23_REP_124 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Alexandre Démétriadès et consorts - L’association PRO-JET (entre autres ?) en danger : une menace pour l’insertion professionnelle et sociale dans l’Ouest vaudois (et dans le Canton ?). (23_INT_79).
Séance du Grand Conseil du mardi 8 avril 2025, point 18 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJe vais prendre un peu de temps pour commenter cette réponse, puisqu’il s’agit peut-être d’un cas particulier, mais qui appelle quelques préoccupations sur l’ensemble des structures similaires dans le canton. Avant toute chose, je tiens à déclarer mes intérêts comme vice-président de la fondation qui détient les locaux dans lesquels l’association PRO-JET était locataire. Pour rappel, l’association PRO-JET était une organisation à but non lucratif basée à Nyon, active depuis 25 ans dans les districts de Nyon et de Morges. Elle avait pour objectif d’accompagner socialement et professionnellement des jeunes et des adultes en difficulté. Au moment de mon interpellation, l’association comptait 60 collaboratrices et collaborateurs pour à peu près 160 bénéficiaires. Elle déployait 5 mesures d’insertion mises en œuvre avec la Direction générale de l’emploi et du marché du travail (DGEM), la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ), la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), l’Office d’assurance invalidité vaudois, le Semestre de motivation de La Côte (SEMOLAC) – qui s’occupe de l’orientation des jeunes de 15-25 ans – coaching-ado – relatif à l’insertion professionnelle pour les jeunes suivies par les institutions cantonales – l’accompagnement social personnalisé et l’apprentissage coordonné en entreprise et le Programme d’emploi temporaire pour les adultes (PET).
A l’époque, j’avais déposé ce texte en raison de l’existence de difficultés financières majeures. En 2022, une suppression de subventions cantonales pour deux programmes importants, notamment SEMOLAC et Net & Co – un programme d’emploi temporaire pour adultes – a été annoncée, avec pour résultat concret une perte d’un million de francs de subventions annoncée en 2022 pour le budget 2023, et une perspective de perte d’un million de francs de subvention sur 7 ans. Ces coupes faisaient suite à la baisse du taux de chômage et donc à des fonds fédéraux qui diminuaient de la part du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Très rapidement, le projet avait dû supprimer 3 ateliers et 6 postes de travail, renoncer à un projet avec la commune de Gland et allait faire face à des problèmes de pertes mensuelles prévues dès 2023. Concrètement, un risque de faillite de l’association se dessinait, PRO-JET n’ayant pas le droit de constituer des réserves, chaque bénéfice étant redistribué aux mandants. Elle avait des charges fixes, engagées sur du plus long terme que d’une année à l’autre, des loyers, des contrats potentiels qui restaient élevés. Malgré des investissements engagés pour de nouveaux locaux, une faillite était à craindre.
J’ai par conséquent posé plusieurs questions au Conseil d’Etat : quelle lecture de la situation faisait-il ? Quelles solutions voulait-il mettre en place pour éviter une faillite ? Envisageait-il des mécanismes pour permettre une stabilité financière à plus long terme pour ces associations ? Depuis, une solution a été trouvée en urgence pour reprendre plusieurs des prestations de PRO-JET par la coopérative DEMARCHE, une coopérative active sur l’ensemble du canton.
Dans sa réponse, le Conseil d’Etat reconnaît que PRO-JET a rencontré de fortes difficultés financières, mais en indiquant qu’elles n’étaient que partiellement liées à des baisses de mandats de l’assurance-chômage. Selon moi, la rédaction de la réponse met passablement l’accent sur des problèmes internes de gestion de l’association, ce qui m’a tout de même étonné, tant la situation à laquelle l’association a dû faire face était extrêmement compliquée. Sur le risque de faillite, le Conseil d’Etat déclarait prendre la situation au sérieux, tout en disant que PRO-JET est une association privée. L’Etat disait ne pas pouvoir s’immiscer dans la gestion de l’association, mais a quand même cherché à garantir la continuité des prestations pour les bénéficiaires. Le Conseil d’Etat évoque la solution retenue, à savoir un transfert des prestations vers une autre structure. Sur la question des financements transitoires ou de la création de réserves pour donner du souffle sur les différentes années, le Conseil d’Etat rejette clairement l’idée d’un financement transitoire ou de la constitution de réserves pour des associations de ce type, invoquant des contraintes légales et la nature annuelle des budgets. Enfin, relativement à la situation des autres structures dans le canton, le Conseil d’Etat indique ne pas avoir de vision complète sur d’autres prestataires, car ils sont indépendants. Il ne juge pas nécessaire de modifier les mécanismes actuels de collaboration et de financement.
Par conséquent, je tiens à souligner quatre problèmes que posent ces réponses. D’abord, j’estime que la réponse montre un certain manque d’autocritique sur la gouvernance des mandats. Bien que le Conseil d’Etat souligne les erreurs de gestion interne à une association, je considère qu’il élude toute remise en question de ses propres pratiques en tant que mandant, par exemple, la multiplication de mandats qui sont cloisonnés ou peu prévisibles dans l’avenir. Deuxièmement, la réponse montre une posture de grande rigidité sur le financement. En effet, le refus de mécanismes plus flexibles – comme la constitution de fonds de réserve ou de financement pluriannuel – ressemble à un manque d’anticipation dans un secteur par nature très instable, alors même que l’État reconnaît la nature fluctuante des besoins. Nous venons de l’évoquer, le taux de chômage a évolué entre-temps. N’oublions pas qu’il s’agit d’une structure qui a été sur le point de partir en faillite après 25 ans d’existence, à cause de baisses de subventions dues à une baisse du taux de chômage. Il est aisé de constater toute l’absurdité d’une telle faillite – si elle avait eu lieu – sans même parler des conséquences occasionnées sur les autres structures qui, par exemple, attendaient ces loyers pour pouvoir fonctionner – des structures à but non lucratif, je tiens à le préciser.
Ainsi, la réponse démontre une vision trop partielle de la précarité du secteur et des associations similaires. En affirmant ne pas avoir de visibilité sur les autres prestataires, le Conseil d’Etat semble, selon moi, se décharger de la responsabilité systémique de surveiller et de soutenir un secteur qu’il mandate et sur lequel il se repose pour des politiques publiques clés. Globalement, la réponse politique était beaucoup trop prudente et insuffisamment audacieuse. Plutôt que d’ouvrir un débat sur la sécurisation de ces structures d’insertion et de réinsertion en lien avec les mesures du marché du travail, le Conseil d’Etat se limite à une analyse au cas par cas, sans réflexion structurelle. Ainsi, je considère qu’il est vraiment important que nous trouvions des solutions, puisque si l’association en question avait fait faillite, cela aurait été extrêmement grave. Enfin, je réfléchis à un potentiel postulat sur la question, parce que des réflexions doivent être menées.
La discussion est ouverte.
Mon préopinant, Alexandre Démétriadès, a déjà donné des explications assez détaillées par rapport à PRO-JET. Je déclare mes intérêts comme membre du comité PRO-JET entre 2019 et 2024. Il est vrai que PRO-JET connaissait déjà quelques difficultés quand je suis arrivé. Un audit avait été mis en place, la taille de la structure entraînant des problèmes de gestion. L’audit évoquait la piste d’un manque de diversité des mandants. Or, le rapport indique plutôt un « trop ».
J’aimerais rappeler les buts de PRO-JET : aider les personnes en difficulté, principalement les jeunes – environ 1 millier dans le canton. Si ces personnes ne sont pas dans ce genre d’institutions, alors où sont-elles ? Il faut se poser la question. Car si on les retrouve ensuite entre les mains de la Commission des visiteurs, aux Léchaires, ce n’est pas une solution. Il faut vraiment se montrer attentif à ce qui se passe. Au niveau financier, ces structures sont liées au SECO. La Confédération envoie des fonds en fonction du taux de chômage en Suisse. Un mécanisme terrible pour une institution comme PRO-JET qui n’entretient pas de relation avec le chômage. En effet, il s’agit de jeunes qui sortent de scolarité, qui sont en difficulté. Quelle est leur relation avec le chômage ? Il serait peut-être intéressant de s’interroger sur la pertinence des interlocuteurs : est-ce le bon département ou est-ce que celui de la formation ne devrait pas s’impliquer également en faveur de ces jeunes qui quittent le système scolaire avec des difficultés.
Enfin, je tiens quand même à remercier ce groupe de travail institué par la conseillère d’Etat et par la DGEM, puisqu’il nous a permis de sortir de l’ornière. Les séances ont parfois été compliquées, mais nous avons pu trouver une solution avec la coopérative DEMARCHE. C’est une très bonne chose. Et, DEMARCHE s’est montrée très respectueuse avec PRO-JET et tout le travail effectué. Finalement, les grands vainqueurs de cet accord – ou de ce partenariat – sont les jeunes filles et garçons qui restaient sur le carreau, après leur scolarité, dans les régions de Morges et de Nyon. En effet, les orienter vers des structures géographiquement éloignées de ces régions se serait avéré très difficile, voire impossible.
Je voulais terminer ma prise de parole avec des éléments positifs, mais, malheureusement, DEMARCHE rencontre déjà des difficultés, notamment à cause du retrait de la compagnie qui proposait des vélos en libre-service à Nyon. DEMARCHE connait déjà des difficultés en ce qui concerne la logistique, l’entretien et la gestion de ces vélos en libre-service. Enfin, je vous demande de rester très attentifs à toutes ces personnes très peu visibles, qui sont confrontées à de grandes difficultés après leur scolarité, ces personnes qu’il s’agit absolument d’encadrer et valoriser avec bienveillance.
Il s’agit de tenir compte du fait que le financement pour ces jeunes s’opère par le biais de l’assurance-chômage, c’est-à-dire du droit fédéral. Or, l’assurance-chômage ne permet pas de faire des réserves : il n’y a pas de transitoire possible. En outre, si l’on ne recourt pas au financement par l’assurance-chômage, aucun autre financement n’existe actuellement.
PRO-JET avait aussi d’autres mandataires, notamment l’Office invalidité. A cet égard, la DGEM n’a pas de visibilité sur les mandats octroyés par le biais de l’AI. Pour le Conseil d’Etat, il était surtout important qu’aucun jeune ne soit laissé sur le carreau. C’est finalement la solution d’une reprise par DEMARCHE qui a pu être trouvée grâce à la DGEM. L’essentiel de la problématique reste relatif à ces jeunes. A l’évidence, nous pouvons discuter de la pertinence d’un financement cantonal. Actuellement, ce financement existe par le biais de l’assurance-chômage ; nous essayons de faire en sorte que cela permette d’apporter des solutions à ces jeunes dont vous vous préoccupez également.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Ce point de l’ordre du jour est traité.