24_LEG_107 - EMPL modifiant la loi du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI) relative à la fin de la responsabilité solidaire en cas de séparation/décès pour les impôts, cantonaux et communaux, impayés nés durant la vie commune (1er débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 18 mars 2025, point 14 de l'ordre du jour
Documents
- Rapport de la commission - EMPL fin de la responsabilité solidaire (min.)
- Texte adopté par CE - EMPL modifiant la LI - fin responsabilité solidaire en cas de séparation pour les impôts - publié
- Rapport de la commission - EMPL fin de la responsabilité solidaire (maj.) avec annexes
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourDemande de modification de l'ordre du jour
A ce stade du débat, j’aimerais vous faire une proposition qui a fait l’objet d’une discussion entre nos départements : je vous propose de renvoyer ce point de l’ordre du jour – un point très important – à une séance ultérieure. Naturellement, c’est à vous de décider. En effet, l’article 84 de la Loi sur le Grand Conseil (LGC) donne la compétence de l’ordre du jour au Bureau du Grand Conseil et celle d’une modification de l’ordre du jour au Grand Conseil. Formellement, je vous demande si vous voulez traiter ce point de l’ordre du jour aujourd’hui ou si vous voulez le déplacer à une séance ultérieure. Je précise que cette demande ne concerne que ce point de l’ordre du jour et non pas les suivants.
Je comprends l’embarras de M. le conseiller d’Etat Borloz. Cependant, c’est un dossier qui traîne depuis 2019. Chaque année, environ 150 personnes sont concernées pour des montants conséquents. Le Conseil d’Etat n’a rien fait : il n’a pas prononcé de moratoire, il n’a pas mis ces cas en suspens. Il continue à appliquer cet article qui est indirectement discriminatoire. La loi doit entrer en vigueur au 1er janvier 2026 et nous avons vraiment traîné sur ce dossier. D’autres points de notre ordre du jour – notamment des motions – sont tout aussi importants, mais ils n’ont pas fait l’objet d’une demande de modification de l’ordre du jour. Je vous propose d’entamer le premier débat. Il n’y aura pas de demande de deuxième débat immédiat de notre côté. Le deuxième débat se fera en présence de la Mme la conseillère de l’Etat. Encore une fois, ce dossier a beaucoup traîné et il touche de nombreuses personnes. C’est un dossier important qui doit entrer en vigueur en 2026. Je vous demande d’entamer le premier débat.
En tant que président de la Commission thématique des affaires sociales (CTAS), je ne peux évidemment qu’abonder dans le sens de ma préopinante, puisque le travail a été fait. Je crois que par respect pour les personnes concernées – comme l’a dit Mme Thalmann, elles sont nombreuses – un premier débat aujourd’hui me semble indispensable, quitte à faire effectivement le deuxième débat un autre jour. Pour les personnes concernées, je trouve assez irrespectueux d’ajourner à nouveau cet objet qui traîne depuis un certain nombre d’années. Comme l’a dit mon collègue Gafner, c’est un de ces fameux serpents de mer. Aujourd’hui, je pense qu’il faut lui couper la tête.
Je vous invite aussi à commencer le premier débat aujourd’hui, même si l’on peut comprendre que la configuration n’est pas idéale. Mes collègues l’ont rappelé, ce dossier est sur la table et attend d’être traité depuis déjà longtemps. Il faut que sa mise en œuvre ait lieu rapidement. Dès lors, il est important que ce dossier ne pâtisse pas de l’organisation du Conseil d’Etat et que nous puissions aller de l’avant.
Pour cet objet, je m’aperçois qu’il y a un rapport de majorité et un rapport de minorité. Dès lors, je pense qu’il est indispensable que la personne responsable soit présente. Cela peut arriver à n’importe quel conseiller d’Etat d’être malade. Je vous propose donc de sursoir cet objet, nous ne sommes pas à une quinzaine de jours près.
Si nous devions reporter ce point de l’ordre du jour, peut-on nous dire quand il pourra être traité ? La semaine prochaine, celle d’après, une fois que Mme la conseillère d’Etat sera à nouveau en forme ? Effectivement, il y a un rapport de majorité et de minorité, j’aspire quand même à ce que la personne en charge du dossier soit présente. Monsieur le conseiller d’Etat, je ne doute pas de vos compétences, mais je pense que cela serait plus sage. Il s’agit tout de même d’un dossier délicat pour lequel les directions qui seront prises auront des effets de manche relativement importants. Il me semble que la conseillère d’Etat en charge de ce dossier devrait être présente.
Peut-on me dire approximativement quand nous pourrions commencer le premier débat ? Nous pourrions ainsi prendre une décision en toute connaissance de cause.
Monsieur le député, dès le retour de Mme la conseillère d’Etat en charge de ce dossier – et en fonction de sa disponibilité – nous remettrons ce point à l’ordre du jour. Monsieur le député, je suis désolé, mais je ne peux pas m’avancer davantage aujourd’hui.
J’abonde dans le sens des propos de Mme Thalmann. J’aimerais néanmoins poser une question de fond de manière pragmatique : si nous décidons que ce point de l’ordre du jour doit être agendé à une future séance à laquelle Mme la conseillère d’Etat pourra participer, ne serait-il pas préférable de reporter tous les points qui concernent le Département des finances et de l’agriculture (DFA) ? En effet, ce n’est pas le seul point de l’ordre du jour de ce département qui comprend un rapport de majorité et de minorité. (Réactions dans la salle.)
Madame la députée, proposez-vous de modifier entièrement l’ordre du jour de ce matin ? Si c’est le cas, je mettrais cette proposition en discussion.
Ce n’est pas ce que je voulais dire, il y avait une toute petite pointe d’ironie dans mes propos. Néanmoins, je ne vois pas pourquoi les arguments pour enlever ce point ne seraient pas valables pour tous les autres points de l’ordre du jour concernant ce département dans lesquels il y a un rapport de majorité et de minorité. Si l’on décide que ce point ne peut pas être traité ce matin, selon moi, cela veut dire que tous les points concernant ce département pour lesquels il y a un rapport de majorité et de minorité ne devraient pas être traités ce matin, en l’absence de Mme la conseillère d’Etat.
Il me semble que, dans l’organisation du Conseil d’Etat, des suppléances existent pour suppléer une conseillère d’Etat ou un conseiller d’Etat absent et permettre que les débats puissent se mener en l’absence d’une personne. Il se trouve que M. Borloz est suppléant pour le DFA, il est présent ce matin et il devrait pouvoir assumer ce débat en l’absence de Mme Dittli. Dès lors, ce sujet important doit être traité aujourd’hui, puisque la personne qui assume la responsabilité de la suppléance pour ce département est présente. Par ailleurs, j’imagine que, pour soutenir M. le conseiller d’Etat suppléant sur ce dossier, il devrait pouvoir compter sur la présence des responsables de la Direction de la fiscalité. Dans ce contexte, les débats devraient pouvoir se passer sereinement.
Deux questions me viennent à l’esprit. Est-ce que M. Borloz a l’intention, pour chaque point de l’ordre du jour concernant le DFA, de nous faire la surprise de demander un report de l’objet ? Par ailleurs, on s’étonne de l’absence de Mme Kellenberger qui est aussi responsable pour ce dossier. Il y a quand même beaucoup d’interrogations… Cela mis à part, je pense que ce n’est pas une raison pour reporter cet objet. Cet objet est important et plonge de nombreuses personnes dans la nécessité. Depuis 2019, le Conseil d’Etat n’a rien fait, il a continué à appliquer l’article 14 ; il a continué à plonger femmes et hommes dans la nécessité. Néanmoins, il a ensuite compris qu’il fallait y mettre fin – la proposition vient d’ailleurs de lui. Nous devons maintenant aller de l’avant et je vous invite à refuser cette motion d’ordre afin que nous puissions traiter cet objet ce matin.
À l'instar de ma collègue Minacci, je pars du principe que notre Conseil d'État fonctionne efficacement. Si M. Borloz se présente pour aborder ce dossier, je suis convaincu qu'il est prêt à le prendre en charge et je n'ai aucun doute sur ses capacités.
Est-ce que M. Borloz peut nous donner un horizon temporel pour le traitement de cet objet ? (Réactions dans la salle.) Je sais que la question a déjà été posée, mais nous avons besoin de certitude.
Premièrement, dans ma première intervention, j’ai bien précisé que je ne faisais cette demande que pour ce point de l’ordre du jour. Deuxièmement, il est très difficile pour les personnes qui sont derrière moi d’annoncer à quelle date cet objet pourrait être inscrit à l’ordre du jour. Le président du Grand Conseil l’a dit, il ne peut pas apporter de réponse précise à cette question. Troisièmement, j’ai précisé précédemment que je remplaçais Mme Dittli pour une absence de maladie de courte durée. Tout est réuni pour que vous puissiez faire votre choix. C’est un peu dommage de faire un débat sur le débat... Ce n’est pas difficile, soit vous acceptez cette motion d’ordre soit vous la refuser.
Mme Thalmann, j’ai déjà répondu quand M. Jobin m’a posé la question : nous ne pouvons pas être plus précis aujourd’hui.
La demande de modification de l'ordre du jour est refusée par 99 voix contre 25 et 10 abstentions.
Nous allons donc entamer le premier débat sur ce projet de loi.
Premier débat
En guise d’introduction, la cheffe du Département des finances et de l’agriculture évoque différents objets parlementaires déposés au Grand Conseil relatifs à la problématique, notamment une réponse à une simple question de Mme Thalmann, distribue différents documents et renvoie à des articles parus dans les médias. Par ailleurs, elle rappelle que plusieurs arrêts du Tribunal fédéral (TF) ont déjà confirmé que la pratique vaudoise n’engendre pas de discrimination directe ou indirecte à l’égard des femmes. Nonobstant, le Conseil d’Etat propose un changement de législation, puisqu’il estime que la loi vaudoise devrait être alignée sur les pratiques de presque tous les cantons suisses, ainsi que de la Confédération. De surcroît, la conseillère d’Etat rapporte que plusieurs associations examinent la recevabilité d’un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour faire reconnaître le caractère discriminatoire de la loi vaudoise envers les femmes.
En 2021, le nombre de poursuites concernant les couples durant l’année civile s’élevait à 7579, parmi lesquels 6662 faisaient ménage commun et 917 étaient séparés. S’agissant des poursuites initiales adressées au premier membre du couple (contribuable 1, CTB 1), en 2021, 719 concernaient des hommes et 8 des femmes. Si l’intégralité de l’impôt dû n’a pas été payée par le CTB 1, les poursuites sont ensuite adressées aux deuxièmes membres du couple (CTB 2), soit 7 hommes et 183 femmes en 2021. Le chef de la Division de la taxation et de la Direction générale de la fiscalité (DGF) souligne le fait que la solidarité s’applique à partir du moment où une poursuite est lancée contre l’un ou l’une des conjoints. Dès lors, la pratique du canton de Vaud n’est pas tout à fait égalitaire, puisqu’il conviendrait de mener systématiquement des poursuites auprès des deux contribuables, alors que la pratique consiste à demander en premier lieu le paiement des arriérés d’impôt auprès du CTB 1, lequel est dans 80% des cas l’homme, pour les couples séparés, un chiffre qui se monte à 95% pour les couples qui ne sont pas séparés. A cela, la conseillère d’Etat ajoute que les taxateurs et taxatrices sont conscients et sensibilisés au fait que les situations compliquées existent, puis elle assure que l’Administration cantonale des impôts (ACI) traite ces cas avec beaucoup d’attention.
Au cours de la discussion générale, il est précisé que les chiffres fournis rendent compte du nombre de poursuites déposées chaque année et peuvent de ce fait concerner parfois les mêmes couples. Par ailleurs, il est indiqué que l’ACI agit contre le second contribuable dès réception de l’acte de défaut de biens du premier et qu’à la cessation de la solidarité, la part de chacun des contribuables sera calculée et devra être due. Si le CTB 1 n’a pas payé ses arriérés, c’est le CTB 2 qui sera poursuivi pour la totalité. Au cas où aucun ou aucune des deux ne paye sa part, deux poursuites vont être ouvertes, l’une à l’encontre du CTB 1, à savoir l’homme, l’autre contre le CTB 2, c’est-à-dire la femme. La DGF estime que l’engagement de quatre équivalents temps plein (ETP) de type juridique/contentieux serait ainsi nécessaire pour un coût global annuel de 580’000 francs.
En complément, il est ajouté que le traitement du calcul d’impôts par personne n’existe pas dans le système vaudois, puisqu’il y a une fiscalité de couple directe. Il serait ainsi nécessaire de procéder manuellement à une analyse de la plupart des postes de la déclaration d’impôts qui ne sont pas individualisés, ce qui montre la difficulté de mettre en place un tel système de manière informatique et automatisée. Comme il y a environ 2700 séparations annuelles, cela signifierait l’engagement de très nombreuses ressources humaines, indépendamment du fait que les calculs risqueraient d’être contestés. Cependant, il est aussi fait remarquer que des cantons sont parvenus à mettre un tel système en place avec l’impôt fédéral direct.
Finalement, il est spécifié que la loi d’application dans le canton de Vaud de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillites (LVLP) devra être adaptée, nécessitant ainsi une information à l’attention de l’Ordre judiciaire et des différents mandataires – avocats et avocates ou fiduciaires.
L’examen point par point de l’exposé des motifs a principalement mis en lumière trois aspects du changement légal. Premièrement, pour la taxation des indépendants et indépendantes, un nouveau système devrait être élaboré. Deuxièmement, l’article 277m, intitulé « Responsabilité des époux », a été amendé tel que précisé plus loin. Troisièmement, les modifications du système d’information fiscale informatisé seront entièrement couvertes par le biais du projet de décret « Métamorphose 2030 ».
J’en arrive à la discussion sur le projet de loi et aux votes de la commission, notamment l’article 14 « Responsabilité et responsabilité solidaire ». Lors de la discussion de détail du projet de loi, il est précisé que la notion de « ne plus vivre en ménage commun » peut signifier habiter sous le même toit, mais dans un appartement séparé par une porte. De plus, les cantons sont soumis au principe de la force dérogatoire du droit fédéral et de la jurisprudence. Ainsi, le TF a mis l’accent sur l’importance de vivre dans deux endroits différents, mais également de ne plus faire caisse commune, à savoir qu’il n’y ait plus d’unité de moyens et d’entretien. Par 13 voix et 2 abstentions, la commission a accepté l’article 14.
Pour l’article 49 « Prestations au capital provenant de la prévoyance », la discussion n’a pas été sollicitée. Par 13 voix et 2 abstentions, la commission a accepté l’article 49.
L’article 277m « Responsabilité des époux » a été amendé. Au sujet de la teneur de cet article, proposition est faite que les modifications légales interviennent dès l’année 2025 – et non pas seulement en 2026. D’après l’administration, des modifications informatiques devant intervenir au 1er janvier 2026 rendent une telle application impossible, comme le confirme la représentante du gouvernement. De fait, l’administration avance qu’elle ne dispose pas d’informations claires sur les possessions et les droits et déductions de chaque membre du couple. Si des décisions devaient être rendues déjà pour 2025, l’ACI aurait alors deux possibilités, soit instruire manuellement chaque dossier en demandant des pièces à l’ensemble des couples qui se séparent, ou de répartir par moitié ces éléments entre les conjoints, ce qui risque de poser un problème au niveau légal. Le programme informatique ayant été créé pour l’unité du couple, l’administration ne possède actuellement pas les bons outils pour envisager une telle solution. Quant à la possibilité de suspendre les dossiers en cours ou l’introduction d’un moratoire jusqu’à l’entrée en vigueur des modifications légales, elle se voit également rejetée. De même, un effet rétroactif paraît, aux dires de l’administration, inapplicable, malgré certaines tolérances du TF dans des situations très strictes. Au terme de ces échanges, l’amendement suivant est finalement déposé.
« Art. 277m. – Al. 1 : L’article 14, alinéa 1, 2e phrase est applicable aux époux dont la séparation (art. 10) intervient dès la période fiscale 2025
2026. Pour les époux dont la séparation (art. 10) intervient antérieurement et jusqu’à l’année 20242025y comprise, l’article 14, alinéa 1 dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2025 demeure applicable. »Par 8 voix contre 7 et aucune abstention, la commission a refusé cet amendement. Dans la foulée de ce vote, un autre amendement est déposé.
« Art. 277m. – Al. 1 : L’article 14, alinéa 1, 2e phrase est applicable aux époux dont la séparation (art. 10) intervient dès la période fiscale 2026, avec un effet rétroactif fixé au 1er janvier 2025. Pour les époux dont la séparation (art. 10) intervient antérieurement et jusqu’à l’année 2024
2025y comprise, l’article 14, alinéa 1 dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2025 demeure applicable. »Par 7 voix contre 7 et 1 abstention, grâce à la voix prépondérante du président, la commission a accepté cet amendement. En vote final, la commission a accepté l’article 277m par 8 voix contre 7 et aucune abstention.
A l’article 2, pour être conforme avec la précédente modification acceptée par la commission, l’amendement suivant est ajouté :
« Art. 2. – Al. 1 : Les articles 14 alinéa 1, 49 alinéa 5 et 277m de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2026, avec un effet rétroactif fixé au 1er janvier 2025. »
Par 7 voix contre 7 et 1 abstention, grâce à la voix prépondérante du président, la commission a accepté cet amendement. En vote final, la commission accepte l’article 2 par 8 voix contre 7 et aucune abstention, grâce à la voix prépondérante du président. Par 13 voix et 2 abstentions, la commission a accepté l’article 3.
En vote final, la commission recommande au Grand Conseil d’accepter ce projet de décret par 8 voix contre 7 et aucune abstention. La commission recommande au Grand Conseil d’accepter l’entrée en matière sur ce projet par 8 voix et 7 abstentions. Au vu des résultats des votes, un rapport de minorité a été rédigé par mon collègue Cédric Weissert.
La minorité de la commission s’oppose aux deux amendements déposés durant cette commission et acceptés grâce à la voix prépondérante du président. La minorité de la commission estime qu’un effet rétroactif constitue une inégalité entre des contribuables divorcés qui se sont acquittés de leur dû et ceux qui ont des soldes d’impôt non payés. La minorité rappelle que chaque contribuable est redevable des impôts dus et que ce changement de loi instaure déjà un abandon de la créance résiduelle au CTB 2.
Même si la minorité ne s’oppose pas à ce projet de loi, elle reste néanmoins sceptique sur les effets réels et met en garde contre le risque de créer un système si complexe qu’il ne résoudra pas plus de cas qu’il n’en crée, puisque le calcul des répartitions entre époux sera très compliqué à définir et le potentiel de cas de recours très important, sans compter les ressources non négligeables que l’Etat devra mobiliser – cela a d’ailleurs été rappelé dans le rapport de majorité. Nous n’avons pas de chiffres sur ces impacts qui risquent d’être fort importants. A ce titre, la minorité aimerait savoir quels sont les coûts qu’engendrerait un effet rétroactif, tant d’un point de vue financier que du point de vue des potentiels engagements du personnel de l’Etat.
En conclusion, la minorité de la commission propose au Grand Conseil de refuser les deux amendements acceptés en commission et si l’un des deux ou les deux devaient être acceptés par le plénum, la minorité se réserve la possibilité de refuser ce projet de loi.
La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.
Je remercie le Conseil d’Etat de nous soumettre enfin une modification légale qui permet de mettre un terme à cette solidarité fiscale dans notre canton. Le projet prévoit de mettre un terme à cette solidarité fiscale en 2026, alors même que les chiffres officiels produits pour 2019 à 2021 démontrent que 97% des victimes des poursuites solidaires sont des femmes, que la loi vaudoise les touche de manière disproportionnée, qu’elle est donc discriminatoire à leur égard et par conséquent fondamentalement inconstitutionnelle. Je vais donc déposer des amendements afin que l’on puisse revenir à 2014, moment où la discrimination indirecte a été dénoncée. Cette demande se base sur un arrêt du TF qui date de 2021 et qui indique que toute discrimination donne droit à ce que la personne victime de cette discrimination puisse voir son cas être revu par l’administration qui a été discriminatoire. Je déposerai un second amendement à l’article 14 par rapport à la solvabilité –j’y reviendrai au moment où nous traiterons de cet article.
Enfin, j’aimerais quand même souligner le fait que l’on ne connaît pas le montant concerné. Ce n’est pas faute de l’avoir demandé : nous l’avons fait à plusieurs reprises, mais nous n’avons jamais obtenu de réponse à ce sujet – et c’est bien dommage. Toujours est-il que cette loi est discriminatoire, elle viole la Constitution et il faut donc revenir à 2014, indépendamment du coût que cela pourrait occasionner.
La majorité du groupe PLR soutient et salue ce projet de modification de la loi. Toutefois, on peut s’étonner que cet objet ait été traité par la Commission des affaires sociales et non par la Commission des finances. Ceci d’autant plus avec le dépôt des amendements de Mme Thalmann qui, je le précise, n’ont pas été traités par la commission. De ce fait, nous vous invitons à suivre la position du rapport de minorité.
Si elle est acceptée, la loi que nous voterons aujourd’hui mettra enfin fin à la loi discriminatoire touchant essentiellement les femmes et violant les principes de la Constitution. En effet, son article 8, alinéa à 2, stipule que nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques, politiques, ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique. J’ai dit « enfin », car cela fait depuis plusieurs années que le Grand Conseil a demandé de faire cesser immédiatement cette discrimination, mais depuis rien n’a encore bougé, continuant ainsi de toucher des personnes et essentiellement des femmes. C’est pourtant depuis 2014 – donc plus de 10 ans – que le caractère injuste et discriminatoire de la loi a été pointé du doigt et porté à notre connaissance. Le groupe Ensemble à Gauche et POP maintiendra aujourd’hui son soutien à cette loi et il soutiendra également les deux amendements qui seront proposés en plénum par notre collègue Thalmann. Nous soutiendrons l’amendement sur la rétroactivité, puisqu’après les discussions que nous avons eues en commission, nous nous sommes rendu compte que les différents arguments avancés par le Conseil d’Etat pour ne pas entrer en matière sont contraires à la jurisprudence. Nous soutiendrons également le deuxième amendement demandant la fin de la solidarité en cas d’insolvabilité d’un des époux.
J’aimerais revenir sur la déclaration de la présidente du Conseil d’Etat qui nous a rappelé que le respect et l’égalité étaient des valeurs centrales dans ce canton autour desquelles se fédérer pour bien vivre ensemble. Nous interviendrons à nouveau lorsque nous discuterons de ces amendements.
A maintes reprises, j’ai exprimé mon désaccord sur cet objet inscrit à l’ordre du jour, mon avis est donc connu. Ce n’est pas parce qu’une idée est répétée à l’envie qu’elle devient bonne, ni parce qu’elle est reprise par la Confédération et par quasi l’intégralité des cantons d’ailleurs. Si je comprends les arguments menant à la proposition qui nous est soumise aujourd’hui, je n’y adhère toujours pas. Je ne vais pas refaire le débat, je me contenterai de rappeler que l’on parle ici d’impôts impayés. Quel que soit leur genre ou leur situation, les personnes qui se trouvent confrontées à la problématique qui fait l’objet de nos débats n’ont pas payé leurs impôts lorsqu’elles auraient dû le faire, contrairement à la très grande majorité des Vaudoises et des Vaudois qui respectent ces échéances fiscales. S’il ne devait subsister qu’un seul vote divergent, ce sera le mien. Je garde mes convictions et continue à soutenir le contribuable vaudois qui paye ponctuellement ses impôts et afin qu’il en paye le moins possible.
Le groupe des Verts vous recommande d’entrer en matière sur ce projet de loi et de suivre le rapport de majorité. En effet, il est important aujourd’hui de modifier cette loi qui est discriminatoire à l’égard des femmes. En effet, 97 fois sur 100, ce sont des femmes qui sont appelées en solidarité et mises aux poursuites en deuxième instance. De plus, ces poursuites solidaires sont injustes, car elles obligent des femmes à payer des sommes conséquentes allant de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliers de francs, qui concernent soit des arriérés d’impôts sur des revenus encaissés par l’époux ou ex-époux, soit des rappels d’impôts consécutifs à une fraude fiscale dont l’ex-époux ou l’époux s’est rendu coupable seul et pour lequel il a seul été condamné pénalement. Afin de mettre un terme à cette pratique injuste et violente, je vous remercie d’accepter l’entrée en matière sur cette modification de loi et de suivre le rapport de majorité.
Cela a été dit à maintes reprises, il s’agit d’une technique fiscale extrêmement discriminatoire. J’irai même plus loin, il s’agit d’un procédé fiscal patriarcal, dans la mesure où c’est encore et toujours aux femmes d’essuyer les plâtres de leur ex-époux. Cette solidarité fiscale est tellement inégalitaire que l’on aurait pu renommer l’article « Responsabilité de l’épouse » à la place de « Responsabilité des époux » pour coller un peu mieux à la réalité des chiffres.
Dans ce débat sur l’entrée en matière, il y a un argument sur lequel je souhaite revenir : nous avons entendu dire « c’est compliqué » – ou « c’est complexe », pour reprendre les termes de M. Weissert. Est-ce que c’est vraiment compliqué ? Finalement, c’est un travail qu’a dû faire l’administration fédérale des impôts quand le mécanisme a été mis en vigueur dans l’impôt fédéral direct (IFD) – cela a été évoqué par M. Mojon. Chers collègues, si tant est que cela soit compliqué, n’estimez-vous pas qu’il y a un partage des efforts à faire ? Aujourd’hui, plusieurs milliers d’épouses ou d’ex-épouses sont tenues de se serrer la ceinture, de faire des plans de paiement pour régler les dettes fiscales de leur ex-époux, de renoncer à partir en vacances. Elles se retrouvent dans des situations extrêmement précaires pour faire cet effort en application du droit vaudois à l’heure actuelle. Ne peut-on pas estimer que, face à cet effort constant depuis plusieurs années, l’administration des impôts ne pourrait fournir des efforts – notamment des efforts techniques – pour revoir son système basé sur la solidarité fiscale des époux ? A mon avis, l’argument de la complexité de la tâche est inaudible, vu les conséquences que cela entraine pour bon nombre de personnes dans le Canton de Vaud. A mon sens, il faut absolument mettre fin à cette pratique. La pierre d’achoppement sera certainement la formulation finale de la disposition d’entrée en vigueur. Lors du traitement de cet article, je déposerai un nouvel amendement à ce sujet. A mon avis, cet amendement purgerait une partie du débat sur la rétroactivité.
Effectivement, les femmes sont les plus touchées : 97 %, c’est le chiffre qui me reste en tête. En 2019 et 2021, sur 525 poursuites solidaires adressées à des personnes séparées ou divorcées, 510 concernaient des femmes et seulement 15 des hommes. Cela prouve que ce chiffre de 97% n’a pas été inventé : les cas de poursuite solidaire touchent les femmes en particulier. Il s’agit de chiffres officiels, communiqués par le Conseil d’Etat, le 9 octobre 2024.
Pour le moment, je vais soutenir le rapport de minorité. J’aimerais néanmoins savoir s’il serait possible de chiffrer les coûts d’une rétroactivité de 10 ans. En extrapolant, 510 dossiers par année, cela fait 5000 dossiers pour 10 ans. Quel serait le manque à gagner pour le canton ? Combien de personnes devraient être engagées ? C’est cette question qui va nous tenir en haleine. Sur le fond, mon parti est d’accord pour faire quelque chose, mais il faut savoir si la rétroactivité portera sur 1, 2, 5 ou 10 ans – ou pas du tout. La question pourrait être résolue si l’on nous donnait précisément ces chiffres, mais personne ne les a. En tout cas, je n’ai rien trouvé dans le rapport – mais il faut peut-être que je change de lunettes. Cette question va cristalliser nos débats. C’est un peu dommage, si nous avions des chiffres clairs, nous aurions pu nous positionner : d’accord ou pas d’accord ; une rétroactivité de 2 ans, 3 ans ou pas du tout. Dans mon entourage, des proches ont été touchés par cette problématique. Ce sont des dossiers compliqués, parfois humainement intolérables. Or, nous sommes en train de compliquer encore plus la machinerie, parce que nous n’avons pas ces chiffres. Je vous le dis franchement, c’est ce qui me frustre le plus dans ce dossier.
Finalement, mon chef de groupe m’a autorisé à dire que notre groupe entrera bien entendu en matière sur ce projet de loi. Néanmoins, tant que nous n’aurons pas de chiffres, tant que nous ne connaitrons pas les incidences réelles pour le canton, nous soutiendrons le rapport de minorité.
Permettez-moi de dire à notre collègue Mojon qu’il y a encore beaucoup d’épouses qui ne connaissent pas la situation fiscale du ménage. Je vous donne deux exemples. Vendeuse, elle a la garde exclusive de ses deux enfants. Epuisée et étranglée par les soucis financiers, elle s’est adressée à l’Association des familles monoparentales ou recomposées, que je remercie pour ses témoignages. La mère n’a su qu’après son divorce que son ex était endetté et qu’il n’était pas solvable. Les poursuites se sont tournées vers Mme. Une saisie sur son salaire ne lui laisse qu’un strict minimum pour survivre avec ses enfants. Pour une autre maman de deux jeunes enfants, les créances impayées auprès de l’Office des impôts totalisent plus de 14’000 francs. Travaillant dans un centre d’accueil de jour, elle est séparée du papa qui a souffert d’un AVC et se trouve sous curatelle, ne pouvant plus gérer ses affaires. Mme a appris alors qu’il avait contracté des dettes et elle doit désormais les rembourser, étant considérée comme solidairement responsable. La maman ne peut verser pour cela que 100 francs par mois, condamnant ses enfants et elle-même à subsister des années. Vous le savez, il y a des centaines d’autres détresses qui perdurent. Nous vous invitons à entrer en matière et à décider d’une mise en vigueur rétroactive.
J’aimerais reprendre deux ou trois éléments qui ont été présentés. M. Mojon parle d’impôts impayés pour les personnes qui se trouvent confrontées à cette problématique. Non, monsieur Mojon, vous pouvez être marié sous le régime de la séparation de biens – c’est-à-dire ne rien avoir touché de ce que votre ex a touché – et vous retrouver à devoir payer ses impôts. Monsieur Mojon, cette femme a payé ses impôts, mais on lui demande ensuite de payer ce que doit son mari. L’Etat n’a qu’à se retourner contre son mari, c’est lui qui n’a pas payé ses impôts. Elle, elle n’a jamais rien touché, elle n’a bénéficié de rien. Des jugements peuvent aussi stipuler que les deux conjoints payent 50% de la dette fiscale. Que se passe-t-il si une personne paie ses 50% mais l’autre pas ? Le fisc se retourne contre cette personne en lui disant : « Ma foi, tant pis, vous avez décidé de cela ». Il y a une décision du juge, mais l’article 14 dit que vous devez payer, même si vous vous êtes mis d’accord, même si vous avez payé votre part. Monsieur Mojon, on ne parle pas de personnes qui n’ont pas payé leurs impôts. On parle de personnes qui ont payé leurs impôts ponctuellement, qui ont payé ce qu’elles devaient. Ce sont des personnes contre lesquelles on se retourne pour qu’elles paient la part de leur mari qui a effectivement encaissé l’argent sur lequel on prend ces impôts. Ces personnes ont aussi le droit de vivre, elles ont le droit de payer uniquement leurs propres impôts et pas ceux de leur conjoint qui a bénéficié de l’argent qui a été encaissé.
Monsieur Jobin, il est compliqué de connaitre les chiffres que vous demandez. Cela fait des années que l’Association des familles monoparentales et recomposées et l’Association des droits de la femme demandent ces chiffres au Conseil d’Etat . Elles ont dû activer la Loi sur l’information, elles ont dû activer l’ombudsman de l’administration qui a dû intimer au fisc d’effectuer son travail. Néanmoins, nous n’avons toujours pas ces chiffres. Certes, c’est un problème, mais nous ne pouvons rien y faire. L’administration détient ces chiffres, mais nous ne les avons pas. En ce qui concerne le nombre de personnes concernées, nous parlons d’environ 500 personnes sur 3 ans. Monsieur Jobin, c’est tout ce que nous savons.
Par ailleurs, il est assez étonnant de dire qu’il est difficile de retrouver ces gens… En effet, la poursuite qui arrive à la maison stipule que, selon l’article 14, la cosolidarité fiscale a été activée et la personne doit payer cette somme parce que son conjoint a fait défaut. L’argument qui consiste à dire « c’est compliqué, on ne sait pas comment faire, il va devoir mettre des gens là-dessus » est donc assez incompréhensible, dans la mesure où cette poursuite arrive à la maison.
Tout cela pour dire que nous sommes dans une situation assez ubuesque, avec une administration qui ne nous répond pas, qui ne nous donne pas de chiffres, qui fait le mort en quelque sorte. Ensuite, on nous demande combien de personnes sont concernées ou combien cela va coûter au canton. Dans les faits, le montant concerné est un non-objet, parce qu’il s’agit d’un droit. Comme il y a eu une violation de la Constitution, ces personnes ont droit à voir leur cas revu ; elles ont droit à la justice, peu importe le coût, que ce soit 10 ou 50 millions. Monsieur Jobin, il s’agit d’une injustice et il faut la réparer. La question du montant est un non-objet.
A la suite de ces différentes prises de parole, il me semble important de rappeler un fait : au sein d’un couple – je ne parle pas que du mien, mais de manière générale – une forme de confiance s’établit et, dans cette confiance, il y a aussi la question économique. Au sein d’un couple hétérosexuel – je prends cet exemple, parce que c’est celui que je maîtrise le mieux – la question économique est souvent gérée par M. Dans une nette majorité des cas, c’est M. qui va remplir la déclaration d’impôt, c’est M. qui va gérer l’administratif en lien avec cette déclaration. Est-ce un problème d’égalité ? Oui. Est-ce que chaque ménage fait bien ce qu’il veut ? Oui, mais cette réalité a comme conséquence que beaucoup de femmes n’ont aucune visibilité sur la santé financière de leur ménage et sur les éventuelles dettes d’impôt existantes. Au moment du divorce, ces dettes leur tombent dessus. Est-ce un problème de prise en main de son patrimoine et de son matrimoine et faudrait-il inciter les femmes à obtenir plus de connaissances sur ces questions ? Je peux l’entendre, mais le principe de solidarité dont nous discutons est un principe discriminatoire qui va engendrer une discrimination d’autant plus forte en lien avec cette inégalité et cette dépendance économique qui est une vraie réalité au sein de la majorité des ménages hétérosexuels que compte le canton de Vaud. Cette dépendance économique – ce gender gap – est une chose contre laquelle il faut effectivement lutter pour apprendre aux femmes à gérer leur patrimoine, à poser des questions à leur mari et ne pas seulement lui faire confiance aveuglément. Cela ne relève pas que du politique, cela relève aussi de l’ordre de l’éducationnel. J’en suis bien consciente, mais je pense que nous avons ici une occasion d’entrer en matière et de soutenir la fin d’une discrimination qui n’a pas lieu d’être.
Je comprends aussi la demande concernant les chiffres. Ces chiffres devraient être présentés par le Conseil d’Etat, mais je pense que cela ne doit pas être un principe qui nous arrête, parce que des familles – et en particulier les familles monoparentales – sont fortement touchées par cette discrimination qui n’a pas lieu d’être en regard de nos principes de droit. Je vous invite donc à entrer en matière sur ce projet de loi, et surtout à soutenir la fin de ce principe de cosolidarité qui n’a pas lieu d’être.
Je vais revenir sur une question récurrente dans ce débat : les chiffres. C’est quelque chose qui m’importe toujours et je dois avouer que j’ai de la peine à comprendre les raisons pour lesquelles on ne peut pas connaître le montant dont nous discutons. Je souhaiterais que le département – via M. Borloz qui supplée gentiment Mme Dittli – puisse nous expliquer concrètement les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas obtenir ces chiffres. S’il ne s’agit que de 500 cas, le département n’a-t-il donc pas de liste de toutes les personnes qui sont aux poursuites ? Il serait étonnant qu’il ne possède pas une telle liste. S’il possède une telle liste et que l’on remonte seulement sur 3 ans, cela signifie 500 fois 3 – et non pas 500 fois 10 ou 15. Apparemment, le département était au courant de cette demande depuis au moins 6 ans, il avait donc tout le temps pour le faire en parallèle. Quelle est la raison concrète, technique, qui empêche de lier cette liste à l’impôt arriéré sur un espace de 3, voire même 10 ans ? Il me semble que 500 fois 10, cela ne représente pas une énorme quantité de lignes comptables à calculer dans un fichier Excel… mais peut-être que je ne comprends pas certaines raisons techniques.
Pour ma part, je suis intéressée par ce montant, parce que je pense que ce dernier doit être extrêmement faible en comparaison des montants totaux des impôts que nous percevons en tant que canton. En revanche, ce montant est élevé en proportion de l’individu. Si ce n’est le chiffre exact, j’aimerais à minima avoir un ordre de grandeur du montant total des impôts arriérés dont nous parlons et du nombre de personnes impactées.
Alors que pour certains, le débat est déjà bien engagé, permettez-moi de vous donner la position des Vert’libéraux sur cette entrée en matière. Comme vous vous y attendez, notre groupe acceptera cette entrée en matière. Je pense qu’il serait opportun de revenir sur les amendements au moment où nous discuterons des articles concernés. Néanmoins, comme nous avons pu entamer le premier débat et que je doute que nous arrivions à son terme aujourd’hui, je rejoins le duo de collègues formés des députés Jobin et Billard dans l’intérêt de connaître les montants concernés par les amendements dont nous discuterons lors de la suite de ce premier débat ou lors du deuxième débat. Dans tous les cas, notre groupe soutiendra bien évidemment l’entrée en matière sur ce projet de loi.
En lisant ce projet de loi, on peut tirer un constat : une femme séparée depuis plusieurs années n’a que rarement la possibilité de sortir de la spirale infernale des poursuites. Elle va très rapidement se retrouver en défaut de paiement, avec des actes de défaut de biens à la pelle. Si elle envisage de travailler, l’Office des poursuites va lui saisir une partie de ses revenus. Elle ne pourra jamais s’en sortir. La seule possibilité, c’est qu’elle s’adresse à l’aide sociale : elle touchera des subventions pour ne rien faire et tout le monde sera perdant… L’ACI ne verra pas un centime et la contribuable par défaut devra porter le chapeau à la place du contribuable qui a mis les voiles.
Par ailleurs, n’oublions pas qu’une femme au foyer ne touche souvent pas de revenus. Je vois donc assez mal comment elle pourrait rembourser les dettes d’impôt de son ex-conjoint. Pour ma part, j’estime que ces femmes doivent être réhabilitées financièrement et que certaines dettes d’impôt doivent être diminuées, voire effacées, d’autant plus si ces femmes ne sont pas responsables de ces dettes. Finalement, il ne s’agit pas d’un sujet politique, car ces débitrices peuvent être autant de droite que de gauche. Nous devons leur restituer leur dignité économique.
En conclusion, il serait important que l’on connaisse le montant rétroactif qui pourrait être dû depuis 2014, en n’oubliant pas qu’environ 30% des Vaudois ne payent pas d’impôt. (Réactions dans la salle.)
J’aimerais que l’on s’éloigne un petit peu de cette bagarre sur les chiffres. Très honnêtement, est-ce que l’égalité se négocie à plus ou moins de centimes, à plus ou moins de sommes importantes – parce que ce sont des sommes importantes qui devront être remboursées ? Est-ce que l’égalité se négocie au nombre de fonctionnaires qu’il faudra engager pour faire le travail d’analyse des dossiers depuis 2014, le moment de départ de cette inégalité ? Je m’excuse, mais cela me choque que l’on négocie l’égalité entre hommes et femmes à ce niveau-là. Comme l’a dit tout à l’heure M. Maury, je pense que nous devons connaître le lobbying et la transparence au Grand Conseil : nous avons toutes et tous reçu l’argumentaire de Pro Familia Vaud, de l’Association vaudoise des familles monoparentales et recomposées, ainsi que de l’Association vaudoise pour les droits des femmes. Je pense que nous devons suivre leur argumentaire, à savoir revendiquer l’application rétroactive au 1er janvier 2014, comme le proposera l’amendement de ma collègue Muriel Thalmann. Finalement, peu importe les chiffres : est-ce que l’égalité a un coût ? Je ne le pense pas et je pense que nous devons vraiment aller au bout des choses pour que l’égalité soit enfin votée.
Il y a un autre élément important à relever : cette problématique de cosolidarité fiscale est légalement entretenue par certains juges qui n’effectuent pas de manière claire le partage des dettes, comme cela est fait pour le partage des biens. On voit trop souvent des décisions qui prévoient que M. reprenne l’intégralité des dettes contre une réduction, voire une renonciation, de la pension alimentaire de Mme. Or, par la suite, ces dettes sont quand même réclamées lors du non-paiement de M. et Mme n’a plus que ses yeux pour pleurer, les dettes et pas de pension alimentaire – ou une pension réduite qui ne prend pas en compte le rattrapage de ces montants. Si cette répartition faisait partie intégrante des accords de séparation – de manière obligatoire – il y aurait moins de difficultés d’application, car cette cosolidarité fiscale se traduit également auprès des banques lorsqu’il y a des prêts personnels ou des crédits hypothécaires. Lors des travaux de la commission, Mme la conseillère d’Etat a confirmé sa volonté de tout mettre en œuvre pour former et communiquer à toutes les parties prenantes sur ce fonctionnement de l’Office des poursuites pour éviter ces écueils lors des jugements. Je demande donc que cet engagement soit confirmé dans ce plénum. Pour moi, cela va de pair avec ce projet de loi et je vous remercie de bien vouloir soutenir son entrée en matière.
Je précise d’emblée que je parle en mon nom et non pas en ma qualité de rapporteur de minorité.
Mesdames Thalmann et Ryf, peut-être que pour vous, l’effet rétroactif doit se faire, peu importe ce qu’il en coûte, mais je ne peux pas vous laisser dire que chiffrer ces amendements n’a pas d’importance. Avant de voter des amendements, nous devons connaître – peu importe la durée ou l’effet que cela peut avoir – les coûts qu’ils engendreront. Nous n’avons pas eu cette information durant les travaux de la commission et je pense que pour que chacun puisse voter en son âme et conscience sur ces amendements, il est important de connaître ces coûts – cela a été rappelé plusieurs fois par des personnes de différents bords politiques.
Madame Thalmann, vous parlez d’inégalité, comment voyez-vous les choses entre une femme qui s’est péniblement acquittée de son solde d’impôt impayé et celle qui n’a pas pu le faire ? Comment allez-vous faire, puisque la loi prévoit potentiellement un abondant de créances par cet effet rétroactif ? Comment allez-vous faire avec la personne qui s’est acquittée de ses impôts, qui a payé son dû vis-à-vis de l’Etat, en se serrant la ceinture ou en ayant renoncé à ses vacances, comme vous l’avez rappelé ? Cette personne pourrait aussi trouver qu’il y a une inégalité avec celle qui n’a potentiellement pas eu la possibilité de le faire et qui verra sa créance abandonnée. Pour moi, en voulant réparer une inégalité, vous en créez une autre – ce qui n’est pas convenable.
Je comprends la nécessité que chacun s’acquitte de ses impôts. Toutefois, avec la fin de la solidarité, la véritable question est de savoir qui doit assumer cette charge. Or, dans l’application actuelle de la loi, il est légitime de se demander s’il est juste que ces demandes soient adressées aux ex-épouses. Comme l’a très justement souligné notre collègue Dubuis, ces femmes n’ont souvent qu’une vision limitée, voire inexistante, de la situation financière de leur ménage pendant leur mariage. Pourtant, elles se retrouvent soudainement poursuivies pour des dettes fiscales contractées par leur ex-mari, ce qui peut les plonger dans des situations financières extrêmement délicates, d’autant plus que ces choses ne sont pas toujours prévisibles.
Prenons un exemple concret : avec l’application de cette solidarité, une ex-épouse peut être contrainte par le fisc de payer des dettes d’impôts liées à des gains immobiliers réalisés par son ex-mari. Ce dernier, ayant exercé une activité immobilière sur une dizaine d’années sans s’acquitter de ses impôts, laisse son ex-épouse – qui n’avait aucune implication dans cette activité – face à des montants considérables à rembourser. De telles situations sont fondamentalement injustes. Il est donc essentiel de reconnaître qu’il est inacceptable que ces dettes soient transférées aux ex-épouses.
Par ailleurs, nous avons beaucoup parlé des coûts. M. Gaudard a justement rappelé qu’il faut aussi considérer les coûts collatéraux. Lorsqu’une personne se retrouve seule, avec peu ou pas de revenus, un travail à temps partiel, parfois avec des enfants à charge, et qu’elle doit subitement payer ces montants imprévus, elle risque de basculer dans une grande précarité. Cette situation peut la contraindre à recourir à des aides sociales, ce qui, in fine, engendre des coûts plus élevés pour la société. Ainsi, nous devons être particulièrement vigilants pour éviter de créer des engrenages menant à la précarisation de ces personnes. Gardons ces coûts latéraux à l’esprit lors de nos discussions et lors du vote sur ce projet de loi.
J’ai bien aimé la démonstration de notre collègue Weissert sur l’égalité – ou l’inégalité. Je trouve que c’est quelque chose de juste que nous devons garder à l’esprit. Je suis aussi de ceux qui aimeraient savoir quels seraient les montants engagés en cas de rétroactivité : les montants concernés pour un an, deux ans, ou jusqu’à dix ans, puisque l’on parle de remonter jusqu’en 2014. Néanmoins, selon moi, ces montants ne comptent pas pour l’avenir. Pour l’avenir, il faudra essayer d’être le plus juste possible ou de corriger les problèmes lorsque cela est nécessaire.
Par contre, je m’inscris en faux contre ce qu’a dit Mme Thalmann : la séparation de biens est un système qui entre en compte pour le divorce, mais évidemment pas lorsque les gens sont mariés. C’est la cellule familiale qui est la seule entité valable du point de vue fiscal. On ne peut donc pas imaginer, même si l’on trouve que ce n’est pas juste, que Mme aurait payé ses impôts, mais que M. ne les aurait pas payés, parce qu’ils sont mariés sous le régime de la séparation des biens. Encore une fois, il m’intéresserait de connaître les montants engagés. Si nous devons prendre une décision, je pense qu’il est pertinent de savoir quels seront les montants concernés.
Par ailleurs, il va aussi être difficile de changer les mentalités et les fonctionnements dans les couples. Bien sûr, ce qui a été relevé est tout à fait pertinent, mais je ne pense pas que c’est ici que nous allons pouvoir résoudre ces problèmes – j’aurais tendance à dire « malheureusement ».
Enfin, cette inégalité provient aussi du système fiscal : avec des impositions individuelles, nous ne serions pas dans cette situation. Evidemment, quand les gens vivent en concubinage ou quand ils sont en couple, ils n’ont pas les mêmes factures ni même les mêmes rentrées du point de vue de l’AVS. Pour pouvoir m’engager sur la suite, j’attends du conseiller d’Etat qu’il nous communique les montants qui seraient concernés.
Je voudrais revenir sur certains propos tenus par mes préopinants. Monsieur Weissert, nous n’avons pas dit que les chiffres ne sont pas importants. Nous avons simplement dit qu’il s’agissait d’un non-objet, parce qu’il s’agit d’une violation de la Constitution et que la mise en pratique de la cosolidarité fiscale touche, en grande majorité, des femmes. Comme il s’agit d’une violation de la Constitution, il faut rétablir la justice. Monsieur Weissert, en ce qui concerne le solde d’impôt impayé, j’ai la solution : il suffit de voter pour la rétroactivité en 2014 et tous les cas seront ainsi revus. Dans les faits, il n’y aura donc pas d’inégalité. Si vous acceptez la rétroactivité, vous aurez la réponse à votre problème : tous les cas seront revus et il n’y aura donc pas d’inégalité de traitement.
En ce qui concerne les gains immobiliers, il faut savoir que le projet qui nous est présenté ne traite malheureusement pas des gains immobiliers. C’est un article de loi que nous n’avons pas repris. Il arrive donc effectivement que le propriétaire d’un bien immobilier empoche un gain immobilier et que, tout à coup, comme il est devenu insolvable, on demande à son conjoint de payer les impôts sur ce gain. Il s’agit donc d’un cas de figure dans lequel une personne n’a pas bénéficié de la vente de ce gain immobilier, mais elle doit payer les impôts sur ce gain.
Monsieur Carrard, lorsqu’on se marie sous le régime de la séparation de biens, cela veut dire que dès le départ, le couple est sous le régime de séparation de biens ; dès le départ, chacun a ses recettes et ses dépenses. Mais cela veut aussi dire qu’en cas de séparation de biens, il n’y a normalement plus de problème. Eh bien, non ! Cet article 14 est un bouclier génial : on peut le dégainer en disant : « Madame, vous n’avez peut-être jamais touché de recettes de la part de votre mari, vous n’avez pas bénéficié de tout son salaire, mais grâce à cet article qui est absolument génial, au lieu de nous embêter à aller courir après votre mari insolvable pour obtenir l’argent, on se retourne contre vous ». Monsieur Carrard, oui, on peut se marier sous le régime de la séparation des biens, on peut n’avoir touché aucun salaire de son mari, mais on peut être amené à régler le solde d’impôt que M. n’a pas payé.
Pour ma part, nous sommes élus pour gommer les effets discriminatoires, les injustices, les iniquités. Avec toutes les inégalités relevées dans ce débat, toutes défavorables aux femmes – à nos mères, à nos filles, à nos voisines – on se rend compte que cette loi est genrée, masculiniste, voire machiste. En refusant la rétroactivité, elle favorise les hommes au détriment des femmes. On l’a vu, les dettes fiscales des hommes ne doivent pas être portées par les femmes, alors même qu’elles ont payé leur part. Payer à double, c’est quand même fort de café ! Tout cela est inconstitutionnel et je vous encourage à combattre ces abus indignes.
Madame Thalmann, je suis désolé, j’ai eu de la peine à comprendre la différence entre un non-objet et le fait que les montants ne sont pas importants. Néanmoins, j’y vois beaucoup plus clair maintenant et je vous remercie pour vos précisions. Je suis aussi content aussi que vous apportiez une solution à la problématique que j’ai soulevée, mais je me réjouis d’autant plus d’obtenir des chiffres. Si vous demandez un remboursement de toutes les dettes payées durant les dix dernières années, vous comprendrez aussi qu’il est important que cela soit chiffré, parce que cela aura tout de même un impact important pour le canton. Je me réjouis de connaître ces éléments pour pouvoir voter sur votre amendement en mon âme et conscience.
Madame Lopez, alors, je suis content que vous partagiez certaines de mes interrogations, mais vous n’avez peut-être pas été assez attentive durant la lecture de mon rapport de minorité. En effet, nous avons dit que nous étions favorables à cette loi, ce n’est pas le problème. Nous sommes d’accord que le CTB 2 ne doit pas assumer les dettes non payées par CTB 1, mais nous sommes opposés à l’effet rétroactif pour les raisons que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises.
Effectivement, cette problématique porte sur une question de responsabilité individuelle : faut-il faire payer les dettes d’une personne par une autre ? En l’occurrence, je crois que la réponse est négative pour pratiquement tout le monde. Néanmoins, il y a aussi – hélas – une responsabilité politique. Le problème a été mentionné en 2014, sauf erreur, il est revenu devant le Grand Conseil en 2019, mais depuis cette dernière date, le Conseil d’Etat n’a rien fait. En l’occurrence, tout le monde est « mouillé » : M. Broulis était aux finances, mais il y avait une majorité de gauche au Conseil d’Etat. Or, personne n’a rien fait, alors que le problème était connu. Sur ce coup, je pense que tout le monde en prend pour son grade. Pour ma part, je regrette que le Conseil d’Etat n’ait pas gelé la pratique – ce qu’il aurait dû faire. A mon sens, nous sommes politiquement responsables. Même si, sur le principe, la rétroactivité du droit est très contestable, sur ce cas précis, étant donné notre responsabilité politique, nous devons accepter la rétroactivité. En effet, c’est l’absence d’action du Conseil d’Etat – et des deux bords politiques – qui a conduit à ces inégalités de traitement.
Je rejoins en grande partie ce que vient de dire mon collègue David Vogel. Je comprends que l’on ait envie de savoir ce que coûtent les choses, il en va de notre responsabilité politique. Néanmoins, une fois ces chiffres connus, que va-t-on en faire ? A partir de quel moment va-t-on décider d’entrer ou pas en matière ? Nous sommes-nous posé la question « combien cela va-t-il coûter » au moment de voter nos fameuses baisses d’impôts, il y a quelque temps ? A un moment, il faut assumer en effet ses erreurs. Monsieur Vogel l’a dit parfaitement, peu importe le coût, nous devons assumer les erreurs et les mauvaises décisions du Conseil d’Etat.
Beaucoup de choses ont été dites, notamment sur les impôts. Néanmoins, tout n’est pas vrai. On peut se raconter des histoires, mais cela ne fonctionne pas toujours ainsi dans la pratique. Je vous donne un exemple : le gain immobilier. Quand vous vendez un bien immobilier, vous allez chez un notaire qui fait une provision, c’est-à-dire qu’il retient la somme qui devrait plus ou moins correspondre aux impôts sur ce gain immobilier pour éviter que des gens ne partent à l’autre bout du monde sans jamais s’acquitter de leurs impôts. Il y a donc quand même de nombreuses choses qui sont mises en place. Je me permets ce petit commentaire, parce que je vous ai trouvé très durs envers l’administration. Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Dans mon département, je vous trouve aussi parfois assez durs avec l’administration. Effectivement, la fiscalité est quelque chose de complexe, mais les gens font leur travail ; ils appliquent les lois. Vous ne pouvez pas leur reprocher d’appliquer les lois. J’aimerais que cela soit clair dans l’esprit de tout le monde : l’administration fiscale n’a fait qu’appliquer les lois que vous avez décidées auparavant. Bien sûr, humainement, on peut dire que ces lois sont discriminatoires. Juridiquement, à deux reprises, cela n’a toutefois pas été confirmé par le TF. En effet, il y a aussi 80% des hommes qui payent pour leur épouse. Le système n’a pas voulu être discriminatoire à un moment donné, mais la société a évolué. Les familles vivaient différemment et plus longtemps ensemble. Il s’agissait d’un système qui correspondait à l’organisation de la société de l’époque.
Aujourd’hui, le Conseil d’Etat vous propose de changer de système. Vous l’avez souvent demandé ; vous avez souvent critiqué le système actuel. Finalement, toutes les critiques que j’ai entendues dans ce débat confortent le Conseil d’Etat dans sa volonté de vous faire cette proposition. Cette proposition vise à dire qu’à un moment précis de la séparation, les taxations seront également séparées. Cette proposition ne parle pas de rétroactivité. D’ailleurs, je ne vais pas rentrer dans le détail, mais le Conseil d’Etat ne soutient pas les amendements – ni ceux de la commission, acceptés grâce à la voix prépondérante de son président ni ceux qui ont été annoncés ce matin. Aujourd’hui, nous vous proposons un changement de système : lorsqu’il y a séparation au sein d’un couple, la taxation est séparée. Point final. Il ne faut pas interpréter cela plus que nécessaire. Cette façon de faire s’adapte aussi à l’évolution de notre société. Le Conseil d’Etat – et la conseillère d’Etat en particulier – est très volontariste sur cette question.
Vous nous avez demandé des chiffres. Moi aussi, j’aime bien m’appuyer sur des chiffres pour prendre une décision. Mais nous parlons d’un principe que vous voulez changer. J’imagine qu’une majorité le souhaite, nous verrons au moment du vote. Dès lors, nous ne pouvons pas vous donner les chiffres que vous demandez. Humainement, techniquement, mécaniquement et physiquement, ce n’est pas possible. Vous demandez une évaluation pour les 10 dernières années, cela veut dire qu’il faudrait étudier la situation d’environ 500 contribuables par année. Est-ce qu’il y a une séparation ? Il faut ressortir tous les dossiers. Dans certaines séparations, les taxations provisoires peuvent durer facilement 2, 3 ou même 10 ans. Vous parlez d’une dizaine d’années, mais cela pourrait courir sur une vingtaine d’années dans les faits. Vous sortir un chiffre nécessiterait un travail colossal. N’imaginez pas une seconde que cela va coûter « trois fois rien ». De toute façon, sur 10 ans, cela représentera une somme colossale. Il n’y a pas besoin de s’énerver avec ça. L’évaluation, vous l’avez : elle est gigantesque.
C’est la raison pour laquelle le Conseil d’Etat vous propose de dire : comme la société évolue, nous devons adapter notre système, comme nous l’avons fait avec l’impôt direct de la Confédération. A un moment très précis, la situation change et les taxations sont séparées. Il est possible de s’organiser pour 2026. En ce qui concerne l’effet rétroactif jusqu’en 2014, j’ai précisé que je ne rentrais pas dans le détail des amendements pour l’instant.
En conclusion, je vous recommande d’accepter l’entrée en matière sur ce projet de loi et d’en rester à la ligne de conduite du Conseil d’Etat. Il ne faut pas surinterpréter cette décision, essayer de corriger tout ce que vous considérez humainement comme étant des torts, mais qui n’ont pas été confirmés par le TF, d’une part, et qui, d’autre part, représentent forcément des complications gigantesques, qui pourraient d’ailleurs ouvrir ensuite des voies de recours, etc. Encore une fois, ces décisions sont interprétées humainement et demandent un travail considérable.
M. le conseiller d’Etat a fait référence à des situations dans lesquelles la solidarité pouvait être appelée dans le cas de dettes d’impôts – notamment sur des gains immobiliers – qui auraient été contractées par l’ex-époux, en disant que ce n’était pas possible, que cela ne se passait pas. Selon lui, nous affirmerions de telles choses pour attaquer le département. Ce n’est pas le cas, nous voulons simplement mettre en évidence que la loi actuelle permet cette manière de procéder. Deux cas ont notamment été portés à notre connaissance, deux cas dans lesquels l’ex-épouse a été forcée de payer des dettes d’impôts portant sur des revenus que son ex-mari était seul à avoir contractées. Il s’agissait de gains immobiliers qui avaient été réalisés sur des immeubles qui lui appartenaient exclusivement. Je n’invente rien, je vous donne les chiffres : une épouse, victime de cette application de loi, a été poursuivie par le fisc vaudois en vertu de la solidarité pour la forcer à payer des impôts d’un montant de 202’482 francs sur des gains immobiliers réalisés par son époux, alors qu’elle est séparée depuis 1990, soit depuis 11 ans, alors qu’elle n’a jamais participé à l’administration des biens de son époux et qu’elle n’a en outre pas été associée à la transaction imposée et n’en a pas bénéficié. De tels cas existent, nous ne les avons pas inventés.
On ne peut pas tenir compte des cas spécifiques pour lesquels on ne connaît pas tous les tenants et les aboutissants. Par ailleurs, nous ne sommes pas des spécialistes pour apprécier de tels cas.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
L’entrée en matière est admise par 132 voix et 3 abstentions.
Le débat est interrompu.