Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 23 août 2022, point 10 de l'ordre du jour

Texte déposé

Durant la période de pandémie, les services de livraisons de repas ont massivement augmenté ; un des leaders du marché Uber Eats a fait état en 2021 d’une augmentation de plus de 220% de ses recettes et le nombre de commandes aurait augmenté de 300% à l’échelle internationale durant la même année. Cette croissance spectaculaire ne se fait pas sans problème. La majeure partie du marché de livraison de repas a été développé par des entreprises qui n’ont pas assumé leurs obligations envers les livreuses et livreurs en les considérant faussement comme indépendant-e-s et en reportant sur eux les risques « managériaux » de leurs activités. La faible partie qui a assumé de salarier ses collaborateurs l’a soit fait correctement en respectant les conditions de la convention collective nationale de l’hôtellerie-restauration mais en subissant alors une concurrence déloyale injustifiable, soit l’a fait à bas prix en reportant de nombreux coûts sur les salarié-e-s (frais de déplacement insuffisamment pris en compte, temps d’attente non rémunéré, salaires horaires inférieurs aux salaires d’usage ou aux salaires conventionnels, etc…). Cet état de fait ne peut plus durer au regard de la jurisprudence consolidée sur le plan fédéral. Les autorités d’application cantonales sont désormais tenues de faire respecter le droit alors qu’elles se sont jusqu’ici illustrées par leur discrétion en la matière. Rappelons que plusieurs interpellations de notre conseil n’ont pas encore obtenu réponse sur le sujet.

 

En date du 3 juin, le Tribunal fédéral (TF), la plus haute instance judiciaire du pays, a confirmé ce que beaucoup d’expert-e-s disaient, à savoir que les livreurs et livreuses Uber Eats doivent également être considéré-e-s comme des employé-e-s. En parallèle, le TF s’est déterminé contre l’existence d’une relation de location de service entre Uber Eats et les restaurants. Ces décisions ont une portée majeure contre un modèle d’affaires synonyme de dumping social et salarial ainsi que d’une concurrence déloyale inacceptable.

 

Cette décision pose des principes à respecter pour l’ensemble des acteurs de la branche mais les problèmes de respect du droit en vigueur restent majeurs sur plusieurs plans :

 

  • les entreprises de livraison n’ont pas encore adapté leur modèle d’affaire à la nouvelle jurisprudence,
  • Les entreprises et consommateur-trices qui recourent au service de livraison n’imaginent pas que le droit est bafoué à ce point, par ailleurs par les acteurs dominants du marché ; la concurrence est de fait gravement biaisée et il est difficile  de corriger cet état de fait sans une intervention majeure et visible de l’Etat ;
  • la problématique de l’utilisation accrue du domaine public par les livreuses et livreurs à proximité des restaurants n’a pas fait l’objet de mesures concertées entre les principales villes du canton,
  • les partenaires sociaux tant de la livraison que de la restauration n’ont pas été conviés autour d’une table pour trouver des solutions légales et équitables à cette évolution du marché.

 

Il paraît aujourd’hui illusoire que chaque ville ou chaque entreprise trouve une solution face à la jurisprudence susmentionnée et aux problèmes que pose le développement de leurs activités. L’Etat se doit de donner un message claire à l’ensemble des acteurs économiques et de veiller à une application commune du droit en concertation avec les autorités d’application compétentes.

 

Dans cette perspective, le Conseil d’Etat est invité à convoquer une table-ronde avec toutes les parties prenantes de la livraison de repas (entreprises de livraison, entreprises de location de service, canton, grandes villes, partenaires sociaux) dans le but de gérer de manière coordonnée les questions relatives au respect du cadre légal sur le travail, les salaires, la fiscalisation des activités, la soumission aux assurances sociales et l’utilisation du domaine public des activités de livraison de repas. Le Conseil d’Etat établit un rapport à l’issue de cette table ronde et, dans la mesure du possible, constitue une commission de suivi de la question.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Cendrine CachemailleSOC
Vincent JaquesSOC
Salvatore GuarnaSOC
Gilles MeystrePLR
Stéphane BaletSOC
Jean-Claude GlardonSOC
Léonard Studer
Cédric EchenardSOC
Pierre DessemontetSOC
Alexandre DémétriadèsSOC
Eliane DesarzensSOC
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Julien EggenbergerSOC
Isabelle FreymondSOC
Carine CarvalhoSOC
Yves PaccaudSOC
Claire Attinger DoepperSOC
Monique RyfSOC
Sébastien CalaSOC
Delphine ProbstSOC
Alexandre RydloSOC

Document

22_POS_33-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Je déclare mes intérêts : je suis secrétaire régional au syndicat UNIA Région Vaud. Ce texte est en lien avec mon activité, puisque, aujourd’hui, une concurrence déloyale sévit toujours dans la livraison de repas à domicile, alors que cette activité a explosé avec la période de pandémie. La concurrence sévit entre des restaurants qui sont soumis à une convention collective et qui s’estiment aujourd’hui pénalisés du fait que d’autres acteurs s’affranchissent de toutes règles, que ce soit en matière de marché du travail, d’hygiène ou d’utilisation du domaine public, et font une pression à la baisse sur les conditions de travail d’un secteur déjà fragile.

Afin de faire respecter le droit sur l’ensemble des acteurs de la branche, nous estimons qu’il est maintenant nécessaire de réunir toutes les autorités d’application impliquées dans ce domaine. Cela concerne par exemple les villes qui sont responsables du domaine public et de son utilisation aux abords des restaurants. Cela concerne aussi les partenaires sociaux de la convention collective de l’hôtellerie-restauration ou de la location de services dans les entreprises actives dans le domaine, ainsi bien entendu que les différents services cantonaux, notamment ceux chargés de la surveillance du marché du travail. Après des années d’inactivité et de laisser faire dans la branche, nous estimons que le droit doit s’appliquer, à la suite de la décision du Tribunal fédéral de qualifier les activités de Uber Eats, notamment, comme des activités salariées. Pour ce faire, nous invitons le Conseil d’Etat à la convocation d’une table ronde afin de réunir tous les acteurs et de répartir les compétences de contrôle qui leur échoient.

Notre texte évoque quelques acteurs à réunir. Nous proposons que le débat, lors de la prise en considération, puisse affiner les pourtours de la convocation de ces acteurs. Nous espérons que vous ferez bon accueil à ce postulat qui a aussi été cosigné par notre collègue Gilles Meystre, preuve que cette préoccupation ne touche pas uniquement le monde salarié, mais aussi le monde patronal.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Le postulat, cosigné par au moins 20 membres, est renvoyé à l’examen d’une commission.

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