Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 30 janvier 2024, point 13 de l'ordre du jour

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Rapport de la Commission - 22_PET_13_min. Elodie Lopez

Rapport de la Commission - 22_PET_13_maj. Thierry Schneiter

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Transcriptions

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M. Thierry Schneiter (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La pétition demande que le Conseil d’Etat marque une pause dans le projet afin d’établir un bilan et de rectifier le tir sur l’éducation numérique qui figure dans le Plan d’études romand (PER). Les responsables des services de la formation adhèrent à l’idée de l’éducation numérique pour préparer les jeunes à vivre un environnement numérisé plutôt que de le subir. La demande de suspendre les travaux ne peut donc pas être prise en compte en raison du nombre de personnes œuvrant déjà au projet et qu’il faudrait licencier. Un moratoire avec l’interruption puis la reprise du projet conduirait aussi à des situations problématiques dans des classes où le projet serait abandonné quelque temps, puis repris, ainsi que dans la gestion des programmes et des plans de formation. Les acteurs du projet ont anticipé la situation et mis en place un système continu d’évaluation réalisé par l’EPFL. Tout au long du processus, de multiples questions ont été posées. Les réponses montrent un assez haut niveau de satisfaction, même s’il existe quelques réticences. Chaque année, une évaluation globale disponible sur sa page Internet est réalisée par l’UNIL ; les problèmes relevés sont corrigés. Le projet a été mis en place en 2019, puis corrigé au fur et à mesure des évaluations pour répondre le mieux possible aux attentes et objectifs, ainsi qu’aux utilisateurs. Actuellement, les derniers modules de formation, avec un renforcement considérable des aspects sur la prévention du cyberharcèlement et des fake news sont donnés par l’EPFL avec qui la collaboration se poursuivra.

Le chef de département a été très surpris du dépôt de la pétition qu’il a appris par la presse. Il n’avait pas été sollicité par les pétitionnaires pour répondre à leurs interrogations. Une fois la pétition lancée, une rencontre a eu lieu avec les pétitionnaires, mais au début de l’année passée, un échange de courriels entre eux et le département avait eu lieu. Un moratoire est impossible. Au contraire, il est nécessaire d’avancer rapidement dans le projet, car les crédits se terminent fin décembre. Le chef de la Direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO) expose que le processus a été volontairement construit sous la forme d’un pilote pour construire le contenu de l’enseignement tout au long de la scolarité obligatoire. Cela a débuté dans des classes des deux premiers degrés avec de l’éducation numérique sans matériel numérique.

Des études dans d’autres cantons et pays ont fourni des informations utiles sur le processus. 75 % des moyens demandés au Grand Conseil sont consacrés à la formation des enseignants. Les premiers travaux ont commencé avant le plan d’études numériques qui fixe pour l’ensemble des cantons romands le contenu de l’enseignement tout au long de la scolarité obligatoire et au-delà. Les cantons romands accusaient du retard par rapport à la Suisse alémanique, dont ils se sont inspirés pour définir le plan d’études numériques. La question s’est posée de savoir si ce qui était initié dans le canton de Vaud correspondait à la réalité du plan d’études ; le projet a été réajusté. Actuellement, on accorde plus de place aux compétences de la citoyenne et du citoyen de demain dès les petites classes. Chaque session de formation a fait l’objet d’une évaluation sur la façon dont cela se passe avec les élèves.

Selon les pétitionnaires, les enseignantes et enseignants n’ont pas été questionnés, alors que le leitmotiv du département a été de s’assurer de l’implication des enseignants dans le choix des activités en lien avec le plan d’études. Les syndicats qui ont été invités à des sessions de formation se sont déclarés satisfaits. Il n’est pas souhaité que les élèves soient constamment face à un écran. Les activités sont réalisées en parallèle avec des outils numériques et traditionnels dans une classe. Les résultats obtenus de cette façon sont questionnés par les élèves. On travaille avec des chartes d’utilisation du numérique. Enfin, l’école doit se saisir d’enjeux sociétaux en lien avec le numérique. Le rapport de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) de 2015 cité par les pétitionnaires indique en réalité une autre chose que ce qu’affirment les pétitionnaires. Les élèves qui travaillent avec le numérique ont de meilleurs résultats que les élèves qui travaillent sans numérique, mais ceux qui travaillent énormément avec le numérique ont de moins bons résultats que ceux qui travaillent sans numérique. Introduire le numérique est donc une opportunité pour l’école.

Ainsi, à l’unanimité, la commission émet le vœu que la communication soit restaurée entre les parties et qu’une clarification sur les éléments du bilan demandés par les pétitionnaires soit apportée. En conclusion, la commission recommande au Grand Conseil de classer la présente pétition par 4 voix contre 2 et 5 abstentions.

Mme Elodie Lopez (EP) — Rapporteur-trice de minorité

Je remercie mon collègue Thierry Schneiter pour l’exposition des enjeux ; je vais m’en tenir à la position défendue par la minorité de la commission. Cette dernière soutient le renvoi de la pétition au Conseil d’Etat, car elle estime qu’elle pose des questions fondamentales sur la transition numérique de l’école, une question de fond qui interroge aussi plus largement la transition numérique générale de notre société. Les aspects techniques du numérique masquent parfois des questions sociétales et politiques. Prendre du recul est nécessaire, car l’impact du numérique est gigantesque, en particulier dans le domaine de l’école et de la pédagogie. Au vu des moyens investis et des impacts durables que ces investissements produiront dans les lieux de formation, il semble normal que des réponses et des garanties puissent être clairement données et qu’un débat de fond puisse avoir lieu, en particulier sur la différence entre éducation au numérique et éducation par le numérique ou pédagogie par le numérique. C’est notamment sur cette différenciation et sur ce deuxième point que se centrent les préoccupations de la pétition – deux domaines qui nous semblent être mis ensemble et peu différenciés dans le projet d’éducation au numérique que l’on connaît aujourd’hui – ainsi que sur les garanties d’une plus-value de ces investissements pour les objectifs poursuivis par l’école, sur la durabilité et l’impact environnemental des infrastructures dans lesquelles on investit, sur les questions d’autonomie et de dépendance qu’une telle transition implique, et enfin sur la question de la sécurité.

Les réponses apportées par le département concernant les critiques et questions soulevées par la pétition n’ont pas donné d’éléments concrets permettant de lever ces doutes, ces inquiétudes et ces critiques et restent donc incomplètes. Par conséquent et en conclusion, la minorité de la commission propose au Grand Conseil de soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d’Etat pour obtenir des réponses plus précises au vu des enjeux. Je souhaite rappeler encore que la pétition déposée a été soutenue par des professionnels de l’enseignement, par le Réseau vaudois des enseignantes pour l’environnement (REPE), la Société pédagogique vaudoise (SPV), Sud Education et par le syndicat des services publics, Vaud-SSSP, et un groupe d’enseignement des syndicats.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Une pétition portée par autant de syndicats et de professionnels concernés et proches des milieux de l’enseignement légitime le fait que le Conseil d’Etat se penche sur les questions de fond qui lui sont posées. Il n’est pas admissible de classer cette pétition dans ces conditions, alors même que la plupart des personnes qui l’ont signée sont concernées et vivent quotidiennement ces questions.

La pétition pose des questions fondamentales sur la transition numérique de l’école, une question de fond qui interroge aussi plus largement la transition numérique générale à l’intérieur et dans l’évolution de notre société. Les aspects techniques du numérique masquent souvent des questions sociétales et politiques. Il est essentiel de prendre le recul nécessaire, car l’impact du numérique est gigantesque ; nous le vivons tous les jours, en particulier dans le domaine de l’école et de la pédagogie. Je me permets aussi de rappeler que Mme Carine Carvalho, députée socialiste, a déposé un amendement pour demander un bilan intermédiaire, amendement que nous avons accepté majoritairement par 95 voix.

C’est donc bien la crainte de voir autant de moyens déployés sans qu’une évaluation intermédiaire ne puisse être effectuée, malgré les demandes du Grand Conseil et de nous, députés, qui reste une vraie préoccupation. Les réponses aux questions soulevées en commission n’étaient pas satisfaisantes. Dès lors, une grande majorité de socialistes défendent le renvoi de cette pétition au Conseil d’Etat. Nous vous recommandons de faire de même.

Mme Marion Wahlen (PLR) —

Si garder un œil attentif à l’évolution du numérique à l’école est louable, il ne faut pas sous-estimer les conséquences d’un moratoire, tant pour ceux qui œuvrent à l’évolution de l’apprentissage des outils numériques que pour les élèves. Le Conseil d’Etat a bien entendu le vœu de la commission. Au vu de ces éléments, la majorité du groupe PLR soutiendra le classement de la pétition.

Mme Valérie Zonca (VER) —

Le groupe des Verts est conscient du besoin d’une formation de qualité dans le domaine du numérique et relève qu’il est essentiel de ne pas prendre plus de retard dans les mesures à appliquer dans le canton. On le voit tous les jours, la digitalisation va très vite. Les nouveautés en termes d’outils numériques sont extrêmement nombreuses, tout comme les risques, notamment avec le développement des intelligences artificielles et des deepfakes. Le numérique doit être enseigné, non seulement pour préparer les plus jeunes au futur marché du travail, mais également pour leur apprendre à se protéger face à ces nouveaux outils digitaux.

Dans cette thématique, il est important de rappeler une confusion fréquente : on parle d’éducation au numérique et pas uniquement d’éducation par le numérique. C’est-à-dire que des exercices, par exemple, pour apprendre à coder ou pour apprendre le fonctionnement des algorithmes peuvent être faits sans écran. On ne parle donc pas ici de mettre tous les élèves en permanence devant des écrans comme il pourrait être pensé. Cependant, nous rejoignons plusieurs inquiétudes des pétitionnaires, notamment sur l’aspect environnemental du projet, pour ce qui est de la maintenance et de la consommation énergétique, ainsi que les questions liées à la sécurité et au stockage des données. Le groupe des Verts laisse ainsi le choix pour la suite à donner à cette pétition, mais souligne l’importance du vœu formulé par la Commission des pétitions pour restaurer la communication entre les parties prenantes, ainsi que la clarification des éléments du bilan, comme expliqué dans le rapport de commission.

M. Pierre-André Pernoud (UDC) —

Force est de constater que l’éducation numérique doit être maintenue et doit également évoluer en collaboration entre enseignants et enseignés. Le dialogue entre les parties, le département et les enseignants doit être restauré. Le groupe UDC optera pour le classement de cette pétition.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Est-ce à dire que l’éducation numérique nous a été un peu imposée aux forceps fin 2022 ? C’est peut-être aller un peu loin. Toutefois, la décision du Grand Conseil de soutenir le département laissait quand même un arrière-goût d’insatisfaction ou de méfiance pour bon nombre d’entre nous. Compte tenu de la qualité des signataires, j’estime que nous devons transmettre cette pétition au Conseil d’Etat, ce justement pour maintenir un bon dialogue entre le chef du département, le département et les enseignants. J’ai cru que M. Pernoud, tout à l’heure, qui partait de cette prémisse, de ce souhait, allait arriver à la même conclusion que moi ; peut-être s’est-il encoublé en chemin ! En tout cas, je vous recommande pour ma part d’accepter la prise en considération de cette pétition.

Mme Joëlle Minacci (EP) —

La pétition pose des questions fondamentales sur le développement de l’éducation numérique dans le canton. Comment décide-t-on de la mettre en œuvre ? Avec quels moyens ? Et pour quelles visées ? Une partie du groupe Ensemble à Gauche et POP partage les inquiétudes des pétitionnaires, à savoir la dimension de l’éducation par le numérique versus l’éducation numérique, et sur les supports décidés par le Conseil d’Etat. Quelle est leur plus-value pédagogique par rapport au coût financier environnemental ? Comment peut-on sensibiliser les enfants à la place du numérique dans leur vie quand, symboliquement, nous colonisons les classes de ces outils dès le plus jeune âge en leur donnant une telle centralité ? Nous pensons qu’un réajustement doit être opéré pour affiner la ligne de ce projet, car les enjeux d’éducation numérique sont énormes.

Par ailleurs, je souhaite attirer l’attention sur les investissements octroyés pour l’école numérique et la recontextualiser dans les enjeux globaux de l’école. En effet, des investissements sont octroyés au pas de charge dans le domaine de l’éducation numérique, quand, parallèlement, nous observons une politique de précarité des moyens pour la mise en œuvre de l’école inclusive. On peut décemment se questionner sur le sens d’investir massivement dans des infrastructures numériques, quand, en parallèle, le personnel enseignant se trouve en grande difficulté dans la mise en œuvre de l’école inclusive. Nous ne pouvons que dénoncer les conditions de travail, de salaire et de statut absolument catastrophiques des assistantes à l’intégration, des postes occupés en grande majorité par des femmes et dont la précarité pour un poste du service public est inacceptable. Ce qui m’amène à la question suivante : où sont les priorités du Conseil d’Etat dans les moyens qu’il octroie à l’école publique ? Je rappelle finalement, comme l’a dit ma collègue Claire Attinger, que ce Grand Conseil a accepté un amendement porté par notre collègue Carine Carvalho, qui demande un bilan du projet d’éducation numérique. C’est exactement ce que demandent les pétitionnaires, raison pour laquelle nous pensons que leur demande est légitime et qu’un bilan est nécessaire pour affiner la ligne de cet enjeu crucial et incontournable qu’est l’éducation de notre jeunesse au numérique. Nous vous invitons donc à suivre le rapport de minorité de cette commission.

M. Vincent Keller (EP) —

Vous le savez, j’ai beaucoup de sympathie pour les syndicats à l’origine de cette pétition, et je les soutiens dans la plupart de leurs combats. Je suis moi-même encarté à Sud et je suis enseignant d’informatique au gymnase de Beaulieu : voilà pour la déclaration d’intérêts. Le grand drame de cette pétition, comme certains et certaines l’ont relevé, la vision un peu parfois passéiste de certains citoyens, réside dans le fait que l’on mélange allègrement éducation par le numérique avec éducation numérique. Je vais défendre l’éducation numérique. Mais vous verrez, elle n’est pas totalement déconnectée de l’éducation avec le numérique – si j’ose dire, et ne pas finir à la revue. Je précise que ma position, tout comme mon vote, ne représente pas du tout ceux de mon groupe.

Vous ne serez pas surpris : il faut poursuivre le programme d’éducation numérique, coûte que coûte. Il en va des compétences fondamentales des élèves. On ne peut pas continuer à laisser penser qu’on sauvera la planète en passant sa journée sur les réseaux sociaux, à utiliser l’entier des services dématérialisés – un bien joli nom – de mégaentreprises américaines, tout en demandant avec vigueur de planter des arbres et d’économiser l’eau des toilettes en faisant « pipi » dans la douche. Je sais que les ordres de grandeur de physique paraissent des détails pour les influenceurs et les « tiktokeuses », mais les aborder en classe permet justement de casser un paquet de fake news. Et cela se fait aussi dans les cours, et surtout dans les cours d’informatique.

L’ancienne version de l’informatique au gymnase équivalait à apprendre un outil, généralement ceux de la suite Microsoft. Aujourd’hui, il s’agit de la pensée computationnelle, algorithmique, les complexités dans les algorithmes classiques. Ce sont les enjeux sociaux du numérique, la fracture numérique, les enjeux sociaux et écologiques, les frontières nord-sud, ce sont les petites mains exploitées pour sortir du minerai de matériaux rares pour construire les ordinateurs et les smartphones, les petites mains qui génèrent les ensembles de données nécessaires aux réseaux neuronaux, etc. C’est la compréhension de l’intelligence artificielle et de l’ensemble des enjeux qui se cachent derrière les vols de données, biais algorithmiques, questions de propriété intellectuelle. Ce sont des questions de souveraineté numérique, de droit à être anonyme dans le monde numérique, avec les réseaux parallèles, comme le darknet. Ce sont parfois des maths, avec la topologie du réseau, avec des algorithmes de cryptographie. C’est jouer avec des chiffres. Il s’agit aussi des enjeux de législation, de ce que l’on a le droit de faire et ce que l’on n’a pas le droit de faire. Donner des outils intellectuels aux gymnasiennes et aux gymnasiens, aux apprentis et aux apprenties pour comprendre, par exemple, qu’en plus d’offrir gratuitement leur travail aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), l’utilisation des clouds des géants américains constitue des enjeux écologiques et sociétaux majeurs. A cela s’ajoutent des choix techniques faits par l’Etat, qui sont très discutables et en contradiction totale avec ce que l’on enseigne. Je pense évidemment à la toute-puissance de Microsoft dans l’écosystème informatique du Département de la formation.

Le rapport de commission cite encore la collaboration entre l’EPFL et les enseignantes et enseignants d’informatique. Cela s’appelle Modulo. Je déclare encore mes intérêts, j’ai enseigné l’un de ces modules en novembre dernier devant une soixantaine de mes collègues enseignants au gymnase, en collaborant avec le Centre de développement durable de l’Université de Lausanne sur les enjeux écologiques de l’informatique. Et je réitérerai en mars prochain sur l’art et le numérique, avec une spécialiste du domaine de l’Université de Lausanne. D’ailleurs, saviez-vous que la Suisse est l’un des pionniers dans ce domaine ?

Tout cela s’enseigne au tableau noir ou blanc, feuille de papier et crayon. Mais il y a effectivement un peu de programmation en face d’un ordinateur. Mais là encore, l’objectif n’est pas d’apprendre à utiliser un outil – on s’y est employé pendant les décennies précédentes avec la suite Office de Microsoft – mais plutôt de permettre à l’élève d’appliquer des concepts théoriques dans le monde réel de l’ordinateur. Aucun de mes collègues enseignants d’informatique ne souhaite former des ingénieurs EPFL au niveau du secondaire 1 ou 2, comme je l’ai lu dans le rapport de commission. J’ai fini ma thèse à l’EPFL en 2008, j’y ai donné des cours d’informatique au niveau master et doctorat. Je peux vous assurer qu’on navigue à d’autres altitudes.

Un bilan, mais pourquoi pas ? Mais pas un arrêt. Un bilan réclame du recul. Et nous en sommes très loin. On peut rappeler – vous le savez ou non – que les premiers cours avec le nouveau Plan d’études romand (PER) ont été donnés l’année dernière, en première année, à l’école de maturité. Ceux de seconde termineront en juin prochain. Le recul, personne ne l’a, ni les enseignants, ni le département. Il a fallu tant d’années pour que le canton de Vaud intègre enfin l’école numérique, l’éducation numérique au plan d’études. Ce n’est pas le moment pour revenir en arrière. Au contraire, nous vivons une révolution ! Vous me connaissez, j’aime les grands soirs. Avec des systèmes capables de passer le test de Turing, cela signifie un changement de paradigme dans la didactique, dans l’évaluation et dans l’enseignement. Ne pas en tenir compte – pire, en avoir peur, comme je l’ai entendu – constitue un désastre assuré pour le corps enseignant et, plus grave, pour les citoyennes et les citoyens de demain : nos élèves.

Finalement, il ne faut jamais opposer les disciplines. La science informatique a tout autant sa place dans le PER que le français, les maths, l’allemand, l’histoire ou les arts visuels. Tout comme il ne faut pas opposer les différents moyens accordés à l’école, le nombre d’élèves par enseignant, une école moins bureaucratique, le concept 360, etc. avec la science informatique. Je voterai le classement de cette pétition et, non, je ne me suis pas encoublé, monsieur Haury !

 

M. Julien Eggenberger (SOC) —

En préambule, je déclare mes intérêts puisque je suis membre du comité du secteur enseignement du SSP région Vaud, qui est l’une des organisations à l’origine de cette pétition. Je suis moi-même enseignant à l’école secondaire. Le projet d’éducation numérique en cours dans les écoles vaudoises vise à former les jeunes au numérique, mais suscite des préoccupations quant à l’apprentissage par le numérique. Pour un débat honnête, il est crucial de distinguer éducation numérique et apprentissage par le numérique. Il est fatigant que les prétendus partisans et les prétendues partisanes de la technologie insinuent que les critiques s’opposent à l’éducation numérique par principe, car ceci est faux. L’école publique doit assurer cette éducation pour éviter que des entreprises comme Google ou Meta ne le fassent à sa place.

Cependant, cela ne justifie ni l’achat massif d’appareils ni de prioriser cette politique au détriment d’autres besoins éducatifs. Et les priorités sont nombreuses : école à visée inclusive, renouvellement des moyens d’enseignement, enjeux démographiques. Oui, aujourd’hui, j’enseigne encore à l’aide d’un rétroprojecteur, à l’aide de fiches transparentes, sur un tableau noir, les mains tachées de craie et sans écran ni beamer. Ce non par choix, mais par manque d’équipement. Je me réjouis par conséquent de l’amélioration des outils à disposition, de pouvoir accéder à un Wi-Fi qui fonctionne, compatible avec le système informatique de l’Etat de Vaud, des imprimantes opérationnelles, des outils professionnels. Je me réjouis aussi de renforcer la formation numérique aux enjeux de société autour des médias, des smartphones et de la dépendance aux écrans. Mais je crois aussi nécessaire de porter un regard critique sur tout cela, ne pas foncer tête baissée, de ralentir un peu la cadence.

Ainsi, il paraît légitime de se poser des questions sans être accusé de s’opposer au progrès. En tant qu’enseignant, je souhaite des outils améliorés, une formation numérique renforcée, mais aussi une réflexion critique sur ces évolutions. De nombreuses questions restent ouvertes et pour lesquelles nous n’avons aucune réponse, notamment sur la plus-value pédagogique du numérique. Il s’agit quand même d’une question importante, de la conciliation des nouvelles missions et les risques sanitaires liés à l’exposition prolongée aux écrans.

La pétition lancée par un collectif d’éducateurs, d’éducatrices, de professionnels de santé, d’enseignants et d’enseignantes, demande une pause dans le processus d’éducation numérique ; pas un arrêt. Une pause pour une évaluation indépendante et démocratique, prenant en compte tous les aspects qui ont déjà été mentionnés par mes différents préopinants et préopinantes. Par conséquent, il faut transmettre cette pétition au Conseil d’Etat pour encourager une réflexion approfondie sur les objectifs et les conséquences de ce projet d’éducation numérique.

Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) —

Je ne pensais pas dire ça un jour, mais je partage beaucoup des réflexions de notre collègue Keller, comme de dire qu’on ne peut pas faire sans le numérique. J’ai deux enfants adolescents, et ils vivent là-dedans, sont constamment sollicités par le numérique. Ainsi, je considère qu’il est important que l’école continue et complète ses programmes d’éducation numérique, qui permettent de se forger une opinion, un avis critique, notamment par rapport aux réseaux sociaux et ce qui s’y dit. Il me semble fondamental que l’école entre dans le débat, dans la discussion relative à ce que fournit un réseau social, comment distinguer le vrai du faux. Voilà ce que nous avons voté il y a quelques mois. Le programme est en cours.

Ainsi, j’estime que de vouloir stopper les choses, ou en tous les cas les mettre sur pause, en réalité, équivaut à faire de la cogestion. Je considère qu’il ne nous incombe pas de juger ce que le département met en œuvre. En effet, au sein du département, des spécialistes s’occupent du développement de l’éducation numérique. A nous de les soutenir dans leur tâche. L’éducation numérique figure dans le PER. Le canton de Vaud doit continuer à aller de l’avant, de surcroît quand les développements sont tellement rapides que nous devons déjà composer avec l’intelligence artificielle dont il faudra aussi tenir compte dans les prochains programmes d’éducation numérique. Pour toutes ces raisons, je préconise le classement de cette pétition.

Mme Sabine Glauser Krug (VER) —

Comme l’a fait la rapportrice de minorité, je vais m’employer à recadrer le débat, puisqu’il s’agit bien d’éducation par le numérique. En réalité, en 2018, nous avons inventé un nouveau concept sous le terme d'éducation numérique. En fait, il s’agit d’une complexification même de sa définition. Autrefois, l’école numérique – ce qu’on apprend via la littérature à ce sujet – comprenait l’éducation par le numérique, ainsi se réfère-t-on souvent à ce terme. Or, les deux projets de décret présentés respectivement en 2018 et en 2022, portaient sur l’éducation numérique qui rattachait les trois volets, dont le premier est l’éducation au numérique sur lequel à peu près tout le monde systématiquement s’accorde. Ensuite, il est question de l’apprentissage des sciences informatiques qui, finalement, était déjà en place avant que l’on ne parle d’éducation numérique. Quant à l’éducation par le numérique, ce dont parle cette pétition, il s’agit de l’école numérique qui consiste à équiper en matériel les classes – ce qui a déjà été fait – et à renouveler régulièrement ces infrastructures et le matériel par le biais des communes et par le canton. Cela demandera aussi un renouvellement régulier des budgets. Le but consiste aussi à amener l’ensemble du corps enseignant à utiliser les outils numériques au sein des cours, bien entendu pour l’informatique, mais pas seulement.

Ainsi, le paradoxe réside dans le fait que les arguments qui prônent l’éducation au numérique se confrontent à l’éducation par le numérique. Or, c’est précisément ce genre d’effets – c’est-à-dire l’éducation par le numérique – que nous aimerions éviter. Le rapport de majorité présente à cet égard un argument absolument incontestable: il apparaît évident que les études demandées par la pétition donneront raison au projet. Après une pause, il continuera donc tel quel, malgré tout. Une perte de temps et d’argent.

J’aimerais relever que les arguments des pétitionnaires reposent sur une documentation scientifique très riche et actualisée, qui n’est de loin pas limitée à l’extrait figurant dans le rapport de majorité. Les études PISA ? Il y en a de nombreuses. En fin de compte, si l’on regarde l’ensemble des études, on observe une forme de corrélation entre l’exposition aux écrans et la chute des résultats, non pas en informatique, mais dans les branches annexes.

Pour moi, parler de numérique est toujours un sujet assez frustrant, car le domaine est tellement vaste : les effets écologiques, sociaux, géopolitiques. Quand on dépend de la Chine, on ne peut pas systématiquement boycotter certaines choses, même si cela nous tiendrait à cœur, puisque cela ne respecte pas les droits de l’homme. On mentionnera aussi les effets sanitaires, ceux sur les ressources. Dans le cas qui nous intéresse, il est surtout question de l’impact contre-productif sur les apprentissages. On peut citer à cet égard les effets de l’utilisation des écrans sur la tension, sur la concentration ou la mémorisation. A force de réduire l’effort à néant, on observe même une perte de compétences, car le cerveau s’organise de manière économe. Ainsi, une compétence qui n’est pas systématiquement mobilisée s’éteint au bout d’un moment.

Dans ce contexte, je me réfère à une multitude d’enseignants et de parents qui ont observé une chute de la participation, du lien, de l’empathie, de la compréhension parmi des jeunes. Ils m’ont interpellée et ont partagé avec moi leurs inquiétudes. Je le répète : il existe une incohérence entre l’éducation au numérique et celle par le numérique. Pour être cohérents, nous devrions théoriquement faire un choix. Compte tenu de l’adhésion assez unanime à l’éducation au numérique, il me semble que cet aspect est clairement à privilégier. L’autre doit être remis en question. D’autant plus que nous avons assisté à un concept absolument inédit dans l’histoire. C’est-à-dire le choix d’un moyen pédagogique – à savoir le numérique – puis, dans un deuxième temps, tâcher d’identifier à quoi il va pouvoir nous servir. C’est exactement cela qui s’est passé. Nous avons décidé d’investir en masse dans le numérique, alors que nous n’avions pas encore identifié exactement quel était l’apport pédagogique. On a parlé de jeux sérieux. Or, la science montre que ces jeux sont intéressants pédagogiquement par leur nature ludique ; et non pas parce qu’ils sont numériques. A fortiori, les mêmes jeux sous forme non numérique ont exactement le même résultat au niveau des apprentissages, mais sans présenter les inconvénients liés aux écrans.

Dans ce cadre, il me semble qu’il faut absolument suivre le rapport de minorité et renvoyer la pétition au Conseil d’Etat, tout en sachant que je ne suis pas très convaincue de l’efficacité de cette démarche, compte tenu de sa position de base.

M. Alexandre Rydlo (SOC) —

J’aimerais intervenir sur le fond de cette pétition, parce qu’elle me semble à la fois contenir des éléments extrêmement intéressants que le Conseil d’Etat devrait traiter, et d’autres éléments qui sont un peu plus rébarbatifs, dans le sens où grosso modo, on a l’impression de vouloir stopper le numérique à l’école, alors qu’aujourd’hui on assiste à une révolution numérique en cours depuis de nombreuses années maintenant. Et encore, quand on dit nombreuses, c’est finalement assez limité dans l’espace temporel. Je rappelle qu’en 2014, j’avais déposé une interpellation qui demandait si nous n’étions pas en train de vivre une fracture à l’école au niveau du numérique. En effet, à l’époque, le canton souhaitait tout bonnement supprimer l’instruction ou l’information à l’informatique ; cela aurait été une erreur totale. Heureusement, tel ne fut pas le cas. Les réponses reçues du département tant sur le fond que sur la forme ne m’avaient guère convaincu.

Entre-temps, beaucoup de sujets ont été développés. Le canton a remis un petit peu le train sur la bonne voie. Avons-nous adopté la bonne vitesse ? On peut légitimement se poser la question. Par conséquent, je peux comprendre les craintes des enseignantes et des enseignants. En effet, d’un côté se trouvent des gens qui sont totalement favorables au numérique, à l’informatique et même à la programmation – à l’époque, je tiens à préciser que j’étais un fervent défenseur de la formation à la programmation à l’école – ce sujet a fait l’objet d’un correctif depuis. Si cela doit être salué, ce n’est cependant pas encore à la hauteur de ce qui devrait être en place dans le canton. Or, le temps à disposition est relativement limité en termes de nombre de périodes par semaine. Globalement, parmi ce qui est aujourd’hui entrepris, certaines choses sont pertinentes, mais d’autres exigent un bilan : ce que demande d’une certaine manière cette pétition. Or, je n’ai pas l’impression que le département l’entende, puisque la forme s’assimile davantage à un top-down qu’à un bottom-up – un aspect qu’il s’agirait de prendre en considération pour entendre à la fois l’avis des enfants, les craintes des parents et celles des enseignants et des enseignantes. En revanche, il me semble qu’un arrêt total serait une erreur, car équivaudrait à prendre du retard. Mais, il faut avoir le courage de tirer un bilan, de se poser la question : sommes-nous sur la bonne voie ? Allons-nous dans la bonne direction et au rythme approprié ?

J’aimerais encore rappeler un aspect qui m’avait beaucoup marqué à l’époque : la différence entre les infrastructures mises à disposition en termes de matériel ou de moyens informatiques au sein des collèges. En effet, dans certaines communes, les moyens à disposition sont plus importants que dans d’autres qui sont plus pauvres, par exemple des communes comme la mienne : Chavannes-près-Renens qui a peu de moyens à disposition.

Enfin, concernant la pétition en elle-même, je m’abstiendrai. Je pense que le Conseil d’Etat doit entendre certaines choses. En adoptant une démarche intelligente, il retiendra un certain nombre d’éléments qui figurent dans cette pétition – renvoi on non. Il les traitera et prendra en charge la prise en considération bottom-up et pas seulement top-down de l’instruction au numérique ou à l’informatique de manière plus générale au sein de nos collèges et de l’instruction vaudoise.

Mme Elodie Lopez (EP) — Rapporteur-trice de minorité

J’aimerais préciser à celles et ceux qui craignent que le renvoi de la pétition au Conseil d’Etat interrompe le projet qu’un tel renvoi n’est pas contraignant. Or, pour obtenir des réponses de la part du département, il faut plutôt renvoyer la pétition au Conseil d’Etat qui y donnera la suite qu’il souhaite. Enfin, un renvoi traduirait un signal fort de la part du Grand Conseil et une possibilité de communiquer ses interrogations.

Mme Aude Billard (SOC) —

Je rebondirai d’abord sur les propos de Mme Elodie Lopez qui me permettent de me déterminer sur mon propre vote. Effectivement, à l’instar de M. Rydlo, je ne suis pas favorable à l’arrêt de l’apprentissage au numérique, mais j’en soutiens une évaluation de son déploiement. En ce sens, je me tourne vers le Conseil d’Etat pour suggérer que le cahier des charges donné à l’Université de Lausanne, qui travaille à une évaluation annuelle, soit modifié. Pour être plus précise que le texte de la pétition, je propose que le cahier des charges contienne une évaluation de la pertinence du contenu de l’enseignement du numérique tel qu’il est dispensé aujourd’hui, de l’évaluation des acquis véritables plutôt que par le biais intermédiaire d’une évaluation subjective de la part des enseignants afin de s’assurer qu’il n’y a pas d’effets secondaires tels qu’évoqués par différentes personnes dans ce plénum, à savoir une augmentation du temps passé derrière un écran au détriment d’un temps consacré à autre chose. Et, surtout, s’assurer qu’on apprend bien l’utilisation, le concept du numérique et qu’on ne préjuge pas de l’utilisation des outils numériques pour l’enseignement.

M. Frédéric Borloz (C-DEF) — Conseiller-ère d’Etat

Comme nous nous livrons au même débat que celui de l’année passée, c’est peut-être l’occasion de se remettre dans le contexte de la demande qui vous avait été adressée pour continuer la mise en place de ce qui avait été décidé en 2019. Plusieurs personnes s’y opposaient et demandaient un moratoire. Il me semble avoir alors apporté nombre d’éléments démontrant qu’il était peu opportun de s’interrompre compte tenu des conséquences sur la formation, perturbant passablement le passage d’un niveau à l’autre, si tout à coup, on cessait de poursuivre l’équipement numérique des classes. Vous aviez suivi cette proposition. Simultanément, les gens qui s’étaient opposés à cette décision ont déposé cette pétition qui demande un moratoire – un gel de la généralisation du projet – ainsi qu’un certain nombre d’autres choses qui entreraient en vigueur, le cas du moratoire échéant.

Je vous invite à ne pas trop vous effrayer, car le Conseil d’Etat écoute tout de même un peu ce qui se dit dans le Parlement ! Ainsi, nous avons pris un certain nombre de mesures. J’en profite pour rappeler à l’assemblée qu’à l’époque déjà, j’avais soutenu l’amendement déposé par Mme Carvalho, considérant qu’il était effectivement utile à la fois pour les responsables du projet que pour rassurer toutes celles et tous ceux qui sont observatrices et observateurs de l’école, de son évolution, les parents tout comme les enseignants. Ainsi, j’avais estimé que ces évaluations étaient fort utiles. L’amendement fut accepté, nanti d’une modification du délai, puisque vous avez accepté quand même de nous laisser quelques mois supplémentaires pour vous fournir un rapport détaillé qui comprend les éléments que Mme Billard a exprimés, riche d’évaluations sur les apprentissages, sur la santé, sur la durabilité et sur les conséquences financières également.

Nous n’attendons pas ce rapport pour évaluer le système mis en place. Nous tenons compte, entre autres, des rapports annuels de l’Université en sus des expériences du terrain rapportées tout au long de l’année par les professionnels au sein des classes, de la collaboration avec l’EPFL. Ce sont des éléments qui nous permettent d’adapter le système en permanence – un élément qu’il me semble important de conserver à l’esprit. Il ne s’agit pas d’une fuite en avant, comme semblait le dire une députée précédemment. Nous n’avons pas acheté le matériel sans savoir ce que nous allions en faire ! Cela ne se passe pas ainsi : ni au présent, ni au passé, ni à l’avenir ! Cette évaluation vous sera remise en temps et en heure, comme cela a été décidé par le Grand Conseil, ce sans qu’il y ait de rupture de dialogue. Certains d’entre vous ont appelé à une restauration de la communication entre les parties. Avant la prise de décision du Grand Conseil, les médias ont peut-être relayé deux ou trois déclarations malheureuses, mais il n’y a pas de rupture de dialogue ; bien au contraire, je crois avoir démontré à plusieurs reprises que je restais à l’écoute des attentes des uns et des autres.

Nous avons mis en place un processus à chaque dépense, c’est-à-dire à chaque investissement pour répondre à un certain nombre de questions. Proposé et mis en place par la cellule durabilité de mon département, ce processus contraint chacun des services concernés à suivre une procédure avant d’effectuer tous les investissements, une procédure censée bien entendu tenir compte de toutes les questions liées au développement durable. Par conséquent, dans ces conditions, j’ai le sentiment que le rapport de majorité est pertinent. J’aimerais encore vous répéter que la demande principale de la pétition porte sur un moratoire, et que tout le reste en découle.

Quant aux questions posées, nous y répondrons par le biais de l’amendement déposé par Mme Carvalho. Ensuite, vous pourrez avoir un regard critique sur la mise en place de ces éléments numériques. Par ailleurs, quand j’observe la vitesse à laquelle l’intelligence artificielle se développe dans notre société et à laquelle nous devons nous adapter, il me semble qu’il est de notre responsabilité particulière d’apporter à nos jeunes élèves les meilleurs outils pour pouvoir évoluer aussi sainement que possible dans une société qui évolue malgré notre volonté, une évolution que nous devons prendre au sérieux.

Mme Sabine Glauser Krug (VER) —

Veuillez m’excuser de prendre la parole après le M. le conseiller d’Etat. Le moment de vote des projets de décret n’était peut-être pas exactement opportun pour se prononcer sur une suspension de la démarche, puisqu’y était intégrée l’éducation au numérique : absolument fondamentale. Or, accepter et renvoyer cette pétition au Conseil d’Etat revient à soutenir un moratoire sur l’éducation par le numérique ; une énorme différence. Le conseiller d’Etat nous rappelle que nous évoluons dans une société numérisée malgré notre volonté. J’estime que c’est précisément là que se trouve la nuance. En effet, soutenir une école utilisant des écrans dans tous les cours équivaut aussi à soutenir ce modèle qui aura toujours – et quoi qu’on en dise – un train de retard, car les géants de l’informatique auront toujours, quoi que nous fassions, un train d’avance. Ainsi, notre meilleur moyen de ne pas accuser de retard demeure de ne pas avoir besoin d’eux.

Lorsqu’on s’oppose à ce genre de projet, on peut parfois avoir l’impression que les gens considèrent que nous ne vivons pas avec notre temps. Ce qui m’avait d’ailleurs été dit lors de l’étude de ce projet de décret. Par conséquent, j’aimerais rappeler que notre société est certes très numérisée, mais on y vit aussi des pénuries d’électricité, des fragilités géopolitiques, ces dernières se voyant accrues par la dépendance économique à des pays qui ne respectent pas les droits de l’homme. En provoquant un peu, on parle éventuellement de temps en temps de l’émergence d’une troisième guerre mondiale. Avons-nous vraiment envie de dépendre de pays comme la Chine, puisque c’est elle qui détient toute la production numérique ? Il faut se poser la question. Nous sommes confrontés à des problèmes de santé mentale. Proviennent-ils aussi de la surutilisation du numérique ? Quid de la raréfaction de l’eau potable ? Quid des circuits imprimés qui nécessitent énormément d’eau, engendrent énormément de pollution d’eau potable dans des pays qui sont évidemment très loin de chez nous. On assiste à une chute de la biodiversité ; une période de dérèglement climatique. Il ne faut pas oublier la pluralité des sociétés, ne pas se limiter à notre petit monde économique. Or, souvent, nos choix en matière de numérique provoquent aussi des désastres de l’autre côté de la terre. Vivre avec un petit peu plus de conscience me paraît impératif.

M. Frédéric Borloz (C-DEF) — Conseiller-ère d’Etat

J’aimerais encore dire que nous ne pouvons procéder à un demi-arrêt ou à un demi-moratoire, l’entre-deux n’existe pas. L’école vaudoise représente 94 000 élèves. Une fois qu’un programme est décidé, on ne peut pas simplement dire aux enseignants « Ecoutez, pendant 6 mois, celui-là, vous l’arrêtez, et vous faites la moitié de ceci ! ». La pétition est très claire. Elle exige un moratoire, un gel, de la généralisation du projet, point final.

En outre, j’aimerais encore rappeler que tous les cours ne se donnent pas avec du numérique et que tous les élèves ne sont pas assis derrière un écran, ce que j’ai longuement expliqué la dernière fois. Je ne vais pas recommencer, mais je ne peux pas vous laisser dire les choses de cette manière sans repositionnement. On n’abandonne pas les livres. Enfin, vous rattachez des craintes à vos observations d’un contexte mondial. Or, les retours du terrain sont bons, les enseignants collaborent, les élèves sont plutôt contents. Je considère qu’il faut regarder les choses avec un œil positif de temps en temps, le verre à demi plein plutôt que vide.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil décide de classer la pétition par 77 voix contre 24 et 30 abstentions.

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