24_INT_68 - Interpellation Joëlle Minacci et consorts au nom d'Ensemble à gauche et POP - Comment mettre en œuvre une politique de protection et d’accompagnement socio-éducatif des MNA? (Développement).

Séance du Grand Conseil du mardi 23 avril 2024, point 5 de l'ordre du jour

Texte déposé

Début 2024, une analyse externe sur la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) menée par Takt consulting Sàrl était publiée. Un rapport critique qui met en exergue que l’accompagnement socio-éducatif des mineurs requérants d’asile fait défaut et que le contrôle exercé par l’Etat est insuffisant1.

 

Selon l’expertise, l’EVAM met en œuvre une politique essentiellement migratoire au détriment d’une politique de protection des mineurs. Elle met en évidence une problématique structurelle de fond, qui impacte la prise en charge des mineurs dans son ensemble. Les deux expertes soulignent que l’EVAM n’applique pas la politique socio-éducative cantonale et agit ainsi «dans l’irrespect de la loi sur la protection des mineurs et de l’ordonnance sur le placement d’enfants».

 

Il est par ailleurs décrit que l’organisation de l’hébergement ne répond pas aux besoins d’accompagnement et de stabilité des mineurs, de par les nombreux déplacements de ceux-ci ainsi que le manque de temps nécessaire à disposition des professionnels dans le suivi des situations. 

 

Dans un article du 24heures2, une personne de l’équipe éducative explique:  «On se retrouve parfois avec des gamins de 14-15 ans, considérés comme autonomes, qui intègrent les appartements de transition et doivent se prendre en charge comme des adultes. Il y a régulièrement des décompensations. Certains partent en vrille et deviennent violents à cause de ces changements trop rapides (...). On nous pousse à les autonomiser et à les occuper par des activités à n’en plus finir, mais leur besoin d’être écouté individuellement n’est pas pris en compte.»

 

C’est aussi la composition de la hiérarchie qui fait l’objet d’une “forte insatisfaction” malgré le fait que les cadres soient «fortement investis dans leur mission», en particulier à cause d’un recours massif à du personnel sans formation sociale ni ancrage local. Au niveau des équipes, le personnel frontalier est passé de 34 équivalents plein-temps en 2021 à environ 200 aujourd’hui3 avec un recours excessif au personnel intérimaire et ne disposant pas de formation sociale non plus. Un phénomène qui s’explique par la difficulté à recruter du personnel local et formé du fait de conditions de travail éprouvantes, une situation sur laquelle le SSP alerte les autorités depuis 20174. Une grève avait d’ailleurs été menée en 2018 par le personnel de l’EVAM, conduisant à la mise en place d’un concept socio-éducatif qui a été enterré unilatéralement par la directrice du domaine MNA à l’EVAM dès sa mise en oeuvre5. Ainsi, la forte augmentation de mineurs non accompagnés depuis 2019 (un nombre multiplié par 10) qui a mis le secteur sous une forte pression n’explique pas à elle seule les constats de l’audit. 

 

L’audit relève encore une surveillance par l’Etat «incomplète, car elle ne couvre pas les aspects d’efficacité et de conformité, encore moins les aspects socio-éducatifs». Il suggère que le contrôle soit partagé entre le Département de l’économie, de l’innovation, de l’emploi et du patrimoine (DEIEP) et la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ). Le SSP demande pour sa part à l’Etat “que les mineurs non accompagnés soient pris en charge dans les foyers pour enfants en difficulté, gérés par la Protection de la jeunesse»6 et donc traités à égalité avec les autres enfants, indépendamment de leur statut.

 

L’audit débouche sur 46 recommandations, dont 31 sont urgentes à très urgentes. Le Conseil d’Etat a annoncé une série de mesures visant à répondre à celles-ci. Mais le SSP explique dans un communiqué7: “alors que le Conseil d’État assure, dans son communiqué de presse mais également dans sa communication au SSP, vouloir mettre en œuvre les recommandations du rapport, le Directeur de l’EVAM a déjà annoncé par e-mail à l’ensemble de son personnel, remettre en question la validité du rapport comme de ses résultats, qu’il considère comme « objectivement erronés ou incomplets, [basés] sur des hypothèses que nous ne partageons pas ». En annonçant la publication de l’analyse, il informe ainsi ses collaborateurs et collaboratrices, à contre-courant des déclarations du Conseil d’État, que « les recommandations ne seront pas mises en œuvre », semant ainsi une confusion totale au sein du personnel ». Le SSP rappelle également que l’EVAM a déjà fait l’objet d’un suivi du Conseil d'État et de la DGEJ pour non-respect des cadres légaux et normatifs cantonaux et fédéraux en matière d’accueil de mineurs en 2018 et soumis à un suivi pour une mise en conformité de la DGEJ, respectivement de son Unité de surveillance (UPPEC). 

 

J’ai donc l’honneur de poser au Conseil d’Etat les questions suivantes: 

 

  1. Le Conseil d’Etat valide-t-il la situation décrite par l’audit ainsi que les 46 recommandations ?

  2. Comment le Conseil d’Etat se positionne-t-il par rapport au mail envoyé par la direction de l’EVAM au personnel?

  3. Le Conseil d’Etat va-t-il prendre des mesures sur l’ensemble des 46 recommandations?

  4. Comment le Conseil d’Etat compte-t-il appliquer la politique socio-éducative cantonale dans le cas de l’accompagnement des MNA?

  5. Des mesures telles que des ressources supplémentaires pour renforcer la surveillance sur les foyer MNA ou une réponse aux difficultés de recrutement du personnel vont-elles être mises en oeuvre ?

  6. Que pense le Conseil d’Etat de la proposition que les MNA soient pris en charge dans les foyers gérés par la DGEJ?

  7. Face aux manquements répétés démontrés par l’EVAM dans sa prise en charge des MNA, et la mise en échec du précédent dispositif de mise en conformité et de surveillance, le Conseil d’Etat considère-t-il que l’EVAM reste un partenaire fiable pour la prise en charge de mineurs ?

 

 

1 https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/accueil/fichiers_pdf/2024_f%C3%A9vrier_actus/Analyse_Takt_domaine_MNA_EVAM_cav.pdf

2

https://www.24heures.ch/asile-un-audit-accable-le-traitement-des-mineurs-par-levam-593193539013

3https://www.24heures.ch/asile-un-audit-accable-le-traitement-des-mineurs-par-levam-593193539013

4https://vaud.ssp-vpod.ch/news/2024/dossier-mna-levam-se-moque-du-conseil-detat/

5https://vaud.ssp-vpod.ch/news/2024/dossier-mna-levam-se-moque-du-conseil-detat/

6 https://www.24heures.ch/asile-un-audit-accable-le-traitement-des-mineurs-par-levam-593193539013

7https://vaud.ssp-vpod.ch/news/2024/dossier-mna-levam-se-moque-du-conseil-detat/

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Laure JatonSOC
Jean-Louis RadiceV'L
Hadrien BuclinEP
Géraldine DubuisVER
Alexandre DémétriadèsSOC
Nathalie JaccardVER
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Marc VuilleumierEP
Elodie LopezEP
Julien EggenbergerSOC
Yannick MauryVER
Claude Nicole GrinVER
Romain PilloudSOC
Vincent KellerEP
Cendrine CachemailleSOC
Isabelle FreymondSOC
Martine GerberVER
Céline MisiegoEP
Sébastien KesslerSOC
Sandra PasquierSOC
Yves PaccaudSOC
Vincent BonvinVER

Document

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Joëlle Minacci (EP) —

Début 2024, une analyse externe menée par Takt consulting Sàrl était publiée au sujet de la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) par l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). Selon cette expertise, l’EVAM met en œuvre une politique essentiellement migratoire, au détriment d’une politique de protection des mineurs, ce qui impacte la prise en charge de ces derniers. Les deux expertes soulignent que l’EVAM n’applique pas la politique socio-éducative cantonale et qu’ainsi il agit dans l’irrespect de la Loi sur la protection des mineurs (LProMin) et de l’Ordonnance sur le placement d’enfants. Par ailleurs, l’organisation de l’hébergement ne répond pas aux besoins d’accompagnement et de stabilité des mineurs, du fait des nombreux déplacements de ceux-ci et du manque de temps nécessaire pour suivre les situations. La composition de la hiérarchie et des équipes est également questionnée, avec le recours massif à du personnel sans formation sociale ni ancrage local, mais aussi un recours excessif à du personnel intérimaire. Ce phénomène s’explique par la difficulté à recruter du personnel local et formé, du fait des conditions de travail – une situation sur laquelle le syndicat du service public (SSP) alerte les autorités depuis 2017 ! Une grève avait d’ailleurs été menée en 2018 par le personnel de l’EVAM, conduisant à la mise en place d’un concept socio-éducatif, mais celui-ci a été enterré unilatéralement par la directrice du domaine MNA à l’EVAM, dès sa mise en œuvre. Ainsi, la forte augmentation de MNA depuis 2019 – leur nombre a été multiplié par 10, ce qui a mis le secteur sous une forte pression – n’explique pas à elle seule les constats de l’audit.

L’audit relève encore que la surveillance de l’Etat est incomplète, car elle ne couvre pas les aspects d’efficacité et de conformité, et encore moins les aspects socio-éducatifs. L’audit suggère que le contrôle soit partagé entre le Département de l’économie, de l’innovation, de l’emploi et du patrimoine (DEIEP), l’Unité de pilotage d’autorisation et de surveillance des prestations socio-éducatives (UPAS) et que les MNA soient pris en charge dans les foyers pour enfants en difficulté gérés par la protection de la jeunesse, et ainsi traités à égalité avec les autres enfants, indépendamment de leur statut. L’audit débouche sur 46 recommandations, dont 31 sont urgentes et très urgentes.

Le Conseil d’Etat a annoncé une série de mesures visant à répondre aux recommandations. Pourtant, selon un communiqué du SSP, la direction de l’EVAM a annoncé à son personnel remettre en question la validité du rapport et que les recommandations ne seraient pas mises en œuvre. Le SSP rappelle que l’EVAM a déjà fait l’objet d’un suivi du Conseil d’Etat et de la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ) pour non-respect des cadres légaux et normatifs cantonaux et fédéraux en matière d’accueil des mineurs, en 2018, et est soumis à un suivi de la DGEJ, respectivement de son Unité de pilotage d’autorisation et de surveillance des prestations socio-éducatives (UPEC), désormais UPAS, pour une mise en conformité. Par cette interpellation, je souhaite que le Conseil d’Etat puisse réaffirmer les conclusions du rapport et expliquer plus finement de quelle manière il compte mettre en œuvre ses recommandations.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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