adopté en premier débat.

Le deuxième débat aura lieu ultérieurement.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :