Enceinte, avant l’engagement

De manière générale en droit suisse, la protection des travailleurs et travailleuses augmente au fur et à mesure que les années passent. Il est dès lors plutôt défavorable pour une femme enceinte de changer de travail, car elle risque de perdre toute la protection dont elle jouit au poste de travail qu’elle occupe depuis plus de 3 mois.

Avant l’engagement, il n’existe pas de contrat de travail et la femme n’est pas protégée par les lois sur le droit du travail, à l’exception de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg, RS 151.1), qui contient une disposition sur la discrimination à l’embauche (art. 8 LEg). La LEg interdit de discriminer les travailleuses à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou encore leur grossesse (art. 3 LEg).

Ainsi, la femme qui se fait préférer, lors de l’embauche, un homme dont les compétences ne sont pas mieux adaptées au poste à repourvoir, a des moyens juridiques contre la partie employeuse ; en effet, le but est d’éviter la non-embauche des femmes pour un des motifs prohibés par la loi. Selon l’art. 8 LEg, la personne qui n’est pas engagée et qui se prévaut d’une discrimination peut exiger de la partie employeuse que sa décision soit motivée par écrit, puis si elle souhaite faire valoir son droit à une indemnité, elle doit agir en justice dans les trois mois à compter du moment où le refus d’embauche lui a été communiqué, ce délai ne pouvant être reporté (délai de péremption). En cas de refus d’embauche, l’indemnité maximum ne dépassera pas le montant correspondant à trois mois du salaire que la femme aurait vraisemblablement gagné (art. 5 al. 2 et 4 LEg)

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Questions

Réponses

01. Je réponds à une offre d’emploi qui spécifie que l’activité est réservée aux personnes en pleine capacité de travail ; puis-je postuler si je suis enceinte ou espère le devenir tout bientôt ?

A. La grossesse n’est pas une maladie et être enceinte ne veut pas dire qu’on ne jouit pas d’une pleine capacité de travail. L’art. 3 de la loi sur l’égalité protège les femmes en prévoyant qu’il est interdit de discriminer à raison du sexe et, s’agissant des femmes, de la grossesse.

Cela étant, vous n’avez aucune obligation de faire part d’une grossesse lors d’un entretien d’embauche.

B. Si vous soupçonnez que vous n’avez pas été embauchée en raison d’une grossesse possible dans un proche futur, il vous faut :

  • Demander les motifs de votre non-embauche
  • Dans le délai de 3 mois (délai impératif) ouvrir une procédure (qui peut être d’abord de conciliation) contre la partie employeuse
  • Savoir qu’en tout état de cause vous ne pouvez exiger d’être embauchée, mais obtenir une indemnisation d’un montant maximum de 3 mois du salaire que vous auriez pu toucher.

Selon les motifs donnés par l’employeur ou employeuse, la situation sera plus au moins difficile à établir, car vous devez apporter la preuve que votre non-embauche est liée à un motif de discrimination entre les sexes, interdit par la LEg.

Bon à savoir :

Les questions sur la planification familiale, la grossesse ou de manière générale la santé ne sont en principe pas licites pendant l’entretien d’embauche ; vous n’êtes pas obligée d’y répondre mais vous aurez pratiquement intérêt à y répondre de manière à vous protéger, soit à donner une réponse fausse plutôt que de vous retrancher derrière le fait que la question n'est pas permise. Il est important de dire spontanément que vous avez bien l’intention de continuer à travailler après une éventuelle naissance (non envisagée à ce jour d’un enfant) et de montrer que vous tenez à développer votre carrière.

Il est capital de garder tous les échanges écrits que vous avez pu avoir avec la partie employeuse, voire de relever des phrases qui vous paraitraient discriminantes lorsqu’elles ont été dites pour pouvoir ultérieurement apporter la preuve de la discrimination dont vous avez été l’objet. N’oubliez pas que, pendant l’entretien d’embauche, il faut mettre en avant ses qualités et ses compétences.

La question de votre envie de continuer à travailler après un hypothétique congé de maternité est souvent posée ; il est recommandé d’avoir réfléchi à une réponse qui s’articulerait sur deux plans (même si cela ne correspond pas à la réalité): vous n’imaginez pas une grossesse et de toute manière vous avez toujours pensé poursuivre votre activité professionnelle pour garantir votre indépendance financière. 

02. Je me rends à un entretien d’embauche. Que dois-je répondre si on me dit que l’activité sera physiquement intense et éprouvante pour les 12 prochains mois alors que je sais déjà que je suis enceinte ?

La réponse à cette question dépendra beaucoup du temps pour lequel on vous propose de vous embaucher. En effet, si les relations contractuelles sont censées durer entre 12 et 18 mois, ce qui devrait d’ailleurs a priori faire l’objet d’un contrat de durée déterminée, une question relative à une éventuelle grossesse pourrait se justifier pour que la partie employeuse puisse s’assurer que vous allez être opérationnelle sur la plus grande partie du temps pour lequel votre contrat sera signé.

Ainsi, si vous étiez appelée à effectuer des activités qui pourraient s’avérer dangereuses pour votre enfant (par exemple parce que vous devriez vous jeter à terre dans un rôle de comédienne en fin de grossesse), les questions de la partie employeuse pour qu’elle s’assure de votre présence au moment des représentations ne seraient pas déplacées.

Si au contraire le contrat est prévu a priori sur une longue durée (contrat de durée déterminée supérieure à 2 ans ou contrat de durée indéterminée), une maternité intervenant à un moment donné ne sera pas nécessairement une excuse pour que la partie employeuse pose des questions indiscrètes sous l’angle tant de la loi sur l’égalité que de la loi sur le travail.

Bon à savoir :

Renseignez-vous de manière aussi précise que possible avant l’entretien d’embauche sur les tâches et activités qui vous seraient demandées, pour pouvoir anticiper et en avoir éventuellement déjà parlé à votre médecin : cela vous permet de rassurer votre employeur ou employeuse sur le fait que son choix peut se porter sur vous. 

03. Je me rends à un entretien d’embauche. Que dois-je répondre à la question de savoir si j’ai des projets de fonder une famille ?

Les questions relatives à la planification familiale ne sont pas autorisées de la part de la partie employeuse, comme expliqué dans les réponses aux questions 1 et 2 ci-dessus. Même si cela est peut-être curieux, vous avez le droit de ne pas répondre de manière conforme à la réalité.

Bon à savoir :

Ne dites pas à la partie employeuse que cette question est illégale : vous serez automatiquement évincée ; ayez une réponse prête, même si elle n'est pas véridique, afin d’éluder la question en parlant par exemple de votre investissement au travail, de vos projets de carrière, de perspectives d’avancement …

04. À mon entretien d’embauche, on me demande de m’engager à ne pas avoir d’absence pour cause de maternité pour les 2 prochaines années. Est-ce admissible ?

La partie employeuse ne peut exiger d’une collaboratrice, actuelle ou future, qu’elle prenne un tel engagement : ce serait contraire à l’art. 28 du Code civil. Vous pouvez donc prendre cet engagement, qui n’a pas de valeur juridique. Ultérieurement, la partie employeuse ne pourra rien faire si vous ne le respectez pas.

Bon à savoir:

L’engagement demandé à une future collaboratrice de s’abstenir de toute maternité pour les deux prochaines années montre que la partie employeuse n’est pas consciente de ses obligations découlant de la loi sur l’égalité et permettra plus aisément de faire valoir une violation de cette loi. 

05. Mon entretien d’embauche s’est bien passé et on me fait une proposition de contrat. Par correction, j’informe mon employeur ou employeuse que je suis enceinte et finalement la proposition de contrat est retirée. Que puis-je faire ?

Cette situation est typique de l’interdiction de la discrimination à l’embauche que la loi sur l’égalité veut sanctionner. En effet, le retrait d’une proposition contractuelle avant qu’elle soit acceptée par la salariée a pour conséquence une non-embauche dont l’annonce de votre grossesse paraît à l’évidence le motif.

Dans un tel cas, écrivez immédiatement à celui qui aurait dû être votre employeur ou employeuse en relevant le déroulement des évènements et en indiquant notamment la date à laquelle un contrat vous a été proposé, puis la date à laquelle la proposition a été retirée et le moment auquel vous avez annoncé votre grossesse.

Même si vous ne pouvez pas bénéficier de règle de preuve facilitée dans la discrimination à l’embauche, le retrait de la proposition de la partie employeuse après l’annonce de votre grossesse sera un indice fort de discrimination due à votre état. Pour la procédure que vous devrez suivre, vous pouvez vous référer à la réponse 1 B ci-dessus.

Bon à savoir :

L’embauche d’une femme en âge d’avoir des enfants est un parcours semé d’embûches. Il ne faut pas vous couper de la possibilité que la partie employeuse remarque vos compétences et souhaite vous garder. Il faut souvent se battre pour obtenir un poste !

Dans tous les cas, si vous acceptez une proposition qui est ensuite retirée, vous pourrez lui objecter que l’accord a bien été conclu et que vous êtes réellement engagée. Même si la partie employeuse vous licencie pendant le temps d’essai, vous aurez la possibilité de bénéficier d’une preuve allégée de la discrimination si vous saisissez les tribunaux.

06. Apprenant que je suis enceinte, mon employeur ou employeuse ne me propose plus un contrat de durée indéterminée comme le mentionnait l’offre d’emploi, mais un contrat de durée déterminée, qui prendra fin avant mon accouchement. ...

... Que puis-je faire ?

Même si la partie employeuse vous indique qu’elle vous gardera suffisamment longtemps pour que vous puissiez bénéficier d’allocations de maternité, il vous faut réagir. En effet, il existe des dispositions nouvelles sur les congés liés à l’hospitalisation d’un enfant ou à la prise en charge d’un enfant gravement atteint dans sa santé en raison d’une maladie ou d’un accident, qui s’appliquent si le contrat perdure après l’accouchement.

Or, en l’absence de persistance d’un contrat de travail, la mère n’aura en aucun cas droit au report de l’allocation de maternité (disposition entrée en vigueur en 2021). Il vous faut donc rappeler pour quel poste vous aviez posé votre candidature et demander de manière très claire la raison pour laquelle on ne vous propose plus un contrat de durée indéterminée, mais un contrat de durée déterminée censé prendre fin dans un futur relativement proche.

Là aussi, il est important que vous écriviez à la partie employeuse en indiquant la chronologie précise, soit l’annonce à laquelle vous avez postulé pour un contrat de durée indéterminée, les éventuels entretiens d’embauche au cours desquels votre grossesse a pu être abordée, et finalement la modification proposée du contrat.

Si vous aviez déjà accepté le contrat à durée indéterminée, signé par les deux parties, la partie employeuse irait vraiment à l’encontre de la loi sur l’égalité en tentant de vous imposer, pendant le temps d’essai, la signature d’un contrat différent. Là encore, il est capital que vous puissiez écrire rapidement le déroulement des faits pour que la partie employeuse se rende compte que ce qu’elle fait n’est pas correct.

Bon à savoir :

Ne vous laissez pas impressionner par la partie employeuse qui vous indique qu’elle va vous rendre la vie impossible pendant votre grossesse si vous n’acceptez pas les modifications qu’elle veut vous imposer : d’une part ce genre de déclaration pourrait être interprétée contre elle et d’autre part la loi sur le travail et son ordonnance générale d’application contiennent des dispositions pour vous protéger (cf. ci-dessous).

Si la partie employeuse se conduit trop mal vis-à-vis de vous, votre médecin aura une raison suffisante de vous prescrire un arrêt de travail, ce qui peut être intéressant pour vous si la partie employeuse a souscrit une assurance indemnité journalière, qui vous versera votre salaire à 80% pendant la période d’incapacité.

Attention :si votre contrat ne prévoit pas une assurance indemnité journalière (ce que vous voyez dans les déductions sur votre fiche de salaire), l’obligation de la partie employeuse pendant la première année de service se limite à vous payer votre salaire pendant 3 semaines, même si vous êtes en incapacité pendant plus longtemps.

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