Intégrer ses valeurs et ses passions dans l'exercice de son métier

Photographie de Lionel Favre
Lionel Favre et le ballon qui permettra la prise de mesures lors de la prochaine expédition au Gorenland. Chantal Dervey

Automaticien de formation, Lionel Favre travaille aujourd’hui pour un laboratoire de recherche pour le climat.

Enfant, Lionel Favre ambitionnait de devenir biologiste. Au bénéfice de bons résultats, il poursuit sa scolarité obligatoire au gymnase, dans l’option latin. Sa première année se solde cependant par un échec et, après une année supplémentaire, il renonce à continuer ses études. « L’environnement ne me plaisait pas. J’avais des difficultés à suivre, notamment en français et dans les langues, raconte-il. J’ai donc effectué quelques recherches sur les formations qui pourraient m’intéresser. J’ai découvert le métier d’automaticien, qui comprend de la mécanique, de l’électronique et de l’électricité. Je savais aussi qu’avec des passerelles, je pourrais rejoindre ensuite l’EPFL ou l’Université. » Passionné de photographie, Lionel Favre a de bonnes bases techniques : « J’ai toujours aimé bidouiller l’électronique. Je fabriquais par exemple des systèmes de déclenchements automatiques à distance pour les prises de vues. » Le jeune homme entreprend sa formation en 4 ans, avec la maturité technique intégrée, dans une entreprise de production d’aluminium. « J’ai dû beaucoup travailler : c’est une formation exigeante et polyvalente. » Son CFC en poche, il décide de continuer à se former dans l’automation. « C’est un domaine où il faut chercher, se débrouiller, ce qui me convient bien, car je suis curieux et j’aime beaucoup apprendre. J’ai finalement choisi de garder la biologie et la photo comme loisirs. » Le jeune homme entreprend donc un bachelor en systèmes industriels dans une Haute école spécialisée, puis est engagé par l’entreprise qui l’avait formé comme apprenti. Pendant cinq ans, il s’occupe de la maintenance et de la rénovation des machines. En parallèle, durant les deux dernières années, il transmet ses connaissances aux apprentis automaticiens dans le cadre des cours professionnels.

Changement de décor
En 2022, Lionel Favre envisage de se tourner vers une activité davantage en accord avec ses valeurs. Une opportunité se présente à l’EPFL : le laboratoire de recherche sur l’environnement extrême (EERL) recherche un ingénieur. Composé d’une équipe internationale de chercheurs, l’EERL est chargé d’étudier les interactions entre l'atmosphère, la cryosphère (c’est-à-dire toute l’eau apparaissant sur la Terre à l’état solide: glace, neige, pergélisol), l'océan, la terre et les activités humaines. Lionel Favre est engagé plus précisément sur le projet GreenFjord, dont l’objectif est de comprendre l’écosystème des fjords au Groenland dans le contexte du changement climatique. « A l’aide d’un ballon captif gonflé à l’hélium, explique-t-il, nous allons analyser la formation des nuages de glace dans les régions arctiques afin de modéliser le climat dans ce type d’environnement. Actuellement, la plupart des fjords avec glacier se terminent dans l’eau. Les glaciers y apportent des nutriments, créent des courants, il y a de nombreux mécanismes en jeu. L’impact du recul de ces glaciers est encore inconnu, c’est une zone pour laquelle il existe peu de modèles prévisionnels, d’où l’intérêt de ces recherches. » L’équipe dont fait partie Lionel Favre s'occupe plus spécifiquement des aérosols et des particules dans l’air. « Avec le recul des glaciers, il y aura davantage de plaines et donc de sédiments amenés dans l’air par le vent, formant ainsi plus de nuages. Ce sont tous ces aspects que nous allons essayer de mieux comprendre. »

Sur le terrain
«Ma première journée de travail, je l’ai commencée à l’aéroport de Zurich » sourit Lionel Favre. Un repérage d’un mois était en effet planifié au Groenland durant l’été 2022. « Nous avons déjà fait quelques mesures au sol et prélevé des échantillons de poussière et de sable pour des analyses. J’étais vraiment sur le terrain, obligé d’assister à des aurores boréales la nuit », raconte-t-il en rigolant. De retour en Suisse, Lionel Favre prépare les expéditions suivantes, notamment un mois en février 2023 en Laponie. « Avec un de mes collègues, nous avons rejoint d’autres chercheurs travaillant aussi avec des ballons et des drones. Nous y avons déployé notre propre ballon, car il faudra que je sache l’utiliser au Groenland. Les chercheurs s’occuperont de la partie analyse de données et recherche ; moi je gèrerai tout le support logistique et technique, la mise en place des instruments, leur calibration et leur développement. »
En vue de la prochaine expédition de deux mois au Groenland cet été, Lionel Favre s’active pour obtenir les autorisations de vol et travaille à la conception de nouveaux instruments. « J’aime beaucoup ces moments de recherches. Je reprends parfois les outils, par exemple des fraiseuses pour usiner des éléments, c’est chouette de revenir à la partie manuelle du métier. Entre la conception, la réalisation, la mise en place, les tests et enfin la recherche d’améliorations, c’est super intéressant ! Je suis content d’avoir choisi cette voie professionnelle, car finalement je travaille dans le cadre du réchauffement climatique, et sur le terrain je fais des choses que j’aime. Je suis dans la nature et j’ai même l’occasion de faire de la photo », conclut le jeune ingénieur.

Zoé Schneider
Office cantonal d'orientation scolaire et professionnelle

Publié dans le 24 heures du 4 mai 2023

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