24_POS_9 - Postulat Muriel Thalmann et consorts - Pour une stratégie Egalité cantonale.

Séance du Grand Conseil du mardi 8 avril 2025, point 12 de l'ordre du jour

Texte déposé

 

La Confédération s’est dotée en 2021 d’une stratégie Egalité 2030[1]. Il s’agit de la première stratégie nationale de la Confédération visant à promouvoir spécifiquement l’égalité des sexes. La Confédération constate que si la Suisse a progressé en matière d’égalité, celle-ci « n’est pas encore pleine et entière, comme le montrent tant nos statistiques nationales (annexe) que divers classements internationaux (WEF1, OCDE2) » et a donc « décidé de combler cette lacune, en mettant sur pied une « Stratégie nationale pour l’égalité entre femmes et hommes ». En mettant l'accent sur la promotion de l'égalité dans la vie professionnelle, l'amélioration de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale et la lutte contre la discrimination, le sexisme et la violence, la Confédération a pour objectif de parvenir à l’égalité de droit et de fait entre les femmes et les hommes, tel que prévu à l’article 8, alinéa 3 de Constitution fédérale.

 

Certains cantons[2] et de nombreuses villes et institutions se sont aussi dotées d’une stratégie Egalité afin d’améliorer le pilotage de leurs actions.

 

En ce qui concerne le Canton de Vaud, le programme législature se décline en actions[3], mais le Conseil d’Etat n’a pas présenté de stratégie en la matière. Une stratégie a l’avantage d'apporter une clarté conceptuelle, de poser l’égalité entre les genres en tant que fondement et composante essentielle de ses missions et d’appuyer la mise en œuvre de sa stratégie institutionnelle et sectorielle. Elle permet de définir les normes minimales et les domaines prioritaires (DP), alignés sur les meilleures pratiques, pour assurer que l’équité entre les genres soit abordée avec sérieux et cohérence dans les programmes et la culture institutionnelle et de fournir une formulation, des outils et des principes directeurs communs pour mettre en œuvre des approches, des projets et des initiatives internes qui transforment de façon positive les relations entre les genres.

Le Canton de Vaud s’étant distingué en tant que canton pionnier dans la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai l’honneur de demander au Conseil d’Etat d’examiner l’opportunité d’élaborer une stratégie Egalité  afin de parvenir à l’égalité de droit et de fait entre les femmes et les hommes, tel que prévu à l’article 8, alinéa 3 de Constitution fédérale.

Muriel Thalmann, le 10.03. 2024

 

[1] Stratégie Egalité 2030, Avril 2021

[2] Zukunftsstrategie Gleichstellung 2021–2024, BL ; Planungsbericht zur Förderung der Gleichstellung aller Geschlechter und Lebensformen (2022-2025), LU

[3]3.12. Égalité femmes-hommes

Mettre en œuvre le principe constitutionnel de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de la société et au sein de l’État.

Actions :

  • Développer des mesures en faveur de l’égalité, s’inscrivant dans la stratégie nationale décidée par la Confédération.
  • Produire des statistiques ventilées par sexe dans tous les domaines d’actions de l’État.
  • Renforcer la prévention et la lutte contre les violences sexospécifiques et la violence domestique.
  • Mettre en place des mesures favorables à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, notamment :
    • Promouvoir l’égalité salariale entre les femmes et les hommes en menant des contrôles dans les marchés publics et les subventions
    • Renforcer la mise en œuvre du cadre légal cantonal relatif à l’égalité salariale
    • Contribuer au développement de connaissances en lien avec l’analyse de l’égalité salariale et les procédures de contrôle
    • Promouvoir l’activité professionnelle des femmes
  • Favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les métiers, secteurs et niveaux hiérarchiques dans l’administration cantonale

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Pierre DessemontetSOC
Rebecca JolyVER
Alice GenoudVER
Isabelle FreymondIND
Alexandre DémétriadèsSOC
Claire Attinger DoepperSOC
Géraldine DubuisVER
Théophile SchenkerVER
Sébastien CalaSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Patricia Spack IsenrichSOC
Vincent JaquesSOC
Séverine EvéquozVER
Cédric EchenardSOC
Sandra PasquierSOC
Carine CarvalhoSOC
Cédric RotenSOC
Pierre FonjallazVER
Thanh-My Tran-NhuSOC
Eliane DesarzensSOC
Sébastien KesslerSOC
Yves PaccaudSOC
Amélie CherbuinSOC
Claude Nicole GrinVER
Martine GerberVER
Laurent BalsigerSOC
Cendrine CachemailleSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Marion Wahlen (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La commission s’est réunie le vendredi 7 juin dernier pour traiter du postulat Muriel Thalmann et consorts « Pour une stratégie Egalité cantonale ». Ont participé à cette séance : Mme la conseillère d’Etat Isabelle Moret, cheffe du Département de l’économie, de l’innovation, de l’emploi et du patrimoine (DEIEP), ainsi que Mme Maribel Rodriguez, Cheffe du Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes (BEFH). M. Florian Ducommun, secrétaire de commission parlementaire, a rédigé les notes de séance et en est remercié. 

La postulante estime qu’avoir une stratégie Egalité s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des instruments cantonaux préconisés par la Confédération. Selon elle, établir une stratégie permet d’avoir une vision d’ensemble, de balayer l’ensemble des axes d’action et d’avancer en ayant les objectifs à moyen et long terme, et non d’agir au coup par coup, en intégrant quelques axes d’action dans un Programme de législature. Enfin, une telle stratégie constituerait une occasion de renforcer la collaboration avec tous les partenaires intéressés par les questions d’égalité, en particulier les communes, à travers des échanges réguliers des bonnes pratiques et le développement de projets communs. 

La conseillère d’Etat annonce que les intentions du Conseil d’Etat ont été traduites dans le Programme de législature 2022-2027. Sur le plan intercantonal, la première rencontre romande des conseillères et conseillers d’Etat en charge de l’égalité a eu lieu à Lausanne en septembre 2023, clôturée par la signature de la charte romande de l’égalité entre les femmes et les hommes qui vise, entre autres, à renforcer la coopération intercantonale en matière d’égalité, ainsi qu’à promouvoir l’échange de bonnes pratiques ou encore à veiller à ce que la politique publique d’égalité puisse disposer des ressources suffisantes. Dans la discussion, la conseillère d’Etat a exposé les divers avantages et inconvénients. Les commissaires de la majorité saluent ce qui est déjà mis en place – la charte signée en 2023, par exemple – et relèvent qu’une stratégie cantonale entraînerait une surcharge de travail importante au sein des départements, mais aussi vraisemblablement l’engagement d’importants moyens financiers pour pouvoir établir cette stratégie puis mettre en œuvre le plan d’action. En outre, les commissaires de la majorité tiennent à relever tout le travail du BEFH créé en 1991, avec pour mission les conseils juridiques, l’égalité salariale, la formation, l’éducation, la prévention de la violence dans le couple, mais aussi des actions sur la communication égalitaire, les subventions et la vie professionnelle. Le BEFH a donc tous les outils en main pour effectuer ce travail. Dès lors, les commissaires de majorité recommandent au Grand Conseil de ne pas prendre en considération ce postulat par 5 voix contre 4.

Mme Géraldine Dubuis (VER) — Rapporteur-trice de minorité

Pour la minorité de la commission, un plan stratégique sur l’égalité permettrait de relayer la stratégie fédérale « Stratégie Egalité 2030 » et de mettre en place des mesures qui relèvent de la compétence cantonale comme cela est le cas dans d’autres cantons romands.

Une telle stratégie permettrait : 

  • De coordonner et chapeauter de manière transversale l’ensemble des mesures et des actions en faveur de l’égalité afin de permettre une diffusion plus élargie du principe d’égalité dans le cadre des activités de l’Etat ;
  • De fixer des objectifs en utilisant au mieux les moyens à disposition améliorant ainsi l’efficience de l’action de l’Etat. 

Finalement, le BEFH semble totalement équipé et compétent pour coordonner une telle stratégie et une stratégie Egalité cantonale offrirait plusieurs indicateurs de base qui font actuellement défaut. 

En conclusion, la minorité de la commission propose au Grand Conseil de prendre en considération le présent postulat et de le renvoyer au Conseil d’Etat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Je ne vous cache rien en vous disant que cette réponse me déçoit. Il ne suffit pas de s’appuyer sur la stratégie fédérale pour déployer une stratégie cantonale. Si c’était le cas, on se demande alors pourquoi de très nombreux cantons et de nombreuses villes ont de leur côté défini une stratégie Egalité. Définir une stratégie cantonale permet de fixer des objectifs cantonaux, permet de fixer le niveau que l’on désire atteindre et permet de faire un bilan. Cela permet aussi de mettre en place des mesures qui sont de compétence cantonale. Etablir une stratégie permet d’avoir une vision d’ensemble, permet de balayer tous les axes d’action, permet d’avancer en ayant des objectifs à moyen et long terme. Cela évite d’agir au coup par coup, en intégrant 4 ou 5 axes d’action dans un Programme de législature. Cela permet de plus de garantir l’ancrage institutionnel au sein de l’administration en garantissant la transversalité des actions au sein des services. Etablir une stratégie cantonale, c’est l’occasion de renforcer la collaboration entre tous les partenaires intéressés par les questions d’égalité – par exemple les communes – au travers d’échanges réguliers de bonnes pratiques et de développements de projets communs. Une stratégie permet de valoriser les efforts des différents services et de créer des collaborations. 

Avoir une stratégie Egalité permet de plus d’être contraignant, de fixer par exemple un pourcentage minimal de femmes là où le Conseil d’Etat a le pouvoir de nommer les membres, par exemple dans une commission cantonale ou lors de la nomination de cadres. Par exemple, Mme la conseillère fédérale Doris Leuthard l’a fait lorsqu’elle est devenue conseillère fédérale. Elle a exigé que les comités de direction de ses différents offices comportent au moins un tiers de femmes, tout en leur laissant le temps de s’organiser. Au bout de cinq ans, elle avait effectivement un tiers de femmes dans les comités de direction de ses différents offices. Si elle a réussi, pourquoi le canton ne le fait-il pas ? 

Mme la conseillère d’Etat n’a relevé que deux éléments qui parleraient en défaveur d’une stratégie Egalité. Le premier me laisse plus ou moins sans voix : il faut que la stratégie soit véritablement portée par l’entier du gouvernement et qu’elle implique la collaboration de l’ensemble des départements afin de s’assurer de sa mise en œuvre. Eh bien oui, c’est ça une stratégie Egalité ! C’est contraignant, ça pose des indicateurs et ça permet de faire le bilan à la fin de l’année. Ce n’est donc pas un risque mais une nécessité. L’argument financier n’est non plus valable : des investissements plus importants dans l’égalité sont payants au bout du compte. Il est nécessaire de se demander comment changer nos pratiques à chaque niveau. Un bon exemple : la pratique de la cosolidarité fiscale à laquelle nous devrions enfin mettre fin, mais qui règne depuis plus de 20 ans. Nous avons ici des vases communicants : si l’on abolit la cosolidarité fiscale, nous aurons moins de femmes et moins d’enfants à l’aide sociale. Faire entrer davantage de femmes sur le marché du travail, cela permet de lutter contre la pénurie de main d’œuvre qualifiée, ce qui bénéficiera à toute l’économie cantonale. Il faut avoir le courage de faire de tels investissements. 

Je ne finirai pas sans saluer l’énorme travail qui est réalisé par le BEFH et dire que le refus de ce postulat serait un signal symbolique très négatif par rapport aux autres cantons. Je vous invite donc à soutenir mon postulat et à le renvoyer au Conseil d’Etat pour que le canton établisse enfin une stratégie Egalité.

Mme Céline Misiego (EP) —

Ce que ce postulat demande est simple, clair et plus que légitime : il réclame que le canton de Vaud se dote enfin d’une stratégie cantonale pour l’égalité hommes-femmes. Pas juste des mesures isolées, pas juste de bonnes intentions, mais une stratégie cohérente, globale et structurée. On nous dit dans le rapport de majorité que beaucoup de choses sont déjà faites. C’est vrai, mais c’est justement parce que ces choses sont déjà faites de manière dispersée qu’il est temps de les rassembler, de leur donner une vision, une coordination, un cap. Il est temps d’avoir une politique d’égalité digne de ce nom. 

Aujourd’hui, nous sommes le seul canton romand à ne pas avoir de stratégie cantonale pour l’égalité. C’est un signal plus qu’inquiétant – je dirais même que c’est une honte. Alors que la Confédération, plusieurs cantons, des universités et des communes ont déjà franchi le pas, nous restons dans une forme de résistance passive. A celles et ceux qui disent que ce serait redondant, je réponds que l’absence d’une stratégie est précisément ce qui rend certains efforts inefficaces, parce que, sans stratégie, les actions restent isolées, les objectifs flous et les responsabilités diluées. A celles et ceux qui évoquent un manque de moyens financiers, je réponds qu’une stratégie n’est pas un gouffre budgétaire, mais un outil de pilotage qui permet d’utiliser les ressources existantes de manière plus efficace, plus ciblée, plus mesurable. Ce que demande ce postulat, c’est aussi de renforcer le rôle du BEFH, de lui donner du poids politique institutionnel. Le mettre à la tête de cette stratégie, c’est reconnaître l’ampleur et la transversalité de sa mission. ; c’est lui permettre de coordonner, de fédérer, de transformer les intentions en résultats. 

Enfin, ce postulat rappelle que l’égalité salariale n’est toujours pas acquise et que des contrôles doivent être menés. Ils doivent être stricts parce que sinon rien ne changera. Si le cadre légal ne prévoit pas encore de sanctions suffisantes, l’Etat doit être exemplaire, proactif et ambitieux. Bref, ce que propose ce postulat, ce n’est pas une formalité, c’est une vision, une direction, un outil concret pour agir. C’est exactement ce dont notre canton a besoin. Je vous invite donc à soutenir le rapport de minorité et à renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat.

M. Michael Wyssa (PLR) —

Comme le souligne le Conseil d’Etat, la stratégie pour l’égalité est inscrite dans le Plan de législature. Une charte romande de l’égalité a été élaborée à l’issue de nombreuses réunions intercantonales. Par ailleurs, la stratégie des ressources humaines de 2023-2027 élaborée par la Direction générale des ressources humaines (DGRH) comporte un axe intitulé « égalité et inclusion ». Nous constatons qu’une grande partie des objectifs de ce postulat sont déjà pris en compte dans l’administration. Contrairement à ce qui a été dit, la mise en œuvre de ce postulat nécessiterait des ressources financières importantes, ce qui est difficilement conciliable avec la situation du canton. Pour ces raisons, et au nom du groupe PLR, je vous invite à rejeter ce postulat en suivant le rapport de la majorité de la commission.

M. David Raedler (VER) —

D’emblée, je me permets de déclarer mes intérêts : je suis membre de la Commission fédérale pour les questions féminines qui traite justement des questions d’égalité au niveau fédéral et conseille le Conseil fédéral sur ces thématiques, notamment sur la pertinence des plans de mobilité et des stratégies cantonales et fédérales en matière d’égalité. A ce titre, je ne peux que me rallier aux éléments mentionnés dans le rapport de minorité sur l’importance et la pertinence d’avoir une stratégie Egalité cantonale réelle, comme en possèdent effectivement plusieurs cantons. Cela a été cité par Mme la conseillère d’Etat lors de la commission et cela figure dans le rapport de majorité, le canton de Lucerne en possède une, tout comme les universités et les EPF. 

Une stratégie cantonale Egalité vise essentiellement deux choses :

  1. S’assurer, à la fois sur le principe et dans la mise en œuvre des moyens, de cadrer les mesures en matière d’égalité dans l’administration cantonale. 
  2. Voir à quel point les principes d’égalité et le but d’égalité peuvent se diffuser dans l’économie privée, notamment dans les domaines de compétence du canton – c’est un volet important. 

Dans le rapport de majorité, on lit que le Conseil d’Etat relève l’analyse de l’égalité salariale réalisée par les entreprises de plus de 100 employés et les conséquences y relatives. Cette analyse de l’égalité salariale est requise par la Loi fédérale sur l’égalité (LEg). Les cantons ont la compétence et le devoir d’examiner cette égalité et de la mettre en œuvre. Pourquoi est-il central que le canton ait les moyens de le faire et surtout qu’il le précise dans une stratégie cantonale ? Parce que si le canton ne le faisait pas lui-même, les entreprises privées sans lesquelles il n’y aurait pas d’égalité pourraient ne prendre aucune mesure. Il faut bien comprendre que cela est une caractéristique de la LEg. Les entreprises doivent faire une analyse de l’égalité, mais si elles constatent qu’il n’y a pas d’égalité dans les salaires, elles peuvent simplement en faire une référence à l’Assemblée générale et s’arrêter là. Elles n’ont rien besoin de mettre en œuvre. C’est une grosse lacune de la LEg, et c’est un domaine dans lequel le canton a lui-même une compétence et surtout un besoin d’intervention. Il faut bien voir que cette stratégie Egalité a un but pour l’administration, mais également pour le domaine privé, dans les compétences qui reviennent au canton. 

Cela m’amène en dernier lieu à la question des coûts. Naturellement, comme toute politique, la mise en place d’une stratégie Egalité cantonale a certains coûts. Néanmoins, les coûts évoqués dans le rapport de majorité comme étant un problème ne se vérifient pas en pratique, parce que la stratégie Egalité cantonale est un document-cadre qui clarifie la position du Conseil d’Etat, qui clarifie les mesures mises en œuvre au sein de l’administration et qui clarifie les mesures prévues, notamment celles évoquées dans le Plan de législature. La mise en œuvre de ces mesures de cette stratégie Egalité cantonale est une autre question, une question budgétaire qui va être mise en œuvre par chacun des départements. Mais la question du budget de la mise en place d’une stratégie Egalité cantonale est particulièrement faible. Les coûts de cette stratégie et de sa mise en place sont particulièrement faibles. On ne peut donc pas évoquer cet argument budgétaire pour bloquer la mise en œuvre de la stratégie Egalité cantonale, ce n’est pas un motif suffisant. En revanche, ce qui est un bon motif, c’est que plus de 30 ans après l’entrée en vigueur de la LEg, il y a encore des situations dans lesquelles les femmes gagnent en moyenne 25 % de moins que les hommes pour un travail équivalent. Cela est parfaitement inacceptable, et il faut naturellement que les autorités fédérales fassent quelque chose, que l’économie privée fasse quelque chose, mais aussi que le canton fasse quelque chose, à la fois au sein de l’administration cantonale, mais aussi dans ses compétences vis-à-vis de l’économie privée. C’est pour tous ces motifs que cette stratégie Egalité cantonale est essentielle et c’est pour ces motifs qu’il faut suivre le rapport de minorité.

Mme Virginie Pilault (SOC) —

Cette stratégie cantonale pour l’égalité me paraît absolument indispensable. En effet, la stratégie fédérale actuelle concerne surtout le monde de l’entreprise et la violence domestique, mais nous savons malheureusement que les inégalités existent dans beaucoup d’autres domaines. Une stratégie pour l’égalité peut donc être beaucoup plus large, incluant la sphère familiale, l’espace public, la formation, le sport, la culture – ou que sais-je – mais aussi beaucoup plus adaptée aux besoins spécifiques et à l’identité de notre canton. Une stratégie vaudoise pour l’égalité serait une feuille de route claire et incitative, une base nécessaire pour un développement harmonieux et équilibré de notre société – c’est finalement l’enjeu. Ce serait aussi un signal politique très important, un signal positif pour l’image de notre canton. En effet, comme l’ont rappelé certaines de mes préopinantes, beaucoup d’autres cantons et d’autres communes se sont dotés – ou sont en train de se doter – d’une telle stratégie. En matière d’égalité, tout n’est pas réglé – et je le regrette. A mon avis, vouloir économiser ou ne pas dépenser dans ce domaine est une très mauvaise idée. 

Je vous raconte encore une petite anecdote : pas plus tard qu’hier, dans le cadre de mes activités professionnelles, je me suis entretenue avec une ouvrière horlogère, une dame de 60 ans qui élève son petit-fils de 15 ans et qui subvient aux besoins de son papa âgé de 101 ans. Je vous le répète : cette dame a 60 ans et elle doit concilier ce qui pourrait être une activité à plein temps avec son travail. C’est évidemment la quadrature du cercle. Elle court en permanence, n’a jamais de pause. Elle met sa santé en péril. Elle a encore réduit ce salaire – qui n’était déjà pas très élevé – en réduisant son taux d’activité pour pouvoir faire face à ses obligations familiales. Parce que les femmes sont encore et toujours majoritairement chargées des tâches familiales et des soins aux proches, je pense qu’il faut vraiment améliorer la conciliation du travail et de la vie privée. Voilà un axe de travail, une raison parmi tant d’autres d’élaborer une vraie stratégie cantonale pour l’égalité.

Mme Laure Jaton (SOC) —

Je déclare mes intérêts, je suis municipale à Morges, une ville qui adjuge un grand nombre de marchés publics, et j’ose le dire devant vous, sans véritablement contrôler l’égalité salariale des entreprises adjudicataires – comme d’ailleurs un grand nombre de communes. Je cite une partie du rapport de majorité : « La cheffe du BEFH ajoute qu’une stratégie Egalité permettrait d’organiser, de visibiliser et d’obtenir l’engagement de différents départements. » Je reviens sur cette nécessité d’une visibilisation des actions du BEFH non seulement pour les départements cantonaux, mais aussi pour la population vaudoise qui, je le rappelle, peut faire appel au BEFH de façon individuelle. Les communes vaudoises peuvent aussi bénéficier de la publication d’une stratégie cantonale claire sur l’égalité. Le fait d’avoir une telle stratégie visible permet d’identifier les différentes thématiques traitées au niveau cantonal et de les mettre en lumière à tous les échelons institutionnels – rien à voir avec le Programme de législature du Conseil d’Etat. En effet, bien souvent les administrations publiques communales pensent faire tout juste en matière d’égalité, mais elles peuvent encore s’améliorer. Je pense notamment au contrôle de l’égalité d’entreprises actives dans le canton de Vaud qui se voient adjuger des marchés publics ou sont bénéficiaires de subventions publiques. Ces contrôles sont effectués par le BEFH. En cas de discrimination avérée, les entreprises doivent effectuer des correctifs et une liste de ces entreprises incriminées est accessible. Toutefois, expérience faite, ce contrôle n’est pas – ou peu – connu des communes, alors qu’elles peuvent demander un tel contrôle ou facilement avoir accès à toutes les données et savoir ainsi si une entreprise a fait l’objet d’un contrôle et quel en a été le résultat – et ce, avant d’adjuger leur marché. 

Cette thématique manque clairement de publicité, ce qu’admet d’ailleurs le BEFH. Je suis convaincue qu’une stratégie cantonale égalité publique, publiée et visible permettrait de mieux mettre en avant les politiques d’égalité menées par le BEFH, en particulier pour les communes. A ce titre, je soutiendrai le rapport de minorité et vous invite à faire de même.

Mme Aude Billard (SOC) —

Je dois vous avouer que je suis absolument sidérée : nous avons une stratégie cantonale ferroviaire, une stratégie cantonale vélo, une stratégie cantonale durabilité et une stratégie cantonale climatique. Tous ces objets sont des objets d’ordre fédéraux et pourtant nous estimons qu’il est nécessaire d’avoir une stratégie cantonale. L’argumentaire de déléguer l’égalité seulement à des objets fédéraux ne tient donc pas la route. Il est vrai que l’égalité était une stratégie dans le Programme de législature, tout autant que les vélos, la durabilité, le climat, etc. C’est une chose de les prévoir dans un Programme de législature, c’en est une autre de les mettre en exergue tous les jours dans nos départements. Bien entendu, c’est une nécessité : ne pas le faire, signifie plus que de le faire. C’est dire que l’on voit cela comme un aspect secondaire. 

Je ne reviendrai pas sur la question des coûts, parce qu’il est inacceptable de parler de coûts dans ce cadre, tout autant qu’il était inacceptable de mettre en exergue les coûts pour la solidarité de la dette fiscale – qui était probablement négligeable en comparaison de ce que nous avons voté en début d’année, par exemple pour les baisses d’impôts. 

Par ailleurs, j’aimerais préciser que l’égalité marche dans les deux sens : il ne s’agit pas uniquement des femmes, cela concerne aussi les hommes. Il faut enfin casser cette barrière entre les deux genres : il est tout à fait légitime pour un homme d’être un bon père ou de devenir infirmier – ou n’importe quel autre métier jugé féminin. L’égalité fonctionne dans les deux sens et je ne peux qu’encourager l’ensemble de ce plénum à se penser comme « un et un seul » et à travailler de concert au niveau cantonal.

M. Denis Dumartheray (UDC) —

Si une stratégie permettait de régler tous les problèmes de notre canton ou de notre pays, cela se saurait... Une stratégie – de mobilité ou autre – peut éventuellement amener des axes, mais pour tous les cas cités aujourd’hui – des problèmes entre les hommes et les femmes ou des femmes qui doivent s’occuper de leur père – cette stratégie n’apportera aucun changement. Selon moi, notre canton a de la chance d’avoir un Bureau de l’égalité qui fait chaque jour un excellent travail, qui essaye d’informer les communes, la population et les entreprises sur les droits de chacun et de chacune. Ce travail est peu mis en exergue dans ce postulat. Ce n’est pas parce que l’on met sur pied une stratégie que les choses iront mieux. Au contraire, je pense qu’il faut encore renforcer l’excellent travail du Bureau de l’égalité, mais peut-être aussi élargir ses missions et mieux faire connaître son travail. Ce bureau est toujours de bon conseil, et je n’en peux qu’encourager mes collègues syndics ou municipaux à prendre langue avec lui. Pour toutes les bonnes raisons indiquées dans le rapport de la majorité, le groupe UDC recommande de ne pas prendre ce postulat en considération.

Mme Isabelle Moret (C-DEIEP) — Conseiller-ère d’Etat

Vous avez raison, il ne faut pas des mesures isolées, il faut un outil concret. C’est ce qu’a proposé le Conseil d’Etat dans son Programme de législature, en optant pour une autre manière de mettre les choses en œuvre, c’est-à-dire d’utiliser la stratégie Egalité 2030 de la Confédération et de prévoir un programme cantonal de mise en œuvre de cette stratégie fédérale. Le Programme de législature 2022-2027 prévoit de développer des mesures en faveur de l’égalité qui s’inscrivent dans la stratégie nationale décidée par la Confédération. Dans le programme de mise en œuvre de cette stratégie fédérale, il sera possible d’avoir une vue d’ensemble des mesures, des programmes et de tout ce qui a été fait, de ce qu’il reste à faire et de ce que nous souhaiterions faire dans le futur. L’objectif de ce programme, qui est en cours de rédaction, s’articulera autour de quatre grands axes : 

  1. égalité dans l’emploi et autonomie économique ; 
  2. égalité dans la formation ; 
  3. élimination de la violence domestique et contre les femmes ; 
  4. égalité au cœur du fonctionnement de l’Etat. 

Quelle est la différence entre un programme de mise en œuvre de la stratégie égalité fédérale et une stratégie cantonale ? Le programme de mise en œuvre de la stratégie fédérale relève de la compétence du département en charge du BEFH, mais il va nécessiter l’implication de l’ensemble des départements et mon département essayera d’obtenir une allocation de moyens spécifiques. La différence entre un programme de mise en œuvre de la stratégie fédérale et une stratégie cantonale relève aussi du geste politique : en effet, une stratégie cantonale impliquerait que cette dernière soit décidée et applique par l’entier du Conseil d’Etat, alors que le programme de mise en œuvre de la stratégie fédérale, l’impulsion et la mise en œuvre relèvent essentiellement du département. 

Vous avez également cité la question des marchés publics pour les communes. Le BEFH et mon département se sont adressés aux deux associations de communes afin de pouvoir mieux transmettre ces informations aux communes. Nous espérons pouvoir le faire dans le courant de cette année. 

Néanmoins, je vous rassure tout de suite : dans le système informatique qui permet de recenser les entreprises qui ne sont pas conformes, il n’y a actuellement aucune entreprise recensée. Dans les faits, le système marche si bien que les entreprises qui ont été attrapées ont pris le temps de se mettre à jour. Pour l’année écoulée, le BEFH peut annoncer de très bons résultats : à partir de cette année, deux entreprises – qui ne respectaient jusqu’alors pas l’égalité salariale entre les femmes et les hommes – vont verser un million supplémentaire par années à leurs collaboratrices. Ces deux entreprises ont accepté de se mettre à jour et c’est précisément ce que nous souhaitons : que les entreprises contrôlées et qui ne correspondent pas aux exigences se mettent à jour en faveur des femmes qui ne bénéficiaient pas de cette égalité salariale. 

Je souhaite aussi aborder la violence domestique et contre les femmes. En 2020, le Conseil d’Etat a adopté un plan d’action cantonal de mise en œuvre de la Convention d’Istanbul. Il se concentre sur les axes qui relèvent plus spécifiquement des compétences cantonales, à savoir la prévention, la protection et le soutien aux victimes qui relèvent plus des compétences cantonales. Dans les avancées à relever figurent un renforcement de la protection des femmes migrantes, le développement de campagnes et d’outils de promotion destinés aux jeunes, la création d’un observatoire de la violence domestique, ainsi que le renforcement de la prise en charge des victimes de violences sexuelles. 

Puisque j’ai abordé la thématique des violences domestiques, permettez-moi de revenir sur l’objet précédent de l’ordre du jour qui portait sur la violence domestique à l’encontre des femmes en statut de séjour précaire. J’aimerais rappeler que depuis 2022, le canton de Vaud a étendu à 60 jours l’hébergement en foyer pour la victime et ses enfants. Il a permis à ces personnes de bénéficier d’un entretien auprès du Service de la population (SPOP) pour connaître les probabilités de prolongation ou d’octroi d’un droit de séjour indépendant de celui du conjoint. Il a aussi permis de développer la possibilité de s’adresser au Centre social protestant (CSP) afin de bénéficier d’un accompagnement et de conseils. Une campagne de communication a également été développée afin de faire connaître ces mesures. 

Nous avons remis les chiffres à la commission jusqu’à fin octobre et nous les avons complétés. Je propose de remettre le document à Mme Minacci. En gros, depuis avril 2023, le SPOP relève désormais les chiffres liés aux victimes ayant un statut de séjour précaire ou sans statut migratoire. Néanmoins, ce monitoring ne peut pas toujours être précis, parce qu’il n’est pas forcément possible de savoir quelle est la situation exacte de ces personnes lorsqu’elles s’adressent à un endroit particulier pour obtenir de l’aide. D’avril 2023 jusqu’à fin 2024, les victimes sont au nombre de 118 ; ce sont des femmes à 94 %. 109 enfants ont subi des situations de violence domestique et 82 victimes étaient au bénéfice d’une autorisation de séjour B. Enfin, deux situations ont été présentées alors qu’elles relevaient du droit d’asile. 

La prise en charge se fait essentiellement par la fraternité du CSP Vaud et par le Centre d’accueil MalleyPrairie. Madame Minacci, je vous donne le détail relevé par le SPOP : sur les situations mentionnées tout à l’heure, 30 ont bénéficié d’un examen dans le cadre de ce dispositif pour savoir s’il était possible d’octroyer une autorisation ou non. Sur ce nombre, 19 propositions d’octroi d’une autorisation de séjour ont été transmises pour approbation au service fédéral du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) qui a rendu 14 décisions positives. Un refus a été prononcé par le SPOP et le SEM a proposé une admission provisoire. Il y a également eu un refus du SEM à la suite d’une proposition d’octroi par le SPOP. Madame Minacci, j’espère ainsi avoir pu apporter les chiffres que vous demandiez tout à l’heure.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 78 voix contre 57 et 3 abstentions.

Mme Joëlle Minacci (EP) —

Je demande un vote nominal.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui refusent la motion votent oui ; celles et ceux qui l’acceptent votent non ; les abstentions sont possibles.

Au vote nominal,le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 77 voix contre 57 et 4 abstentions.

* Insérer vote nominal 

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